LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 682 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 novembre 2016 ), que M. et Mme Z..., propriétaires d'une parcelle cadastrée [...] , ont assigné M. et Mme Y... et leurs enfants Carlos et Christian (les consorts Y...), propriétaires d'une parcelle voisine cadastrée [...], en revendication d'une servitude de passage pour enclave au profit de leur fonds ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la parcelle cadastrée [...] est enclavée du fait de la division du fonds intervenue en 1974, que seul M. Z... dispose, sans cession possible, d'une autorisation personnelle de passage sur la parcelle [...] et que Mme Z... exerce le passage du chef de son époux et non pas en vertu d'un droit propre ;
Qu'en statuant ainsi, alors que n'est pas enclavé le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage lui permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation tant que cette tolérance est maintenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Z... et les condamne à payer aux consorts Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la parcelle située sur la commune de [...], cadastrée section [...] (anciennement [...]), appartenant aux époux Z... A... bénéficiait d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave sur la parcelle voisine cadastrée, sur la même commune, section [...] (anciennement [...]) appartenant aux consorts Y... X... et d'AVOIR dit que ce droit de passage s'exercerait sur le chemin existant actuellement au nord de la parcelle cadastrée section [...] (anciennement [...]) sur une largeur de 3,50 m ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'état d'enclave, le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue suffisante soit pour l'exploitation agricole, industrielle et commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissements, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, à charge d'une indemnité proportionnée aux dommages qu'il peut occasionner ; que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; que les époux Y... X... ont acquis, par acte notarié en date du 1er octobre 1974, leur parcelle cadastrée section [...] (actuellement [...]) de M. C..., lequel était alors propriétaire des parcelles cadastrées [...] (actuellement [...]), [...] (actuellement [...]) et [...] (actuellement [...]), ces deux parcelles ayant un accès à la voie publique par la parcelle [...] (actuellement [...]), objet de la vente ; qu'au moment de cette transaction, il n'a pas été prévu au profit des parcelles cadastrées [...] (actuellement [...]) et [...] (actuellement [...]) une servitude légale de passage conventionnellement aménagée, attachée aux fonds demeurés propriétés de M. C..., mais un engagement des époux Y... X... de laisser un passage de 3,50 m devant profiter à M. C... seul sans possibilité de cession à tout acquéreur éventuel ; que les époux Z... A... ont acheté, par acte notarié du 19 juin 1984, aux époux Y... X... la parcelle cadastrée [...] (actuellement [...]) ; que l'acte notarié reproduit un acte sous seing privé établi par les époux Y... X... en date du 4 juin 1984 indiquant notamment : « Accordons à M. Gérard Z... une autorisation de passage sur notre terrain
cadastré [...] section D. Ce passage est autorisé sur une largeur de 3,5 m au nord du terrain le long de l'ex-propriété [...] actuellement propriété [...] à partir du chemin rural et jusqu'à la parcelle cadastrée [...] section D dont M. Gérard Z... doit se rendre acquéreur. M. Gérard Z... est également autorisé à faire effectuer un branchement d'eau dans la propriété Y... pour les besoins d'une éventuelle construction sur la parcelle [...]. Ces autorisations sont soumises à peine de nullité aux conditions suivantes : - elles devront profiter à M. Z... seul ou à ses descendants seulement et ne pourront en aucun cas être cédées par lui à tout acquéreur éventuel de sa propriété ce qu'il accepte expressément ; - elle constitue une exception donc unique et non renouvelable à la condition spéciale stipulée page six de l'acte de vente passé le 1er octobre 1974 entre M. et Mme Y... d'une part et M. Régis Victor C... d'autre part » (selon laquelle les époux Y... X... consentaient au profit de leur vendeur un passage de 3,50 m dont il devait seul profiter et qu'il ne devait en aucun cas céder à tout acquéreur éventuel) ; qu'à supposer que M. C... ait sans équivoque renoncé à une servitude légale de passage en acceptant un passage à son seul profit, l'acquéreur d'une parcelle enclavée ne peut se voir opposer la renonciation