LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. B... Z... ,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2017, qui, pour escroqueries en récidive, et détention de faux document administratif, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, à l'interdiction définitive du territoire, et a ordonné une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires ampliatif et personnels produits ;
Sur les moyens de cassation, proposés dans le mémoire personnel déposé le 30 juin 2017, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur les moyens de cassation, proposés dans le mémoire personnel déposé le 30 juin 2017, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale, 121-4 et 313-1 du code pénal ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile et professionnelle Waquet-Farge-Hazan, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 111-1, 132-1, 132-19, 132-24, 313-1, 313-7, 313-8, 441-1, 441-2, 441-3, 441-10, 441-11 du code pénal, des articles 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation de la peine, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. Z... coupable d'escroquerie en récidive, de tentative d'escroquerie en récidive et de détention de faux document administratif, l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement et a prononcé à son encontre une interdiction définitive du territoire français ;
"aux motifs que M. B... Z... , âgé de 42 ans, est de nationalité camerounaise ; qu'il déclare être en France depuis 2004, il déclare qu'il a deux enfants au Cameroun, qu'il vit en concubinage en France avec Marlène A... et qu'il est père de deux autres enfants X..., née le [...] et Y..., née le [...] , de ses relations avec cette femme ; que l'extrait de l'acte de naissance qu'il produit pour X... ne mentionne pas le nom du père ; que seul l'acte de naissance de Y... mentionne le nom d'B... Z... ; qu'il déclare être sans profession et avoir pour uniques ressources mensuelles le RSA (environ 400 euros) ; qu'il déclarait avoir travaillé comme intérimaire dans le secteur de la sécurité mais n'en produit aucune preuve ; qu'il disait que son titre de séjour était échu depuis novembre 2016 ; que son avocat fait valoir à l'audience qu'il bénéficiait du droit d'asile mais aucune décision lui accordant le statut de réfugié ni même aucune preuve d'une demande déposée en sens par M. B... Z... n'est produite ; que le prévenu fait également état de la présence en France de son père malade mais il avait déclaré qu'il avait deux soeurs qui vivaient en Alsace ; qu'il n'est pas démontré qu'il avait la charge effective de son père ; que son casier judiciaire mentionne sept condamnations prononcées à son encontre depuis 2008 sous sept identités différentes pour circulation sans assurance, sans permis (quatre condamnations) escroquerie et tentative d'escroquerie, à savoir trois condamnations :
- le 10 juin 2010 par le tribunal correctionnel de Strasbourg à un an et six mois d'emprisonnement dont un an avec pour des faits de courant mai 2007 à courant août 2008 ;
- le 28 juillet 2010 par le tribunal correctionnel de Dijon à six mois d'emprisonnement dont trois mois avec sursis pour des faits des 25 avril et 5 juin 2010 (la partie ferme de cette peine d'emprisonnement a été convertie le 5 janvier 2012 en six mois d'emprisonnement assorti d'un sursis avec obligation d'effectuer un travail d'intérêt général de 90 heures) ;
- le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Strasbourg à huit mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour des faits du 18 juin 2013 (récidive d'escroquerie), ce délai d'épreuve ayant été prolongé pour un an le 13 octobre 2016 ; que cette condamnation définitive à la date des faits constitue le premier terme de la récidive visée à la prévention ; que le 16 avril 2015 le juge de l'application des peines de Strasbourg a ordonné la conversion d'une peine de quatre mois d'emprisonnement prononcée le 5 mai 2014 pour défaut de permis en quatre mois d'emprisonnement assorti d'un sursis avec obligation d'exécuter un travail d'intérêt général de 210 heures, qui reste à exécuter (ce sursis a été révoqué à hauteur de deux mois par arrêt du 29 décembre 2015 par cette cour) ; M. B... Z... a été incarcéré six mois en 2010 puis entre le 25 octobre 2015 et le 25 février 2016 ; qu'à la date des faits, il faisait l'objet d'une mesure de mise à l'épreuve et de l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général ; que dans un rapport du 12 décembre 2016, le juge de l'application des peines précise que M. B... Z... n'a pas respecté ses obligations d'indemnisation des victimes dans le cadre des trois condamnations, n'a pas respecté des convocations après sa libération et émettait un avis favorable à la révocation totale du sursis assorti d'une mise à l'épreuve avec ordre d'incarcération provisoire assortissant la peine d'emprisonnement de huit mois prononcée le 11 février 2014 ; qu'avant la commission de ces délits, dont le premier, a porté sur une somme conséquente, le prévenu avait reçu de sérieux et récents avertissements judiciaires et fait l'objet de sanctions de diverse nature ; qu'il n'en a tiré aucun enseignement et a persévéré dans un même comportement, se trouve en état de double récidive s'agissant des escroqueries ou tentative d'escroquerie et a commis un autre délit pour favoriser les premiers ; qu'en dernier recours, il a effectivement lieu de prononcer à son encontre une peine d'emprisonnement ferme, toute autre sanction apparaissant comme inadéquate et susceptible d'être perçue par le prévenu comme une absence de réelle sanction ; que le quantum de deux années d'emprisonnement est adapté aux circonstances des infractions et à la personnalité du prévenu ; que de même, compte tenu de la récidive observée au cours du délai d'épreuve, la révocation de la totalité du sursis avec mise à l'épreuve est parfaitement justifiée ;
"1°) alors qu'en matière correctionnelle toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée et proportionnée à l'infraction commise ; que la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en confirmant la peine d'emprisonnement ferme prononcée contre M. Z..., en se bornant au seul examen de son casier judiciaire, sans référence aux circonstances particulières de l'infraction poursuivie ni à la situation familiale et personnelle du prévenu, la cour n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 132-1 du code pénal ;
