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15/03/2018 | FRANCE | N°16-15791

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 mars 2018, 16-15791


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'ayant travaillé sur les sites de Mururoa et d'Hao pour le compte de la société Sodetra, sous-traitante du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), M. X... a déclaré, le 5 octobre 2005, un lymphome folliculaire inguino-iliaque auprès de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la Caisse) ; que celle-ci ayant refusé, le 9 mars 2006, de reconnaître le caractère professionnel de cette maladie, M. X..

. a saisi d'un recours le tribunal du travail et engagé, contre son empl...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'ayant travaillé sur les sites de Mururoa et d'Hao pour le compte de la société Sodetra, sous-traitante du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), M. X... a déclaré, le 5 octobre 2005, un lymphome folliculaire inguino-iliaque auprès de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (la Caisse) ; que celle-ci ayant refusé, le 9 mars 2006, de reconnaître le caractère professionnel de cette maladie, M. X... a saisi d'un recours le tribunal du travail et engagé, contre son employeur, une action selon le droit commun de la responsabilité civile contractuelle ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 42 de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974, modifiée, de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française instituant un régime d'assurance maladie-invalidité au profit des travailleurs salariés ;

Attendu, selon ce texte, que lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, l'organisme de gestion est subrogé de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droit dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses que lui occasionne l'accident ou la blessure ;

Attendu que pour rejeter la demande de la caisse tendant à ce que soit reconnu son droit à exercer un recours subrogatoire à l'encontre des tiers responsables au titre des prestations servies pour le compte de M. X..., l'arrêt relève que l'employeur qui participe au fonctionnement du régime d'assurance maladie invalidité en vertu duquel la caisse a versé des prestations à l'intéressé ne saurait être qualifié de «tiers» et qu'ainsi, l'organisme social n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 42 de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974 à l'égard du CEA, ni à l'égard de la société Sodetra ; qu'il retient, par motifs adoptés, qu'un lymphome folliculaire inguino-iliaque constitue une maladie, que l'exposition à une irradiation ne peut être assimilée à un accident ou à une blessure et qu'en visant l'accident ou la blessure, le texte susvisé ne peut prendre en compte une pathologie ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le CEA et la société Sodetra étaient tenus d'indemniser la victime du préjudice résultant de sa pathologie sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle, de sorte qu'ils étaient des tiers au sens du texte susvisé, peu important la nature de la lésion subie par la victime, la cour d'appel a violé ce dernier ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française afin que soit reconnu son droit d'exercer un recours subrogatoire à l'encontre des tiers responsables au titre des prestations servies pour le compte de M. X..., dans le cadre de la pathologie dont celui-ci est atteint, sur la base de l'article 42 de la délibération n° 74-22 du 14 février 1974, l'arrêt rendu le 18 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne le Commissariat à l'énergie atomique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit, et signé par Mme Flise, président, et par Mme Szirek, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour le Commissariat à l'énergie atomique

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le CEA est tenu, in solidum avec la société Sodetra, d'indemniser Robert X... du préjudice résultant du lymphome folliculaire inguino-iliaque d'AVOIR ordonné une expertise médicale aux fins d'évaluation du préjudice corporel de M. X... à la suite de cette pathologie et d'AVOIR condamné le CEA à verser à M. X... les sommes de 200.000 FCP et de 200.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur le bien fondé de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat envers son salarié ; qu'en l'espèce, le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, en sa qualité d'employeur de Robert X... de 1967 à 1979, était donc débiteur à l'égard de celui-ci d'une obligation de sécurité, particulièrement dans le domaine de la maladie professionnelle ; que s'il appartient au salarié de rapporter la preuve que la maladie dont il est atteint a pour origine ses conditions de travail, il appartient à l'employeur, si l'inexécution de son obligation de sécurité est avérée d'écarter la présomption de responsabilité en démontrant qu'il lui a été impossible d'avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il a pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que s'agissant d'un fait, la preuve d'un lien de causalité entre la maladie et l'activité professionnelle peut être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes, en application des dispositions de l'article 1353 du code civil ; que Robert X..., qui a été employé par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de 1967 à 1979 affirme, sans être sérieusement démenti, qu'au mois de décembre 1968, il a travaillé à Mururoa et Fangataufa et qu'il a séjourné à Mururoa et Hao de janvier 1973 à mars 1974 ; que sa présence sur les sites nucléaires français sur ces périodes est confirmée par son carnet de bord, le certificat médical du 19 février 1974 faisant état d' «examens complémentaires provoquant un arrêt de travail sur les sites du 12 au 19 février 1974 inclus » et une fiche de poste du 18 septembre 1973 mentionnant sa présence permanente à Mururoa ; qu'il existe également une fiche de poste du 13 septembre 1972 mentionnant une présence occasionnelle à Mururoa ; qu'or, le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives a procédé à 5 tirs atmosphériques à Mururoa en 1972 et à 6 tirs atmosphériques à Mururoa en 1973 ; que Robert X... précise, sans être contredit, qu'en 1973, il a assisté à au moins un tir atmosphérique alors qu'il se trouvait au large de Mururoa sur le pont d'un bateau sans protection ; que l'ouvrage « La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie » publié par le ministère de la défense et produit par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives fait ressortir que les 41 essais d'explosion d'engin nucléaires dans l'atmosphère auxquels il a été procédé de 1966 à 1974 à Mururoa et Fangataufa « ont libéré dans l'environnement des radionucléides qui se sont dispersés dans l'ensemble des composantes environnementales des sites » que « dès la formation du nuage radioactif stabilisé, les radionucléides subissaient un processus de dispersion qui, suivant leur trajectoire et leur période radioactive, pouvait les amener à intégrer les différents composantes de l'environnement » et que « l'accumulation des radionucléides par les organismes vivants peut se faire par l'intermédiaire de différents vecteurs » ; que le rapport parlementaire de 2001 sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 et éléments de comparaison avec les essais des autres puissances nucléaires indique que : « L'homme peut être exposé aux rayonnements ionisants suite à une retombée par plusieurs voies. L'exposition externe se produit lors du passage du nuage et provient ensuite des particules déposées sur le sol. L'exposition interne provient de l'inhalation pendant la retombée puis de l'ingestion d'aliments contenants des radioéléments » ; que le rapport du comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires française créé le 15 janvier 2004 par décision conjointe des ministres de la défense et de la santé précise que 10 essais atmosphériques « ont donné lieu à des retombées notables sur des zones habitées » et que « 6 ont apporté une contribution non négligeable à l'exposition de la population » ; que Jean-Henry Z..., officier de marine présent en 1970 à Hao, atteste le 17 février 2004 « pendant la période de tir de l'année 1970, il y a eu des