de l'auteur de la division au bénéfice de servitude légale de passage ; qu'actuellement la parcelle cadastrée [...] (actuellement [...]) est enclavée du fait de la division du fonds intervenu en 1974 et seul actuellement M. Z... dispose, sans cession possible, d'une autorisation personnelle de passage sur la parcelle [...] (actuellement [...]), autorisation par ailleurs consentie par les époux Y... X... sans qu'il n'ait été spécifié qu'ils agissaient tant en nom personnel (pour Madame) et ès qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs ; que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que la parcelle cadastrée [...] (actuellement [...]) appartenant aux époux Z... A... bénéficiaient d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave sur la parcelle voisine cadastrée sur la même commune section [...] (anciennement D 912) et dit que ce droit de passage s'exercerait sur le chemin existant actuellement au nord de la parcelle section [...] (anciennement D 912) sur une largeur de 3,50 m ; que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs, sauf à préciser que la parcelle [...] (anciennement D 912) appartient en indivision par moitié d'une part à MM. Carlos et Christian Y..., d'autre part à Mme X..., épouse Y... (v. arrêt, p. 5 et 6) ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître la loi du contrat, loi des parties ; qu'en décidant que la parcelle cadastrée section [...] appartenant aux époux Z... A... bénéficiait d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave sur la parcelle voisine cadastrée [...] appartenant aux consorts Y... X..., tout en constatant que l'acte sous-seing privé établi par les époux Y... X... le 4 juin 1984 et reproduit dans l'acte notarié de vente du 19 juin 1984 mentionnait que les intéressés avaient accordé une autorisation de passage sur leur terrain à M. Z..., ce dont il résultait que le fonds de celui-ci n'était pas enclavé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 682 du code civil ;
2°) ALORS QUE seul le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds ; qu'au demeurant, en retenant, pour décider que la parcelle cadastrée section [...] appartenant aux époux Z... A... bénéficiait d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave sur la parcelle voisine cadastrée [...] appartenant aux consorts Y... X..., qu'à supposer que M. C... ait sans équivoque renoncé à une servitude légale de passage en acceptant un passage à son seul profit, les acquéreurs de la parcelle enclavée, à savoir les époux Z... A..., ne pouvaient se voir opposer la renonciation de l'auteur de la division au bénéfice de servitude légale de passage, sans rechercher si les époux Z... A... ne disposaient pas sur la voie publique d'une issue suffisante pour assurer la desserte complète de leur fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
3°) ALORS QUE seul le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds ; qu'en ajoutant, pour statuer comme elle l'a fait, que seul M. Z... disposait, sans cession possible, d'une autorisation personnelle de passage sur la parcelle cadastrée [...] (devenue [...]), sans rechercher si Mme A..., épouse Z..., n'avait pas elle-même emprunté quotidiennement le passage litigieux, et ce sans la moindre opposition des consorts Y... X..., dès lors qu'elle était nécessairement bénéficiaire, elle aussi, de l'autorisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
4°) ALORS QUE le propriétaire d'un fonds enclavé n'est pas fondé à invoquer le bénéfice d'une servitude de passage pour cause d'enclave quand l'état d'enclavement est son fait volontaire, celui-ci pouvant résulter d'une acquisition en connaissance de cause de son fonds, sans s'être préalablement assuré d'une desserte suffisante pour l'exploitation envisagée ; qu'en toute hypothèse, en retenant de la sorte que seul M. Z... disposait, sans cession possible, d'une autorisation personnelle de passage sur la parcelle cadastrée [...] (devenue [...]), sans rechercher si les époux Z... A... n'avaient pas acquis, en toute connaissance de cause, leur parcelle en sachant pertinemment qu'elle n'avait pas une desserte suffisante, ni s'ils n'avaient pas signé, tous les deux, l'acte de vente notarié du 19 juin 1984, sans que Mme Z... n'ait remis en cause l'autorisation de passage en tant qu'elle n'aurait concerné que son époux et ses descendants, de sorte que l'état d'enclavement litigieux étant leur fait volontaire, ils n'étaient pas fondés à invoquer le bénéfice d'une servitude de passage pour cause d'enclave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil.