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27/02/2018 | FRANCE | N°16-86042

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 février 2018, 16-86042


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Philippe X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 15 septembre 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 16 décembre 2014, n° 13-87.341), dans la procédure suivie contre la société Trans Rouergue manutention, MM. Thierry Y..., Jacques Z..., les sociétés C...                et Gluth Systemtechnik du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;>
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 janvier 2018 où étaient présents dans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Philippe X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 15 septembre 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 16 décembre 2014, n° 13-87.341), dans la procédure suivie contre la société Trans Rouergue manutention, MM. Thierry Y..., Jacques Z..., les sociétés C...                et Gluth Systemtechnik du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. A..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER et de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général B... ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du code civil, 591, 593 et 609 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel n'a réformé que pour partie le jugement du tribunal correctionnel du 15 février 2012 et a ainsi implicitement rejeté les demandes de M. X... tendant à la fixation du préjudice corporel de M. X... à la somme de 3 520 018,21 euros et à la condamnation, in solidum, des sociétés C...         et Gluth Systemtechnik à lui payer la somme de 2 213 057,61 euros et en ce qu'elle a fixé à 266 290,34 euros le montant des frais d'appareillage de la victime pour le futur et à 142 972,84 euros les frais d'aménagement de son véhicule et a condamné solidairement la société C...                et la société Gluth Systemtechnik à payer à M. Philippe X... la somme de 248 399,46 euros au titre des frais d'appareillage, compte tenu des versements de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron et la somme de 142 972,84 euros pour les frais d'aménagement du véhicule ;

"aux motifs que, sur l'étendue de la cassation ; que la cour de cassation a rendu une décision de cassation partielle ; que M. Philippe X... soutient que l'arrêt de la cour de Montpellier a été censuré dans son ensemble, à l'exception des dispositions concernant les indemnités allouées sous forme de rente ; que l'arrêt de la Cour de cassation « casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en ses seules dispositions ayant fixé à 2 517 527,10 euros le préjudice corporel de M. X..., ayant condamné in solidum la société C...                et la société Gluth Systemtechnik à verser à M. X... la somme de 1 210 567,10 euros à titre de dommages-intérêts » ; que la partie civile en tire la conclusion qu'il convient de réexaminer tous les postes de préjudice ayant donné lieu à une condamnation à un paiement en capital ; que M. X... admet cependant que les indemnités allouées par la cour d'appel de Montpelier pour les préjudices autres que le coût des matériels spécialisés et l'aménagement du véhicule automobile doivent être confirmées ; qu'il fait valoir que ces indemnités doivent être réévaluées en raison des dépenses nouvelles effectuées depuis le 15 novembre 2011, de la parution d'un nouveau barème de capitalisation en 2013 et de la réévaluation du point d'IPP dans le référentiel de 2015 ; que la société C...                et la société Gluth Systemtechnik considèrent que Philippe X... dénature la portée de l'arrêt de cassation ; que ces deux sociétés soutiennent que l'arrêt de la cour de Montpellier a été annulé en ses dispositions relatives au frais de matériel futurs et en celles concernant l'aménagement du véhicule automobile ; qu'elles font valoir que les demandes de la victime relatives aux autres préjudices remettent en cause des chefs de la décision de la cour de Montpellier devenus définitifs, soit parce qu'ils ont été confirmés par la cour de cassation, soit parce qu'ils n'ont pas fait l'objet d'un renvoi ; qu'en conséquence, elles soutiennent que ces demandes de la partie civile sont irrecevables ; que le raisonnement de M. Philippe X... est spécieux ; que ce n'est pas parce que le résultat d'une addition est faux que tous les facteurs additionnés le sont également et doivent être recalculés ; que si l'on admet l'interprétation que la victime donne de l'arrêt de cassation on est amené à remettre en cause des chefs de décision qui n'ont pas fait l'objet de pourvoi et même de certains chefs de décision qui ont été approuvés par la haute juridiction et qui sont donc définitifs à ce jour ; que la cassation est intervenue parce que la cour de Montpellier a, dans le calcul des frais de matériel futurs, procédé à une double déduction de ceux des frais qui avaient été pris en charge par la sécurité sociale et parce que la cour avait omis de tenir compte du coût de l'aménagement d'un premier véhicule ; que le débat ne porte donc plus actuellement que sur ces deux chefs de préjudice ; qu'en revanche, dont définitivement fixées et revêtues de l'autorité de la chose jugée, les dispositions de l'arrêt fixant à :
- 54 750 euros le montant des dépenses de santé actuelles restées à la charge de la victime,
- 525,42 euros le montant de l'indemnité allouée à M. X... au titre des frais divers,
- 27 805,45 euros le montant de l'indemnité allouée au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- 120 492 euros le montant de l'indemnité allouée au titre des dépenses de santé futures,
- 115 556,04 euros (76 868,19 + 38 687,85 euros) le montant de l'indemnité en capital ainsi qu'une rente viagère annuelle de 24 837,27 euros accordée au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- 239 159,10 euros (214 018,75 + 25 140,35 euros) le montant de l'indemnité en capital ainsi qu'une rente viagère annuelle de 24 527,50 euros accordée au titre de l'assistance par une tierce personne,
- 6 871,68 euros pour les frais d'appareillage déjà exposés avant que la cour de Montpellier ne statue,
- 42 125 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 288 750 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'est également définitive la décision par laquelle la cour de Montpellier a rejeté la demande présentée par M. X... au titre d'une perte de chance d'évolution de carrière » ;

