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07/03/2018 | FRANCE | N°16-13328

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 mars 2018, 16-13328


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, en application de l'article 620 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble les articles 122 et 125 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte d

u 16 juin 2011, la société Kaphy a assigné la société Biemme SRL en réparation du ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, en application de l'article 620 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble les articles 122 et 125 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 16 juin 2011, la société Kaphy a assigné la société Biemme SRL en réparation du préjudice résultant de la rupture d'une relation d'affaire qu'elle estimait relever d'un contrat d'agent commercial ; qu'en cause d'appel, elle a demandé en outre des dommages-intérêts en application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que l'arrêt fait partiellement droit à cette dernière demande et infirme le jugement en conséquence ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever d'office l'irrecevabilité de la demande formée devant elle fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce, la cour d'appel de Chambéry a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Kaphy aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour la société Biemme SRL.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Biemme SRL à payer à la SARL Kaphy la somme de 70.000 euros ainsi que 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que « il résulte tant de la production de photocopies des pages adéquates extraites du catalogue Biemme pendant plusieurs années, hiver et été de l'été 2003 à l'hiver 2008, que la SARL Kaphy y était présentée comme le seul distributeur en France et qu'une attestation de monsieur Y..., « propriétaire » de la société Biemme SPA, en date du 24 septembre 2007, affirme que « la société KAPHY SARL, représentée par son gérant Monsieur Z... Jean-Philippe, est notre distributeur officiel pour la France », lui donnant pouvoir d'agir pour le compte de la société Biemme SPA auprès du tribunal de commerce pour toute action en justice sur le territoire français ; que la société Kaphy justifie avoir été l'unique interlocuteur des centrales d'achat Décathlon, Go Sport, La Hutte, Intersport pour les vêtements Biemme ; que la société Kaphy était donc le distributeur exclusif de la société Biemme ; que la société Biemme SPA a simplement donné à la société Biemme SRL la « location d'une branche d'entreprise » et a décidé sa propre liquidation, laquelle semble toujours en cours ; que, alors que ce contrat, selon la traduction fournie par l'intimée, précise que « le cédant exerce l'activité de confection de vêtements sportifs, de vêtements spéciaux et d'articles d'habillement en général dans une unité de production située dans la municipalité de Brogliano », à l'adresse qui était celle de Biemme SPA et est devenue celle de Biemme SRL, la location concerne (article 1) « une branche de son entreprise, notamment celle située dans l'unité de production de la municipalité de Brogliano, (toujours à la même adresse) spécialisée dans l'activité de confection de vêtements sportifs, de vêtements spéciaux et d'autres articles d'habillement en général », qu'elle comprend « l'achalandage et (le) droit d'utiliser la société, l'enseigne et la marque Biemme », ainsi que (article 2) « les machines, les installations, les meubles, les équipements de bureau, les rayonnages, les véhicules et les moyens de transport internes, les biens mobiliers concernant les contrats de leasing et tout ce qui a été détaillé dans la liste annexée », « les marques Biemme », mais, article 17, « les parties conviennent expressément que les comptes de clients et toutes les dettes envers les banques et/ou les fournisseurs et/ou les instituts etc. sans aucune exclusion restent exclusivement au profit et à la charge du cédant » ; qu'il apparaît donc que les deux sociétés Biemme ont convenu que la nouvelle société poursuite techniquement l'activité de la première, mais sans reprendre ses engagements ni ses contrats » ; que, pourtant, il n'est justifié d'aucune notification à la société Kaphy de cette modification ; que celle-ci a passé ses commandes et facturé ses commissions qui lui ont été payées par Biemme SRL selon les mêmes modalités et tarifs sans aucune contestation ni remarque, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté ; que l'exclusivité n'a pas été remise en cause avant le courrier du 21 septembre 2010 ; que le signataire de ce courrier pour Biemme SRL, monsieur Maurizio Y..., est le même qui avait signé pour Biemme SPA l'accord sur les modalités de paiement des commissions le 26 mai 2008 : qu'il en résulte que c'est le même contrat qui avait été engagé par la société Biemme SPA et qui s'est poursuivi avec la société Biemme SRL ; que, si dans les rapports entre les deux sociétés Biemme, leur contrat s'applique pleinement, dans les rapports avec le distributeur exclusif français, la société Biemme SRL a manifestement repris le contrat de distributeur exclusif français, la société Biemme SRL a manifestement repris le contrat de distributeur exclusif qui avait été consenti par la société Biemme SPA, et que le changement de forme sociale n'a pas pu avoir pour effet de faire partir un nouveau contrat : que le fondement de l'article L. 442-6,5° ne constitue pas une demande nouvelle, dès lors que, comme en première instance, la société Kaphy demande seulement l'indemnisation de la brusque rupture imposée par la société Biemme à des relations contractuelles d'une certaine durée, relations que les parties n'avaient jamais formalisées par écrit, et se borne donc, en appel, à envisager deux qualifications alternatives ; qu'il n'est pas contesté que le contrat tel qu'il est connu à la fin des relations a commencé en 1992 ; qu'il ne peut être nié que les trois dernières années sont 2008 à 2010 et que la chute du chiffre d'affaires d'une part était déjà commencée et d'autre part s'est très fortement accélérée ; que la société Kaphy a mis en cause dans cette baisse, selon un courrier du 26 mars 2008, la société Biemme qui n'a pas contesté sa responsabilité et a accepté, le 26 mai suivant, des modalités de paiement des commissions sur les commandes enregistrées et non plus sur les commandes livrées ; que le préjudice de la société Kaphy doit être estimé à 70.000 euros » (arrêt, p. 3-5) ;

