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28/02/2018 | FRANCE | N°17-80694

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 2018, 17-80694


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
M. Pierre I... ,

- Mme Danielle X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 16 décembre 2016, qui, pour recel, les a condamnés chacun à deux ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 janvier 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mme Drai, M

M. de Larosière de Champfeu, Stephan, Guéry, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
M. Pierre I... ,

- Mme Danielle X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 16 décembre 2016, qui, pour recel, les a condamnés chacun à deux ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 janvier 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mme Drai, MM. de Larosière de Champfeu, Stephan, Guéry, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Gaillardot ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET et de la société civile professionnelle HÉMERY et THOMAS-RAQUIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. I... coupable de recel de vol, l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la restitution entre les mains de M. Claude A..., ès qualité d'administrateur de la succession de Pablo A..., des oeuvres prétendument recelées et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que la présentation d'une nouvelle version des faits accompagnée de l'affirmation du caractère mensonger de la précédente, pourtant soutenue avec conviction et constance par les prévenus depuis 2010, ne saurait suffire à emporter en elle-même la conviction de sa véracité et, dispenser d'une analyse au prisme de la rationalité ; qu'à l'appui de son affirmation de l'existence d'une relation de proximité entre Jacqueline A..., son épouse et lui-même, M. I... énumère dans ses conclusions des événements susceptibles d'en attester de manière objective sur une période allant de 1971 jusqu'au suicide de Jacqueline A... survenu le 15 octobre 1986 ; qu'il évoque ainsi la continuité de travaux d'électricité effectués au profit du couple A... puis de Jacqueline, l'achat de «tubes d'oxygène» à l'attention de Pablo A... malade, une dédicace de A... sur un catalogue, la visite de Jacqueline à Mme Danielle I... à l'hôpital Notre Dame de Vie lors de l'enterrement de A..., les déclarations de Mme Catherine K... évoquant leurs tutoiements réciproques, les confidences faites par Jacqueline A... quant à ses idées suicidaires, l'envoi par Jacqueline A... de 16 cartes postales à Mme Danielle I..., le prêt par Jacqueline A... d'une somme de 540 000 francs ; que cette liste exhaustive de 9 événements étalés sur une période de plus de 15 années si elle atteste incontestablement de l'existence entre Jacqueline A... et les époux I... d'une relation susceptible d'avoir dépassé un cadre strictement professionnel, ne saurait constituer la preuve d'une relation amicale ainsi que la qualifie les prévenus ; qu'il est au demeurant indifférent au litige de connaître la manière dont les époux I... qualifiaient leur liens avec Jacqueline A..., seule la perception par cette dernière de la nature et de la force de leur relation étant susceptible d'éclairer les débats quant à la possibilité du don prétendu des oeuvres ; que sur ce point, aucun des éléments mentionnés, dont il convient de souligner qu'ils sont pour la plupart postérieurs à la date du prétendu don, ne vient attester de l'existence d'une relation d'amitié forte de la part de Jacqueline A... à l'égard des époux I... ; que l'hypothèse avancée par M. I... est que les 17 sacs confiés à lui par Jacqueline A... après la mort de son mari l'ont été afin de faire sortir les oeuvres qu'ils contenaient « des inventaires réalisés à partir de 1973 » ; qu'il affirme à la barre de la cour et dans ses écritures avoir retourné ces 17 sacs à Jacqueline A... «plusieurs mois plus tard» et les avoir remontés à Notre Dame de Vie ; que cette allégation se heurte à l'affirmation des parties civiles selon laquelle l'inventaire de la succession A... confié à M. Pierre B... puis à M. Maurice C... ne s'achèvera qu'à la fin de l'année 1978 ; qu'ainsi, il apparaît peu rationnel, et partant peu