"2°) alors qu'en matière correctionnelle une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que lorsque la juridiction prononce une peine d'emprisonnement sans sursis, elle doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement ferme à l'encontre de M. Z..., qui faisait valoir qu'il a la charge de ses deux enfants âgées de cinq ans et deux mois, et de son père gravement malade, sans expliquer en quoi une autre mesure serait adéquate, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-19 du code pénal" ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné M. Z... à la peine de deux ans d'emprisonnement, l'arrêt énonce que le prévenu, qui est de nationalité camerounaise, qui vit en France depuis 2004 et est père de deux enfants demeurant Cameroun, vit en concubinage avec Mme Marlène A... avec laquelle il a eu deux enfants, l'acte de naissance de l'aînée ne mentionnant d'ailleurs pas le nom du père et que l'intéressé, qui déclare être sans profession et avoir pour unique ressource le RSA, a indiqué que son titre de séjour était échu depuis novembre 2016 ; que les juges relèvent que l'intéressé a fait état du mauvais état de santé de son père sans démontrer qu'il avait la charge de celui-ci, et que son avocat, qui faisait valoir qu'il bénéficiait du droit d'asile, ne produit aucune décision lui accordant le statut de réfugié ni même aucune preuve d'une demande déposée en ce sens par son client ; qu'ils constatent également que sept condamnations, qu'ils détaillent en relevant que le prévenu a utilisé sept identités différentes, figurent à son casier judiciaire, trois d'entre elles concernant des faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ; que la cour, après avoir relevé qu'elle a déjà révoqué un sursis dont bénéficiait M. Z... par arrêt du 29 décembre 2015 et que celui-ci, qui a été incarcéré six mois en 2010 puis entre le 25 octobre 2015 et le 25 février 2016, faisait l'objet, à la date des faits, d'une mesure de mise à l'épreuve et d'une obligation d'effectuer un travail d'intérêt général le 16 avril 2015, constate que le juge de l'application des peines de Strasbourg, dans un rapport du 12 décembre 2016, précise que l'intéressé n'a pas respecté ses obligations d'indemnisation des victimes dans le cadre des trois condamnations, non plus que les convocations qui lui ont été adressées après sa libération, et émet un avis favorable à la révocation totale du sursis avec mise à l'épreuve assortissant la peine d'emprisonnement de huit mois prononcée le 11 février 2014 ; que de plus, l'arrêt énonce qu'avant la commission des faits objets de la prévention, qui portent sur une somme importante, le prévenu avait reçu de sérieux et récents avertissements judiciaires et fait l'objet de sanctions de diverses natures dont il n'a tiré aucun enseignement ; qu'ayant persévéré dans le même comportement, il se trouve en état de double récidive et qu'il y a lieu de prononcer à son encontre une peine d'emprisonnement ferme, toute autre peine apparaissant comme inadéquate et susceptible d'être perçue par le prévenu comme une absence réelle de sanction ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui répondent aux exigences de l'article 132-19 du code pénal , la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile et professionnelle Waquet-Farge-Hazan, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-30, 131-30-1, 131-30-2, 132-1, 313-1, 313-7, 313-8, 441-1, 441-2, 441-3, 441-10, 441-11 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a prononcé à l'encontre de M. Z... la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français ;
"aux motifs qu'il y a lieu également de confirmer la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire national prononcée à l'encontre de M. B... Z... qui a commis depuis 2007 plus d'une dizaine d'infractions de nature distincte sur le sol français lui ayant valu huit condamnations successives avec la présente décision, qui a détenu frauduleusement un faux passeport et qui ne justifie pas avoir en France de réelle insertion professionnelle ;
"1°) alors qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 131-30 et 131-30-1 du code pénal que le juge pénal ne peut prononcer la peine d'interdiction du territoire français à l'égard d'un condamné étranger père d'un enfant mineur français résidant en France que par une décision spécialement motivée au regard tant de la gravité de l'infraction que de la situation personnelle et familiale de l'étranger ; qu'en l'espèce, M. Z... avait invoqué devant la cour d'appel les circonstances particulières visées à l'article 131-30-1 du code pénal puisque l'arrêt relève qu'à l'audience le prévenu avait fait valoir qu'il est père de deux enfants mineures nées en France dont il a la charge et qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans étant titulaire d'une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu l'exigence de motivation spéciale prescrite par l'article 131-30-1 du code pénal ;
"2°) alors que le juge répressif ne peut prononcer la peine d'interdiction du territoire français sans que le prévenu, présent ou représenté à l'audience, ait pu faire valoir ses observations sur sa situation au regard des articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ; qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt attaqué ni de les notes d'audience que le prévenu, présent à l'audience, aurait pu présenter ses observations sur sa situation personnelle et familiale au regard de ces dispositions avant d'être condamné à une peine d'interdiction du territoire ; que la cour d'appel a ce faisant privé sa décision de base légale et méconnu le principe du contradictoire" ;
Sur le moyen de cassation, proposé dans le mémoire personnel déposé le 28 mars 2017, pris de la violation des articles 131-30 et 131-30-1, 4° du code pénal ;
Sur le moyen de cassation, proposé dans le mémoire personnel déposé le 30 juin 2017, pris de la violation des articles 131-30 et 131-30-1, 4° du code pénal ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que le prévenu, condamné à l'interdiction définitive du territoire français en première instance, dès lors qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué ou des notes d'audience qu'il a invoqué, devant la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe du contradictoire, se trouver dans un des cas prévus par les articles 131-30-1 ou 131-30-2 du code pénal, ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir confirmé cette peine ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un mars deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.