LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Alain X...,
contre l'arrêt n° 19 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASSE-TERRE en date du 16 février 2017 qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, non-justification de ressources et infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction de remise de biens meubles, en vue de leur aliénation, à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués ( AGRASC ) ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Pichon, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été mis en examen notamment des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et blanchiment ; que le juge d'instruction a ordonné la remise à l'AGRASC en vue de leur aliénation d'une moto Yamaha, de la clé de contact et de deux cartes grises saisies lors de perquisitions ; que la personne mise en examen a interjeté appel ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 198, 216, 591 et 593 du code de procédure pénale, des droits de la défense, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué ne mentionne pas le mémoire déposé par l'avocat de M. X... au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre le 10 novembre 2016 tendant à la réformation de l'ordonnance du juge d'instruction du 3 octobre 2016 ;
"alors que devant la chambre de l'instruction, les parties et leurs avocats sont admis jusqu'au jour de l'audience à produire des mémoires qu'ils communiquent au ministère public et aux autres parties ; que la chambre de l'instruction doit mettre la Cour de cassation en mesure de vérifier si les mémoires régulièrement produits par les parties ont été soumis à l'examen des juges ; qu'en ne mentionnant pas dans son arrêt le mémoire déposé par l'avocat de M. X... le 10 novembre 2016, avant l'audience des débats s'étant tenue le 19 janvier 2017, la chambre de l'instruction a méconnu les dispositions susvisées" ;
Attendu que c'est à bon droit que la chambre de l'instruction n'a pas mentionné le mémoire déposé par le conseil du mis en examen le 10 novembre 2016 au parquet général et reçu à la même date au greffe de la chambre de l'instruction, l'ayant déclaré irrecevable comme tardif dans sa précédente décision n°177 du 17 novembre 2016 et qu'il appartenait au conseil de déposer un nouveau mémoire dans les délais légaux pour l'audience du 19 janvier 2017 ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette convention, préliminaire, 99-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre ordonnant la remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués de la moto Yamaha [...], des clefs de contact et des deux cartes grises en vue de leur aliénation ;
"aux motifs propres que M. X... fait appel de l'ordonnance du juge d'instruction du 3 octobre 2016 ordonnant la remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués d'une moto Yamaha R1, d'une clef de contact et de deux cartes grises ; que M. X... déclare à l'audience qu'il est victime d'un acharnement judiciaire, que ni lui ni son entreprise n'ont de rapport avec un trafic de stupéfiants ; que par ailleurs les biens sont bradés par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués et revendus très largement au-dessous de leur valeur ; que la défense de M. X... indique que la moto Yamaha R1 n'appartient pas à M. X... ; que la confiscation du bien n'est prévue que dans deux cas, inapplicables en l'espèce : - si le bien a servi à commettre l'infraction ;
- si le bien est le produit de l'infraction ; que M. X... a déclaré le 18 septembre 2016 être le propriétaire de la moto Yamaha R1 immatriculée [...] puis [...], l'utiliser, l'entretenir et l'assurer (« Il était destiné à la location mais ne pouvant l'assurer pour la location, j'ai dû le mettre à mon nom pour pouvoir l'assurer ») ; que figurent au dossier deux certificats d'immatriculation de ce véhicule, le certificat garage du 3 juillet 2014 au nom de la SARL Tandem location et le certificat du 2 septembre 2015 au nom de M. X... ; que la question de la propriété est en tout état de cause indifférente, l'article 99-2 du code de procédure pénale issu de la rédaction de la loi du 3 juin 2016 disposant : « Le juge d'instruction peut également ordonner, sous réserve des droits des tiers, de remettre à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, en vue de leur aliénation, des biens meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien » ; que dans cette nouvelle rédaction est supprimée la condition de biens meubles placés sous main de justice appartenant aux personnes poursuivies ; que la question qui subsiste est de savoir si la moto Yamaha était au moment de sa remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués confiscable et si oui à quel titre ; que la confiscation de ce bien, susceptible de constituer l'objet de l'infraction de blanchiment et le produit direct ou indirect des infractions à la législation sur les stupéfiants, ou d'en garantir le cas échéant la valeur sur le fondement de l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal, est encourue en application de l'article 222-49 du même code ; qu'on ajoutera surabondamment qu'elle l'est également, au titre des confiscations de patrimoine, en application combinée des dispositions de l'alinéa 2 de ce dernier texte et de l'alinéa 6 de l'article 131-21 susvisé ; que la vente avant jugement ordonnée, s'agissant d'un bien susceptible de se déprécier rapidement par l'effet du temps, est donc parfaitement régulière ; que les affirmations de M. X... sur les conditions dans lesquelles seraient vendus les biens confiés à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués sont strictement déclaratives et témoignent d'une méconnaissance du fonctionnement de l'agence ; que l'ordonnance contestée est justement motivée et doit être confirmée ;
"aux motifs éventuellement adoptés qu'il résulte de la procédure que le véritable propriétaire du véhicule est M. X... comme ce dernier le reconnaît ; que ce dernier est mis en examen notamment pour des faits de trafic de stupéfiants et blanchiment de cette infraction ; que la confiscation du(des) biens(s) est susceptible d'être ordonnée au titre de la confiscation du produit de l'infraction de trafic de stupéfiants ou au titre de la confiscation de l'objet de l'infraction de blanchiment ; que la conservation de ce(s) bien(s) n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et que le maintien de la saisie serait de nature à diminuer sa(leur) valeur ;
"alors que la remise d'un bien à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués en vue de son aliénation n'est autorisée qu'autant que le maintien de la saisie est de nature à diminuer la valeur du bien ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la moto saisie était susceptible de se déprécier rapidement par l'effet du temps, sans justifier concrètement son appréciation, ni expliquer en quoi le maintien de la saisie était de nature à diminuer la valeur de la moto quand le bien qui n'était pas neuf n'avait fait l'objet d'une saisie que depuis quelques jours lorsque le juge d'instruction a statué et tout juste un an lorsque la chambre de l'instruction s'est prononcée, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt énonce notamment que la vente avant jugement ordonnée, s'agissant d'un bien susceptible de se déprécier rapidement par l'effet du temps, est parfaitement régulière ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la chambre de l'instruction, qui a fait l'exacte application de l'article 99-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit février deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.