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21/03/2018 | FRANCE | N°17-12602

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 mars 2018, 17-12602


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Denis, 31 janvier 2017), que par lettre recommandée du 14 octobre 2016 reçue le 19 octobre suivant, le syndicat F3C CFDT (le syndicat) a désigné M. Y... en qualité de représentant de la section syndicale au sein de la Société commerciale de télécommunication (SCT) ; que la SCT a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette désignation ;

Attendu que le salarié et le syndicat font grief au j

ugement d'annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de la se...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Denis, 31 janvier 2017), que par lettre recommandée du 14 octobre 2016 reçue le 19 octobre suivant, le syndicat F3C CFDT (le syndicat) a désigné M. Y... en qualité de représentant de la section syndicale au sein de la Société commerciale de télécommunication (SCT) ; que la SCT a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette désignation ;

Attendu que le salarié et le syndicat font grief au jugement d'annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de la section syndicale au sein de la SCT et de les débouter de leur demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'absence de délégation d'autorité établie par écrit permettant de l'assimiler au chef d'entreprise, un salarié ne peut être exclu du droit d'être désigné en qualité de représentant de section syndicale ; que pour annuler la désignation de M. Y... en qualité de représentant de section syndicale, le tribunal a retenu que son contrat de travail prévoit que le salarié occupe la fonction de directeur d'agence et que ses attributions sont notamment « (...) manager, former et recruter l'équipe commerciale, prendre les sanctions adéquates en lien avec la direction juridique, (...) recruter et anticiper les besoins en ressources commerciales (...) » ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser que le salarié détenait une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

2°/ que le salarié ne peut être exclu du droit d'être désigné en qualité de représentant de section syndicale au seul motif qu'il dispose d'une délégation de pouvoirs écrite : seule une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise est susceptible de le priver de ce droit ; que pour annuler la désignation de M Y..., le tribunal a retenu que figurait en annexe à son contrat de travail une subdélégation de pouvoirs du directeur commercial mentionnant qu'il appartenait à M. Y... « par subdélégation de [ses] propres pouvoirs reçus au titre d'une délégation de pouvoirs du Président de la société SCT Telecom (...) d'assurer les missions et obligations dans les domaines suivants (...) » ; qu'en statuant sans préciser les termes de ladite subdélégation et donc en se déterminant par des motifs impropres à caractériser que le salarié détenait une délégation écrite particulière d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

3°/ que le salarié qui, en application d'une délégation de pouvoirs, participe uniquement au processus de recrutement d'autres salariés, sans disposer du pouvoir de décision en matière d'embauche, n'est pas détenteur d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise ; que pour annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de section syndicale, le tribunal a retenu qu'il « effectue directement des recherches de candidats, fait passer des entretiens de recrutement sur propositions de curriculum vitae effectuées par la direction des ressources humaines et décide des candidats à sélectionner et à rencontrer en entretien ; ainsi son rôle concret lors du processus de recrutement et conformément à sa délégation de pouvoirs est établi » ; qu'en statuant comme il l'a fait quand la seule participation de M. Y... au processus de recrutement de salariés ne permettait pas de l'assimiler au chef d'entreprise, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

4°/ que seul le salarié disposant d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise peut être privé du droit d'être désigné en qualité de représentant de section syndicale ; que le tribunal a retenu que le salarié avait signé deux lettres de rupture de périodes d'essai et avait assurer un entretien préalable ; qu'en statuant comme il l'a fait quand, en application de la subdélégation écrite, le salarié ne disposait d'aucun pouvoir de décision en matière d'embauche, de rupture des contrats de travail et dans le domaine disciplinaire et que le fait de signer une lettre de rupture de période d'essai et d'assurer à titre exceptionnel un entretien préalable ne permettaient pas de l'assimiler au chef d'entreprise, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

Mais attendu que ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ;