"alors qu'il appartient à la cour de renvoi de statuer sur tous les chefs de demandes qui ont donné lieu aux dispositions annulées, quelle qu'ait été la portée du moyen qui a servi de base à la cassation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la Cour de cassation a « cass[é] et annul[é] l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en ses [
] dispositions ayant fixé à 2 517 527,10 euros le préjudice corporel de M. Philippe X... [et] ayant condamné in solidum la société C...                et la société Gluth Systemtechnik à verser à M. X... la somme de 1 210 567,10 euros à titre de dommages-intérêts » ; qu'en jugeant que la cour de renvoi n'était saisie que de la question de l'évaluation des frais de matériel futurs et du coût de l'aménagement d'un premier véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes visés au moyen" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 515, 591, 593 et 609 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a refusé de réévaluer l'indemnisation allouée par les premiers juges à M. X... au titre de ses frais de matériel médical passés et en ce qu'elle a fixé l'indemnisation revenant à M. X... au titre de ses frais de matériel médical futurs à la somme de 248 399,46 euros ;

"aux motifs que sur l'indemnisation de M. X..., frais de matériel spécialisé le tribunal correctionnel de Rodez a accordé à M. X... une indemnité de 6 871,68 euros pour les frais de matériel restés à sa charge dans le passé, la Caisse primaire d'assurance maladie ayant versé pour l'acquisition de ce matériel une somme totale de 15 524,07 euros ; que ce chef de décision a été confirmé par la cour d'appel de Montpellier et il est donc revêtu de l'autorité de la chose jugée ; que la cassation a porté uniquement sur le calcul des frais présents ou futurs, pour lesquels la cour de Montpellier a procédé à une double déduction des prestations versées par la sécurité sociale ; que les réclamations actuelles de la partie civile pour ce chef de préjudice sont les suivantes :
- Fauteuil roulant Panthera :
* acquis en 2013 * renouvelable tous les cinq ans * prix : 5.414 euros
* déduction d'une somme de 558,99 euros * restant à la charge de la victime : 5.414 euros - 558,99 euros = 4.855,01 euros ;
coût du fauteuil et des frais de renouvellement :
4.855,01 euros + (4.855,01 euros x 32,323) /cinq ans = 36.240,71 euros (32,323 étant le taux de capitalisation pour un homme de 36 ans, âge de la victime en avril 2013, date d'achat.)
- Second fauteuil roulant Permax Ck Titanium, acquis en 2015, renouvelable tous les cinq ans, prix 5 275 euros coût du fauteuil et capitalisation des frais de renouvellement :
5 275 euros + (5 275 euros x 31,186) / cinq ans = 38 176,23 euros (31,186 étant le taux de capitalisation pour un homme de 38 ans, âge de la victime en janvier 2015, date d'achat)
- Coussin anti-escarres Roho :
. un coussin pour chaque fauteuil . renouvelable tous les ans coût des coussins et de leur renouvellement :
(546 euros x 2)+(546 euros x 2 x 31,186) / un an = 35 147,11 euros,
- Housse de coussin anti-escarres :
* 2 housses pour 2 coussins * prix : 118 euros chaque housse coût des housses et de leur renouvellement :
(118 euros x 2)+(118 euros x 2 x 35,098) /un an = 8 519,13 euros (35,098 étant le taux de capitalisation pour un homme de 31 ans, âge de la victime en 2007, date d'achat.)
Chaise de douche :
* prix : 3 919 euros * renouvelable tous les ans, coût de la chaise et de son renouvellement :
3 919,60 euros + ( 3 919,60 euros x 30,610) / cinq ans = 23 981,89 euros (30,610 étant le taux de capitalisation pour un homme de 39 ans, âge de la victime en 2016, date d'achat.)
- Siège Aouatec :
* prix : 1 020,62 euros * renouvelable tous les cinq ans coût du siège et du renouvellement :
1 020,02 euros + ( 1 020,02 euros x 30,610) / cinq ans = 7 264,58 euros
- Lit médicalisé :
. prix : 8 530,11 euros . à déduire : versement par la Caisse primaire d'assurance maladie : 3 530, 11 euros -1 030,00 euros = 2 500,11 euros *renouvelable tous les dix ans Coût du lit et de son renouvellement :
2 500,11 euros +(2 500,11 euros x 30,610)/ dix ans= 10 152,95 euros- Matelas anti-escarres :
* prix : 3 298,06 euros * pas encore acheté : à acquérir * renouvelable tous les deux ans Coût du matelas et de son renouvellement :
3 298,06 euros + (3 298,06 euros x 30,610) / deux ans = 53 774,86 euros
- Table de verticalisation :
* prix : 9 041,76 euros * renouvelable tous les cinq ans, coût de la table et de son renouvellement :
9 041,76 euros + (9 041,76 euros x 30,610) / cinq ans = 64 395,41 Montant total de la demande : 277 652,88 euros ;
