LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme X... a demandé à une juridiction de proximité la condamnation de la société Banque populaire provençale et corse, aux droits laquelle vient la société Banque populaire Méditerranée (la banque), à lui payer diverses sommes correspondant à des dépôts d'espèces qu'elle avait effectués, à titre de paiement de loyers, pour être inscrits au crédit du compte de la société Etique quorum ; que la banque a opposé les conditions générales figurant sur les bordereaux de remise, dont il résultait que seule la reconnaissance des espèces effectuées en différé par ses services faisait foi ;
Attendu que pour condamner la banque à payer à Mme X... la somme de 830 euros correspondant à deux versements successivement inscrits au crédit puis au débit du compte de la société Étique quorum, le jugement retient que les conditions générales imprimées au dos du bordereau conservé par le remettant concernent expressément les clients de la banque et sont inopposables à Mme X... « qui n'a pas de contrat avec cette dernière » ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme X..., bien qu'elle ne fût pas titulaire d'un compte dans les livres de la banque, n'avait pas accepté les conditions générales d'utilisation du libre-service de dépôt d'espèces portées à sa connaissance pour figurer sur les bordereaux de remise, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée du chef de la condamnation principale entraîne, par voie de conséquence, celle du chef du jugement qui condamne la banque à payer à Mme X... des dommages-intérêts pour résistance abusive ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 septembre 2016, entre les parties, par la juridiction de proximité de Marseille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Marseille ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Méditerranée
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la Banque Populaire Provençale et Corse à payer à Mme X... les sommes de 830 euros à titre principal et de 1 000 euros à titre de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE : « Attendu, concernant l'extrait de compte ETIQUE QUORU, que la BPPC n'explique pas pourquoi ce document émanant d'une société ayant un compte chez elle lui serait inopposable et qu'au surplus elle l'utilise pour étayer sa position sur un versement litigieux, il ne sera pas écarté des débats ; que si les dépôts d'espèces en libre-service sont réservés aux clients de la banque il lui appartenait de contrôler la qualité de madame X... ; que les bordereaux jaunes sont tamponnés par la banque et doivent ainsi être analysés comme des reçus d'autant que, s'agissant d'espèces, le déposant ne dispose que de ce bordereau pour établir sa démarche et que c'est la seule utilité imaginable de ce document et de sa délivrance ; qu'il n'est pas inutile de rappeler qu'encaisser des sommes contre délivrance de reçus fait partie des missions habituelles d'une banque ; que le caractère de reçu du bordereau jaune est d'autant plus évident qu'en l'espèce on constate qu'il est remis à quelqu'un qui ne dispose pas d'un compte à la BPPC à qui il appartient d'organiser les missions des guichetiers de façon à sécuriser pour les usagers comme pour la banque elle-même les opérations qu'ils réalisent ; que les conditions générales imprimées au dos des bordereaux jaunes concernent expressément les clients de la banque elles sont d'autant plus inopposables à madame X... qui n'a pas de contrat avec la BPPC ; que pour le versement 8229839 de 410,00 euros crédit sur le compte ETIQUE QUORUM le 13 août 2013 et débité le 26 juillet 2013 la BPPC doit être condamnée à payer cette somme à la requérante ; que pour le versement 8229677 de 420,00 euros crédité sur le compte ETIQUE QUORUM le 13 août 2013 et non débité la requérante sera déboutée de sa demande ; que pour le versement 6448630 de 420,00 euros crédité sur le compte ETIQUE QUORUM le 13 décembre 2013 et débité le 18 décembre 2013 la BPPC doit être condamnée à payer cette somme à la requérante ; que la résistance abusive de la BPPC a causé un préjudice certain à madame X... il convient de lui attribuer la somme de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ; que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du CPC au bénéfice de la demanderesse il convient de lui allouer à ce titre la somme de 200,00 euros ; que la partie qui succombe supporte les dépens » ;
ALORS 1/ QUE la personne qui, sans y être tenue, dépose une somme d'argent sur le compte bancaire d'autrui accomplit, dans l'intérêt du titulaire du compte, un acte de gestion d'affaires et se trouve ainsi soumise à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le maître de l'affaire , qu'elle peut donc se voir opposer par la banque les conditions générales du service de dépôt d'espèces ; qu'en l'espèce, le jugement constate que Mme X... a déposé des espèces sur le compte de la société Etique Quorum ouvert dans les livres de la banque BPM ; qu'il résulte de ces constatations qu'en effectuant ce dépôt, Mme X... a agi comme gérant d'affaires de la société Etique Quorum ; qu'en décidant que les conditions générales d'utilisation imprimées au dos des bordereaux de remise, en ce qu'elles limitaient la force probante des bordereaux, ne lui étaient pas opposables car elle n'était pas cliente de la banque, le juge de proximité a violé les articles 1372 et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable à la présente espèce ;