crédible, de vouloir soustraire des oeuvres à un inventaire successoral en les confiant pour une période de « quelques mois » à M. I... puis de leur faire réintégrer Notre Dame de Vie dans un temps où ce même inventaire s'y poursuit ; que M. I... soutient qu'il était ignorant du contentieux successoral opposant les enfants de A... et la veuve de celui-ci, ce qui apparaît en contradiction avec les relations de proximité que son épouse et lui-même revendiquent avec Jacqueline, et qu'il n'a pas prêté plus d'attention que cela au contenu du sac qui lui a été remis en cadeau, « n'étant pas un connaisseur de l'oeuvre » ; que s'il est malaisé d'appréhender objectivement la connaissance par M. I... de la valeur de l'oeuvre de Pablo A... en général, et des 271 oeuvres contenues dans le sac qui lui a été remis en particulier, il est en revanche plus aisé de déterminer la valeur absolue de ces 271 oeuvres et la connaissance que pouvait en avoir Jacqueline A... ; qu'il est constant que Jacqueline A... connaissait et admirait l'oeuvre de son mari ; que d'ailleurs, Mme Danielle X..., épouse I... indique à la barre de la cour que Jacqueline avait « de l'amour et de la vénération » pour l'oeuvre de Pablo A... et qu'elle « prenait soin de son oeuvre après son décès » ; que les 271 oeuvres détenues par les époux I... revêtent un caractère hétéroclite, aussi bien par leur nature – dessins, études, lithographies, collages, peintures – que par leurs thèmes, rendant inconcevable l'hypothèse d'un don ; qu'elles comprennent notamment des travaux de recherche décisifs dans l'histoire du cubisme ; que dans l'oeuvre de A..., les collages cubistes sont extrêmement rares rapportés au nombre d'oeuvres créées par l'artiste : à peine une centaine au total, toutes périodes confondues ; qu'elles comprennent encore des caricatures de groupes d'amis et de connaissances (Max D..., André E..., Guillaume F...) sur lesquels A... s'est représenté lui-même ; que sans qu'il soit nécessaire d'énumérer et de distinguer en catégories les oeuvres détenues par les époux I..., elles revêtent incontestablement une très grande valeur artistique et historique ; que le don allégué apparaît parfaitement anormal du fait de son importance et de sa valeur ; qu'il se heurte aux habitudes de Pablo A... de son vivant et, de la même manière, au respect absolu voire à la vénération portée par Jacqueline A... à l'héritage artistique de son mari décédé ; qu'ainsi donc, la nouvelle version des faits présentée à la cour par M. I... apparaît tout autant dénuée de crédibilité que la précédente pourtant soutenue pendant plusieurs années avec conviction ; que les déclarations de Mme Danielle X... tendant à confirmer la nouvelle version des faits de son mari sont elles aussi dénuées de toute crédibilité, l'intéressée reconnaissant par ailleurs l'existence de mensonges préparés, concertés et répétés s'agissant de la narration des faits proposée jusqu'alors ; que la demande de supplément d'information, dans des conclusions régulièrement déposées au greffe, M. I... sollicite que soit ordonné avant dire droit au fond un supplément d'information visant notamment à la réalisation des actes suivants : - verser au dossier tous les inventaires réalisés après le décès de Pablo A..., - entendre tout expert, et notamment Mme Christine G..., assistante personnelle de Claude L... A... pour les authentifications des oeuvres auprès de A... administration, afin qu'elle soit interrogée sur le nombre d'inventaires existants, la date et les circonstances précises de leur réalisation, l'existence d'oeuvres non répertoriées et les raisons pour lesquelles des oeuvres n'ont pas été répertoriées, - entendre M. Jean-Louis H..., directeur de la fondation Maeght, et l'interroger sur les circonstances dans lesquelles il a réalisé l'inventaire après la mort de Jacqueline A..., ainsi que sur l'existence d'oeuvres non répertoriées, - réaliser des actes d'investigation et verser les documents utiles en lien avec le régime successoral de Pablo et Jacqueline A... et en déterminer ses conséquences pour la succession, - verser au dossier l'intégralité des documents (jugements, déclarations de succession, etc...) relatifs à la succession de Pablo A..., - entendre M. Pierre B..., mandataire judiciaire qui