que la société C...                et la société Gluth Systemtechnik offrent la somme totale de 240 955,33 euros, ce qui correspond au montant de l'indemnité de 223 064, 45 euros allouée par la cour de Montpellier à M. X... augmenté de la somme de 17 890,88 euros, qui a été déduite à tort par cette juridiction du montant total des frais d'appareillage ; qu'en outre, la société C...                se réfère aux conclusions qu'elle avait déposées devant la cour de Montpellier, dans lesquelles elle concluait à une réduction de la fréquence de renouvellement des appareils ; qu'enfin les deux sociétés responsables soutiennent qu'il n'y a pas lieu pour capitaliser les frais de renouvellement d'appliquer le barème de 2013, mais celui de 2011 qui a été utilisé par la cour de Montpellier ; que les calculs de M. X... sont critiquables sur deux points :
- en premier lieu, on ne peut capitaliser que des frais à venir ; que la capitalisation sert en effet à intégrer l'aléa de survie dans le calcul de l'indemnisation de la victime ; que pour les frais déjà exposés, leur existence n'est soumise à aucun aléa et il convient d'en évaluer le montant en fonction de la période considérée ;
- en ce qui concerne la fréquence de renouvellement de l'appareillage, celle-ci apparaît correctement évaluée, sauf en ce qui concerne les coussins anti-escarres et leur housse ; qu'un renouvellement annuel n'est pas justifié : la sécurité sociale ne prend en charge les frais de changement de coussin que tous les deux ans et il suffit de se reporter au décompte produit par la partie civile pour les frais d'appareillage passés pour constater que, de 2001 à 2010, le renouvellement n'a pas eu lieu tous les ans ;
Que sous le bénéfice de ces observations, le montant du coût total des appareillages rendus nécessaires par l'état de M. Philippe X... s'établit comme suit ;
Fauteuil roulant Panthera :
Ce fauteuil a été acheté par la victime en avril 2013 ; qu'il faudra donc le renouveler en 2018, année où M. X... sera âgé de 42 ans ; que la capitalisation des frais se fera conformément au barème de 2013 ; qu'en effet, le juge évalue le préjudice au jour où il statue et, pour cela, il doit se référer aux données contemporaines à sa décision ; qu'il n'y a donc pas autorité de la chose jugée lorsque la cour d'appel de Montpellier utilise le barème de 2011 et il serait contraire à la règle de l'évaluation au jour de la décision de recourir à des données antérieures qui ne sont plus d'actualité ;
Coût du fauteuil et son renouvellement :
5 414 euros + ( 5 414 euros x 28,861) / cinq ans = 36 664,69 euros (28,861 étant le taux de capitalisation pour un homme de 42 ans, âge de la victime en 2018)
Fauteuil Permax :
Ce fauteuil a été acheté 5.275 euros en janvier 2015 ; qu'il sera renouvelé en 2020, date à laquelle Philippe X... sera âgé de 44 ans.
5 275 euros + (5 275 euros x 27,683) / cinq ans= 34 480,56 euros(27,683 étant le taux de capitalisation pour un homme âgé de 44 ans.)
- Coussins Roho (1 par fauteuil):
(546 euros x 2) + (546 euros x 2 x 30,610) / deux ans= 17 805,06 euros
- Housses des coussins anti-escarres :
Le prix d'une housse est de 118 euros ; que la partie civile produit une facture de 2007. De 2007 à 2016, dix housses ont été achetées. Il y a lieu de capitaliser les frais à compter de la présente décision.
(118 euros x 2 x 5) + (118 x 2 x 30,610) / deux ans = 4 791,98 euros- Chaise de douche :
La victime produit une facture de janvier 2010 ; que la chaise de douche a donc été renouvelée en janvier 2015 et elle sera à nouveau renouvelable en janvier 2020 ; que M. X... sera alors âgé de 44 ans ; que 3 916,69 euros + 3 916,69 euros + (3 916,69 euros x 27,683) / cinq ans = 29 518,52 euros,
- Siège Aquatec :
Ce siège a été acheté en 2009 ; qu'il a donc été renouvelé en 2014 et il le sera à nouveau en 2019 ; que M. X... sera alors âgé de 43 ans.
1 020,02 euros + 1 020,02 euros + (1 020,02 euros x 28,274) / cinq ans= 7 808,04 euros
- Lit médicalisé :
Acheté en 2010, il sera renouvelable en 2020.
3 530,11 euros + (3 530,11 euros x 27,683) / dix ans = 13 302,51 euros
- Matelas anti-escarres :
3 298,06 euros + (3 298,06 euros x 30,610) / deux ans= 53 774,86 euros - Table de verticalisation :
Achetée en 2010, elle a été renouvelée en 2015 et le sera à nouveau en 2020.
9 041,76 euros + 9 041,76 euros + (9 041,76 euros x 27,683) / cinq ans= 68 144,12 euros, le montant total des frais d'appareillage présents et à venir s'élève donc à : 266 290,34 euros ; qu'il y a lieu de déduire de cette somme le montant des frais pris en charge par la CPAM, soit 17.890,88 euros ; que l'indemnité accordée de ce chef à la partie civile sera donc de :
266 290,34 euros – 17 890,88 euros = 248 399,46 euros » ;

