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21/03/2018 | FRANCE | N°15-27213

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2018, 15-27213


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... était gérant de la société UTV, laquelle a été mise en liquidation judiciaire le 3 avril 2009 ; que, le 27 mars 2009, il a créé la société Deso 29, laquelle a recouru aux services de M. X..., expert-comptable ; qu'il a quitté la gérance de cette société et a cédé ses parts le 1er juillet 2009 ; qu'un ancien salarié de la société UTV, se prévalant de ce que l'activité de cette société avait été transférée à la société Deso 29 sans que son cont

rat de travail ne fût poursuivi avec celle-ci, a obtenu d'une juridiction prud'homale ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... était gérant de la société UTV, laquelle a été mise en liquidation judiciaire le 3 avril 2009 ; que, le 27 mars 2009, il a créé la société Deso 29, laquelle a recouru aux services de M. X..., expert-comptable ; qu'il a quitté la gérance de cette société et a cédé ses parts le 1er juillet 2009 ; qu'un ancien salarié de la société UTV, se prévalant de ce que l'activité de cette société avait été transférée à la société Deso 29 sans que son contrat de travail ne fût poursuivi avec celle-ci, a obtenu d'une juridiction prud'homale la condamnation de la société Deso 29 à l'indemniser ; qu'estimant que cette condamnation résultait d'un manquement de M. X... à son devoir de conseil et d'une faute de M. Z..., en sa qualité de gérant, la société Deso 29 les a assignés en réparation ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu que pour retenir la responsabilité de M. X..., l'arrêt retient que celui-ci ne conteste pas avoir été l'expert-comptable de la société UTV et avoir été informé du transfert économique effectué entre les deux sociétés à l'initiative de M. Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du seul silence opposé à sa demande par la partie adverse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X..., in solidum avec M. Z..., à payer à M. Y..., en qualité de liquidateur de la société Deso 29, la somme de 88 709,29 euros au titre de la perte de chance subie par cette société ainsi qu'à supporter une partie des dépens et à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. Z... et M. Y..., en qualité de liquidateur de la société Deso 29, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à M. X... la somme de 1 500 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. X..., in solidum avec M. Bernard Z..., à payer à Maitre Y..., es-qualités, la somme de 88.709,29 € au titre de la perte de chance subie par la société DESO 29 outre une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- AU MOTIF QUE sur la responsabilité de l'expert-comptable : L'expert-comptable est tenu à l'égard des clients auprès desquels il exerce sa mission d'une obligation de conseil dont l'étendue est fixée de manière contractuelle. Il doit aussi les mettre en garde contre d'éventuelles irrégularités qu'il décèlerait à partir des éléments dont il dispose dans l'exercice de sa mission. Dans cette instance, aucune lettre de mission n'a été communiquée, M. X... n'ayant pas répondu à l'injonction qui lui a été faite par sommation du 31 mai 2013. En revanche, est communiquée aux débats une note d'honoraires de M. X... en date du 7 juillet 2009 établie au nom de la société DESO 29, faisant mention d'interventions sociales et de conseils en la matière et de contrôle des bulletins de paie et modification. Si comme le soutient M. X... cette seule note ne constitue pas la preuve qu'il ait exercé une mission analogue auprès de la société UTV, en revanche, il ne conteste pas qu'il était l'expert-comptable de cette même société et qu'il n'a pas pu ignorer le transfert économique d'activité effectué entre les deux sociétés sur l'initiative de M. Z..., leur gérant. C'est ainsi notamment qu'il a participé à l'élaboration de l'acte sous seing privé du 1er juillet 2009 portant cession de parts sociales de la société DESO 29 par M. Bernard Z... à M. C... au prix de 250 €. Si M. X... conteste avoir participé à l'élaboration des statuts de la société DESO 29, il n'en demeure pas moins que la continuité de l'exercice de sa mission, avant comme après le transfert d'activité, démontre qu'il avait connaissance des contrats salariaux de l'une et l'autre des deux sociétés et qu'il devait mettre en garde les cogérants, dont M. Z..., jusqu'au 1er juillet 2009, date à laquelle il a démissionné de ses fonctions, contre les risques légaux qu'il faisait encourir à la société au regard de l'obligation de transfert des contrats salariaux en cours. Ne justifiant pas avoir procédé à cette mise en garde, M. X... voit sa responsabilité engagée et le jugement sera infirmé de ce chef. Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité pour faute du gérant, M. Z... pour non-respect des obligations légales d'ordre public social puisqu'en omettant de remplir les obligations de la société dont il avait la gestion, il a commis une faute de gestion dont il doit répondre des conséquences à l'égard de la société DESO 29 dont il était le gérant jusqu'au 1er juillet 2009. - Sur le préjudice de la société DESO 29 : La société DESO 29 a été condamnée à indemniser quatre salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse, MM. Roland D..., Martial E..., Raynald E... et Claude F... à concurrence totale de 93.378,21 6. Le paiement de ces indemnités ainsi que les frais de procédure supportés à concurrence de 10.000 € sont directement imputables à la faute de gestion de M. Z... qui doit ainsi être condamné au paiement de ces sommes, le jugement étant confirmé de ce chef. En revanche, n'ayant pas été mise en garde par son expert-comptable, la société DESO 29 a seulement perdu une chance de ne pas se mettre en conformité avec la législation sociale. Compte tenu des sanctions importantes encourues, il peut en être déduit que cette perte de chance est élevée et M. X... sera ainsi condamné à supporter la condamnation prononcée à concurrence de 95 %, soit (93.378,21 € : 100) x 95 = 88.309,29 €.

- ALORS QUE D'UNE PART l'article 1315 du code civil impose à celui qui se prévaut d'une obligation d'en rapporter la preuve ; que pour retenir la responsabilité de M. X..., expert-comptable, pour méconnaissance de son obligation de mise en garde, la cour d'appel a reproché à M. X... de n'avoir communiqué aucune lettre de mission malgré l'injonction qui lui en avait été faite par sommation du 31 mai 2013 alors qu'il appartenait à Maître Y..., es-qualités, qui recherchait la responsabilité professionnelle de M. X... ou à M. Bernard Z..., qui sollicitait la condamnation solidaire de ce dernier, de rapporter la preuve que celui-ci était l'expert-comptable de la société UTV et qu'il avait participé à l'élaboration des statuts de la société DESO 29 créée le 27 mars 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;

- ALORS QU'EN toute hypothèse, en mettant à la charge de M. X... la preuve qu'il aurait été l'expert-comptable de la société UTV et qu'il aurait participé à la constitution de la société DESO 29 crée le 27 mars 2009, la cour d'appel a mis à sa charge une preuve impossible à rapporter en violation de l'article 1315 du code civil ;

- ALORS QUE DE TROISIEME PART l'article 1315 du code civil, impose à celui qui se prévaut d'une obligation d'en rapporter la preuve. que le simple silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas en lui-même, reconnaissance de ce fait ; qu'en décidant, pour retenir la responsabilité professionnelle de M. X..., que ce dernier ne contestait pas avoir été l'expert-comptable de la société UTV et qu'il n'avait pu ignorer le transfert économique d'activité effectué entre la société UTV et la société DESO 29 sur l'initiative de M. Z..., gérant, tout en reconnaissant que la seule note d'honoraire du 7 juillet 2009 établie au nom de la société DESO 29, qui avait été constituée le 27 mars 2009, faisant mention d'interventions sociales et de conseils en la matière et de contrôle des bulletins de paie et modification ne constituait pas la preuve qu'il ait exercé une mission analogue auprès de la société UTV, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

- ALORS QUE DE QUATRIEME PART en déduisant la continuité de l'activité de l'exercice de la mission d'expert-comptable de M. X... avant comme après le transfert d'activité de la société UTV à la société DESO 29 d'une seule note d'honoraire émise par M. X... en date du 7 juillet 2009, et donc très tardive par rapport à la date de la constitution de la société DESO 29 en date du 27 mars 2009, et de la participation de M. X... à l'élaboration de l'acte sous seing privé du 1er juillet 2009 portant cession de parts sociales de la société DESO 29 à l'exclusion de tout autre document antérieur au 7 juillet 2009 tel que lettre de mission, notes d'honoraires, compte rendus de mission élaborés par M. X... et relatifs à sa prétendue mission d'expert-comptable auprès de la société UTV ou à la constitution de la société DESO 29 créée le 27 mars 2009, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-27213
Date de la décision : 21/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 22 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 mar. 2018, pourvoi n°15-27213


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Le Bret-Desaché, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.27213
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