Et attendu qu'ayant constaté qu'en sa qualité de directeur d'agence, le salarié dispose d'une délégation écrite d'autorité, expressément acceptée, et qu'il signe les lettres de rupture des contrats de travail durant les périodes d'essai et a conduit seul un entretien préalable à un licenciement, faisant ainsi ressortir qu'il exerçait le pouvoir disciplinaire au sein de l'agence, le tribunal en a déduit à bon droit qu'il ne pouvait exercer au sein de l'entreprise un mandat de représentation des salariés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y... et le syndicat F3C CFDT

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR a annulé la désignation de Monsieur Samir Y... en qualité de représentant de la section syndicale du syndicat F3C CFDT au sein de la Société Commerciale de Telecommunication et débouté Monsieur Samir Y... et le syndicat F3C CFDT de leur demande de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 2142-1-2 du code du travail précise que les dispositions des articles L. 2143-1 et L. 2143-2 relatives aux conditions de désignation du délégué syndical, celles des articles L. 2143-7 à L. 2143-10 et des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 2143-11 relatives à la publicité, à la contestation, à l'exercice et à la suppression de son mandat et celles du livre IV de la présente partie relatives à la protection des délégués syndicaux sont applicables au représentant de la section syndicale ; de plus, le salarié qui dispose d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise ne peut être désigné en qualité de représentant syndical, peu important que la délégation porte sur un périmètre plus restreint que celui de sa désignation ; en l'espèce, la société SCT allègue que Monsieur Samir Y... dispose d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise ; le contrat de travail signé entre la Société Commerciale de Télécommunication et Monsieur Samir Y... le 22 septembre 2014 prévoit que le salarié occupe la fonction de Directeur d'agence et que ses attributions sont notamment « (...) manager, former et recruter l'équipe commerciale, prendre les sanctions adéquates en lien avec la direction juridique, (...) recruter et anticiper les besoins en ressources commerciales (...) » ; de plus, figure en annexe 2 de ce contrat de travail une subdélégation de pouvoirs signée le 22 septembre 2014 entre Monsieur Aziz A..., Directeur commercial, et Monsieur Samir Y... dont il résulte que « compte tenu de la taille de SCT Telecom, de la diversité de ses activités et de l'autonomie dont jouit la Direction commerciale », le Directeur commercial, « n'est pas en mesure de veiller personnellement et à tout moment à la constante application, au sein de la société, de ses procédures internes et de la législation en vigueur », raison pour laquelle il appartient à Monsieur Samir Y... « par subdélégation de [ses] propres pouvoirs reçus au titre d'une délégation de pouvoirs du Président de la société SCT Telecom (...) d'assurer les missions et obligations dans les domaines suivants (...) » ; il n'est donc pas contestable que Monsieur Samir Y... dispose d'une délégation écrite d'autorité, expressément acceptée ; Monsieur Samir Y... soutient qu'en dépit de la délégation écrite dont il dispose, celle-ci ne permet pas de l'assimiler à un chef d'entreprise, d'une part car il exerce ses fonctions sur un périmètre restreint et d'autre part car il ne fait que participer au recrutement et n'est pas autonome dans l'exercice du pouvoir disciplinaire ; cependant, il ressort des mails versés aux débats que Monsieur Samir Y... effectue directement des recherches de candidats, fait passer des entretiens de recrutement sur propositions de curriculum vitae effectuées par la direction des ressources humaines et décide des candidats à sélectionner et à rencontrer en entretien ; ainsi son rôle concret lors du processus de recrutement et conformément à sa délégation de pouvoirs est établi ; en outre, il résulte des courriels des 3 juin 2016 et 3 octobre 2016 avec Madame Virginie B..., responsable des ressources humaines, et des documents joints que Monsieur Samir Y... a lui-même signé les lettres de rupture de période d'essai de Messieurs Stéphane C... le 23 mai 2016 et Walid D... le 3 octobre 2016 ; le courriel du 28 octobre 2016 adressé à Madame Virginie B... atteste également du fait qu'il a remplacé le Directeur régional, Monsieur Sébastien E..., lors d'un entretien préalable ; or, les missions d'un représentant de section syndicale exigent que son indépendance soit garantie, ce qui exclut toute proximité entre lui et l'employeur ; en conséquence, compte tenu de la délégation écrite d'autorité dont il dispose, la désignation de Monsieur Samir Y... en qualité de représentant de section syndicale sera annulée ; la demande en annulation ayant été accueillie, il n'y a pas lieu d'examiner la demande de dommages et intérêts effectuée par le syndicat F3C CFDT et Monsieur Samir Y..., qui n'était au demeurant pas motivée, et dont ces derniers seront déboutés ;

