LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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M. X... Y...,
Mme Pauline Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES,11e chambre, en date du 2 février 2017, qui, pour, fraude ou fausse déclaration pour obtenir des prestations sociales indues, recel, complicité d'escroquerie et tentative et exécution d'un travail dissimulé, a condamné le premier, à deux ans d'emprisonnement et, pour fraude ou fausse déclaration pour obtenir des prestations sociales indues et recel, la seconde, à neuf mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller INGALL-MONTAGNIER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur les premier, deuxième, troisième, et sixième moyens de cassation :
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... Y... coupable de fraude aux prestations sociales et l'a condamné à payer à la Caisse d'allocations familiales du Loiret la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que, s'agissant de la fraude aux prestations sociales, il est constant que les textes visés dans la prévention ont été abrogés et que la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 a supprimé les incriminations spéciales relatives aux fraudes aux prestations sociales en les recentrant sur deux infractions : l'escroquerie aggravée et la déclaration fausse ou incomplète prévue désormais par l'article 441-6 du code pénal ; que, toutefois, la cour n'est pas tenue par la qualification donnée par la prévention et les nouvelles dispositions de l'article 441-6 du code pénal peuvent servir de fondement à la répression, dès lors qu'elles incriminent des faits qui étaient déjà incriminés lors de leur commission ; que les faits reprochés à M. X... Y... d'avoir à l'aide de manoeuvres frauduleuses ou de fausses déclarations, obtenu indûment de la caisse d'allocations familiales des prestations sociales sont bien toujours incriminés par l'article 441-6 du code pénal même s'il convient de faire application de la pénalité moins sévère, peine d'amende, prévue au moment de la commission des faits ; que la Caisse d'allocations familiales du Loiret a versé à Mme Pauline Z... du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2007 des prestations liées à une situation déclarée de parent isolé ou à des conditions de ressources pour l'allocation de rentrée scolaire ; que les éléments du dossier révèlent que M. X... Y... et Mme Pauline Z..., bien que divorcés en septembre 2005, vivaient toujours ensemble puisqu'ils ont été interpellés alors qu'ils étaient en vacances avec leurs enfants dans une caravane à [...] , Mme Pauline Z... étant d'ailleurs enceinte de M. X... Y... au moment de son interpellation ; que, dans les conclusions déposées à l'audience, il est invoqué une prescription antérieurement au 1er août 2002, ce qui ne correspond pas à la période de prévention ; qu'en tout état de cause, en matière de fraude aux prestations sociales, la prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à compter de la perception de la dernière prestation indûment perçue ; qu'au vu de l'ensemble des actes d'instruction (ouverture d'une instruction en décembre 2005, interrogatoires en 2006, 2007, 2008, ordonnances du juge d'instruction sur les restitutions en décembre 2008 et octobre 2011, ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel le 2 août 2012, jugement le 24 mars 2014), l'infraction n'est pas prescrite ; qu'il est donc constant que le couple a profité de prestations sociales, d'un montant total de 10 386,24 euros, obtenues par de fausses déclarations tant sur la qualité de parent isolé de Mme Pauline Z... que sur son niveau de ressources puisque l'ensemble des revenus occultes de M. X... Y... provenant du négoce automobile n'était pas déclaré ; que l'infraction est donc constituée ;
"alors que les juges correctionnels ne peuvent, sans méconnaître le sens et la portée de l'article 388 du code de procédure civile et le principe du procès équitable et, ce faisant, excéder leurs pouvoirs, appliquer aux faits qui leur sont soumis une qualification différente de celle qui résulte de la prévention sans avoir préalablement mis en mesure le prévenu de s'expliquer sur cette nouvelle qualification ; qu'en retenant en l'espèce qu'elle n'était pas tenue par la qualification donnée par la prévention et que les nouvelles dispositions de l'article 441-6 du code pénal pouvaient servir de fondement à la répression, sans mettre le prévenu en mesure de s'expliquer, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour condamner M. X... Y... pour fraude aux prestations sociales, l'arrêt énonce que les faits reprochés sont toujours incriminés par l'article 441-6 du code pénal même s'il convient de faire application de la pénalité moins sévère, peine d'amende, prévue au moment de la commission des faits ;
Attendu qu'en statuant ainsi et dès lors qu'il résulte des notes d'audience du 30 novembre 2016 que M. X... Y... a déclaré s'en rapporter sur la fraude aux prestations sociales, d'où il se déduit que la qualification des faits était dans le débat, la cour d'appel a justifié sa décision;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-3, 132-1, 132-19 et 132-26-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... Y... à deux ans d'emprisonnement ferme ;