retombées radioactives sur Hao et Amanu atoll situé à environ 50 kms de Hao, je ne peux donner la date exacte de cet incident que je qualifierais de majeur.. Le plus grave pour la santé c'est l'inhalation et l'ingestion des poussières radioactives et n'en connaissant pas l'origine nous pouvions avoir du Césium 137, du Plutonimu 239 etc... avec leur dangerosité (propre) sur nos cellules, de ce fait, à Hao et sur les autres Atolls la contamination des personnes est un fait qui ne peut être réfuté. La aussi le dosimètre ne servait à rien car il ne pouvait mesurer ou quantifier la dose ingérée ou inhalée et pourtant les dégâts internes peuvent être très importants » ; que Daniel A..., dans une attestation du 19 avril 2005, précise que :« au cours des campagnes de tirs et surtout après un tir nucléaire, les conditions de protection n'étaient pas adaptées à la maintenance, nous étions en short et toutes les manipulations s'effectuaient à mains nues d'où un fort risque de contamination... » ; que Jean-Yves B..., dans une attestation du 28 mai 2005, fait état de fuites radioactives entraînant une évacuation, d'une insuffisance de protection et d'une conscience du danger qui a motivé sa démission ; qu'enfin, la loi n°2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français permet « toute personne souffrant d'une maladie radioinduite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français » ayant notamment résidé à Mururoa et Fangataufa entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 d'obtenir l'indemnisation de son préjudice ; que le 13 octobre 2005, le docteur Bernard C... certifie que la pathologie de Robert X... peut être liée à une exposition professionnelle à des radiations ionisantes ; que le docteur D... a conclu que Robert X... a été atteint d'un lymphome non hodgkinien et que « la radioactivité peut induire des lymphomes » ; que le lymphome non hodgkinien est une maladie mentionnée dans la liste des maladies radio-induites annexée au décret n°2010-653 du 11 juin 2010 pris pour l'application de la loi du 11 juin 2010 ; qu'elle est également cité dans la loi américaine d'indemnisation des vétérans exposés aux radiations de 1988 parmi celles auxquelles est attachée une présomption de lien avec le service et elle figure dans la liste des maladies radioinduites de l'UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation : comité scientifique de l'ONU sur les conséquences des émissions radioactives) ; que s'il ne retient pas un « lien de causalité, solide et irréfutable » entre l'activité exercée par Robert X... pour le compte du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et l'apparition du lymphome, le docteur D... souligne, néanmoins, que l'origine des lymphomes demeure incertaine ; qu''il n'est pas possible
d'éliminer avec certitude la responsabilité d'une exposition à une irradiation et qu' « il n'existait pas de facteur avéré (autre qu'une contamination radioactive) susceptible d'expliquer la maladie » de Robert X... ; que par ailleurs, il ne justifie pas la raison pour laquelle il estime que l'exposition aux radiations de Robert X... a été très faible et, en tout état de cause, aucun document médical ne lie l'apparition d'un lymphome non hodgkinien à une dose précise d'irradiation ; qu'en outre, la loi n°2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ne fixe pas de seuil d'exposition minimale ouvrant droit à une indemnisation ; que dans ces conditions, des présomptions graves, précises et concordantes établissent la présence de Robert X... sur les sites des essais nucléaires à l'occasion de tirs atmosphériques, l'existence de retombées radio-actives présentant un danger sanitaire durant la période et un lien de causalité entre l'activité professionnelle de Robert X... pour le compte de l'appelant et le lymphome dont il a souffert ; que le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est donc présumé avoir commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat qui est une cause nécessaire de la maladie, même si elle n'en serait pas la cause déterminante ; qu'or, le caractère potentiellement nocif des substances radioactives était déjà connu à la fin du 19ème siècle ;
que par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats, et notamment du rapport parlementaire de 2001, que, depuis 1957, date à laquelle la France a décidé de se doter de l'arme atomique, il a été débattu des problèmes sécuritaires et sanitaires en matière d'essai nucléaires ; qu'il est ainsi établi que le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives avait conscience du danger auquel étaient exposés les salariés sur les sites de tirs nucléaires, notamment atmosphériques, en Polynésie française ; qu'en outre, Robert X..., qui a été exposé à l'action de substances radioactives n'a pas bénéficié de contrôles sérieux adaptés au risque auquel il était exposé ; que c'est ainsi qu'il n'a pas fait l'objet d'une surveillance dosimétrique régulière destinée à mesurer le niveau d'exposition individuelle aux rayonnements ionisants, ni d'examens anthropogammamétriques réguliers permettant de diagnostiquer la contamination interne ; qu'aucun élément versé aux débats ne démontre que le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives a délivré à ses salariés une information précise et écrite sous forme notamment de directives affichées sur les lieux de travail, relative aux dangers de la radioactivité, aux mesures de protection à prendre et aux comportement à éviter ; qu'il n'est pas démontré non plus qu'il se soit montré particulièrement vigilant en rappelant les consignes de sécurité et en sanctionnant leur non-respect ; que dans ces conditions, le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives n'a pas pris toute les précautions nécessaires pour préserver Robert X... du danger qui le menaçait ; qu'il doit donc être tenu d'indemniser l'intégralité du préjudice subi par Robert X... du fait du manquement à l'obligation de sécurité ; que les éléments versés aux débats ne permettant pas d'évaluer l'importance de ce préjudice, le tribunal du travail a, à juste titre, ordonné une nouvelle expertise médicale ; sur les décisions prises à l'égard de la société SODETRA ; qu'aucune des parties ne soulève l'absence de personnalité morale de la société SODETRA, ni la qualité de Maître Y... pour représenter cette société ; que par ailleurs, le fait qu'une relation de travail a existé entre Robert X... et la société SODETRA n'est pas contesté et ressort des pièces versées aux débats ; que dans ces conditions, le jugement du 16 juillet 2012 sera confirmé en ce qu'il a dit que le CEA et la société SODETRA sont tenus d'indemniser Robert X... du préjudice résultant du lymphome folliculaire inguino-iliaque ; que toutefois, la solidarité ne se présumant pas, l'obligation mise à la charge des co-employeurs est une obligation in-solidum (...)

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le droit à indemnisation de Mr X... ; que le tribunal a d'ores et déjà pris position sur le fait que la preuve de ce que le requérant a contracté une maladie du fait de son activité peut être établie par des présomptions graves, précises et concordantes ; que le CEA ne formule aucun élément nouveau pertinent mettant obstacle à ce mode de preuve ; que le tribunal, à la suite d'une argumentation à laquelle il sera renvoyé, a indiqué disposer d'éléments graves et concordants, qui faute d'être utilement et précisément démentis par le CEA, établissent l'existence de retombées radio-actives des essais atmosphériques pratiqués à l'époque de la présence de M. X... sur les sites ; que le CEA n'apporte pas davantage d'éléments nouveaux contredisant la réalité de la présence sur site de M. X..., non plus que démontrant l'absence de retombées radio-actives ; que le tribunal avait particulièrement donné mission à l'expert de dire s'il existe un consensus scientifique pour reconnaître l'origine radio-induites du lymphome, de préciser de quel type de lymphome est atteint M. X... et de dire si cette pathologie est inscrite comme maladie radio-induite dans la loi américaine du 25 avril 1988 et si elle figure dans la liste des maladies radio-induite de l'UNSCEAR (2006) et dans quel groupe, de dire enfin si dans le cas particulier de Mr X..., il existe des facteurs avérés (autres qu'une contamination radioactive) susceptible d'expliquer sa maladie ; que l'expert indique que si l'origine radio-induite de certains lymphome est reconnue, il n'existe pas de consensus scientifique réel sur ce sujet ; que force est cependant de constater, comme il le précise , que le lymphome non Hodgkinien dont a souffert M. X...  