"1°) alors qu'il appartient à la cour de renvoi de statuer sur tous les chefs de demandes qui ont donné lieu aux dispositions annulées, quelle qu'ait été la portée du moyen qui a servi de base à la cassation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la Cour de cassation a « cass[é] et annul[é] l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en ses [
] dispositions ayant fixé à 2 517 527,10 euros le préjudice corporel de M. Philippe X..., ayant condamné in solidum la société C...                et la société Gluth Systemtechnik à verser à M. X... la somme de 1 210 567,10 euros à titre de dommages-intérêts » ; qu'en refusant de réexaminer la demande d'indemnisation formulée par M. X... au titre de ses frais médicaux restés à charge dans le passé au motif que sur ce point l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier serait revêtu de l'autorité de la chose jugée et que la cassation avait porté uniquement sur le calcul des frais présents ou futurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que M. X... demandait à la cour d'appel de chiffrer son préjudice au titre des frais de matériel futurs en additionnant les frais pris en charge par la CPAM et les frais restés à sa charge, dont il avait déduit la prise en charge de la part de l'organisme social (TIPS ou PPPR) (conclusions récapitulatives de parties civiles sur renvoi après cassation, p. 65, al. 5 et 6) ; qu'en rappelant les « réclamations actuelles de la partie civile pour ce chef de préjudice » en ne citant que les réclamations formulées au titre des frais restés à charge, sans rappeler que M. X... demandait également à la cour d'appel de prendre en compte les « frais d'appareillage futurs pris en charge par l'organisme social » s'élevant à « 17 890,88 24 euros » (conclusions récapitulatives de parties civiles sur renvoi après cassation, p. 65, alinéa 5), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les textes visés au moyen ;

