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14/02/2018 | FRANCE | N°16-22630

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2018, 16-22630


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... E... Y... a été engagée le 1er janvier 2006 par la société Sergent Berthet et a été licenciée pour faute grave par lettre du 18 octobre 2012 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, alors, que selon le moyen, les juges sont tenus de motiver leur décision et ne p

euvent statuer par voie de simple affirmation sans justifier en fait leur appréciati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... E... Y... a été engagée le 1er janvier 2006 par la société Sergent Berthet et a été licenciée pour faute grave par lettre du 18 octobre 2012 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, alors, que selon le moyen, les juges sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de simple affirmation sans justifier en fait leur appréciation ; qu'en se bornant à affirmer que « le licenciement n'a pas de caractère vexatoire », sans donner la moindre précision pour justifier cette affirmation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel a constaté que la rupture du contrat de travail n'était pas intervenue dans des conditions vexatoires ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur une faute grave et était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'au moment des faits cette dernière agissait, en qualité de garde-malade en formation, avec l'aide d'une aide-soignante et d'une infirmière présentes dans la chambre qui ne l'ont pas assistée alors qu'elle accomplissait une tâche difficile et à l'encontre desquelles aucun reproche n'a été formulé par l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi alors que l'employeur, pour justifier le licenciement pour faute grave, faisait valoir, ce qui n'était pas contesté, d'une part que la salariée avait une qualification d'aide médico-psychologique niveau 2 "employé qualifié" acquise dans l'établissement et qu'elle avait suivi plusieurs formations internes complémentaires, d'autre part que les deux autres salariées en cause avaient été licenciées pour faute grave le même jour, la cour d'appel, qui a apprécié la gravité du manquement au regard de cette modification de l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour irrégularité de procédure et pour licenciement vexatoire, l'arrêt rendu le 29 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sergent Berthet (demanderesse au pourvoi principal).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame E... Y... ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société SERGENT BERTHET à lui payer les sommes de 1.145 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire injustifiée, 114,50 € au titre des congés payés y afférents, 3.851,76 € à titre d'indemnité de préavis, 385,18 € au titre des congés payés y afférents, 4.493,72 € à titre d'indemnité de licenciement et 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « la résidence [...] est un établissement médicalisé spécialisé dans l'accueil de personnes âgées et dépendantes et que Mme A... E... Y... avait été engagée en qualité de garde-malade en formation AMP, c'est-à-dire qu'elle était encore en phase d'acquisition du métier et n'était pas encore confirmée dans l'exécution de cette tâche particulièrement délicate ; que sous la qualification de faute grave, il lui est reproché d'avoir, le 2 octobre 2012 dans l'après-midi, entrepris de changer les vêtements d'une pensionnaire qui était souillée par des selles ; qu'elle était assistée d'une aide-soignante et d'une infirmière et qu'elle a voulu mettre la personne au propre alors qu'elle se rebellait et résistait violemment ; que pour assurer la prise en charge, elle avait fermé la porte de la chambre à clé pour ne pas prendre le risque qu'elle sorte dénudée et sale alors que notamment un groupe de neuf personnes était présent dans le couloir pour une formation de sécurité ; qu'elle a augmenté le volume sonore de la radio pour couvrir les cris de la pensionnaire ; qu'il lui est reproché une mauvaise prise en charge d'un résident avec mise en oeuvre de contrainte physique et morale sur sa personne ainsi qu'une absence totale d'analyse de la situation alors que dans son rôle d'aide médico psychologique, elle disposait de toutes les connaissances et moyens pour faire cesser la situation en totale irrespect (sic) avec les règles de bonne prise en charge ; que Mme A... E... Y... rappelle qu'elle était affectée aux soins des personnes âgées atteintes de pathologies lourdes telles que la maladie d'Alzheimer ; que la pensionnaire en question, Madame G, est atteinte de la maladie d'Alzheimer à un stade avancé, particulièrement agressive et qu'il est arrivé à plusieurs reprises qu'elle se promène dans l'établissement complètement souillée sur tout le corps par des selles ; que MMmes F..., Cindy Z..., Amélie X..., Faida A..., Gabrielle B..., Tayyar et M. C..., exerçant des fonctions identiques auprès de personnes dépendantes, ont attesté des difficultés rencontrées avec certains pensionnaires nécessitant des mesures appropriées mais inhabituelles ; que la toilette de Madame G. était difficile et qu'elle s'effectuait avec deux soignants très souvent et que la porte était fermée pour le respect de la résidente, qu'au début les auxiliaires de vie la prenaient en charge mais que par la suite il a fallu faire intervenir des aides-soignantes car elle était souvent souillée, refusait totalement la prise en charge et même était agressive physiquement et verbalement (Jessie F...) ; qu'il fallait souvent être deux car Madame G. essayait de sortir en courant de la salle de bains alors qu'elle était mouillée et qu'elle ne supportait pas la douche (Cindy Z...) ; que les soins étaient difficiles car Madame G. était agressive et souvent opposante (Amélie X...) ; que pour la sécurité et la confidentialité du patient, des soins pouvaient être réalisés à plusieurs soignants diplômés dans une chambre ou en atelier de soins fermés (Faida A...) ; que maintenir la porte fermée est une obligation pour respecter l'intimité et l'intégrité de certaines personnes âgées démentes et que l'hygiène corporelle et le confort des patients sont primordiaux pour l'estime des patients (Gabrielle B...) ; que pour des résidents très agressifs, la toilette ou le change est effectué par deux ou trois soignants la porte fermée, pour le respect et la dignité du résident et pour ne pas avoir d'invasion d'autres résidents (M. F... ) ; que pour les personnes dépendantes affectées par la maladie d'Alzheimer ou d'autres pathologies liées à la vieillesse, les actes de soins peuvent nécessiter deux ou trois personnes pour la sécurité, le respect d'autrui et que pour une bonne prise en charge en évitant les intrusions massives des autres résidents ainsi que pour la pudeur et le respect de la personne, la porte de la chambre reste fermée (M. C...) ; qu'il est certain que lorsqu'on place une personne dépendante dans un établissement approprié, de surcroît une structure commerciale et non pas un établissement de bienfaisance, ce n'est pas pour voir la personne hébergée se promener nue et recouverte de selles ; qu'il est évident que l'on attend avant tout d'une structure d'hébergement que la personne soit maintenue au propre pour des raisons élémentaires d'hygiène mais aussi de dignité et que l'on ne souhaite pas spécialement que la personne privée de son raisonnement se livre à des exhibitions indignes ; qu'en l'espèce il est indiqué que Mme A... E... Y..., embauchée pour recevoir une formation, a agi avec l'aide d'une aide-soignante et d'une infirmière que l'on suppose être diplômée mais qu'a priori aucun reproche n'a été formulé à l'encontre des deux intervenants ; que dans la mesure où Madame G. était souillée d'excréments, il est bien évident que sa toilette s'imposait et qu'il convenait de la maintenir à l'abri des regards indiscrets d'autant qu'un groupe de personnes, a priori étrangères à l'établissement, se trouvait en formation de sécurité à l'étage ; que dans ces circonstances particulièrement difficiles, le fait pour Mme A... E... Y... d'avoir voulu empêcher la pensionnaire de sortir de la chambre et d'avoir tenté de limiter ses cris en augmentant le volume sonore de la radio ne peut à l'évidence pas être considéré comme un acte de maltraitance et que l'on ne peut que s'étonner de ce que l'infirmière et l'aide-soignante, présentes dans la chambre selon la lettre de licenciement, n'aient pas assisté une garde-malade en formation dans une tâche difficile et n'aient pas ouvert la porte de la chambre si tel était bien le règlement applicable à l'intérieur de l'établissement ; qu'en conséquence que les faits reprochés à Mme A... E... Y... ne constituent pas plus une faute grave qu'une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu'il convient de retenir que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse » ;

