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28/02/2018 | FRANCE | N°16-19422

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 février 2018, 16-19422


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2018

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 172 F-P+B+I

Pourvoi n° S 16-19.422

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant s

ur le pourvoi formé par la société Compañia Española De Financiación Del Desarrollo, Cofides, société anonyme, dont le siège est [...](Espagne), con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2018

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 172 F-P+B+I

Pourvoi n° S 16-19.422

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Compañia Española De Financiación Del Desarrollo, Cofides, société anonyme, dont le siège est [...](Espagne), contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2016 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Groupe Brandt, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

2°/ à la société FHB , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], mission conduite par M. Y..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société Brandt Customer Services,

3°/ à la société C. X..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], mission conduite par M. X..., en qualité de mandataire judiciaire de la société Brandt Customer Services,

4°/ à la société Brandt Customer Services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

5°/ à la société Cevital, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] (Algérie),

6°/ à la société Exagon, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...], défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de la société Compañia Española De Financiación Del Desarrollo, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Groupe Brandt, FHB, ès qualités, C. X..., ès qualités, Brandt Customer Services, Cevital et Exagon, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 janvier 2016, RG n° 15/04176), que le 22 mars 2012, la société de droit espagnol Compañia Española De Financiación Del Desarollo (la Cofides) a consenti à la société Fagormastercook un prêt garanti par la "caution hypothécaire" de la société Brandt Customer Services à concurrence de la somme de 9 500 000 euros, cette société ayant affecté à sa garantie un ensemble immobilier ; que le 12 novembre 2013, la société Brandt Customer Services a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde au passif de laquelle la Cofides a déclaré une créance d'un montant de 9 500 000 euros ; que la société Brandt Customer Services a demandé la conversion de cette procédure en redressement judiciaire ; qu'un jugement du 16 janvier 2014, devenu irrévocable, a accueilli cette demande de conversion sur le fondement des dispositions de l'article L. 622-10, alinéa 3, du code de commerce ; que par un jugement du 11 avril 2014, le redressement judiciaire de la société Brandt Customer Services a été converti en liquidation judiciaire ; que la société Cofides a formé tierce opposition à ce jugement, au motif que la cessation des paiements de la société débitrice n'avait jamais été constatée au cours de la procédure collective ;

Attendu que la Cofides fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de rétractation du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Brandt Customer Services alors, selon le moyen, que si la cessation des paiements n'a pas été constatée préalablement, lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou lors de la conversion de la procédure de sauvegarde judiciaire en redressement judiciaire, elle doit l'être lors de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, en plus de l'impossibilité manifeste du redressement ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de la société Cofides visant à voir réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 11 avril 2014, la cour d'appel a considéré que, quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion d'une procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'impose pas la constatation de l'état de cessation des paiements ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 640-1 du code de commerce, ensemble les articles L. 622-10 et L. 631-15 du même code ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé que, quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion de celle-ci en une procédure de liquidation en application de l'article L. 631-15, II, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 applicable en la cause, n'impose pas la constatation de l'état de la cessation des paiements, seule l'impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Compañia Española De Financiación Del Desarollo (la Cofides) aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés FHB, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Brandt Customer Services, C. X..., en qualité de mandataire judiciaire de la même société, Brandt Customer Services, Groupe Brandt, Cevital et Exagon la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Compañia Española De Financiación Del Desarrollo

