La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2018 | FRANCE | N°16-50060

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 mars 2018, 16-50060


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée ;

Vu l'avis émis le 11 septembre 2014 par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, estimant que la responsabilité civile professionnelle de Me Z... envers Yves Y... et son épouse (les époux Y...) n'est pas engagée ;

Vu la requête présentée, le 15 décembre 2016, par Mme X..., veuve Y... (la requérante), qui a repris l'instance après le décès de son époux ;

Attendu q

ue, le 30 janvier 2003, les époux Y... ont formé une inscription de faux contre des copies...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée ;

Vu l'avis émis le 11 septembre 2014 par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, estimant que la responsabilité civile professionnelle de Me Z... envers Yves Y... et son épouse (les époux Y...) n'est pas engagée ;

Vu la requête présentée, le 15 décembre 2016, par Mme X..., veuve Y... (la requérante), qui a repris l'instance après le décès de son époux ;

Attendu que, le 30 janvier 2003, les époux Y... ont formé une inscription de faux contre des copies exécutoires d'un acte authentique de prêt du 3 juin 1991 sur le fondement duquel la société Le Crédit lyonnais avait diligenté des poursuites de saisie immobilière ; qu'ils ont assigné cette dernière aux mêmes fins et, par une instance distincte, demandé au tribunal saisi d'enjoindre au notaire instrumentaire de produire l'original de l'acte de prêt ; que, par jugement du 17 mars 2004, le tribunal a déclaré l'inscription de faux irrecevable et, par jugement du 29 juin 2005, rejeté la demande dirigée contre le notaire ; que, par arrêt du 23 juin 2006, la cour d'appel a confirmé le jugement du 29 juin 2005 en toutes ses dispositions et, statuant sur l'appel du jugement du 17 mars 2004, rejeté la demande d'inscription de faux des époux Y... ; que ceux-ci ont saisi Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, à l'effet de se pourvoir en cassation contre l'arrêt du 23 juin 2006 ; que le pourvoi a été enregistré le 13 septembre 2006 ; que, le 4 octobre 2006, les époux Y... ont formé une demande d'aide juridictionnelle, qui a été rejetée pour ressources supérieures au plafond légal par une décision confirmée, après nouvelle délibération, le 12 février 2007 ; que, par lettre du 15 juin 2007, Me Z... a informé les époux Y... que le délai pour établir, déposer et signifier un mémoire ampliatif expirait le 15 juillet 2007, mais qu'elle n'entendait plus assurer la défense de leurs intérêts et leur a demandé de lui indiquer le confrère auquel elle devait transmettre le dossier ; que les époux Y... ont répondu par lettre du 19 juin 2007 ; que, par ordonnance du même jour, le président du bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation a rapporté la décision de rejet du 12 février 2007 et ordonné la poursuite de l'instruction de la demande des époux Y... en vue de rechercher s'il existait un moyen sérieux de cassation ; que, par lettre du 28 juin 2007, Me Z... a écrit au greffe des pourvois de la Cour de cassation pour l'informer du prononcé de l'ordonnance du 19 juin 2007 et lui indiquer qu'elle considérait que le délai de dépôt du mémoire ampliatif restait suspendu jusqu'à la date de la décision définitive du bureau d'aide juridictionnelle ; que, par décision du 6 novembre 2007, ce bureau a rejeté la demande des époux Y... pour absence de moyen sérieux et, par ordonnance du 26 novembre 2007, notifiée le 5 décembre 2007, le délégué du premier président de la Cour de cassation a rejeté le recours formé par les époux Y... contre cette décision ; que, par lettre du 16 avril 2008, Me Z... a écrit aux époux Y... pour leur rappeler qu'elle leur avait restitué le dossier et avait refusé, pour des raisons qu'elle a exposées, de l'instruire, leur indiquer qu'en conséquence, à la date du 5 mai 2008, délai ultime pour déposer un mémoire ampliatif, elle s'abstiendrait et que, si la procédure n'était reprise par aucun autre confrère, la déchéance du pourvoi interviendrait dès le lendemain ; que, par ordonnance du 10 octobre 2008, le délégué du premier président de la Cour de cassation a constaté la déchéance du pourvoi au motif qu'aucun mémoire contenant les moyens invoqués contre la décision attaquée n'avait été produit dans le délai légal ; que les époux Y... ont saisi le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation d'une requête tendant à voir dire que Me Z... avait commis une faute leur ayant causé un préjudice et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité civile professionnelle ;

Attendu que, reprochant à Me Z... de lui avoir fait perdre une chance d'obtenir la cassation de l'arrêt du 23 juin 2006, la requérante demande à la Cour de cassation de retenir la responsabilité de celle-ci et, en conséquence, de la condamner à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice financier, ainsi que celle de 30 000 euros au titre de son préjudice moral ; que Me Z... conclut au rejet de la requête ;

Attendu qu'en premier lieu, la requérante soutient que cette dernière devait veiller à ne pas laisser déchoir le pourvoi formé le 13 septembre 2006 et, à défaut de successeur choisi ou désigné d'office par le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, déposer, au moins à titre conservatoire, un mémoire ampliatif énonçant les moyens susceptibles de venir au soutien de ce pourvoi ;

