LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, le 25 octobre 2016), que, le 17 août 2011, M. et Mme Y... ont vendu à M. X..., avec faculté de substitution, un immeuble à usage d'habitation et de commerce, sous condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un prêt de 480 000 euros d'une durée de vingt ans et au taux maximum de 4,5 % au plus tard le 31 octobre 2011 ; que, M. X..., substitué par la société Themma, n'ayant pas régularisé la vente à la date prévue du 30 novembre 2011, M. et Mme Y... les ont assignés en paiement de la clause pénale ;
Attendu que M. X... et la société Themma font grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt, dont M. X... et la société Themma avaient empêché l'accomplissement à la date prévue, devait être considérée comme réalisée et, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des articles J et IX de la promesse de vente, que les vendeurs étaient fondés à obtenir une indemnité, en raison du préjudice subi du fait de l'immobilisation abusive du bien à vendre, égale à l'évaluation forfaitaire de 10 % du montant de la vente arrêtée par les parties, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche ou de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société Themma aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de la société Themma et les condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Themma
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement M. X... et la société Themma à payer à M. et Mme Y... la somme de 43.000 euros, au titre de la clause pénale stipulée dans la promesse synallagmatique de vente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-16 (ancien) du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits de la cause, "lorsque l'acte mentionné à l'article L. 312-15 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections I à III et la section V du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement. Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa du présent article n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié" ; Même si les dispositions relatives à cette condition suspensive légale relèvent de l'ordre public de protection, cette condition suspensive obéit aux dispositions du code civil relatives aux obligations conditionnelles prévues par les articles 1168 et suivants du code civil ; La caducité liée à la défaillance des conditions suspensives joue même si l'acte ne le prévoit pas, mais il ne peut être imposé à l'acquéreur des obligations contractuelles de nature à accroître les exigences résultant du texte précité ; Ainsi, il ne saurait lui être reproché de n'avoir sollicité qu'un seul organisme bancaire et il ne saurait lui être davantage imposé un délai déterminé pour déposer ses demandes de prêt. Les manquements constatés à de telles obligations ne sont pas de nature à entraîner la caducité de la promesse ; Ceci étant, il convient de rappeler que l'article 1176 du code civil opère une distinction selon que la condition suspensive a ou non été stipulée dans un temps fixe ; Si la condition doit arriver dans un temps fixe, elle est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas ; En l'espèce, un terme avait été arrêté et fixé au 31 octobre 2011. L'acquéreur disposait d'un délai supérieur à un mois à compter de la signature de l'acte sous seing privé pour accomplir les diligences qui lui incombaient ; Il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente obligé sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt de démontrer que la demande qu'il a présentée à l'organisme de crédit était conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente (pourvoi 09-13.158) ; Cette condition est réputée accomplie si les bénéficiaires ne démontrent pas qu'ils ont sollicité un prêt conforme aux stipulations convenues (pourvoi 12-29.021) ; En l'espèce, dans le courrier daté du 2 décembre 2011 adressé aux vendeurs, en réponse à leur volonté de se prévaloir de la caducité de la promesse, M. X... ne revendiquait aucun autre accord de prêt que celui contenu dans une attestation datée du 10 novembre 2011, adressée au notaire des vendeurs le 24 novembre 2011, soit le tout postérieurement au terme fixé pour la réalisation de ladite condition suspensive ; Cette attestation, datée en réalité du 9 novembre 2011 et qui a pour objet le financement pour une opération de marchands de biens d'une acquisition d'un immeuble sis [...] n'est pas une offre de prêt mais un "accord sous réserve" ; Elle a été adressée à la SARL THEMMA et rappelait que les caractéristiques du prêt demandé étaient les suivantes : "un prêt de 364.000 euros sur une durée de 24 mois, au taux Euribor 3 mois 3 %" ; La présentée à l'organisme de crédit n'était pas conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente (09-13.158), au regard notamment de la durée d'engagement ; L'accord sous réserves ne peut être assimilé à une offre de prêt ; M. X... n'a informé les vendeurs de l'exercice de la faculté de substitution que postérieurement au terme fixé pour la réalisation de la condition suspensive, par le courrier susvisé du 2 décembre 2011 ; La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement au sens des dispositions de l'article 1178 ancien du code civil, dans sa version applicable aux faits de la cause ; M. et Mme Y... sont bien-fondé dans ces conditions à faire valoir que la condition suspensive tenant à l'obtention du prêt doit être considérée comme réalisée ; pour conclure à la réduction de la clause pénale au paiement de laquelle ils ont été condamnés solidairement par les premiers juges, M. X... et la Sarl Themma font valoir que celle-ci excède manifestement le préjudice subi par les intimés, mais sans le démontrer ; l'évaluation forfaitaire a été arrêtée d'un commun accord entre les parties et fixée conformément à l'usage à 10 % du montant de la vente (arrêt attaqué pp. 4-5-6) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' en l'occurrence, alors même que M. X... et la Sarl Themma affirment dans leurs écritures qu'une offre de prêt était en cours de finalisation et tardait à aboutir en raison