1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QU'il était constant aux débats que si Madame E... Y... avait été initialement embauchée le 1er janvier 2006 au poste de garde-malade en formation d'aide médico-psychologique (AMP), elle était AMP à part entière en 2012 et était qualifiée à la position I, niveau 2 (savoir « employé qualifié »), coefficient 220 dans le barème de la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 ; que la salariée elle-même soutenait (ses conclusions, pages 7 à 9) être une professionnelle accomplie ; qu'en considérant néanmoins, pour dire que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse, que Madame E... Y... était « encore en phase d'acquisition du métier et n'était pas encore confirmée dans l'acquisition de cette tâche particulièrement délicate », la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°/ QU'À TOUT LE MOINS le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que Madame E... Y... qui avait rappelé avoir été embauchée, en 2006, en qualité d'AMP en formation, n'avait pas soutenu être encore en formation six ans plus tard, en 2012, au moment des faits litigieux ; qu'en relevant ce point d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la société SERGENT BERTHET faisait valoir, sans être contredite, que les deux autres salariées, infirmière et aide-soignante, présentes lors de l'incident du 2 octobre 2012 avaient été également licenciées pour faute grave constituée par leur participation active au même incident, et que leurs licenciements avaient été jugés bien fondés par deux jugements non frappés d'appel du conseil de prud'hommes de LYON ; qu'elle avait produit aux débats les lettres de licenciement de ces deux salariées, ainsi que les jugements les concernant (pièces 6, 7, 34 et 35 : productions) ; qu'en considérant, pour dire que le licenciement de Madame E... Y... n'était pas justifié, que la salariée « a agi avec l'aide d'une aide-soignante et d'une infirmière que l'on suppose être diplômées mais qu'a priori aucun reproche n'a été formulé à l'encontre des deux autres intervenants », la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