a été en charge de régler l'indivision A..., - effectuer tout autre acte d'investigation permettant de déterminer les circonstances et la chronologie précises du litige successoral entre Mmes Claude L... A..., Maya L... A..., Anne-Paloma L... A... et Jacqueline A..., - procéder aux expertises médicales et psychiatriques des époux I... dans le but d'évaluer si, en raison de leur état de santé et de leur âge, ils peuvent souffrir de troubles passagers ou permanents, de la mémoire ; qu'il indique que les actes sollicités ont pour objet de vérifier s'il est possible que Jacqueline A... ait fait délibérément sortir des oeuvres des inventaires réalisés à partir de 1973 et si ces oeuvres (qui sont des oeuvres non répertoriées mais authentifiées comme des A... véritables) ont pu faire l'objet de remises volontaires de Jacqueline A... ou éventuellement d'autres héritiers ; que l'hypothèse envisagée, d'oeuvres de A... soustraites à l'inventaire de sa succession et ayant fait l'objet de remises volontaires, quand bien même serait avérée, est sans incidence sur les faits de l'espèce tendant à déterminer si Jacqueline A... a pu donner à M. I... , dans les nouvelles circonstances qu'il allègue, 271 oeuvres de Pablo A... d'une valeur extrêmement importante ; qu'il ressort de l'examen attentif de la nouvelle version des faits présentée à la cour par M. I... qu'elle est tout aussi fantaisiste et invraisemblable que la précédente et revêt dès lors d'un caractère mensonger le don allégué par Jacqueline A... de ces 271 oeuvres ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder au supplément d'information sollicité, qui n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ; que les éléments constitutifs de l'infraction de recel, il n'est pas contestable, et du reste pas contestée, que les époux I... étaient en possession des 271 oeuvres lors de rendez-vous avec Mme Claude L... A... à Paris le 9 septembre 2010 ; qu'elles ont par ailleurs été retrouvées dans un coffre de leur domicile au cours de la perquisition effectuée le 5 octobre 2010 ; que les époux I... ont enfin soutenu de manière constante avoir détenu ces oeuvres pendant près de quarante ans ; que cette possession apparaît non seulement clandestine mais dénuée de bonne foi ; que les éléments développés ci-dessus se rapportant à l'analyse de la crédibilité de la nouvelle version présentée par les époux I... à l'audience de la cour établissent que la totalité des oeuvres provient incontestablement d'une appropriation frauduleuse réalisée à l'insu de Pablo A... et/ou de son épouse, à l'exclusion de toute autre hypothèse ; que les mensonges, incohérences, modifications des déclarations des prévenus relatifs à leur entrée en possession, à la conservation des oeuvres ou encore à leur inventaire établissent leur mauvaise foi ; que les époux I... ne peuvent ignorer que les oeuvres qu'ils détenaient proviennent d'une appropriation frauduleuse, l'information et les débats à la barre du tribunal correctionnel de Grasse et à l'audience de la cour d'appel ayant mis en exergue suffisamment d'éléments caractérisant l'origine délictueuse des 271 oeuvres ; que l'élément intentionnel du délit de recel de vol est ainsi établi à l'égard des prévenus coupables des faits qui leur sont reprochés ;

"1°) alors que le recel n'est caractérisé que dans la mesure où le bien détenu provient d'une infraction ; qu'au cas d'espèce, M. et Mme I... sollicitaient de la cour d'appel qu'elle ordonne un supplément d'information pour permettre la réalisation d'actes de nature à établir que les biens visés par la prévention avaient été volontairement donnés par Jacqueline A..., qui en était légitime propriétaire, à M. I..., ce qui excluait tout recel dans le chef de ce dernier ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de supplément d'information, que « l'hypothèse envisagée, d'oeuvres de A... soustraites à l'inventaire de sa succession et ayant fait l'objet de remises volontaires, quand bien même elle serait avérée, est sans incidence sur les faits de l'espèce tendant à déterminer si Jacqueline A... a pu donner à M. I... 271 oeuvres de Pablo A... d'une valeur extrêmement importante », quand tout au contraire, la remise volontaire des oeuvres à M. I... était de nature à exclure tout vol, et donc tout recel de vol dans le chef de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;