était inscrit comme maladie radio-induite dans la loi américaine du 25 avril 1988 et dans la liste des maladies radio-induites de l'UNSCEAR (2006), que surtout, le décret 2010-653, pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, mentionne les lymphomes non Hodgkiniens dans la liste des maladies radio-induites ouvrant droit à indemnisation ; qu'au regard de ces éléments, la pathologie dont souffre M. X... peut donc être considérée comme une maladie pouvant être radio-induite, comme l'admet l'expert lui-même qui, page 5, écrit « la radio-activité peut induire des lymphomes » ; que le docteur D... écarte l'existence d'autres facteurs avérés susceptibles d'expliquer la maladie ; que se pose la question des déductions de l'expert relatives à l'irradiation thérapeutique subie par M. X... ; que leur manque de clarté a provoqué une demande d'explication du tribunal ; que le docteur D... a donc précisé que si une irradiation antérieure, comme celle d'une exposition aux radiations d'une explosion, aurait empêché une irradiation thérapeutique, les médecins qui ont pris en charge le requérant n'ont, à l'évidence pas envisagé cette hypothèse ; qu'il souligne que la dose thérapeutique délivrée n'a pas été toxique, toxicité qui aurait alors démontré, a posteriori, que M. X... avait été irradié en Polynésie, et donc l'absence est donc une preuve de cette absence d'irradiation professionnelle ; que cependant, cette absence de toxicité, outre qu'elle n'est pas clairement démontré, ne peut garantir que M. X... n'ait été exposé à des irradiations suffisantes pour déclencher un lymphome, sans pour autant rendre toxique son irradiation thérapeutique ; qu'en outre, l'expert s'est aventuré sur le terrain de l'exposition effective de M. X... à une irradiation professionnelle, excédant ainsi le champ de sa mission ; qu'ainsi il affirme « le dossier de M. X... est d'interprétation difficile car d'une part, son exposition aux radiations a été à l'évidence très faible », alors qu'il n'avait pas les moyens de déterminer l'importance de cette exposition ; qu'au surplus, il n'a pris en compte qu'une exposition externe aux rayonnements, et non l'exposition interne correspondant à une contamination interne, notamment par inhalation et par ingestion de poussières et de gaz radioactifs ; que force est de constater que les conclusions de l'expert ont elles-mêmes été « contaminées » par la certitude de ce dernier d'une exposition très faible, qui l'a conduit à évoquer « un doute quant au lien de causalité solide et irréfutable » entre l'activité professionnelle de M. X... et la survenue de son lymphome ; qu'il convient de rappeler que le tribunal avait souligné d'emblée l'impossibilité d'une preuve scientifique incontestable et instaurée consécutivement à la nécessité d'une preuve pas présomption ; (
) qu'au regard de l'ensemble de ces développements, le tribunal estime disposer d'éléments graves et concordants laissant présumer que le lymphome ayant affecté M. X... a été causé par son exposition externe et interne aux irradiations intervenues pendant son activité professionnelle pour le CEA ; que dans le jugement du 19 octobre 2009, le tribunal avait déjà situé le cadre juridique de l'évaluation de l'obligation de sécurité de résultat atténuée incombant au CEA, invité à prouver son impossible conscience du danger ou sa prise de mesures de sécurité optimales ; qu'en l'espèce, pour reprendre l'argumentation du jugement rendu le 19 octobre 2009, dans le dossier FAARA ; - le CEA ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité, faire valoir qu'il ne pouvait avoir conscience du danger, la dangerosité potentielle des substances radioactives étant bien évidemment connues depuis le XIXème siècle et les essais nucléaires français, notamment atmosphériques, ayant été, dès l'origine, dénoncés sur la scène internationale ; - le CEA ne rapporte pas davantage la preuve qu'il a pris toutes les mesures de sécurité appropriées ; qu'à cet égard, le fait que le CEA ait respecté avec rigueur et sérieux la réglementation alors en vigueur, plus particulièrement le décret 66-450 du 20 juin 1966, le décret 67-228 du 15 mars 1967 ou l'arrêté du 23 avril 1968, notamment en ce qui concerne les examens médicaux à pratiquer et les équivalentes de doses maximum admissibles, n'est pas contesté ; que cependant, il ressort des explications et des documents fournis, que seuls les personnels affectés à des travaux sous rayonnements ionisants ont bénéficié de contrôles stricts et réguliers ; qu'en particulier, M. X..., alors qu'il est démontré qu'il a été exposé aux risques, n'a pas bénéficié de tels contrôles ; qu'ainsi, il apparaît que M. X... n'a pas bénéficié d'une dosimétrie individuelle et n'a subi qu'un seul examen anthropogammamétrique postérieur de plusieurs années à son dernier séjour sur les sites ; - le CEA ne démontre pas que M. X..., qui a assisté à un tir atmosphérique, avait été correctement protégé du risque ainsi encouru ; - si des règlements précis ont été édictés, aucune information complète et précise n'a été donnée sur les dangers de la radio-activité sans que le CEA ne justifie avoir pris de quelconques mesures, le cas échéant disciplinaires, pour assurer, s'agissant de travailleurs civils, le strict respect de ces consignes, et notamment en matière de risque de contamination interne ; que nonobstant le respect de la réglementation alors en vigueur, l'insuffisance de protection, de surveillance et d'information ainsi démontrée, établit que toutes les mesures de précautions qui s'imposaient, eu égard au caractère extraordinaire du risque, n'ont pas été prises ; que la responsabilité du CEA pour violation de son obligation de sécurité de résultat, doit donc être engagée ; que la SODETRA doit voir consécutivement sa responsabilité engagée en qualité de co-employeur, aucun élément ne démontrant qu'elle ait délégué, d'une manière opposable à M. X..., son obligation en matière de sécurité ; Sur l'indemnisation du préjudice ; que les co-employeurs seront tenus d'indemniser l'intégralité du préjudice subi par M. X..., puisque l'action de ce dernier s'inscrit dans la responsabilité contractuelle de droit commun et non dans le cadre, plus restrictif, des maladies professionnelles ; que bien que l'expert ait été chargé aussi d'une mission d'évaluation du préjudice, force est de constater qu'il n'a pu se prononcer sur un certain nombre de chefs de préjudice, en l'absence d'examen clinique ; qu'il a en outre admis s'être mépris sur l'évaluation de l'incapacité permanente partielle; qu'il s'impose donc de désigner, avec exécution provisoire, un nouvel expert en Polynésie française, afin d'évaluer le préjudice de M. X... résultant du lymphome dont il a été affecté ; que cette mission sera confiée au docteur Etienne E..., à charge pour le CEA de consigner la somme de 100.000 FCP, que le rapport devra être déposé dans les trois mois de la saisine de l'expert (
)