ALORS 2/ QU'en effectuant des dépôts d'espèces sur le compte de son bailleur et au nom de ce dernier, Mme X... s'est immiscée dans l'exécution de la convention de compte liant son bailleur et la banque et s'est ainsi comportée en gérant de l'affaire de son bailleur ; qu'en vertu de cette qualité, elle était censée représenter son bailleur dans le dépôt d'espèces, acte d'exécution de la convention de compte, ce dont il s'évince qu'elle ne pouvait solliciter pour elle-même et à titre personnel le remboursement des sommes prétendument perdues, cette action n'appartenant qu'au titulaire du compte ou à son représentant ; qu'en faisant droit aux demandes de remboursement présentées par Mme X... pour elle-même et à titre personnel, le juge de proximité a violé les articles 1372 et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable à la présente espèce ;
ALORS 3/ QUE la personne qui recourt à un service de versements en espèces est liée par les conditions générales d'utilisation portées à sa connaissance, qu'elle soit ou non cliente de la banque par ailleurs ou titulaire du compte bénéficiaire ; que, pour accueillir partiellement les demandes de Mme X..., le juge de proximité a dit que les conditions générales d'utilisation imprimées au dos des bordereaux de remise, en ce qu'elles limitaient la force probante des bordereaux, ne lui étaient pas opposables dans la mesure où elle n'était pas cliente de la banque, ce dont il résultait que les bordereaux faisaient pleine foi de l'existence des remises à son égard ; qu'en statuant ainsi, quand, en utilisant ce service, Mme X... acceptait nécessairement les conditions générales inscrites au dos des bordereaux et portées à sa connaissance, bien qu'elle ne fût pas cliente de la banque par ailleurs, de sorte que la stipulation selon laquelle la force probante du bordereau était limitée à la date du dépôt et se trouvait conditionnée à la reconnaissance des espèces par la banque faisait plein effet contre elle, le juge de proximité a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS 4/ SUBSIDIAIREMENT QUE le banquier n'est pas tenu de vérifier la qualité de la personne effectuant une opération au crédit d'un compte dont elle n'est pas titulaire ; que, pour accueillir partiellement les demandes de Mme X..., le juge de proximité a dit qu'il incombait à la banque de vérifier la qualité de client de l'auteur de la remise et que les conditions générales d'utilisation imprimées au dos des bordereaux de remise, en ce qu'elles limitaient leur force probante, n'étaient pas opposables à Mme X... dans la mesure où elle n'était pas cliente de la banque et n'avait aucun contrat avec celle-ci, ce dont il résultait que les bordereaux faisaient pleine foi de l'existence des remises à son égard ; qu'en statuant ainsi, quand il n'incombe pas à la banque de vérifier la qualité d'une personne procédant à une opération créditrice, le juge a statué par des motifs impropres à exclure que Mme X... eût commis une faute de négligence en utilisant un service pour lequel il était porté à sa connaissance que la banque n'entendait pas s'engager contractuellement envers des tiers non clients, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, en leur rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS 5/ QUE commet une faute civile la personne qui, au mépris de la liberté contractuelle et de la liberté de choix du contractant, use d'un service bancaire dont elle a été informée ne pouvoir bénéficier contractuellement ; que, pour accueillir partiellement les demandes de Mme X..., le juge de proximité a dit qu'il incombait à la banque de vérifier la qualité de client de l'auteur de la remise ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de vérification, par la banque, de la qualité du remettant n'est pas de nature à couvrir la faute civile commise par la personne qui a usé d'un service qu'elle savait ne pas lui être contractuellement ouvert, le juge a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, en leur rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS 6/ QU'un contrat non formé ne peut avoir aucun effet juridique ; que, pour condamner la banque à rembourser à Mme X... une partie des sommes prétendument déposées par ses soins, le juge de proximité a dit qu'il incombait à la banque de vérifier la qualité de client de l'auteur de la remise et que les conditions générales d'utilisation imprimées au dos des bordereaux de remise, en ce qu'elles limitaient leur force probante, n'étaient pas opposables à Mme X... dans la mesure où elle n'était pas cliente de la banque et n'avait aucun contrat avec celle-ci, ce dont il résultait que les bordereaux faisaient pleine foi de l'existence des remises à son égard ; qu'en statuant ainsi, le juge de proximité, qui a conféré plein effet à une convention de remise d'espèces dont il relevait lui-même qu'elle n'avait pas été conclue, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS 7/ QUE pour condamner la banque à verser à Mme X... une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, le juge de proximité a relevé que sa résistance abusive avait causé à la demanderesse un préjudice certain ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucune circonstance de nature à faire dégénérer en faute le droit de la banque à défendre aux prétentions de Mme X..., ni caractériser en quoi son comportement eût relevé de la mauvaise foi, de la malice ou de l'erreur grossière équipollente au dol, le juge a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, en leur rédaction applicable à l'espèce, et de l'article 32-1 du code de procédure civile.