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14/03/2018 | FRANCE | N°17-15269

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2018, 17-15269


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée en contrat emploi solidarité par la Ville de [...], le 18 décembre 1995, pour une durée d'un an, pour occuper les fonctions d'agent d'accueil au Grand théatre de [...] ; qu'un contrat à durée déterminée a ensuite été conclu entre les parties le 22 décembre 1996 ; que ce contrat a été renouvelé à plusieurs reprises ; que le 24 juillet 2013, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir la requalification de son contrat de travail

en contrat à durée indéterminée et voir prononcer la résiliation judiciaire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée en contrat emploi solidarité par la Ville de [...], le 18 décembre 1995, pour une durée d'un an, pour occuper les fonctions d'agent d'accueil au Grand théatre de [...] ; qu'un contrat à durée déterminée a ensuite été conclu entre les parties le 22 décembre 1996 ; que ce contrat a été renouvelé à plusieurs reprises ; que le 24 juillet 2013, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et voir prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat ; que la ville de [...] a mis fin à la relation de travail avec la salariée le 1er juin 2014 ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale incompétente au profit du tribunal administratif d'Orléans alors, selon le moyen, qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un contrat emploi solidarité, qui est un contrat de droit privé, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif et il lui incombe ainsi de se prononcer sur une demande de requalification d'un tel contrat ; qu'en se déclarant incompétente, au profit de la juridiction administrative, pour statuer sur la demande de requalification d'un contrat emploi-solidarité, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ensemble les articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la relation contractuelle s'était poursuivie au-delà du terme du contrat emploi-solidarité par des contrats à durée déterminée, lesquels sont des contrats de droit public, en a déduit à bon droit que le juge judiciaire n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande en requalification en contrat à durée indéterminée de cette relation contractuelle et sur les conséquences de sa rupture intervenue après l'échéance du dernier contrat emploi-solidarité ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 96 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel confirme le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes se déclarant incompétent au profit du tribunal administratif d'Orléans ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque le juge judiciaire estime que l'affaire relève de la compétence de la juridiction administrative, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le dispositif du jugement du 19 juin 2014, il renvoie les parties devant le tribunal administratif d'Orléans, l'arrêt rendu le 28 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la juridiction prud'homale incompétente au profit du tribunal administratif d'Orléans ;

AUX MOTIFS QUE Mme Z... soutient que la question de la requalification du contrat emploi/solidarité en contrat à durée indéterminée est préalable à la question de compétence et devrait être examinée avant cette-ci ; que la commune de [...] soutient que cette demande est irrecevable car atteinte par la prescription ; qu'ainsi que l'a relevé la commune de [...], le fait que ce contrat puisse être ainsi requalifié n'implique pas que le conseil de prud'hommes soit compétent pour en connaître ; que, par ailleurs, la détermination de l'ordre de juridiction emporte attribution de compétence soit au conseil de prud'hommes soit au juge administratif pour connaître de toutes les questions relatives au contrat de travail et notamment de sa requalification en contrat à durée indéterminée et il ne peut être statué sur celle-ci que par la juridiction compétente ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la requalification du contrat emploi solidarité en contrat à durée indéterminée avant d'avoir déterminé la juridiction compétente pour connaître de l'ensemble du litige ; que la demande de Mme Z... tendant à voir statuer dès à présent sur cette requalification et celle de la commune de [...] tendant à voir déclarer cette demande irrecevable comme prescrite seront donc rejetées ; que la détermination de la juridiction compétente demeure liée aux critères jurisprudentiels et plus particulièrement à la catégorie de service public auquel appartient l'employeur de Mme Z... ; que celle-ci soutient que le théâtre municipal de [...] appartient à la catégorie des services publics industriels et commerciaux en se fondant sur les dispositions de l'article L. 2221-1 du code général des collectivités territoriales, suivant lesquelles : « sont considérées comme industrielles ou commerciales les exploitations susceptibles d'être gérées par des entreprises privées soit par application de la loi des 2-17 mars 1791, soit en ce qui concerne l'exploitation des services publics communaux, en vertu des contrats de concession ou d'affermage » ; que ce texte n'inclut dans les services publics industriels et commerciaux que les services publics communaux exploités « en vertu de contrats de concessions et d'affermage » et non les services exploités en régie ; qu'aucun texte n'a clairement désigné les théâtres gérés par les municipalités comme des services publics à caractère industriel et commercial ; qu'un service public ne doit être qualifié d'industriel et commercial que si au triple point de vue de son objet, de l'origine de ses ressources et de ses modalités de fonctionnement, il peut être assimilé à une entreprise privée ; qu'il suffit qu'il en diffère à l'un de ces trois points de vue pour qu'il soit tenu pour administratif ; que la présomption de caractère administratif n'est renversée que si la ressemblance recherchée apparaît sur les trois points de vue ; qu'en l'espèce, la gestion du théâtre par la ville en régie constitue un mode de fonctionnement qui la rattache au secteur public ; que le fait que les ressources du théâtre soient constituées en majeure partie par de subventions provenant de redevances fiscales et non par le prix des billets versés par les spectateurs équivalent au service rendu la classe également dans le secteur administratif ; que l'établissement emploie également du personnel communal ; qu'il résulte de ces éléments que le théâtre municipal de [...] est un service public administratif ; que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi (TC 1996 Berkani) et ils sont par le fait même soumis au droit public ; que pour tous les agents titulaires et non titulaires, en cas de litige, le contentieux relève de la compétence du juge administratif ; qu'il importe peu à cet égard que tes contrats conclus à partir du 12 octobre 2001 jusqu'au dernier de ces contrats conclu le 7 juillet 2013, se réfèrent à l'article L. 122-1-1 puis à L. 1242-2 du code du travail, relatifs aux conditions de recours aux contrats à durée déterminée, contrairement aux contrats antérieurs qui se réfèrent à la loi du 26 janvier 1984 qui régit les agents non titulaires de la fonction publique territoriale ainsi qu'à la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et au décret n° 88/145 relatif aux droits et obligations des fonctionnaires ;

ALORS, 1°), QU'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un contrat emploi solidarité, qui est un contrat de droit privé, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif et il lui incombe ainsi de se prononcer sur une demande de requalification d'un tel contrat ; qu'en se déclarant incompétente, au profit de la juridiction administrative, pour statuer sur la demande de requalification d'un contrat emploi-solidarité, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ensemble les articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

ALORS, 2°) et en tout état de cause, QUE lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir ; que, dès lors, en se déclarant incompétente au profit d'une juridiction administrative nommément désignée, la cour d'appel a violé l'article 96 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15269
Date de la décision : 14/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 28 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mar. 2018, pourvoi n°17-15269


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15269
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