"3°) alors qu'en toute hypothèse, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que le préjudice subi par la victime au titre des frais de matériel futurs a été évalué par la cour d'appel sur la base des frais restés à charge de la partie civile, sans y inclure les frais pris en charge par la CPAM ; qu'en déduisant, dès lors, par ailleurs, de l'indemnité allouée à ce titre le montant des frais pris en charge par cet organisme social, à hauteur de 17 890 euros, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"4°) alors que les juges du fond qui doivent statuer dans les limites des conclusions des parties, ne peuvent allouer à une victime une somme inférieure à celle qui lui est offerte par les personnes tenues à la réparation de son dommage ; qu'en infirmant le jugement qui avait fixé le montant de l'indemnisation due à M. X... au titre des frais de renouvellement de housses de coussins anti-escarres sur la base d'une fréquence de renouvellement annuelle et en jugeant que le renouvellement de ces housses ne serait mis à la charge des société Gluth Systemtechnik et C...         que tous les deux ans, quand ces deux sociétés avaient admis un renouvellement annuel de ces matériels (conclusions sur renvoi après cassation partielle de la société C..., p. 28, al. 9 ; conclusions d'appel sur cassation partielle n° 2 de la société Gluth Systemtechnik, p. 8, alinéa 5 à 7), la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a fixé à 142 972,84 euros les frais d'aménagement du véhicule de M. X... ;