ET QUE B) Sur la recevabilité de l'action de droit commun: que principe selon lequel, en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle, le droit de la sécurité sociale se substitue intégralement au droit de la responsabilité civile et rend l'action en responsabilité fondée sur le droit commun contre l'employeur irrecevable, doit recevoir application en Polynésie française, nonobstant l'absence de dispositions expresses comparables à celles de l'article L451-1 du code de la sécurité sociale ;qu'en effet, comme l'a jugé à de nombreuses reprises la Cour de Cassation, le décret du 24 février 1957, dont l'article l" précise qu'il régit la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies jusqu'à l'institution d'un régime général de sécurité sociale, organise un régime spécial de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui constitue une réglementation d'ordre public (Civ. 2 du 19 octobre 2006, Civ. 2 du 07 février 2008, Civ. 2 du 20 mars 2008, Civ. 2 du Il septembre 2008, Civ 2. du 10 mai 2007) ; que cependant, la portée de l'exclusion de l'action en réparation sur le terrain civil a des limites ; qu'en particulier, avant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 27 janvier 1993 (Art L 461-1 du Code de la sécurité sociale) sus-évoquée, la jurisprudence avait à plusieurs reprises admis la recevabilité de l'action de droit commun lorsque l'affection que le salarié imputait à son activité professionnelle ne pouvait être pris en charge par les organismes de sécurité sociale au titre des maladies professionnelles, s'agissant de maladie non inscrite ou de dépassement du délai de prise en charge (soc, 01 juin 1972, soc 11 octobre 1994 et 28 octobre 1997) ; qu'en effet, s'agissant d'une maladie qui ne constitue pas de jure, une maladie professionnelle, même si elle est susceptible, de facto, de trouver sa cause dans l'exercice de la profession, il n'y a pas de situation de concurrence entre le droit spécial de la sécurité sociale et les règles issues du droit civil ; qu'une autre interprétation du principe d'immunité posé par l'article L451-1 du code de la sécurité sociale, comme interdisant d'engager une action de droit commun, même si la maladie ne figure sur aucun des tableaux, aurait pour conséquence une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, ou de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui, selon le conseil constitutionnel, instaure "un droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'en effet, si certaines personnes étaient déclarées irrecevables à la fois devant la juridiction de la sécurité sociale, faute d'avoir contractée une maladie, telle que définie de façon limitative par le droit de la sécurité sociale, devant le juge civil ou le tribunal du travail, et enfin devant les juridictions pénales ou la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, en vertu du principe selon lequel le droit de la sécurité sociale se substitue intégralement au droit de la responsabilité civile et en écarte l'application, elles se verraient ainsi privées ab initio de toutes possibilités de faire apprécier, par un tribunal, l'existence d'une faute et d'un préjudice dont elles seraient victimes, qu'une telle situation aboutirait en outre à un véritable déni de justice, comme l'a relevé la doctrine (Dalloz, jurisprudence 1998 p 221, note Christophe Radé), laquelle au demeurant émet d'une façon générale de sérieuses réserves sur la compatibilité du principe d'immunité avec la constitution ou la convention européenne des droits de l'homme et se montre critique envers l'application extensive du principe d'immunité et l'élimination de la responsabilité civile au profit de la seule indemnisation collectivisée (1J Dupeyroux, Droit de la sécurité sociale, Dalloz 2008 page 611, G Viney, Introduction à la responsabilité, L.G.DJ janvier 2008 p 70 et suiv, Y. Saint Jours D 2004, P 834), et ce d'autant, que du fait de l'évolution du droit de la responsabilité, l'étendue de la réparation est moins favorable en droit de la sécurité sociale qu'en droit commun, ainsi que l'a déplorée la Cour des comptes (dans le rapport La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles/février 2002), situation encore plus prégnante selon le droit applicable en Polynésie française, qu'il convient donc de déclarer l'action de droit commun de M. X...  , qui est atteint d'une maladie non inscrite sur la liste limitative du tableau n°6 des maladies professionnelles provoquées par les rayons ionisants, issu de l'arrêté n°826/CM du 06 août 1990 et de l'arrêté n°394/CM du 25 mars 2002, recevable ; C) Sur le bien fondé de l'action de droit commun: que selon l'arrêt précité du 28 octobre 1997, l'action de droit commun du salarié contre son employeur est fondée sur la responsabilité civile contractuelle ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que cette obligation de sécurité de résultat, accessoire au contrat, a été posée pour la première fois par la Cour de Cassation dans une série d'arrêts du 28 février 2002 rendus au profit de victimes de l'amiante par un attendu de principe, dont la généralité exclut qu'il puisse s'interpréter comme ayant une portée limitée à la définition de la notion de faute inexcusable en droit de la sécurité sociale ; que l'obligation de sécurité de résultat constitue une création jurisprudentielle, reposant sur une interprétation certes nouvelle du droit existant, mais qui est censée rétablir une erreur d'interprétation et, à ce titre, produit un effet rétroactif ; qu'ainsi, le CEA était-il tenu de cette obligation de sécurité de résultat dans le cadre de la relation contractuelle le liant de 1968 à 1979 à M. X... ; que s'agissant d'une obligation de sécurité de résultat atténuée, elle pose une présomption de faute en cas de survenance d'une maladie contractée dans le cadre de l'activité professionnelle que l'employeur peut renverser par la preuve de l'impossible conscience du danger ou de la prise de mesures de sécurité optimales ; qu'il convient, à cet égard, de noter que si les décisions de la Cour de Cassation du 28 février 2002 ont précisé que l'obligation de sécurité de résultat s'appliquait en matière de maladies professionnelles contractées par un salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, l'adverbe "notamment", qui précède l'expression, suppose que la sécurité n'est pas limitée à la seule fabrication et utilisation de produit ; qu'en outre, en matière d'obligation de sécurité de résultat, selon la théorie dite de l'équivalence des conditions, la faute doit être une cause nécessaire du dommage, même si elle n'est pas déterminante ; qu'il convient donc de rechercher en premier lieu, et avant de déterminer si l'employeur est en capacité de prouver l'absence de faute, si le créancier rapporte la preuve d'une inexécution par l'employeur de son obligation de sécurité, soit en l'espèce, la preuve de ce qu'il a contracté, du fait de son activité professionnelle, une maladie ; que la causalité étant un fait, elle peut être prouvée par tout moyen ; qu'en particulier, cette preuve, conformément aux dispositions de l'article 1353 du Code civil, peut être établie par des présomptions graves, précises et concordantes ; qu'à cet égard, on peut relever la tendance de la jurisprudence à envisager le lien de causalité, en matière de dommages de masse et en cas d'incertitude scientifique, avec souplesse, se contentant d'une probabilité forte de causalité, ou, même par un raisonnement a contrario, admettant que la causalité puisse se déduire de l'absence de tout autre événement de nature à expliquer la survenance du dommage (intervention de Mme GUEGAN-LECUYER site de la Cour de Cassation, www.courdecassation.fr/colloques activités formation 2005); que tel a été le cas pour les victimes de l'amiante, de la contamination transfusionnelle du virus du sida ou de l'hépatite C, et ce même avant que le législateur n'instaure de présomption légale de causalité et ne crée de fonds d'indemnisation de tels dommages ; que récemment, la Cour de Cassation, dans plusieurs arrêts du 22 mai 2008, revenant sur sa jurisprudence antérieure, a admis que la preuve du dommage (la sclérose en plaque), du défaut du produit (le vaccin contre l'hépatite B) et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes, infirmant ce faisant une Cour d'appel qui, pour rejeter l'action contre le fabricant du vaccin, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, avait retenu "qu'en l'absence de preuve scientifique absolue de l'étiologie de la maladie et de lien scientifique, il n'y avait pas de probabilité suffisante du lien de causalité entre la maladie et la vaccination. " ; que le domaine des essais nucléaires s'apparente à ce type de contentieux ; qu'en effet, le nombre des personnes se déclarant victimes est très important ; que si le tribunal n'est présentement saisi que de 8 dossiers, il résulte des documents produits aux débats par M. X..., notamment des études de l'Association des vétérans des essais nucléaires, citées par B. BARRILLOT dans l'Héritage de la Bombe (PG - 7), que plusieurs centaines de personnes se disent victimes de pathologies consécutives aux essais nucléaires ; qu'en outre, le Ministre de la Défense français, annonçant un projet de loi relatif aux conséquences des essais nucléaires dans des déclarations dont il a été fait état à l'audience du 27 avril 2009, a annoncé une enveloppe budgétaire de 10.000.000 d'euros pour l'indemnisation des