"2°) alors que le juge ne peut déclarer un prévenu coupable de recel de vol que s'il constate que le bien objet de la prévention a été volé ; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation à l'égard de M. I..., à déduire le vol des biens objets de la prévention de l'absence de crédibilité des affirmations de M. I... selon lesquelles ces biens lui auraient été remis volontairement par leur propriétaire, quand la seule absence de crédibilité des propos de M. I..., à la supposer avérée, ne suffisait en tout état de cause pas à établir que les biens visés par la prévention avaient été volés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que devant les juges du fond, M. I... faisait valoir que ses affirmations faisant état d'une remise volontaire des oeuvres par Jacqueline A... au décès de Pablo A... pour qu'elles échappent à l'inventaire successoral, étaient corroborées à la fois par les déclarations de Mme K..., qui jugeait l'hypothèse d'un tel don parfaitement plausible, et par l'absence de mention de ces oeuvres dans l'inventaire successoral ; qu'en jugeant pourtant M. I... coupable de recel de vol, sans répondre à ces moyens déterminants, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision en violation des textes visés au moyen" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme I... coupable de recel de vol, l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la restitution entre les mains de M. Claude A..., ès qualité d'administrateur de la succession de Pablo A..., des oeuvres prétendument recelées et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que la présentation d'une nouvelle version des faits accompagnée de l'affirmation du caractère mensonger de la précédente, pourtant soutenue avec conviction et constance par les prévenus depuis 2010, ne saurait suffire à emporter en elle-même la conviction de sa véracité et, dispenser d'une analyse au prisme de la rationalité ; qu'à l'appui de son affirmation de l'existence d'une relation de proximité entre Jacqueline A..., son épouse et lui-même, M. I... énumère dans ses conclusions des événements susceptibles d'en attester de manière objective sur une période allant de 1971 jusqu'au suicide de Jacqueline A... survenu le 15 octobre 1986 ; qu'il évoque ainsi la continuité de travaux d'électricité effectués au profit du couple A... puis de Jacqueline, l'achat de «tubes d'oxygène» à l'attention de Pablo A... malade, une dédicace de A... sur un catalogue, la visite de Jacqueline à Mme Danielle I... à l'hôpital Notre Dame de Vie lors de l'enterrement de A..., les déclarations de Mme Catherine K... évoquant leurs tutoiements réciproques, les confidences faites par Jacqueline A... quant à ses idées suicidaires, l'envoi par Jacqueline A... de 16 cartes postales à Mme Danielle I..., le prêt par Jacqueline A... d'une somme de 540 000 francs ; que cette liste exhaustive de 9 événements étalés sur une période de plus de 15 années si elle atteste incontestablement de l'existence entre Jacqueline A... et les époux I... d'une relation susceptible d'avoir dépassé un cadre strictement professionnel, ne saurait constituer la preuve d'une relation amicale ainsi que la qualifie les prévenus ; qu'il est au demeurant indifférent au litige de connaître la manière dont les époux I... qualifiaient leur liens avec Jacqueline A..., seule la perception par cette dernière de la nature et de la force de leur relation étant susceptible d'éclairer les débats quant à la possibilité du don prétendu des oeuvres ; que sur ce point, aucun des éléments mentionnés, dont il convient de souligner qu'ils sont pour la plupart postérieurs à la date du prétendu don, ne vient attester de l'existence d'une relation d'amitié forte de la part de Jacqueline A... à l'égard des époux I... ; que l'hypothèse avancée par M. I... est que les 17 sacs confiés à lui par Jacqueline A... après la mort de son mari l'ont été afin de faire sortir les oeuvres qu'ils contenaient « des inventaires réalisés à partir de 1973 » ; qu'il affirme à la barre de la cour et dans ses écritures avoir retourné ces 17 sacs à Jacqueline A... « plusieurs mois plus tard » et les avoir remontés à