d'obstacles posés par le vendeur, il ne peut qu'être constaté qu'aucune offre de prêt n'a été présentée aux vendeurs avant le 31 octobre 2011, date butoir fixée contractuellement ; en outre, les acquéreurs n'ont pas usé de la faculté qui leur était contractuellement offerte d'obtenir la prorogation de la durée de la condition suspensive, ce qui est d'autant plus étonnant s'ils disposaient effectivement d'un concours bancaire imminent ; que M. X... et la Sarl Themma ne démontrent pas ne serait-ce qu'un dépôt de dossier de demande de prêt auprès des banques de leur choix dans les quinze jours impartis à compter de la signature de la promesse de vente ; la première (et seule) pièce bancaire communiquée est datée du 9 novembre 2011 et communiquée aux vendeurs le 10 novembre 2011, soit postérieurement à la date contractuellement fixée au 31 octobre 2011 ; en tout état de cause, s'agissant de l'attestation "d'accord sous réserve" de la Caisse d'Epargne de Normandie, il ne peut qu'être constaté que celle-ci ne porte que sur un montant de 364.000 euros et non 480.000 euros, et que le financement est soumis à la un certain nombre de réserves "bloquant pour l'émission du contrat" et à des conditions de mise en place "bloquant pour le déblocage des fonds" ; ainsi, outre qu'elle est tardive, l'attestation est également non conforme aux prévisions contractuelles (articles D et G), de sorte que même si elle avait été transmise quelques jours plus tôt, elle ne pouvait constituer "le prêt couvrant le montant global de la somme à financer par emprunt répondant aux caractéristiques définies au paragraphe D" permettant de considérer la condition suspensive comme réalisée ; il ne peut donc qu'être conclu que la clause suspensive inclue au contrat du 17 août 2011 n'est pas réalisée en application des prévisions contractuelle (jugement p. 4, al. 6 à 10) ; que même s'il connaissait les conséquences juridiques et financières du non-respect des délais contractuels, M. X... ne démontre pas avoir évoqué ces difficultés prétendues d'accès à l'immeuble avant le 2 décembre 2011, soit en réponse au courrier des époux Y... l'avisant de leur souhait de tirer les conséquences de l'absence prêt bancaire ; il n'a pas non plus sollicité, au vu de ces difficultés, une prorogation des délais impartis ; en outre, M. X... et la Sarl Themma ne démontrent pas le lien entre les démarches qu'ils disent n'avoir pu entreprendre et l'obtention d'un concours bancaire ; enfin, si ces obstacles - dont la réalité n'est pas démontrée - ont eu pour conséquence le caractère conditionnel et tardif de l'attestation d'accord de principe émanant de la Caisse d'Epargne du Calvados - ce qui n'est pas non plus démontré -, il n'en demeure pas moins que comme indiqué plus haut, cette offre portait en toute hypothèse sur un montant non conforme aux prévisions contractuelles ; dans ces conditions, il doit être constaté que la clause suspensive d'obtention de prêt n'a pas été réalisée, et considéré que M. X... et la Sarl Themma ont commis, au sens de l'article J. du contrat conclu le 17 août 2011, "une faute, négligence, passivité, mauvaise foi ou tout autre abus ayant eu pour conséquence la non-obtention d'un prêt, autorisant le vendeur à demander au tribunal de déclarer la condition suspensive de prêt réalisée en application de l'article 1178 du code civil avec attribution de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'immobilisation abusive du bien à vendre (jugement p. 5, al. 7 à 11) ;
ALORS, d'une part, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la promesse de vente du 17 août 2011 contient la clause suivante : "En application de la rubrique "réalisation" et après levée de toutes les conditions suspensives, il est convenu, au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, qu'elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit, en supportant les frais de poursuite et de recours à justice et sans préjudice de tous dommages et intérêts. Toutefois la partie qui n'est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l'un et l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra de l'autre partie, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice, la somme de 43.000 euros" (paragraphe IX de la promesse) ; qu'il résulte des termes de cette clause que sa mise en oeuvre suppose que l'une des parties refuse de régulariser la vente par acte authentique nonobstant la réalisation et la levée des conditions suspensives ; qu'en condamnant M. X... et la société Themma à payer à M. et Mme Y... l'indemnité forfaitaire de 43.000 euros prévue par la clause précitée, sans constater, en dépit des écritures des intéressés qui le contestaient (cf. leurs conclusions d'appel signifiées le 20 juin 2016, p. 15 al. 3 et 4), que M. X... et la société Themma avaient refusé de régulariser la vente par acte authentique, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
ALORS, d'autre part, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conventions produites aux débats par les parties ; qu'en affirmant confirmer le jugement entrepris, et en adoptant ainsi les motifs de celui-ci à l'appui de sa propre décision, quand les premiers juges avaient expressément fondé la condamnation litigieuse sur l'article J de la promesse de vente, relatif à la non-réalisation de la condition suspensive, qui ne prévoit pas le paiement de l'indemnité forfaitaire de 43.000 euros, la cour d'appel a dénaturé la promesse synallagmatique de vente et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
ALORS, enfin, et en toute hypothèse, QU'en laissant sans réponse les conclusions de M. X... et de la société Themma (signifiées le 20 juin 2016, p. 15 al. 3 et 4), faisant valoir que "(
) la clause pénale insérée à la promesse de vente et dont se prévalent M. et Mme Y... n'est applicable qu' "au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente", que "les concluants n'ont à aucun moment refusé de régulariser la vente par acte authentique" et que "ce sont au contraire les vendeurs qui ont refusé d'y procéder dans les conditions ci-dessus exposées", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.