Qu'en deuxième lieu, elle expose que l'avocat, d'une manière générale, doit faire toute diligence pour préserver les délais de procédure ; que le fait, pour un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de ne pas avoir déposé le mémoire ampliatif au soutien du pourvoi qu'il avait pour mandat de soutenir est fautif, quand bien même il aurait émis une consultation négative sur ses chances de succès et demandé en vain des honoraires pour le cas où, en dépit de cet avis, les demandeurs au pourvoi voudraient persister ; qu'elle ajoute que le fait qu'à deux reprises, Me Z... ait signifié son refus de continuer à les assister n'est pas exonératoire, car le droit d'être représenté est absolu, sauf le mandataire à être rémunéré par le justiciable ou indemnisé par l'aide juridictionnelle ;

Qu'en troisième lieu, elle fait valoir qu'ils devaient être avisés en temps utile de la possibilité de demander qu'il leur soit commis un avocat d'office et que Me Z... ne leur a pas signalé cette possibilité ;

Attendu, cependant, qu'après avoir formé un pourvoi en cassation, Me Z... a, par lettre du 15 juin 2007, informé les époux Y... de sa décision de ne pas poursuivre sa mission, leur a demandé de lui préciser celui de ses confrères à qui elle devait transmettre le dossier et leur a indiqué que le délai pour établir, déposer et signifier un mémoire ampliatif expirait le 15 juillet 2007 ; que, par lettre du 19 juin 2007, les époux Y... ont accusé réception de la missive du 15 juin, demandé à Me Z... d'informer le bureau d'aide juridictionnelle de sa décision, afin de voir désigner un autre avocat aux Conseils en ses lieu et place, et proposé de venir retirer l'entier dossier ; que, par lettre du 28 juin 2007, Me Z... a écrit au greffe des pourvois de la Cour de cassation pour l'informer du prononcé de l'ordonnance du 19 juin 2007, par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation avait rapporté la décision de rejet du 12 février 2007 et ordonné la poursuite de l'instruction de la demande des époux Y... en vue de rechercher s'il existait un moyen sérieux de cassation, et lui indiquer qu'elle considérait que le délai de dépôt du mémoire ampliatif restait suspendu jusqu'à la date de la décision définitive du bureau d'aide juridictionnelle ; que Me Z... a, le 16 avril 2008, rappelé aux époux Y... son refus d'instruire leur dossier, leur a précisé que le délai pour déposer un mémoire ampliatif expirait le 5 mai 2008 et a indiqué que, si la procédure n'était reprise par aucun autre avocat aux Conseils, la déchéance du pourvoi interviendrait le lendemain de ce jour ; que les époux Y... et, après le décès d'Yves Y..., la requérante ont sollicité le concours de deux autres avocats aux Conseils qui, par lettres des 19 mars et 17 avril 2008, ont indiqué ne pas accepter de prendre en charge le dossier ; que, sans être contredite par la requérante, Me Z... précise que, dans une correspondance du 28 octobre 2008, les époux Y... ont mentionné que, par lettre du 21 avril 2008, le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation avait refusé de leur désigner un avocat ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Me Z... a mis fin à sa mission avec l'accord des époux Y..., ce dont elle les a informés en temps utile pour que leurs intérêts soient sauvegardés, et qu'elle les a avisés de la sanction encourue en cas de défaut de production d'un mémoire ampliatif dans le délai légal ; que, n'étant plus chargée de leurs intérêts, elle n'était pas tenue de déposer, même à titre conservatoire, un mémoire ampliatif à l'appui du pourvoi qu'elle avait formé le 13 septembre 2006 ; qu'enfin, s'il incombait à Me Z... d'informer les époux Y... de la possibilité de saisir le président du conseil de l'ordre d'une demande de désignation d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la requérante n'est pas fondée à invoquer un préjudice résultant du non-respect de cette obligation, dès lors qu'elle-même et son époux avaient sollicité une telle désignation après le rejet de leur demande d'aide juridictionnelle et le refus de deux avocats de prendre leur dossier en charge ; qu'il s'ensuit que la responsabilité de Me Z... ne peut être retenue ;

D'où il suit que la requête ne peut être accueillie ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE la requête ;

Condamne Mme X..., veuve Y..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Me Z... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-50060
Date de la décision : 21/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet de la requête en indemnisation
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avocat aux Conseils - Représentation des parties - Mandat de représentation - Fin - Moment - Cas

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avocat aux Conseils - Représentation des parties - Fin de la mission - Effet OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avocat aux Conseils - Représentation des parties - Fin de la mission - Obligations en découlant - Information du client - Désignation d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation - Saisine du président du conseil de l'ordre - Possibilité - Cas

L'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation peut, après avoir formé un pourvoi en cassation, mettre fin à sa mission, avec l'accord de son client, pourvu qu'il informe celui-ci de sa décision en temps utile pour que ses intérêts soient sauvegardés et l'avise de la sanction encourue en cas de défaut de production d'un mémoire ampliatif dans le délai légal. N'étant plus chargé de ses intérêts, il n'est pas tenu de déposer, même à titre conservatoire, de mémoire ampliatif à l'appui du pourvoi. Il lui incombe d'informer son client de la possibilité de saisir le président du conseil de l'ordre d'une demande de désignation d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le cas où il n'obtiendrait l'accord d'aucun avocat pour l'assister


Références :

article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817, modifiée

Décision attaquée : Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation, 11 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 mar. 2018, pourvoi n°16-50060, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 55
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 55

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.50060
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award