"aux motifs que compte tenu de son handicap, M. X... a fait l'acquisition en 2009 d'un véhicule Audi A4 Break pour un prix de 41 854 euros ; que le tribunal correctionnel de Rodez a évalué à 26 854 euros le surcoût de ce véhicule par rapport au prix d'une voiture adaptée aux besoins classiques d'une personne non handicapée ; qu'il a déduit de ce surcoût la valeur de revente de l'Audi, soit 3 000 euros ; qu'il a évalué comme suit le montant des frais de renouvellement de l'équipement spécial du véhicule en fixant à sept ans la fréquence de ce renouvellement ; qu'en conséquence, le premier juge a alloué à la partie civile une indemnité de 81 461,41 euros calculée de la manière suivante :
23 854 euros + (23 854 euros x 22,905) / sept ans= 81 461,41 euros (22,905 étant le taux de capitalisation pour un homme de 35 ans, âge de la victime au jour de sa demande) ; que M. X... accepte ces évaluations, notamment la fréquence de renouvellement fixée à sept ans), mais il fait grief au tribunal correctionnel de ne pas avoir statué sur sa demande concernant les frais d'aménagement d'un premier véhicule, une Audi A3 achetée en 2003 ; qu'en outre, il réclame 2 265,31 euros, coût de l'installation d'un système de conduite avec commandes au volant ; qu'il recalcule les frais de renouvellement de l'aménagement du véhicule ; que sa demande actuelle s'établit donc comme suit :
- frais d'aménagement de l'Audi A3 : 4 807,99 euros
- surcoût de frais d'acquisition : 23 854,00 euros
- coût du système de commande au volant : 2 265,13 euros
- frais de renouvellement capitalisés : 26 115 x 35,098 / sept ans = 130 960,66 euros (35,098 étant le taux de capitalisation pour un homme de 31 ans) ; total : 161 887,78 euros ; que la société C...                et la société Gluth Systemtechnik demandent à la cour d'allouer à la partie civile le montant de l'indemnité qui lui a été accordée en première instance (81 461,41 euros) augmentée du coût de l'aménagement de la première voiture (4 807,99 euros), soit au total 82 269,40 euros mais elles s'opposent à toute autre augmentation de cette somme ; que l'installation d'un système de conduite avec commandes au volant apparaît cependant comme un aménagement indispensable en raison de l'état de la victime, qui en justifie le coût par la production d'une facture ; que dès lors, le montant de l'indemnité s'établit comme suit :
- coût de l'aménagement de l'Audi A3 : 4 807,99 euros
- frais d'aménagement du véhicule Audi A 4 :
- surcoût de frais d'acquisition : 23 854,00 euros
- coût du système de commande au volant : 2 265,13 euros ;
26 119,53 euros
- frais de renouvellement de l'aménagement ; que M. X... a acheté l'Audi A4 en 2009 ; que l'aménagement durant sept ans, le prochain aura lieu en 2016, âge de la victime à cette date : 40 ans Taux de capitalisation : 30,028 26 119,53 euros x 30,028 / sept ans = 112 045,32 euros Total : 142 972,84 euros ;

"alors que M. X... faisait valoir qu'il avait acquis son véhicule Audi A4 en 2007 et produisait la facture d'achat de ce véhicule datée du 23 mars 2007 ; qu'en jugeant, pour fixer le coût du renouvellement de ce véhicule tous les sept ans, que M. X... a[vait] acheté l'Audi A4 en 2009 et en fixant le taux de capitalisation sur la base de l'âge de la victime à la date du premier renouvellement en 2016, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Philippe X..., travailleur intérimaire mis à la disposition de la société Trans Rouergue manutention, assurée par la société Axa France IARD, a été blessé alors qu'il déplaçait, dans les locaux de la société C...               , une machine-outil achetée par elle à la société Gluth Systemtechnik ; que ces trois sociétés, ainsi que M. Thierry Y..., gérant de la première, ont été condamnés pour blessures involontaires ; que, statuant sur les intérêts civils, le tribunal correctionnel a condamné in solidum les sociétés C...                et Gluth Systemtechnik à payer une certaine somme à M. X..., partie en capital, partie sous forme de rentes viagères, en réparation de son préjudice ; que ces deux sociétés ont notamment relevé appel de cette décision ;

Attendu que l'arrêt rendu sur ces appels par la cour d'appel de Montpellier a été cassé par l'arrêt susvisé de la Cour de cassation, notamment en ses dispositions ayant fixé à 2 517 527,10 euros le préjudice corporel de M. X... et ayant condamné in solidum les sociétés C...                et Gluth Systemtechnik à verser à celui-ci la somme de 1 210 567,10 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen et la première branche du deuxième moyen ;

Vu l'article 609 du code de procédure pénale ;

