LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société AXA France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Mousseigt et la société Brenac et associés, ès qualités de liquidateur de la société Mousseigt ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 décembre 2016), que, par acte du 11 avril 2005, M. et Mme Y... ont acquis une maison d'habitation, dont la société Mousseigt avait réalisé les lots gros oeuvre, maçonnerie et assainissement, réceptionnés le 1er octobre 2001 ; qu'invoquant l'existence de désordres affectant le réseau d'assainissement, M. et Mme Y... ont assigné la société Mousseigt et son assureur, la société AXA France, en indemnisation de leurs préjudices ;
Attendu que, pour condamner la société AXA France à payer à M. et Mme Y... la somme de 8 000 euros, l'arrêt retient que la circonstance que l'expert a affirmé la certitude de la survenance, à court terme, d'un désordre est suffisante à engager la responsabilité décennale du constructeur et la mobilisation de la garantie de son assureur, dès lors que ce dommage, futur, ne peut être considéré comme hypothétique et qu'il a été identifié, dans ses causes, dans le délai décennal d'épreuve, même s'il ne s'est pas réalisé pendant celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'à la date de la réunion d'expertise du 3 octobre 2011, il n'existait pas de désordre, l'écoulement des eaux dans les réseaux étant satisfaisant, qu'au jour du dépôt du rapport définitif, il n'apparaissait aucun désordre et que l'expert judiciaire n'avait caractérisé aucun dommage existant, au sens de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA Axa France Iard, ès-qualité d'assureur décennal de la Sarl Mousseigt à payer aux époux Y... la somme de 8.000 euros TTC, indexée sur l'évolution du coût de la construction BT 01 publié par l'INSEE, l'indice de référence étant celui en vigueur au 2 avril 2013 et d'AVOIR condamné la SA Axa France Iard à payer aux époux Y..., en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3.000 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QU'aux termes d'appréciations qui ne font l'objet d'aucune contestation technique sérieuse, l'expert judiciaire, dans son rapport du 2 avril 2013, a conclu :
- que le réseau d'assainissement eaux usées/eaux vannes et eaux pluviales, non séparatif, est constitué par des tuyaux en PVC cheminant à 60 cm de la surface dans un remblai en argile et présentant à l'avant de l'habitation des sections très fortement ovalisées et à l'arrière de la maison des sections en partie ovalisées, en raison de la pression du remblai,
- que cette ovalisation est due à la nature inadaptée des tuyaux mis en oeuvre, en raison de leur rigidité insuffisante à contenir la pression du remblai employé,
- qu'au regard des résultats des sondages réalisés, l'état des tuyauteries enterrées, principalement sur les tronçons situés à l'avant de l'immeuble, sous la chaussée destinée à l'accès automobile, provoquera un désordre à court terme, par aplatissement jusqu'au point de rupture mécanique, avec obstruction du réseau,
- qu'à la date de la réunion d'expertise du 3 octobre 2011, il n'existe pas de désordre, l'écoulement des eaux dans les réseaux étant satisfaisant,
- que les tuyauteries mises en oeuvre à l'arrière du bâtiment ne présentent pas de contre-indication, la société Mousseigt ayant réalisé le réseau et le remblai en tout-venant sur lequel M. Y... a réalisé courant 2006 une dalle en béton présentant à plusieurs endroits des affaissements dus à des tassements différentiels,
- qu'au jour du dépôt du rapport définitif, il n'apparaît aucun désordre, à l'exception de celui ayant donné lieu, courant 2009, à une réparation que la sarl Mousseigt et intervenu alors que M. Y... avait réalisé une dalle béton au-dessus de ces réseaux, ayant obligatoirement eu une incidence sur la nature du sol, par l'objet des travaux réalisés,
- que seuls les tronçons 14 et 2 (situés à l'avant) sont non conformes, du fait de la rigidité insuffisante des tuyaux au regard de la nature du sol et de la destination de la surface,
- que les tuyauteries et leur mise en oeuvre sur la partie arrière ne présentent pas de contre-indication au regard de la norme applicable (NF EN 1453-1) ;
Que par ailleurs, il y a lieu de constater qu'aucune partie ne conteste l'existence d'une réception tacite des travaux de la sarl Mousseigt au 1er octobre 2001, telle que retenue par un arrêt de cette cour en date du 15 février 2011 dans le cadre d'une instance opposant notamment les époux Y... à leurs vendeurs et à la sarl Mousseigt ; que les époux Y... fondent leur demande à titre principal sur les dispositions de l'article 1792 du code civil et subsidiairement sur celles de l'article 1147 du code civil ; que s'agissant du fondement invoqué à titre principal par les appelants, il y a lieu de rappeler qu'aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination et qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; qu'en l'espèce, l'expertise judiciaire n'a caractérisé aucun dommage existant, au sens de l'article 1792 du code civil, l'expert relevant, sans être techniquement contredit, que l'écoulement des eaux dans le réseau litigieux s'effectue normalement et que l'écrasement d'un tuyau à l'arrière du bâtiment courant 2009 est imputable à la réalisation par les appelants, quatre ans après la réception, d'une dalle-trottoir en béton à l'arrière du bâtiment, sans lien avec la rigidité insuffisante des tuyaux situés à l'avant de celui-ci, en sorte que l'intervention réparatoire (sic !) de la sarl Mousseigt, suite à la dénonciation de cet incident ne peut être considérée comme une reconnaissance non équivoque de responsabilité, interruptive de la prescription décennale ; que cependant, la circonstance que l'expert a affirmé la certitude de la survenance, à court terme, d'un désordre (rupture des canalisations en PVC entraînant un engorgement de nature à compromettre la destination de l'ouvrage) est suffisante à engager la responsabilité décennale du constructeur et la mobilisation de la garantie de son assureur, dès lors que ce dommage futur, ne peut être considéré comme hypothétique et qu'il a été identifié, dans ses causes, dans le délai décennal d'épreuve, même s'il ne s'est pas réalisé pendant celui-ci ; qu'il convient dès lors de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les époux Y... de leurs demandes contre la société SA Axa France, ès-qualité d'assureur décennal de la SAS Mousseigt ; que les époux Y... ne produisent aucun élément technique probant au soutien de leur contestation de l'avis expertal limitant les travaux de réfection au réseau situé à l'avant de leur maison d'habitation, il convient de condamner la SA Axa France Iard, en sa qualité d'assureur décennal de la sarl Mousseigt à payer aux époux Y... la somme de 8.000 € indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction BT 01 publié par l'INSEE, l'indice de référence étant celui en vigueur au 2 avril 213, date de dépôt du rapport d'expertise ; que l'équité commande de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux Y... à payer à la SA Axa France Iard en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et de condamner la SA Axa France Iard à payer de ce chef aux époux Y... la somme globale de 3.000 € au titre des frais par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ; que la SA Axa France Iard sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire ;
ALORS QUE seuls les désordres qui, actuellement, compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ou qui, avec certitude dans le délai décennal, compromettront la solidité de l'ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale ; que la cour d'appel constate « qu'à la date de la réunion d'expertise du 3 octobre 2011, il n'existe pas de désordre, l'écoulement des eaux dans les réseaux étant satisfaisant » et qu'aucun désordre n'était survenu au jour du dépôt du rapport d'expertise en date du 2 avril 2013 ; qu'elle a également constaté que les prévisions de l'expert relatives à la rupture des canalisations en PVC ne s'étaient pas réalisées pendant le délai d'épreuve et que la réception avait été fixée à la date du 1er octobre 2001 ; qu'ainsi, en condamnant l'assureur de responsabilité décennal sur la base d'une considération inopérante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1792 du code civil.