ALORS QU'en l'absence de délégation d'autorité établie par écrit permettant de l'assimiler au chef d'entreprise, un salarié ne peut être exclu du droit d'être désigné en qualité de représentant de section syndicale ; que pour annuler la désignation de Monsieur Y... en qualité de représentant de section syndicale , le tribunal a retenu que son contrat de travail prévoit que le salarié occupe la fonction de Directeur d'agence et que ses attributions sont notamment « (...) manager, former et recruter l'équipe commerciale, prendre les sanctions adéquates en lien avec la direction juridique, (...)
recruter et anticiper les besoins en ressources commerciales (...) » ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser que le salarié détenait une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

Et ALORS QUE le salarié ne peut être exclu du droit d'être désigné en qualité de représentant de section syndicale au seul motif qu'il dispose d'une délégation de pouvoirs écrite : seule une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise est susceptible de le priver de ce droit ; que pour annuler la désignation de Monsieur Y..., le tribunal a retenu que figurait en annexe à son contrat de travail une subdélégation de pouvoirs du directeur commercial mentionnant qu'il appartenait à Monsieur Samir Y... « par subdélégation de [ses] propres pouvoirs reçus au titre d'une délégation de pouvoirs du Président de la société SCT Telecom (...) d'assurer les missions et obligations dans les domaines suivants (...) » ; qu'en statuant sans préciser les termes de ladite subdélégation et donc en se déterminant par des motifs impropres à caractériser que le salarié détenait une délégation écrite particulière d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

ALORS en outre QUE le salarié qui, en application d'une délégation de pouvoirs, participe uniquement au processus de recrutement d'autres salariés, sans disposer du pouvoir de décision en matière d'embauche, n'est pas détenteur d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise ; que pour annuler la désignation du salarié en qualité de représentant de section syndicale, le tribunal a retenu qu'il « effectue directement des recherches de candidats, fait passer des entretiens de recrutement sur propositions de curriculum vitae effectuées par la direction des ressources humaines et décide des candidats à sélectionner et à rencontrer en entretien ; ainsi son rôle concret lors du processus de recrutement et conformément à sa délégation de pouvoirs est établi » ; qu'en statuant comme il l'a fait quand la seule participation de Monsieur Y... au processus de recrutement de salariés ne permettait pas de l'assimiler au chef d'entreprise, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

ALORS enfin QUE seul le salarié disposant d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise peut être privé du droit d'être désigné en qualité de représentant de section syndicale ; que le tribunal a retenu que le salarié avait signé deux lettres de rupture de périodes d'essai et avait assurer un entretien préalable ; qu'en statuant comme il l'a fait quand, en application de la subdélégation écrite, le salarié ne disposait d'aucun pouvoir de décision en matière d'embauche, de rupture des contrats de travail et dans le domaine disciplinaire et que le fait de signer une lettre de rupture de période d'essai et d'assurer à titre exceptionnel un entretien préalable ne permettaient pas de l'assimiler au chef d'entreprise, le tribunal a violé l'article L. 2142-1-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-12602
Date de la décision : 21/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Saint-Denis, 31 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 mar. 2018, pourvoi n°17-12602


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.12602
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