4°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE pour dire que le licenciement de Madame E... Y... ne reposait pas sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'elle ne pouvait que « s'étonner » « de ce que l'infirmière et l'aide soignante présentes dans la chambre n'aient pas assisté une garde-malade en formation dans une tâche difficile et n'aient pas ouvert la porte de la chambre si tel était bien le règlement applicable à l'intérieur de l'établissement », cependant qu'il était constant aux débats que les deux salariées précitées avaient été licenciées précisément pour avoir participé activement à la même faute commise par Madame E... Y... lors de l'incident litigieux, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 4 du Code de procédure civile ;

5°/ ALORS, DE CINQUIÈME PART, QU'il était reproché à la salariée d'avoir, en procédant par contrainte à la toilette d'une résidente en crise, en verrouillant la porte de sa chambre et en augmentant le volume sonore de la radio pour couvrir ses cris, omis sciemment d'appliquer les règles en vigueur dans l'établissement et les bonnes pratiques professionnelles en matière de prévention d'actes de maltraitance ; que la société SERGENT BERTHET avait produit, à cet égard, tant les fiches de procédure interne de l'établissement que les consignes de la CNAM, afin de montrer qu'elles avaient été méconnues par la salariée ; qu'en affirmant que le comportement de la salariée « s'imposait », sans examiner s'il n'entrait pas au contraire en conflit avec les règles internes et professionnelles qu'elle était tenue de respecter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 ; L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail ;

6°/ ALORS, DE SIXIÈME PART, QUE le juge doit examiner l'ensemble des motifs mentionnés par la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, il était notamment reproché à Madame E... Y... l'attitude qu'elle et ses deux collègues avaient manifestée lors de l'incident litigieux, les personnes présentes ayant été alertées entre autres par leurs rires bruyants témoignant de moqueries et de non-respect à l'égard de la résidente en crise ; qu'en s'abstenant d'examiner cet aspect de la motivation de la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail ;

7°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'il était également reproché à Madame E... Y... , dans la lettre de licenciement, de ne pas avoir correctement effectué la transmission de l'incident litigieux, contrairement là encore aux procédures internes de l'établissement et à ses obligations professionnelles ; qu'en s'abstenant d'examiner cet aspect de la motivation de la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail. Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme A... E... Y... (demanderesse au pourvoi incident).

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

AUX MOTIFS QUE les faits reprochés à Mme A... E... Y... ne constituent pas plus une faute grave qu'une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu'il convient de retenir que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en revanche le licenciement n'a pas de caractère vexatoire ;

ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de simple affirmation sans justifier en fait leur appréciation ; qu'en se bornant à affirmer que « le licenciement n'a pas de caractère vexatoire », sans donner la moindre précision pour justifier cette affirmation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22630
Date de la décision : 14/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2018, pourvoi n°16-22630


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22630
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