victimes pendant la première année, qu'enfin, il résulte des pièces produites par M. X..., que plusieurs Etats ont adopté des lois en faveur de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, notamment le ROYAUME UNI et les ETATS UNIS, suite aux essais atmosphériques dans le Pacifique qui ont concerné un nombre important de personnes, notamment dans le NEVADA ; qu'en outre, il s'agit d'un domaine où, comme il sera vu, règne une incertitude scientifique quant aux conséquences sur la santé de la radioactivité, notamment en cas de contamination à de faible dose ; qu'en effet, comme l'a reconnu le Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires, dans son rapport versé aux débats par le CEA lui-même, les cancers induits par les radiations ionisantes sont des affections qui n'ont pas de caractère clinique spécifique qui permettrait de les différencier d'affections spontanées de même nature, ayant une autre origine, et "l'estimation du risque radio-induit est fondée largement sur des études épidémiologiques ou expérimentales qui évaluent les conséquences sur la santé d'une irradiation, indépendamment de la connaissance des mécanismes biologiques à l'origine des pathologies" (page 10) ; qu'ainsi, si la preuve qu'une maladie est radio-induite ne peut être scientifiquement rapportée, le tribunal du travail ne peut faire l'économie des études épidémiologiques qui constatent, sans nécessairement pouvoir l'expliquer, le lien entre la radioactivité et certaines maladies ; que de surcroît, comme le souligne le rapport du comité de liaison susvisé, les connaissances scientifiques sont évolutives et diverses équipes de chercheurs continuent d'être animés par "l'espoir de découvrir des marqueurs spécifiques de certains cancers radio-induits ", que ce sont ainsi les limites mêmes de la science qui conduisent la jurisprudence à adopter un système de preuve par présomption ; qu'en l'espèce, il ressort premièrement des pièces du dossier, que M. X... était présent sur les sites des essais nucléaires à l'époque des essais ; qu'en effet, M. X... a été employé par le CEA d'avril 1968 à juillet 1979, soit pendant une période où le CEA a effectué 28 tirs atmosphériques ; que dans ses déclarations successives, notamment à l'audience du 27 avril 2009, M. X..., même s'il est quelque peu imprécis, fait état notamment d'une présence sur les sites des essais nucléaires en 1968, à MORUROA et FANGATAUFA, ainsi qu'entre 1973 et avril 1974, date à laquelle il déclare qu'il ne s'est plus rendu sur les sites, mais a été affecté à TAHITI, à MAHINA ; que ces déclarations sont corroborées par plusieurs éléments : la copie de son carnet de bord, le certificat médical du 19 février 1974 qui fait état d'un "arrêt de travail sur les sites" (PV 6-17), les fiches de poste du 18 septembre 1973, qui mentionnent une aptitude à la "présence permanente" sur le site de "MORUROA" et la fiche de poste du 13 septembre 1972, qui mentionne une aptitude à la "présence occasionnelle" sur le site de MORUROA ; que ces éléments apparaissent suffisants pour établir la présence de M. X... sur les sites, a minima en 1968 et de 1973 à avril 1974 ; qu'en effet, compte tenu de l'ancienneté des faits, plus de 30 ans, il ne saurait être demandé davantage de pièces à M. X..., étant précisé que le CEA qui, quant à lui, contrairement à un particulier, conserve nécessairement les archives de ses activités n'a produit aucun élément contraire attestant que M. X... n'aurait pas été affecté sur les sites des essais durant les périodes concernées ; que deuxièmement, il ne peut être valablement soutenu qu'à l'époque de la présence de M. X... sur les sites, les essais n'ont pas eu de retombées radioactives significatives ; qu'en 1968, 5 tirs sous ballon ont été effectués dont le tir Canopus (2600 kt) et entre janvier 1973 et avril 1974, 4 tirs sous ballon ont été réalisés (Euterpe, Melpomène, Pallas et Parthénope), ainsi qu'un tir par avion (mirage III) et un tir de sécurité ; que si M. X... cite des sources qualifiées par le CEA de peu crédibles sur le plan scientifique, et de polémiques, force est de constater que sont aussi versés aux débats des extraits de rapports dont l'objectivité n'est pas en cause, comme les études de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique ou de la Direction des Centres d'Expérimentations Nucléaires, qui font état de retombées radioactives ; qu'ainsi, selon le rapport de l'AIEA de 1998, tel que cité dans le rapport de la commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires (page 78 et 79), des pics de radioactivité béta ont été relevés dans les eaux de pluie des pays insulaires à l'ouest de la Polynésie française, pendant les tirs de l'année 1973 et des mesures de radioactivité importantes ont été mesurées à MORUROA dans les semaines qui ont suivi les 5 tirs qui se sont déroulés entre le 21 juillet 1973 et le 28 août 1973, période où M. X... était présent, informations non démenties par le CEA ; qu'en outre, la mission du délégué à la sûreté nucléaire de défense, citée dans le rapport du Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français de mai 2007 (page 19 et 20), dont la création a été décidée par le Président de la République française, a pu, à partir des mesures de l'activité de différents radionucléides réalisés par le SMCB et le SMSR, "réévaluées à l'aide des outils modernes actuellement disponibles", établir que les retombées radioactives de 10 tirs entre 1966 et 1974 ont été significatives (6 tirs ayant donné lieu à des doses efficaces en millisievert supérieur à 1), en raison notamment d'une évolution des vents provoquant un décalage de la trajectoire du nuage par rapport aux prévisions ; que ce calcul des doses reçues par la population sur certaines îles ou atolls tient compte de l'irradiation externe due aux dépôts des radionucléides associés à la retombée, de l'inhalation de radionucléides lors du passage du nuage et de l'ingestion de radionucléides présents dans l'alimentation issue des produits agricoles locaux, ainsi que des poissons et mollusques ; qu'enfin, selon M. X..., un article du Monde du 02 août 1995, aurait révélé que le tir Pathénope du 24 août 1973, période de la présence de M. X... sur les sites, aurait été reconnu par le CEA comme ayant provoqué un début de contamination ; que de même, le département de suivi des centres d'expérimentation, selon un extrait du rapport de Surveillance radiologique des atolls de MORUROA et de MORUROA, tome l, année 1998, aurait relevé une radioactivité résiduelle due aux retombées de l'expérimentation aérienne Parthénope ; que ces éléments ne sont pas davantage démentis par le CEA, qui ne produit aucune pièce issue de ses archives, et notamment pas les relevés exhaustifs effectués par le SMCB et le SMSR de l'activité des radionucléides, tous éléments qui permettraient, le cas échéant, de démentir ses affirmations ; que d'une façon générale, l'ensemble des sources sur le sujet s'accorde à reconnaître que les essais atmosphériques ont été très contaminants et abandonnés, de ce fait, au profit des tirs souterrains, progressivement, par l'ensemble des puissances nucléaires. Véronique LEFEBVRE, dans son ouvrage L'Histoire de la Santé au travail au CEA (page 77), versé aux débats par le CEA, cite les propos tenus à cet égard par le Docteur Pierre L... , responsable du SMCB, selon lequel les premiers tirs sur barge ont notamment entraîné d'importantes retombées radioactives ; que surcroît, le Ministre de la défense, dans plusieurs communiqués publics, rapportés lors des débats de l'audience du 27 avril 2009, a annoncé un projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires, prévoyant un régime d'indemnisation spécifique, tant pour les personnels que pour la population de certains atolls, et a notamment admis que "10 essais en Polynésie ont donné lieu à des retombées radioactives significatives sur des zones circonscrites" (site officiel du ministère de la défense) ; qu'il ressort en outre des débats sur le projet de loi, que l'existence de retombées radioactives est officiellement reconnue sur certains atolls, notamment MORUROA, FANGATAUFA et HAO, et que l'accès au régime d'indemnisation est ouvert aux personnes ayant participé aux essais ou aux populations justifiant avoir résidé ou séjourné dans les zones des essais durant les périodes fixées par la