"aux motifs que M. X... Y... a vécu de 2003 à 2006 du produit de ses actes délictueux relatifs au négoce de véhicules et commis de manière habituelle puisqu'il n'avait pas d'autre activité dont la réalité serait justifiée et qu'il reconnaît a minima avoir obtenu ainsi un revenu mensuel de l'ordre de 2 000 euros ; qu'il a également participé aux escroqueries commises par M. Christophe B... et a profité de celles-ci puisqu'il était en possession au moment de son interpellation d'un camping-car et d'un véhicule Mercedes ainsi obtenus ; que M. Christophe B... le décrit comme étant, avec M. Charles Y... dit F..., celui qui trafiquait le plus ; que ces infractions ont généré des flux financiers importants échappant à tout contrôle et un enrichissement certain que M. X... Y... s'est employé à dissimuler ; que lors de l'interpellation de l'intéressé, était trouvée la somme de 2 800 euros dans le sac à mains de Mme Pauline Z... et 178 bijoux pour la quasi-totalité en or et pour la plupart comportant des pierres précieuses dont la propriété est revendiquée par Mme Pauline Z... sans que ne soit fourni aucun justificatif ; que le couple possédait un patrimoine immobilier puisque l'immeuble sis [...] acquis au nom de Blanche Y... se révélait la propriété de M. X... Y... ; qu'un terrain à [...] (45) était acquis avec d'autres membres de la famille ; qu'en 2003, Mme Pauline Z... faisait donation à sa fille Christelle Y..., d'une maison dont elle était propriétaire à [...] (45) pour une valeur déclarée de 18 294 euros ; qu'enfin, X... Y... n'a pas contesté devant les premiers juges l'acquisition de terrains dans le sud-est de la France et notamment dans le Var ; que MM. Sébastien C..., Jean D... et Jean-Luc E..., qui ont travaillé sans être déclarés sur le chantier de la maison de M. X... Y... à [...] , ont déclaré que les bénéfices que ce dernier tirait de la vente de véhicules étaient injectés dans la construction de sa maison ; que le casier judiciaire de M. X... Y... mentionne six condamnations ; qu'il avait au moment des faits déjà été condamné notamment le 16 mars 2004 par le tribunal correctionnel d'Orléans à la peine de quatre années d'emprisonnement dont trois ans assortis d'un sursis pour des faits de proxénétisme aggravé et tenue ou financement d'un établissement de prostitution ; que M. X... Y... a également été condamné le 17 novembre 2009 à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'exécution d'un travail dissimulé et blanchiment aggravé commis de janvier 1999 au 4 novembre 2003, ce qui témoigne d'un ancrage certain dans la délinquance ; que M. X... Y... vit toujours avec Mme Pauline Z... ; que le couple a eu quatre enfants ; que M. X... Y... déclare avoir ouvert une société de négoce automobile dont sa compagne est la directrice et travailler désormais de manière déclarée et contrôlée par un expert-comptable ; qu'il indique percevoir environ 2 000 euros par mois et sa compagne 3 000 par mois ; qu'aucune pièce n'est versée aux débats pour attester de la réalité de ces déclarations ; qu'il apparaît au vu de ces éléments que la peine prononcée par les premiers juges, à savoir deux années d'emprisonnement, est justifiée comme étant en adéquation avec la personnalité du prévenu, qui a déjà été condamné, ainsi qu'avec la nature et la gravité des faits qui ont perduré sur une longue période et ont généré des profits très importants, toute autre sanction étant inadaptée ; que la décision entreprise sera donc également confirmée sur la peine ; que M. X... Y... n'a versé aux débats aucune pièce justifiant de son activité professionnelle et permettant d'apprécier son implication dans une démarche d'insertion ; qu'il ne peut donc être décidé en l'état d'un aménagement de peine ;
"1°) alors que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; qu'ainsi, la condition du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction est une question distincte de celle de la gravité de l'infraction, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale, sur laquelle le juge doit s'expliquer par des motifs suffisants au regard des dispositions du code pénal et notamment, de l'article 131-3 relatif aux peines correctionnelles encourues par les personnes physiques ; qu'en omettant de motiver spécialement sa décision quant au caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction que l'emprisonnement ferme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2°) alors qu'en s'abstenant de rechercher si l'exercice, invoqué par M. X... Y... d'une activité de négoce automobile déclarée et contrôlée par un expert-comptable ne constituait pas un effort sérieux de réadaptation sociale justifiant l'exécution de sa peine sous le régime du placement sous surveillance électronique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-19 et 132-26-1 du code pénal ;
"3°) alors que la cour d'appel, qui ne relevait dans sa décision aucune impossibilité matérielle de placer M. X... Y... sous surveillance électronique, ne pouvait omettre de rechercher si les conditions de son placement sous ce régime n'étaient pas réunies" ;
Attendu que, pour condamner le prévenu à deux ans d'emprisonnement et refuser d'aménager la peine d'emprisonnement ainsi prononcée , l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mars deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.