Attendu que, lorsque la Cour de cassation casse un arrêt sans réserve en certaines de ses dispositions civiles, aucune de ces dispositions n'a pu acquérir l'autorité de la chose jugée, quelle qu'ait été la portée du moyen ayant servi de base à la cassation ;

Attendu que, pour refuser d'examiner les demandes de M. X... tendant, d'une part, à la réévaluation des indemnités en raison des dépenses nouvelles effectuées par lui depuis le 15 novembre 2011, de la parution d'un nouveau barème de capitalisation en 2013 et de la réévaluation du point d'incapacité permanente partielle dans le référentiel de 2015, d'autre part, à la prise en compte, au titre des frais de matériel spécialisé restés à sa charge dans le passé, de factures retrouvées postérieurement, et confirmer en conséquence le jugement déféré de ces chefs, l'arrêt retient que la cassation n'a été prononcée que parce que la cour d'appel de Montpellier a, dans le calcul des frais de matériel futur, procédé à une double déduction de ceux de ces frais qui avaient été pris en charge par la sécurité sociale et a omis de tenir compte du coût de l'aménagement d'un premier véhicule ; que les juges en déduisent que le débat ne porte plus que sur ces deux chefs de préjudice, les autres dispositions de l'arrêt cassé étant revêtues de l'autorité de la chose jugée ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la cassation a porté sur la condamnation globale au paiement d'un capital prononcée par l'arrêt cassé, qui n'avait pas procédé à des condamnations poste par poste, de sorte que, concernant cette somme totale, elle affecte même les postes de préjudice qui n'étaient pas critiqués devant la Cour de cassation, ou qui n'étaient pas critiquables, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le deuxième moyen pris en ses autres branches et sur le troisième moyen ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour limiter les sommes allouées 1) au total de 248 399,46 euros au titre des frais futurs de matériel spécialisé, 2) à 17 805,06 euros et 4 791,28 euros au titre des coussins et housses de coussins anti-escarres (ces deux sommes étant incluses dans le total de 248 399,46 euros précité), 3) à 112 045,32 euros au titre des frais de renouvellement de l'aménagement d'un véhicule Audi A4 (cette somme incluse dans un total de 142 972,84 euros, prenant en compte également les frais d'aménagement passés des véhicules successifs du demandeur), l'arrêt attaqué 1) déduit le montant des frais pris en charge par la caisse, soit la somme de 17 890,88 euros, du total du préjudice qu'il retient, 2) se fonde sur un renouvellement des coussins et housses tous les deux ans, 3) retient que le véhicule Audi A4 a été acquis en 2009 ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que 1) la somme de 17 890,88 euros prise en charge par l'organisme social, comptabilisée à part dans les conclusions de M. X..., avait déjà été déduite par lui des demandes qu'il présentait au titre des frais futurs de matériel spécialisé et sur la base desquelles elle a calculé le préjudice, 2) les sociétés défenderesses admettaient le principe d'un renouvellement annuel des coussins et housses, 3) les conclusions de M. X... mentionnaient que le véhicule Audi A4 avait été acquis en 2007, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ces chefs ;
Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 15 septembre 2016, mais en ses seules dispositions ayant :
- reconnu l'autorité de chose jugée à des dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier censurées par l'arrêt de cassation,
- fixé à 266 290,34 euros le montant des frais d'appareillages (matériel spécialisé, incluant les coussins et housses de coussins anti-escarres) de la victime pour le présent et le futur et à 142 972,84 euros les frais d'aménagement de son véhicule automobile (incluant les 112 045,32 euros relatifs aux frais de renouvellement futur des aménagements),
- condamné solidairement les sociétés C...                et Gluth Systemtechnik à payer à M. X... les sommes de 248 399,46 euros au titre des frais d'appareillages (matériel spécialisé) de la victime pour le présent et le futur, compte tenu des versements de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron, et de 142 972,84 euros pour frais d'aménagement du véhicule, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept février deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-86042
Date de la décision : 27/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 15 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 fév. 2018, pourvoi n°16-86042


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.86042
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