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21/03/2018 | FRANCE | N°16-10342

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 mars 2018, 16-10342


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 312-3, 2°, et L. 137-2, devenus L. 313-2, 2°, et L. 218-2 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par actes notariés du 28 avril 2006, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont souscrit auprès de la société Lyonnaise de banque (la banque) deux prêts destinés à financer l'acquisition de deux appartements en l'état futur d'achèvement, en vue de leur location ; que, les échéances des prÃ

ªts n'étant plus honorées, la banque a fait pratiquer, le 13 juin 2013, une saisie-a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 312-3, 2°, et L. 137-2, devenus L. 313-2, 2°, et L. 218-2 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par actes notariés du 28 avril 2006, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont souscrit auprès de la société Lyonnaise de banque (la banque) deux prêts destinés à financer l'acquisition de deux appartements en l'état futur d'achèvement, en vue de leur location ; que, les échéances des prêts n'étant plus honorées, la banque a fait pratiquer, le 13 juin 2013, une saisie-attribution, contestée par les emprunteurs devant le juge de l'exécution ;

Attendu que, pour ordonner la mainlevée de cette mesure, après avoir considéré que les prêts n'avaient pas une finalité professionnelle, l'arrêt retient que les créances de la banque sont prescrites en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. X... était inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel, et que les emprunteurs avaient procédé à neuf autres opérations similaires avec le concours de différents organismes bancaires, ce dont il résultait que les prêts litigieux étaient destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Lyonnaise de banque la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Kamara, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Lyonnaise de banque

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré prescrites les créances de la société Lyonnaise de banque résultant des deux actes notariés du 28 avril 2006 et ordonné en conséquence la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 137-2 du code de la consommation, applicable à un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur et invoqué par les époux X..., prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que pour contester la qualité de consommateurs des appelants, la société Lyonnaise de banque soutient qu'ils ont souscrit les prêts litigieux du 28 avril 2006, destinés à financer l'acquisition dans une même résidence de deux appartements en l'état de futur achèvement, en qualité de loueur meublé professionnel dans le cadre d'une opération d'investissement "énorme", incompatible avec toute notion de consommation ; que ce moyen est inopérant dès lors que M. Marc-André X..., qui est médecin, s'est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meuble professionnel, selon le montage conçu et mis en oeuvre par la société Apollonia, non pas pour exercer cette activité mais dans le seul but de bénéficier avec son épouse, exerçant également la profession de médecin, des avantages fiscaux attachés à ce statut, que les baux que les époux X... ont consentis à la SARL La Pinède sur les immeubles financé afin que celle-ci en dispose pour exercer, elle-même, en les sous-louant à des tiers et pour son propre compte, une activité d'hébergement, ne caractérisent pas l'exercice d'une activité professionnelle, que le fait que les appelants aient procédé à autres opérations similaires avec le concours de différents organismes bancaires atteste simplement du caractère irréaliste du montage immobilier et financier conçu par la société Apollonia ; que les prêts n'ayant pas une finalité professionnelle, c'est à tort que le premier juge a considéré que l'article L. 137-2 du code de la consommation n'est pas applicable au litige » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il résulte de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation que sont exclus du champ d'application des dispositions de ce code relatives au crédit immobilier les prêts qui sont destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ; que la cour d'appel a constaté que M. Marc-André X..., qui est médecin, s'est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meuble professionnel, que les époux X... ont consentis à la SARL La Pinède des baux sur les immeubles financé afin que celle-ci en dispose pour exercer, elle-même, en les sous-louant à des tiers et pour son propre compte, une activité d'hébergement et que les époux X... ont procédé à 9 autres opérations similaires avec le concours de différents organismes bancaires ; qu'il se déduisait de ces constations que les prêts souscrits par les époux X... étaient destinés à financer une activité professionnelle, par laquelle étaient procurés en jouissance les immeubles acquis par eux au sein d'une résidence ; que relativement aux prêts ainsi souscrits et destinés à une activité professionnelle, les époux X... ne pouvaient donc revêtir la qualité de consommateur au sens de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; qu'en décidant cependant de faire application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, la cour d'appel a violé les articles L. 312-2 et L. 312-3, 2° du code de la consommation, ensemble l'article L. 137-2 du même code ;

2°/ALORS, d'autre part, QUE suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il résulte de l'article L. 312-3, 2° du code de la consommation que sont exclus du champ d'application des dispositions de ce code relatives au crédit immobilier les prêts qui sont destinés à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ; que la cour d'appel, pour estimer que le prêt litigieux n'avait pas une finalité professionnelle, a énoncé que M. Marc-André X..., qui est médecin, s'est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meuble professionnel, selon le montage conçu et mis en oeuvre par la société Apollonia, non pas pour exercer cette activité mais dans le seul but de bénéficier avec son épouse, exerçant également la profession de médecin, des avantages fiscaux attachés à ce statut, que les baux que les époux X... ont consentis à la SARL La Pinède sur les immeubles financé afin que celle-ci en dispose pour exercer, elle-même, en les sous-louant à des tiers et pour son propre compte, une activité d'hébergement, ne caractérisent pas l'exercice d'une activité professionnelle, que le fait que les époux X... aient procédé à 9 autres opérations similaires avec le concours de différents organismes bancaires atteste simplement du caractère irréaliste du montage immobilier et financier conçu par la société Apollonia ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il suffit que l'activité professionnelle que le prêt est destiné à financer présente un caractère accessoire à une autre activité, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