Notre Dame de Vie ; que cette allégation se heurte à l'affirmation des parties civiles selon laquelle l'inventaire de la succession A... confié à M. Pierre B... puis à M. Maurice C... ne s'achèvera qu'à la fin de l'année 1978 ; qu'ainsi, il apparaît peu rationnel, et partant peu crédible, de vouloir soustraire des oeuvres à un inventaire successoral en les confiant pour une période de « quelques mois » à M. I... puis de leur faire réintégrer Notre Dame de Vie dans un temps où ce même inventaire s'y poursuit ; que M. I... soutient qu'il était ignorant du contentieux successoral opposant les enfants de A... et la veuve de celui-ci, ce qui apparaît en contradiction avec les relations de proximité que son épouse et lui-même revendiquent avec Jacqueline, et qu'il n'a pas prêté plus d'attention que cela au contenu du sac qui lui a été remis en cadeau, « n'étant pas un connaisseur de l'oeuvre » ; que s'il est malaisé d'appréhender objectivement la connaissance par M. I... de la valeur de l'oeuvre de Pablo A... en général, et des 271 oeuvres contenues dans le sac qui lui a été remis en particulier, il est en revanche plus aisé de déterminer la valeur absolue de ces 271 oeuvres et la connaissance que pouvait en avoir Jacqueline A... ; qu'il est constant que Jacqueline A... connaissait et admirait l'oeuvre de son mari ; que d'ailleurs, Mme Danielle X... , épouse I... indique à la barre de la cour que Jacqueline avait « de l'amour et de la vénération » pour l'oeuvre de Pablo A... et qu'elle « prenait soin de son oeuvre après son décès » ; que les 271 oeuvres détenues par les époux I... revêtent un caractère hétéroclite, aussi bien par leur nature – dessins, études, lithographies, collages, peintures – que par leurs thèmes, rendant inconcevable l'hypothèse d'un don ; qu'elles comprennent notamment des travaux de recherche décisifs dans l'histoire du cubisme ; que dans l'oeuvre de A..., les collages cubistes sont extrêmement rares rapportés au nombre d'oeuvres créées par l'artiste : à peine une centaine au total, toutes périodes confondues ; qu'elles comprennent encore des caricatures de groupes d'amis et de connaissances (Max D..., André E..., Guillaume F...) sur lesquels A... s'est représenté lui-même ; que sans qu'il soit nécessaire d'énumérer et de distinguer en catégories les oeuvres détenues par les époux I..., elles revêtent incontestablement une très grande valeur artistique et historique ; que le don allégué apparaît parfaitement anormal du fait de son importance et de sa valeur ; qu'il se heurte aux habitudes de Pablo A... de son vivant et, de la même manière, au respect absolu voire à la vénération portée par Jacqueline A... à l'héritage artistique de son mari décédé ; qu'ainsi donc, la nouvelle version des faits présentée à la cour par M. I... apparaît tout autant dénuée de crédibilité que la précédente pourtant soutenue pendant plusieurs années avec conviction ; que les déclarations de Mme Danielle X... tendant à confirmer la nouvelle version des faits de son mari sont elles aussi dénuées de toute crédibilité, l'intéressée reconnaissant par ailleurs l'existence de mensonges préparés, concertés et répétés s'agissant de la narration des faits proposée jusqu'alors ; que la demande de supplément d'information, dans des conclusions régulièrement déposées au greffe, M. I... sollicite que soit ordonné avant dire droit au fond un supplément d'information visant notamment à la réalisation des actes suivants : - verser au dossier tous les inventaires réalisés après le décès de Pablo A..., - entendre tout expert, et notamment Mme Christine G..., assistante personnelle de M. Claude L... A... pour les authentifications des oeuvres auprès de A... administration, afin qu'elle soit interrogée sur le nombre d'inventaires existants, la date et les circonstances précises de leur réalisation, l'existence d'oeuvres non répertoriées et les raisons pour lesquelles des oeuvres n'ont pas été répertoriées, - entendre M. Jean-Louis H..., directeur de la fondation Maeght, et l'interroger sur les circonstances dans lesquelles il a réalisé l'inventaire après la mort de Jacqueline A..., ainsi que sur l'existence d'oeuvres non répertoriées, - réaliser des actes d'investigation et verser les documents utiles en lien avec le régime