loi et atteintes de certaines pathologies (site officiel du premier ministre, présentation du projet de loi en conseil des ministres le 27 mai 2009) ; qu'or, s'il n'appartient pas à la jurisprudence d'anticiper une loi à venir qui, par définition, n'appartient pas encore au droit positif, la position officielle du ministère de la Défense évoquée lors des débats de l'audience du 27 avril 2009 et révélée par le projet de loi, constitue, compte tenu des spécificités du domaine du nucléaire et même si elle n'est portée à la connaissance du tribunal que de façon succincte, un indice grave et concordant de la preuve de la réalité des retombées radioactives ; qu'en effet, outre les incertitudes scientifiques inhérentes à la complexité du domaine, déjà évoquées, les demandeurs se heurtent, pour rapporter la preuve de leurs allégations, au fait qu'un certain nombre de données essentielles, concernant notamment les relevés météorologiques et les relevés de radioactivité contemporains des essais pratiqués par le Service Mixte de Sécurité Radiologique sont, selon leur dires non démentis, classées secret défense ; que dès lors, les positions officielles du ministère de la Défense, qui a seul accès à ces données, lesquelles ne seraient pas même accessibles à un expert nommé par le tribunal en matière civile, constituent un élément de preuve, que le CEA ou le CEP ne peuvent écarter dans la présente instance ; que le tribunal dispose ainsi de suffisamment d'éléments, graves et concordants, qui, faute d'être utilement et précisément démentis par le CEA, établissent l'existence de retombées radioactives des essais pratiqués à l'époque de la présence de M. X... sur les sites ; que troisièmement, il convient de déterminer si ces retombées radioactives ont pu contaminer M. X... et provoquer une maladie radio-induite ; que le CEA ne saurait écarter, dans le contexte sus-exposé, la contamination de M. X... pendant son activité professionnelle, au seul motif qu'aucune pièce du dossier du service médical du CEA n'établit cette contamination ; qu'en effet, parce qu'il n'était pas classé comme personnel affecté aux travaux ionisants, M. X... n'a pas bénéficié d'une dosimétrie individuelle et d'examens anthropogammamétriques et radio toxicologiques réguliers, qui auraient pu établir qu'il n'avait d'aucune façon été contaminé ; qu'à cet égard, on peut noter que son dossier ne contient trace que d'un seul examen anthropogammamétrique, postérieur de plusieurs années à son dernier séjour sur les sites, et qui ne saurait, de ce fait, établir une absence d'irradiation dans les années d'activité sur les sites ; qu'il ne peut davantage être reproché à M. X... de ne pas rapporter la preuve de son irradiation, laquelle, en l'état des connaissances scientifiques, s'avère quasi impossible ; qu'en effet, la maladie qu'il impute à la contamination radioactive s'est déclarée en 1998, soit plus de 23 ans après son dernier séjour sur les sites ; qu'or, les méthodes d'évaluation a posteriori d'une dose d'exposition aux rayons ionisants (à savoir la dosimétrie par résonnance paramagnétique électronique), lorsque l'exposition date de plus de dix ans et qu'elle est faible (niveaux de dose n'entraînant pas d' effets déterministes), sont, selon le rapport du comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (pages 24,25 et 44) d'une fiabilité incertaine ; qu'en outre, ce type de dosimétrie à un intérêt limité du fait de son caractère invasif et par le fait qu'elle indique une dose localisée à la zone de prélèvement ; que le CEA ne saurait davantage écarter la contamination de M. X... pendant son activité professionnelle, au motif qu'il n'a pas été classé comme personnel directement ou indirectement affecté à des travaux sous rayonnements ionisants ; que selon ces dires, il avait pour tâches la maintenance des appareils électroniques, et selon les conclusions du CEA, était agent d'accueil ou employé qualifié logistique ; qu'il affirme qu'il a assisté, depuis le bateau, à un tir atmosphérique, qu'alors il ne portait aucun vêtement de protection et que, si des paires de lunettes avaient été distribuées, il n'y en avait pas eu en quantité suffisante, lui- même n'ayant eu que ses mains pour se protéger ; que ces déclarations ne sont pas dénuées de crédibilité, puisqu'il ressort des attestations produites, précises et concordantes sur ces points, que certains personnels n'étaient pas protégés, notamment de la contamination par inhalation de poussières radioactives (ainsi, à titre d'exemple, du séjour sur les bateaux barges ou du lavage des avions contaminés ou de divers matériels), comme en témoignent Jean M...          , quartier maître chef, affecté au SMCB (PSA 12), Daniel A... (PSA 15) ou Jean Yves B... (PSA 17) ; qu'il est vrai qu'en tant que personnel non directement affecté à des travaux sous rayonnements ionisants, il n'avait pas accès aux zones interdites ou contrôlées ; que toutefois, cet élément n'a pu que limiter, sans les exclure, les risques d'irradiation externe résultant des nuages radioactifs ou des dépôts sur le sol, ainsi que les risques d'irradiation interne par inhalation de substances radioactives ; que surtout, l'absence de classement PDA ou PNDA n'est nullement de nature à l'avoir garanti des risques de contamination interne par ingestion d'eau et d'aliments ; qu'il ressort en effet tant des déclarations de M. X... à l'audience du 27 avril 2009, que de celles des deux autres personnes ayant travaillé sur les sites et entendues à l'audience du 27 avril en leur qualité de demandeurs, ainsi que des attestations d'anciens travailleurs versées au dossier (PO A), que les mesures prises étaient insuffisantes pour éviter l'irradiation interne par inhalation ou ingestion d'eau et d'aliments ; qu'en effet, et malgré les interdictions partielles et dont le strict respect n'était pas assuré, de l'eau désalinisée donc potentiellement contaminée, ainsi que des poissons et mollusques pêchés sur place, étaient consommés par les travailleurs, que les affirmations de M. X... en ce sens sont corroborées par celles des anciens travailleurs demandeurs qui sont intervenus à l'audience du 27 avril 2009, ainsi que par des témoignages écrits (notamment celui de Bellais AIU (PSA 9) ; qu'enfin, force est de constater que le projet de loi du ministère de la défense relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français prévoit, sous certaines conditions de présence dans les zones des essais, dans une période déterminée, une indemnisation non seulement pour les anciens militaires ou travailleurs affectés sur les sites des essais nucléaires, mais encore pour les populations locales, ce qui atteste du risque de contamination, même en l'absence de réalisation de travaux sous rayonnements ionisants ; que par ailleurs, le CEA ne saurait valablement affirmer en tout état de cause l'innocuité de ces retombées radioactives, compte tenu de doses d'irradiation jugées trop faibles ; que force est de constater en effet que cette innocuité n'est nullement démontrée, alors qu'il existe de graves présomptions attestant de leur dangerosité ; que d'une part, le niveau limite des doses efficaces reçues par exposition externe et interne à ne pas dépasser et de la prise en compte d'un principe de précaution, a été successivement abaissé depuis les premiers décrets de 1966 et 1967 réglementant la matière, par le décret du 28 avril 1975 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants, puis par le décret du 31 mars 2003. Ainsi, la somme des doses efficaces à ne pas dépasser sur douze mois consécutifs est-elle passée de 50 nrSv à 20 mSv, de même que pour le public, la nouvelle limite est-elle passée de 5 mSv à lmSv ; que cette évolution, même si elle est pour partie dictée par le principe de précaution, atteste du caractère non définitif de ces seuils, modifiés en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques ; que d''autre part, les classifications effectuées par l'UNSCEAR (Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayons ionisants), organisme international, qui a établi une liste des maladies radio-induites en s'appuyant sur des études épidémiologiques internationales qui donnent lieu à un consensus scientifique, a reconnu la relation entre irradiation et risque de cancer, en fonction de l'organe et du tissu, et la possibilité d'une relation