3°/ALORS, enfin, QUE suivant l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que, dans ses écritures d'appel, la Lyonnaise de banque a fait valoir (concl., n° 1-2, p. 5) que pour revêtir la qualité de consommateur, une personne doit agir dans le cadre normal de la consommation de biens et services, et que tel n'était pas le cas d'une multiplication des investissements et de leur ampleur, révélant une activité qui dépasse le cadre normal de la consommation ; qu'elle exposait ainsi que les époux X... ont inscrit leurs prêts dans le cadre d'une opération d'investissement énorme de 14 acquisitions et 11 prêts pour un total qu'ils revendiquent de 2 252 677 euros et avaient acquis grâce au prêt litigieux un bien parmi 11 et les ont tous effectivement donnés à bail commercial ; qu'elle en concluait que ces acquisitions constituent une opération incompatible avec la notion de consommation ; qu'elle ajoutait (n° 1-3, p. 6 s.) que le statut de loueur de meublé professionnel est incompatible avec la notion de consommateur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que les époux X... ne pouvaient revêtir la qualité de consommateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré prescrites les créances de la société Lyonnaise de banque résultant des deux actes notariés du 28 avril 2006 et ordonné en conséquence la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « le point de départ du délai de prescription prévu par cet article se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ; qu'il ressort de la mise en demeure adressée par le prêteur aux débiteurs par lettres recommandées du 29 juillet 2009, que le premier incident de paiement non régularisé pour le premier prêt est en date du 10 juin 2009 et pour le second prêt en date du 20 mai 2009 ; que la société Lyonnaise de banque se prévaut de l'effet interruptif des conclusions qu'elle a fait signifier le 14 avril 2010 dans le cadre de l'instance engagée à son encontre par les époux X... devant le tribunal de grande instance de Marseille qui recherchent sa responsabilité ainsi que celle des autres organismes bancaires qui leur ont consenti des prêts ; que la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 161,19 euros arrêtée au 19 novembre 2009 outre intérêts au taux conventionnel de 4,05% et ce jusqu'à parfait paiement, et de celle de 203 157,58 euros arrêtée au 19 novembre 2009 outre intérêts au taux conventionnel de 4,05% et ce jusqu'à parfait paiement, qu'elle a présentée dans cette instance, était seulement destinée selon ses propres écritures à interrompre le délai de prescription ; qu'or, en sa qualité de créancier titulaire d'un titre exécutoire notarié dont elle revendique la validité et ayant pour seule volonté d'interrompre le délai de prescription, l'intimée se devait non pas de présenter une telle demande mais d'engager une mesure conservatoire ou une mesure d'exécution forcée ; que les conclusions en cause sont donc dépourvues de tout effet interruptif de prescription ; que la saisie-attribution litigieuse n'ayant été précédée d'aucun acte interruptif de prescription et ayant été pratiquée pour chacun des deux prêts plus deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, les créances de la société Lyonnaise de banque seront par voie d'infirmation déclarées prescrites ; que, par voie de conséquence, la mainlevée de la saisie sera également ordonnée » ;

1°/ALORS, d'une part, QU'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; que, pour déclarer prescrite l'action de la Lyonnaise de banque, la cour d'appel a énoncé que le point de départ du délai de prescription se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé et qu'il ressort de la mise en demeure adressée par le prêteur aux débiteurs par lettres recommandées du 29 juillet 2009, que le premier incident de paiement non régularisé pour le premier prêt est en date du 10 juin 2009 et pour le second prêt en date du 20 mai 2009; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la Lyonnaise de banque n'avait pas exercé une action en paiement du capital restant dû, de sorte que la prescription avait commencé à courir à compter de la déchéance du terme de chacun des deux prêts, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation et les articles 2224 et 2233 du code civil ;

2°/ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE suivant l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance ; que, pour refuser de faire produire à la demande reconventionnelle de la Lyonnaise de banque, tendant au paiement de sa créance, son effet interruptif de prescription, la cour d'appel a énoncé que la demande reconventionnelle de la banque présentée au cours de l'instance devant le tribunal de grande instance de Marseille était seulement destinée à interrompre le délai de prescription et que, dans ces conditions et en sa qualité de créancier titulaire d'un titre exécutoire notarié, la banque ne pouvait interrompre le délai de prescription que par l'engagement d'une mesure conservatoire ou d'une mesure d'exécution forcée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 4 du code civil et l'article 31 du code de procédure civile ;

3°/ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans faire ressortir en quoi la demande dont elle était saisie par la Lyonnaise de banque n'aurait pas tendu au même but que sa demande reconventionnelle du 14 avril 2010, devant le tribunal de grande instance de Marseille et n'y aurait pas été virtuellement comprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-10342
Date de la décision : 21/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 mar. 2018, pourvoi n°16-10342


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.10342
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