successoral de Pablo et Jacqueline A... et en déterminer ses conséquences pour la succession, - verser au dossier l'intégralité des documents (jugements, déclarations de succession, etc...) relatifs à la succession de Pablo A..., - entendre M. Pierre B..., mandataire judiciaire qui a été en charge de régler l'indivision A..., - effectuer tout autre acte d'investigation permettant de déterminer les circonstances et la chronologie précises du litige successoral entre Mmes Claude L... A..., Maya L... A..., Anne-Paloma L... A... et Jacqueline A..., - procéder aux expertises médicales et psychiatriques des époux I... dans le but d'évaluer si, en raison de leur état de santé et de leur âge, ils peuvent souffrir de troubles passagers ou permanents, de la mémoire ; qu'il indique que les actes sollicités ont pour objet de vérifier s'il est possible que Jacqueline A... ait fait délibérément sortir des oeuvres des inventaires réalisés à partir de 1973 et si ces oeuvres (qui sont des oeuvres non répertoriées mais authentifiées comme des A... véritables) ont pu faire l'objet de remises volontaires de Jacqueline A... ou éventuellement d'autres héritiers ; que l'hypothèse envisagée, d'oeuvres de A... soustraites à l'inventaire de sa succession et ayant fait l'objet de remises volontaires, quand bien même serait avérée, est sans incidence sur les faits de l'espèce tendant à déterminer si Jacqueline A... a pu donner à M. I..., dans les nouvelles circonstances qu'il allègue, 271 oeuvres de Pablo A... d'une valeur extrêmement importante ; qu'il ressort de l'examen attentif de la nouvelle version des faits présentée à la cour par M. I... qu'elle est tout aussi fantaisiste et invraisemblable que la précédente et revêt dès lors d'un caractère mensonger le don allégué par Jacqueline A... de ces 271 oeuvres ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder au supplément d'information sollicité, qui n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ; que les éléments constitutifs de l'infraction de recel ; qu'il n'est pas contestable, et du reste pas contesté, que les époux I... étaient en possession des 271 oeuvres lors de rendez-vous avec Mme Claude L... A... à Paris le 9 septembre 2010 ; qu'elles ont par ailleurs été retrouvées dans un coffre de leur domicile au cours de la perquisition effectuée le 5 octobre 2010 ; que les époux I... ont enfin soutenu de manière constante avoir détenu ces oeuvres pendant près de quarante ans ; que cette possession apparaît non seulement clandestine mais dénuée de bonne foi ; que les éléments développés ci-dessus se rapportant à l'analyse de la crédibilité de la nouvelle version présentée par les époux I... à l'audience de la cour établissent que la totalité des oeuvres provient incontestablement d'une appropriation frauduleuse réalisée à l'insu de Pablo A... et/ou de son épouse, à l'exclusion de toute autre hypothèse ; que les mensonges, incohérences, modifications des déclarations des prévenus relatifs à leur entrée en possession, à la conservation des oeuvres ou encore à leur inventaire établissent leur mauvaise foi ; que les époux I... ne peuvent ignorer que les oeuvres qu'ils détenaient proviennent d'une appropriation frauduleuse, l'information et les débats à la barre du tribunal correctionnel de Grasse et à l'audience de la cour d'appel ayant mis en exergue suffisamment d'éléments caractérisant l'origine délictueuse des 271 oeuvres ; que l'élément intentionnel du délit de recel de vol est ainsi établi à l'égard des prévenus coupables des faits qui leur sont reprochés ;

"1°) alors que le recel n'est caractérisé que dans la mesure où le bien détenu provient d'une infraction ; qu'au cas d'espèce, M. et Mme I... sollicitaient de la cour d'appel qu'elle ordonne un supplément d'information pour permettre la réalisation d'actes de nature à établir que les biens visés par la prévention avaient été volontairement donnés par Jacqueline A... , qui en était légitime propriétaire, à M. I..., ce qui excluait tout recel dans le chef de Mme I... ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de supplément d'information, que « l'hypothèse envisagée, d'oeuvres de A... soustraites à l'inventaire de sa succession et ayant fait l'objet de remises volontaires, quand bien même elle serait avérée, est sans incidence sur les faits de l'espèce tendant à déterminer si Jacqueline A... a pu donner à M. I... 271 oeuvres de Pablo A... d'une valeur extrêmement importante », quand tout au contraire, la remise volontaire des oeuvres à M. I... était de nature à exclure tout vol, et donc tout recel de vol dans le chef de Mme I... , la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;