Dose- Effet, même à de faibles doses (Annexe E du Rapport du comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français - mai 2007) ; qu'au demeurant, ce rapport reconnaît, à côté des effets déterministes, qui sont des effets dits à seuil, des effets stochastiques ou aléatoires qui sont considérés comme "sans seuil" ; qu'or, en même temps, il ressort du rapport, qu'aucune étude épidémiologique complète n'a été effectuée sur les personnels du CEP, du CEA et des entreprises sous-traitantes, compte tenu des obstacles méthodologiques (notamment difficulté de reconstituer les listes d'anciens travailleurs, notamment lorsqu'ils n'ont pas bénéficié de dosimétrie, étant précisé que la dosimétrie biologique rétrospective n'est guère adaptée pour des expositions datant de plus de 10 ans, nécessité de croiser les données avec celles du fichier national des causes médicales de décès de l'INSERM, ampleur de la tâche) ; que dès lors, force est de constater qu'aucune donnée scientifique fiable ne permet d'affirmer que, contrairement à ce qui a été observé par les études scientifiques pratiquées sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires britanniques ou américains, et aux conclusions de l'UNSCEAR, les retombées radioactives des essais nucléaires français n'auraient pas été suffisamment signifiantes pour entraîner des pathologies, le cas échéant tardives, liées aux rayons ionisants ; qu'au demeurant, il ressort des annonces du Ministre de la Défense, relative au projet de loi sus-évoqué, dont il a été fait état à l'audience du 27 avril 2009, qu'aucun seuil d'exposition minimale ne sera fixé pour ouvrir droit à une indemnisation ; que s'il apparaît donc que M. X... a été soumis durant plusieurs années, dans le cadre de son activité, à un risque d'exposition aux rayons ionisants, reste à déterminer, pour établir qu'il existe un faisceau d'indices graves et concordants, de ce qu'il a contracté du fait de son activité professionnelle une pathologie, s'il est atteint d'une maladie susceptible, dans son cas, d'avoir été provoquée par les rayons ionisants ; qu'à cet égard, le dossier médical qu'il produit aux débats apparaît insuffisamment précis, alors même que le caractère potentiellement radioinduit de sa maladie est discuté scientifiquement, et ce bien qu'il s'agisse d'une pathologie du système sanguin ; qu'en effet, il ne produit aucun certificat médical attestant que sa maladie est susceptible d'avoir été provoquée par son activité professionnelle, à l'exception du certificat du Docteur C... du 13 octobre 2005, particulièrement laconique ; qu'en outre, la nature radio-induite du lymphome ne donne pas lieu à un consensus médical incontesté, puisque cette pathologie, si elle est reconnue comme radio-induite dans certaines législations étrangères, ne figure pas dans les tableaux métropolitains et polynésiens de maladies radio-induites ; que de surcroît, il ressort de la littérature médicale, comme des listes de maladies radio-induites (issue de la loi américaine du 25 avril 1988 ou des nomenclatures de l'UNSCEAR de 2006), qu'il existe plusieurs types de lymphome (notamment la maladie de Hodgkin et les lymphomes malins non hodgkinien, les myélomes multiples) ; qu'or, le tribunal n'a pas les compétences scientifiques requises pour déterminer, au vu des éléments du dossier médical de M. X... produit aux débats, de quel type de lymphome il est atteint ; qu'en outre, il convient, du fait de l'admission d'une preuve par présomption du lien de causalité entre l'activité professionnelle et la maladie, d'écarter toute probabilité importante d'une autre cause de la maladie contractée par M. X... ; qu'à cet égard, on peut noter que le document intitulé "Relation entre irradiation et risque de cancers en fonction de l'organe et du tissu" de l'UNSCEAR (Annexe E du rapport du Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français, pièce 1 du CEA) qui classe dans le groupe 3 les lymphomes, mentionne qu'il existe d'autres facteurs de cette maladie (virus, immune-oppression, voire génétiques) ; qu'aussi, le tribunal ne saurait reconnaître que M. X... a contracté sa maladie du fait de son activité sur les sites des essais nucléaires, sans avoir au préalable été en mesure d'écarter l'existence d'éventuels autres facteurs en ce qui le concerne ; que pour l'ensemble de ces raisons, il convient d'ordonner une expertise visant à définir les causes probables de la maladie dont est atteint M. X... ; qu'en outre, à supposer qu'au vu des résultats de cette expertise, il apparaisse que sont réunis des indices graves et concordants qui établissent que M. X... a contracté, du fait de son activité professionnelle, une maladie, et si par suite, le CEA n'est pas en mesure de s'exonérer de sa responsabilité, s'agissant d'une obligation de sécurité de résultat atténuée, en prouvant l'impossible conscience du danger ou la prise de mesures de sécurité optimales, le tribunal ne disposera pas d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice ; qu'en effet, M. X... sollicite le versement, à titre de réparation, de diverses sommes, qui suppose au préalable que soit quantifiée son IPP, ainsi que ses autres préjudices personnels, d'évaluation qui ne saurait se faire sans expertise préalable ; qu'en l'absence d'expert cancérologue sur le territoire de la Polynésie française, il convient de désigner un expert national, agréé par la Cour de cassation
1° - ALORS QUE le salarié dont l'affection ne peut être prise en charge au titre des maladies professionnelles ne peut demander réparation de son préjudice à son employeur sur le terrain de la responsabilité contractuelle qu'en prouvant le lien de causalité certain entre ses conditions de travail et son affection ; que la preuve de ce lien ne peut résulter que de présomptions graves, précises et concordantes ; qu'en se bornant à relever, pour dire ce lien établi, que le salarié était présent sur les sites des essais nucléaires à l'occasion de tirs atmosphériques ayant entraîné des retombées radioactives présentant un danger sanitaire, que la loi n°1010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français permettait à toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, que le décret n°2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de cette loi mentionnait le lymphome non hodgkinien dans la liste des maladies radio-induites, que cette pathologie était citée dans la loi américaine d'indemnisation des vétérans exposés aux radiations comme bénéficiant d'une présomption de lien avec le service et qu'elle figurait dans la liste des maladies radio-induites de l'UNSCEAR, que le docteur C... certifiait que la pathologie du salarié « peut être liée » à une exposition professionnelle à des radiations ionisantes et que le docteur D... avait conclu que la radioactivité « peut » induire des lymphomes, éléments impropres à faire ressortir l'existence de présomptions graves, précises et concordantes d'un lien de causalité certain entre l'activité professionnelle du salarié et le lymphome non hodgkinien dont il souffrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1349 et 1353 du code civil.
2° - ALORS QUE seules des présomptions graves, précises et concordantes permettent d'établir le lien de causalité certain entre la maladie du salarié et ses conditions de travail; qu'en jugeant que les lois françaises et américaines et la liste de l'UNSCEAR qualifiant le lymphome non hodgkinien de maladie radio-induite, tout comme que le certificat du docteur C... disant que cette pathologie « peut » être liée à une exposition professionnelle à des radiations ionisantes constituaient des présomptions graves, précises et concordantes établissant le lien de causalité entre le lymphome du salarié et son activité professionnelle, tout en constatant que ces éléments étaient contredits par le rapport d'expertise judiciaire du docteur D... qui ne retenait pas de « lien de causalité, solide et irréfutable » entre les activités du salariés pour le compte du CEA et l'apparition du lymphome et qui indiquait que « si l'origine radio-induite de certains lymphomes est reconnue, il n'existe pas de consensus scientifique réel sur ce sujet », ce qui excluait l'existence de présomptions graves, précises et concordantes d'un tel lien de causalité, la cour d'appel a violé les articles 1349 et 1353 du code civil.
3° - ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que dans son rapport d'expertise du 18 avril 2010, le docteur D... indiquait « dans le cas particulier de M. X..., il n'existait pas de facteur avéré (autre qu'une contamination radioactive) susceptible d'expliquer sa maladie
» mais il ajoutait «
mais les autres causes de survenue d'un lymphome sont virales ou toxiques. En ce qui concerne la forme spécifique de M. X..., elle a été reliée (document transmis lors de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle » à des facteurs liés à l'activité agricole et notamment de pesticides » ; qu'en jugeant que le docteur D... aurait écarté l'existence d'autres facteurs avérés (autre que la contamination radioactive) susceptibles d'expliquer sa maladie lorsqu'il imputait clairement celle-ci à d'autres facteurs liés à l'activité agricole et notamment des pesticides, la cour d'appel a dénaturé ce rapport d'expertise et violé l'article 1134 du code civil.
4° - ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que dans la liste établie par l'UNSCEAR, le lymphome non hodgkinien figure dans le Groupe 3 comprenant les tumeurs pour lesquelles « il n'y a pas d'augmentation de risque observé après exposition aux rayonnements ionisants » et qui indique « les lymphomes non hodgkiniens ne montrent pas non plus de relation avec l'irradiation mais le niveau de validation est moindre compte tenu des hétérogénéités de classification et de recueil des données » ; que s'agissant du lymphome non hodgkinien, cette liste ajoute dans la rubrique « remarques sur le niveau, les facteurs de risque » : « risque incertain : effet des fortes doses ? immunosuppression ? Autres facteurs : virus, immunosuppression (acquise par traitement), professions agricoles ? » ; qu'en jugeant que le lymphome non hodgkinien figurait dans la liste des maladies radio-induites de l'UNSCEAR lorsque ce document excluait au contraire la relation entre l'irradiation et le lymphome non hodgkinien, la cour d'appel a dénaturé cette liste et a violé l'article 1134 du code civil.
5° - ALORS en tout état de cause QUE le seul fait que le salarié ait été exposé à un risque et ait contracté une maladie liée à ce risque ne permet pas de conclure que l'employeur est présumé avoir commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat ; que l'employeur qui justifie avoir pris les mesures légales nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son travailleur ne peut être considéré comme ayant manqué à son obligation de sécurité ; qu'en déduisant de ce que le salarié aurait été exposé aux retombées radioactives durant son activité professionnelle et aurait contracté une maladie liée à ce risque la conclusion que l'employeur était présumé avoir commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a violé les articles Lp. 4121-1, Lp. 4121-2, Lp. 4121-3 du code du travail de Polynésie française.

6° - ALORS QUE ne manque pas à son obligation de sécurité de résultat l'employeur qui justifie avoir pris les mesures légales nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son travailleur ; que tel est le cas lorsqu'à la date d'exposition au risque, l'employeur justifie avoir respecté la réglementation alors applicable relative à la surveillance médicale du salarié ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté, par ses motifs propres et adoptés, qu'à la date d'exposition de M. X... au risque des retombées radioactives résultant des tirs nucléaires effectués sur la période de 1968 à 1974, le CEA avait respecté avec rigueur et sérieux la réglementation alors en vigueur, plus particulièrement le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 en ce qui concerne les examens médicaux à pratiquer et les équivalent de doses maximum admissibles ; qu'il est constant que ce décret n'organisait le suivi dosimétrique et médical et ne prévoyait une obligation d'information des risques encourus et des mesures de précautions à prendre que pour les seules personnes directement affectées à des travaux sous rayonnements ionisants ; que l'arrêt a encore constaté que M. X... n'étant pas classé comme personnel directement affecté aux travaux sous ionisants, il n'avait pas bénéficié, contrairement aux autres salariés directement affectés sous rayonnements ionisants, d'une dosimétrie individuelle ni d'examens anthropogammamétriques et radio toxicologiques réguliers, ni d'une information précise relative aux dangers de la radioactivité et aux mesures de protection à prendre; qu'en reprochant au CEA de n'avoir ainsi pas pris toutes les mesures de précautions nécessaires pour préserver le salarié du danger qui le menaçait et d'avoir ainsi manqué à son obligation de sécurité de résultat lorsque le CEA avait parfaitement respecté la réglementation alors applicable, la cour d'appel a violé les articles Lp. 4121-1, Lp. 4121-2, Lp. 4121-3 du code du travail de Polynésie française, ensemble le décret précité. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils pour la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande formée par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française afin que soit reconnu son droit d'exercer un recours subrogatoire à l'encontre des tiers responsables au titre des prestations servies pour le compte de Monsieur Robert X..., dans le cadre de la pathologie dont celui-ci est atteint, sur la base de l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974 instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés prévoit que : « lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, l'organisme de gestion est subrogé de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droits dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses que lui occasionne l'accident ou la blessure
» ; que l'article 41 de la même délibération précise que : « le financement du présent régime est assuré par des cotisations à la charge des employeurs, des salariés et des titulaires d'une pension de retraite ou de réversion. Les cotisations assises sur les rémunérations et gains des travailleurs salariés et assimilés sont réparties entre les employeurs et les salariés. Cette répartition s'opère à raison de deux tiers (2/3) à la charge des employeurs et d'un tiers (1/3) à la charge des salariés » ; qu'il ressort de ces dispositions que l'employeur qui participe au fonctionnement du régime d'assurance maladie invalidité en vertu duquel la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a versé des prestations à Robert X... ne saurait être qualifié de « tiers » et qu'ainsi l'organisme social n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 42 susvisé à l'égard du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, ni à l'égard de la société Sodetra ; qu'il convient de rejeter la demande formée par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française afin que soit reconnu son droit d' »exercer un recours subrogatoire à l'encontre des tiers responsables au titre des prestations servies pour le compte de M. Robert X..., dans le cadre de la pathologie dont celui-ci est atteint, sur la base de l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974 ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE la CPS fonde ses demandes sur l'article 42 de la délibération 74-22 du 14 février 1974 ; que ce texte dispose que « lorsque sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, l'organisme de gestion est subrogé de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droit dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses de santé actuelles que lui occasionne l'accident ou la blessure » ; qu'en l'espèce, un lymphome filliculaire inguino-iliaque constitue une maladie ; que l'exposition à une irradiation ne peut être assimilée à un accident ou à une blessure ; qu'en visant l'accident ou la blessure, le texte susvisé ne peut prendre en compte une pathologie ; que la CPS est donc irrecevable en ses demandes ;

ALORS QUE D'UNE PART, en application de l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974, lorsque sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, l'organisme de gestion, tiers payeur, est subrogé de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droits dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses que lui occasionne l'accident ou la blessure ; que l'employeur d'un salarié victime d'une maladie imputable aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité est considéré comme un tiers au sens de ce texte, peu important qu'il participe au fonctionnement du régime d'assurance maladie invalidité en vertu duquel la caisse de prévoyance a versé des prestations au salarié ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974 ;

ALORS QUE D'AUTRE PART, en application de l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974, lorsque sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, l'organisme de gestion, tiers payeur, est subrogé de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droits dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses que lui occasionne l'accident ou la blessure ; que ce texte est également applicable quand l'assuré est victime d'une maladie, telle un cancer ; qu'en rejetant le recours subrogatoire de la CPS au motif que le cancer dont était atteint M. X... constituait une maladie ne pouvant être assimilée à un accident ou à une blessure, la cour d'appel a violé l'article 42 de la délibération n°74-22 du 14 février 1974.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-15791
Date de la décision : 15/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 18 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 mar. 2018, pourvoi n°16-15791


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.15791
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