Alors, en premier lieu, que sauf exception légale ou hypothèse de cession de contrat, un contrat ne lie que les parties contractantes ; que les relations nouées par une partie à un contrat initial avec un nouveau partenaire entraînent la formation d'un nouveau contrat, dont les termes ne peuvent être définis qu'avec le nouveau partenaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Biemme SPA avait conclu un contrat de distribution avec la société Kaphy en 1992, que la société Biemme SRL avait été constituée en juillet 2008, et que le contrat de location conclu entre les sociétés Biemme SPA et Biemme SRL prévoyait que la société Biemme SRL ne reprenait pas les engagements de la société Biemme SPA ; que, pour conclure que par son courrier du septembre 2010 par lequel elle informait la société Kaphy qu'elle ferait appel à des distributeurs supplémentaires sur le territoire français, la société Biemme SRL aurait brutalement rompu avec la société Kaphy une relation commerciale établie depuis 1992, la cour d'appel a considéré que la société Biemme SRL n'avait pas conclu avec la société Kaphy un nouveau contrat mais avait continué le contrat de distribution exclusive conclu en 1992 par la société Kaphy avec la société Biemme SPA et que «le changement de forme sociale » n'avait pu avoir pour effet de faire partir un nouveau contrat ; qu'en se déterminant ainsi cependant qu'elle avait constaté que la société Biemme SRL était une société distincte de la société Biemme SPA et qu'elle n'était pas tenue par les engagements pris par la société Biemme SPA, ce dont il se déduisait que les relations nouées par la société Kaphy avec la société Biemme SRL ne pouvaient s'inscrire que dans le cadre d'un nouveau contrat, dont les termes, et notamment l'existence d'un engagement d'exclusivité, ne pouvaient être définis que par la société Biemme SRL et la société Kaphy, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1134 et 1165 du code civil, ensemble l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Alors, en deuxième lieu, que sauf exception légale ou hypothèse de cession de contrat, les relations nouées par une partie à un contrat avec un nouveau partenaire entraînent la formation d'un nouveau contrat, quelle que soit la croyance sur ce point de la partie au contrat initial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de location conclu entre les sociétés Biemme SPA et Biemme SRL prévoyait que la société Biemme SRL ne reprenait pas les engagements de la société Biemme SPA ; que pour considérer que la société Biemme SRL avait poursuivi avec la société Kaphy le contrat de distribution exclusive que la société Kaphy avait conclu avec la société Biemme SPA, la cour d'appel a relevé que la société Kaphy n'aurait pas été informée de ce que la société Biemme SRL ne reprenait pas les engagements de la société Biemme SPA, qu'elle aurait passé commande auprès de la société Biemme SRL aux mêmes conditions que précédemment, que le signataire des courriers adressés par la société Biemme SRL à la société Kaphy était le même que celui qui s'adressait à elle au nom de la société Biemme SPA, et que la société Biemme SRL n'avait pas remis en cause l'exclusivité qu'avait consenti à la société Kaphy la société Biemme SPA avant le courrier du 21 septembre 2010 ; qu'en se déterminant ainsi cependant que dès lors que le contrat de distribution conclu par la société Biemme SPA avec la société Kaphy avait pris fin du fait de la location consentie par la société Biemme SPA à la société Biemme SRL sans reprise par la société Biemme SRL des engagements de la société Biemme SPA et que la société Biemme SRL était une personne distincte de la société Biemme SPA, ses relations avec la société Kaphy s'inscrivaient nécessairement dans un nouveau contrat, peu important la croyance sur ce point de la société