"2°) alors que le juge ne peut déclarer un prévenu coupable de recel de vol que s'il constate que le bien objet de la prévention a été volé ; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation à l'égard de Mme I..., à déduire le vol des biens objets de la prévention de l'absence de crédibilité des affirmations de M. I... selon lesquelles ces biens lui auraient été remis volontairement par leur propriétaire, quand la seule absence de crédibilité des propos de M. I..., à la supposer avérée, ne suffisait en tout état de cause pas à établir que les biens visés par la prévention avaient été volés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que devant les juges du fond, Mme I... faisait valoir que ses affirmations et celles de son époux faisant état d'une remise volontaire des oeuvres par Jacqueline A... au décès de Pablo A... pour qu'elles échappent à l'inventaire successoral, étaient corroborées à la fois par les déclarations de Mme K..., qui jugeait l'hypothèse d'un tel don parfaitement plausible, et par l'absence de mention de ces oeuvres dans l'inventaire successoral ; qu'en jugeant pourtant Mme I... coupable de recel de vol, sans répondre à ces moyens déterminants, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision en violation des textes visés au moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 321-1 du code pénal ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 14 janvier 2010, M. I... a contacté M. Claude L... A..., fils de Pablo A... et administrateur provisoire de sa succession, aux fins d'authentifier des oeuvres du peintre qu'il détenait avec son épouse, Mme X... ; que le 9 septembre 2010, M. et Mme I... ont présenté à leur interlocuteur deux cent soixante et onze oeuvres de différentes natures réalisées par Pablo A... entre 1900 et 1932, non mentionnées dans les inventaires successoraux et jamais divulguées jusque-là ; qu'une plainte ayant été déposée et une information judiciaire ouverte le 13 décembre 2010, M. et Mme I..., mis en examen, ont expliqué qu'en raison des relations qu'ils entretenaient avec Pablo A... et son épouse, ceux-ci leur avaient donné un sac contenant ces oeuvres, qu'ils avaient entreposées dans leur garage sans en connaître la valeur avant 2009 ; qu'à l'issue de l'information, M. I... et Mme X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de recel de vol ; que les juges du premier degré les ont déclarés coupables de ce délit, leur ont appliqué la peine et ont prononcé sur les intérêts civils ; que les prévenus, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision ; que devant la cour d'appel, M. et Mme I... sont revenus sur leurs déclarations antérieures ;

Attendu que, pour dire établi le délit de recel, l'arrêt retient que la dernière version des prévenus, selon laquelle Jacqueline A..., peu après le décès de son époux, leur aurait, dans un premier temps, confié des oeuvres pendant quelques mois pour les soustraire à l'inventaire successoral puis, dans un second temps, donné une partie de celles-ci, est dénuée de crédibilité ; que les juges ajoutent que M. et Mme I..., dont les mensonges et les déclarations incohérentes, relatives notamment à leur entrée en possession des oeuvres litigieuses, établissent la mauvaise foi, ne pouvaient ignorer l'origine frauduleuse de celles-ci ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui ne démontrent pas que les biens détenus par les prévenus provenaient d'un vol commis antérieurement à leur entrée en possession, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 décembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit février deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80694
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 2018, pourvoi n°17-80694


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.80694
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