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Cofides visant à voir réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 11 avril 2014 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Cofides soutient que l'état de cessation des paiements de la société Brandt Customer Services n'ayant pas été constaté lors de la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire, il doit l'être lors de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et qu'en l'espèce il n'est pas démontré que la société Brandt Customer Services se trouvait en état de cessation des paiements le 11 avril 2014 au moment du prononcé de sa liquidation ; Considérant que, lorsqu'une entreprise a été placée en redressement judiciaire, il résulte du II de l'article L. 631-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 applicable à la cause, qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'ainsi, quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion d'un redressement en liquidation n'impose pas la constatation de l'état de cessation des paiements, seule l'impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée ; Considérant que la société Cofides prétend ensuite que le redressement de la société Brandt Customer Services n'est pas manifestement impossible, dès lors que son passif définitif s'élève à la somme de 209 295,77 € et que son activité principale consistait à percevoir des loyers annuels d'environ 940 000 € HT résultant de la location de locaux industriels et commerciaux sis à Saint-Ouen-l'Aumône, et que la valeur de l'actif immobilier aurait pu permettre à la société Brandt Customer Services de se refinancer et de garantir la bonne fin du plan de redressement ; Considérant que le passif définitif de la société Brandt Customer Services s'établit à la somme de 209 295,77 € ; qu'au 15 avril 2014 si la trésorerie disponible de la société Brandt Customer Services, constituée du seul compte bancaire créditeur, s'élevait à la somme de 110 314,32 €, il convient de relever qu'entre le 28 février et le 15 avril 2014 le compte bancaire n'avait enregistré aucun mouvement de crédit et qu'il n'est pas démontré que, depuis, des sommes aient pu être encaissées par la société Brandt Customer Services ; qu'en avril 2014 la société Brandt Customer Services ne tirait plus de revenus de la location7 gérance de son fonds de commerce exploité par la société Fagor Brandt SAS, qui avait cessé son activité, ni ne pouvait espérer continuer de percevoir de revenus tirés de la location à cette même société Fagor Brandt SAS de l'immeuble sis à [...] ; que tel est toujours le cas à ce jour, le fonds de commerce de la société Brandt Customer Services ayant été cédé, de même que l'immeuble affecté à l'exploitation du fonds de commerce ; que ces éléments établissent suffisamment que le redressement de la société Brandt Customer Services est manifestement impossible, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Cofides de voir réformer le jugement du 11 avril 2014 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Brandt Customer Services » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « le litige concerne le prononcé de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire dans la procédure concernant la société Brandt Customer Services, Attendu que l'article L. 631-15 II, relatif à l'ouverture et au déroulement du redressement judiciaire et dans sa version en vigueur jusqu'au 15 janvier 2009 disposait que : "À tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si les conditions prévues à l'article L. 640-1 sont réunies", lequel article L. 640-1, relatif aux conditions d'ouverture de la liquidation judiciaire, dispose que : "Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible", Mais attendu que suite à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 - art. 81, le même article L. 631-15 II est devenu à compter du 15 janvier 2009 : "À tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible", Qu'ainsi toute référence à l'article L. 640-1 est supprimée, annihilant ainsi les obligations qu'il posait notamment en référence à l'état de cessation des paiements du débiteur pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son égard, Attendu qu'en l'espèce, le tribunal de céans a justifié la conversion du redressement judiciaire de Brandt Customer Services en liquidation judiciaire, en ces termes : "Il ressort du rapport du juge commissaire et des informations recueillies par le tribunal que la trésorerie disponible est voisine de zéro et que l'arrêt des productions depuis fin mars ne permettent pas la poursuite de l'activité dans le cadre d'un redressement judiciaire ; En conséquence, le tribunal prononce ce jour la liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 15 mai 2014 en vue de la cession de l'entreprise dans le cadre liquidatif". Que ce faisant, le tribunal a caractérisé le fait que le redressement judiciaire de Brandt Customer Services était manifestement impossible et a ainsi pleinement satisfait aux conditions énoncées dans l'article L. 631-15 précité, En conséquence, le tribunal déclarera mal fondée la tierce-opposition formée par Cofides à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce le 11 avril 2014 » ;

ALORS QUE, si la cessation des paiements n'a pas été constatée préalablement, lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou lors de la conversion de la procédure de sauvegarde judiciaire en redressement judiciaire, elle doit l'être lors de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, en plus de l'impossibilité manifeste du redressement ;

Qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de la société Cofides visant à voir réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 11 avril 2014, la cour d'appel a considéré que, quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion d'une procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'impose pas la constatation de l'état de cessation des paiements ;

Qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 640-1 du code de commerce, ensemble les articles L. 622-10 et L. 631-15 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-19422
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Conversion du redressement en liquidation judiciaire - Conditions - Redressement manifestement impossible - Seule condition - Portée

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Conversion d'un redressement ouvert en application de l'article L. 622-10, alinéa 3, du code de commerce en liquidation - Etat de cessation des paiements - Constatation - Nécessité (non)

Quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion de celle-ci en une procédure de liquidation en application de l'article L. 631-15, II, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 applicable en la cause, n'impose pas la constatation de l'état de la cessation des paiements, seule l'impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée. Il en va en particulier ainsi lorsque la procédure de redressement judiciaire a été ouverte sur le fondement de l'article L. 622-10, alinéa 3, du code de commerce


Références :

articles L. 622-10, alinéa 3, et L. 631-15, II, du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 janvier 2016

Sous l'empire de l'article L. 631-15 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, dans le même sens que : Com., 23 avril 2013, pourvoi n° 12-17189, Bull. 2013, IV, n° 70 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 fév. 2018, pourvoi n°16-19422, Bull. civ.Bull. 2018, IV, n° 26
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, IV, n° 26

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19422
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