Kaphy, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé les articles 1134 et 1165 du code civil, ensemble l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Alors, en troisième lieu et subsidiairement, que la relation commerciale nouée par un distributeur avec un fournisseur ne peut être considérée comme poursuivie par le distributeur avec un nouvel opérateur économique non tenu par les engagements pris par son prédécesseur que si le distributeur et ce nouvel opérateur ont expressément manifesté leur intention de s'inscrire dans la continuité de la relation initiale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait du contrat de location d'activité que la société Biemme SRL ne reprenait pas les engagements de la société Biemme SPA ; que pour considérer nénamoins que la société Biemme SRL aurait poursuivi avec la société Kaphy les relations contractuelles qu'avait nouées avec la société Kaphy la société Biemme SPA, la cour d'appel a relevé que la société Kaphy avait passé commande auprès de la société Biemme SRL dans des conditions identiques à celles qui régissaient ses rapports avec la société Biemme SPA, et que l'exclusivité qu'avait consentie à la société Kaphy la société Biemme SPA n'avait pas été remise en cause par la société Biemme SRL avant le courrier du 21 septembre 2010 ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la société Biemme SRL et la société Kaphy auraient expressément manifesté leur volonté de s'inscrire dans la continuité de la relation nouée par la société Kaphy avec la société Biemme SPA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Alors, en quatrième lieu, que l'application de l'article L. 442-6 5° du code de commerce suppose une rupture, à tout le moins partielle, d'une relation commerciale ; que dans le cadre d'un contrat de distribution, le fournisseur qui met fin à une exclusivité, sans modifier les conditions et tarifs de vente au distributeur, ne procède pas à une rupture de la relation commerciale, même partielle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a aucunement constaté que la société Biemme SRL aurait modifié ses conditions et tarifs de vente avec la société Kaphy ; que l'exposante faisait valoir que le courrier adressé par la société Biemme SRL à la société Kaphy le 21 septembre 2010 ne mettait pas un terme à leurs relations commerciales mais informait seulement la société Kaphy qu'elle aurait également recours à d'autres distributeurs (conclusions p. 19) ; qu'en condamnant la société Biemme SRL pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si la société Biemme SRL avait rompu ses relations avec la société Kaphy, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Alors, en cinquième lieu, que le préjudice réparable sur le fondement de l'article L. 442-6 5° du code de commerce est le préjudice résultant de la brutalité de la rupture ; qu'il doit être fixé au regard de la durée de préavis qui aurait dû être respectée, et des conséquences concrètes du non respect de ce préavis pour le distributeur, notamment eu égard à la marge brute qu'il aurait pu réaliser pendant ce préavis ; qu'en se contenant d'énoncer que le préjudice de la société Kaphy devait être estimé à 70.000 euros, sans fixer la durée du préavis qui aurait prétendument dû être respecté par la société Biemme SRL, ni évaluer les gains dont le non respect de ce préavis aurait privé la société Kaphy, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.442-6 du code de commerce et 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-13328
Date de la décision : 07/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 18 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 mar. 2018, pourvoi n°16-13328


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP François-Henri Briard, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.13328
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