LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée le 1er septembre 2007 par Mme X... sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité de coiffeuse ; que la salariée a démissionné ; que les parties ont signé un reçu pour solde de tout compte le 20 décembre 2010 portant sur la somme de 1 916,15 euros correspondant au "salaire du mois" et à l'indemnité compensatrice de congés payés ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre de rappel sur le salaire de base et de rappel d'heures supplémentaires, alors, selon le moyen, que le reçu pour solde de tout compte est libératoire pour l'employeur pour toutes sommes de la même nature de celles qui y sont mentionnées ; que la cour d'appel qui constate que le reçu pour solde de tout compte faisait état du paiement du solde dû au titre des salaires ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 1234-20 du code du travail, déclarer recevable la demande formée plus de six mois après tendant au paiement d'un rappel de salaire, peu important la période mentionnée audit reçu ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que le reçu pour solde de tout compte établi le 20 décembre 2010 ne faisait état que du paiement d'une somme correspondant au salaire du mois et à l'indemnité compensatrice de congés payés, en a exactement déduit que ce reçu ne pouvait avoir un effet libératoire sur la demande de rappel de salaires pour la période antérieure ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit ;
Attendu que l'arrêt fixe le point de départ des intérêts au taux légal sur les sommes dues à titre de rappel de salaires et d'heures supplémentaires à compter du 7 juillet 2011, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une partie des demandes avait été formée par la salariée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité pour violation des dispositions conventionnelles sur les minima de salaires, l‘arrêt retient que le non respect de ces dispositions par l'employeur a causé à la salariée un préjudice distinct ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence pour la salariée d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il condamne Mme X... à payer à Mme Y... la somme de 1 000 euros pour violation des dispositions conventionnelles sur les minima de salaires, et en ce qu'il fixe le point de départ des intérêts légaux au 7 juillet 2011, l'arrêt rendu le 6 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame X... à payer à Madame Y... les sommes de 1 915,63 euros et 191,56 euros à titre de rappel de salaire sur le salaire de base et congés y afférents, 10 948,65 euros et 1 094,87 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2011, outre la somme de 1 000 euros pour violation des dispositions conventionnelles sur les minima de salaire, avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt et la somme cumulée de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que Madame Marie-Christine X..., qui exerce sous l'enseigne « Tendance Coiffure », à la suite d'un contrat de professionnalisation à durée déterminée, a embauché Madame Emmanuelle Y... dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 1er septembre 2007 en qualité de coiffeuse qualifiée-coefficient 140, moyennant un salaire de base de 1 280,09 euros bruts mensuels ; que Madame Emmanuelle X... a adressé à 1'appelante une lettre de démission datée du 17 novembre 2010 ; que dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, Madame Emmanuelle X... percevait un salaire de base de 1 405 euros bruts mensuels ; que contrairement à ce que soutient Madame Marie-Christine X... pour s'opposer à la demande nouvelle de de l'intimé en paiement d'un rappel de salaire sur la période de septembre 2007 à décembre 2009, le reçu pour solde de tout compte établi le 20 décembre 2010 ne fait état que du paiement à l'intimée d'une somme de 1 916,15 euros correspondant au « salaire du mois » et à une « indemnité compensatrice de congés payés » ; que l'article L.1234-20 du code du travail rappelle que le solde de tout compte fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, et qu'il n'a d'effet libératoire une fois écoulé un délai de six mois suivant sa signature que «pour les sommes qui y sont mentionnées », que dès lors que le reçu pour solde de tout compte signé des deux parties le 20 décembre 2010, après la démission de Madame Emmanuelle Y..., ne mentionne pas expressément un rappel de salaires sur la période en litige (septembre2007 / décembre 2009), il ne peut avoir concernant cette demande de l'intimée un effet libératoire en application du texte précité ; que sur le fond, Madame Emmanuelle Y... indique qu'en vertu des minima résultant de la convention collective nationale de la coiffure, pour un coefficient 140, la rémunération attendue était de 1 340 euros bruts mensuels à compter de septembre 2007, puis 1 370 euros en mars 2008 et 1 405 euros en novembre 2008 ; qu'elle verse aux débats l'ensemble de ses bulletins de paie ainsi qu'un décompte récapitulatif de septembre 2007 à décembre 2009 laissant apparaître un solde restant dû de 1 915,63 euros - ses pièces 12 et 13 -, point sur lequel l'employeur n'apporte aucune contradiction ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner Madame Marie-Christine X... à régler à l'intimée la somme de 1 915,63 euros à titre de rappel de salaires sur la période en cause, ainsi que celle de 191,56 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 7 juillet 2011, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation ; que Madame Emmanuelle Y... étaye sa demande nouvelle au titre d'un rappel d'heures supplémentaires sur la période de septembre 2007 décembre 2010 par la production d'un courrier de l'appelante du 23 janvier 2008 lui imposant des horaires de travail manifestement au-delà d'un temps plein (35 heures hebdomadaires), ainsi que d'un décompte récapitulatif actualisé dans ses écritures en cause d'appel, décompte laissant apparaître un total de 950 heures supplémentaires - ses pièces 3 et 9 ; qu'en réponse, Madame Marie-Christine X... se contente d'indiquer que les horaires rappelés dans son courrier précité du 23 janvier 2008 « correspondent uniquement aux horaires d'ouverture du salon mentionnés par erreur... et non aux horaires de travail de Mademoiselle Y... contractuellement prévus » – ses écritures, page 4 –, et de verser quelques attestations de clients qui se souviennent parfaitement que la salariée ne respectait pas ses horaires de travail - pièces 12, 15 à 21 ; qu'au vu des éléments précis et circonstanciés exposés par Madame Emmanuelle Y..., faisant droit à sa demande nouvelle qui porte sur la période de septembre 2007 à décembre 2010 inclus, l'appelante sera condamnée en conséquence à lui régler en deniers ou quittance la somme à ce titre de 10 948,65 euros ainsi que celle de 1 094,87 euros d'incidence congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2011 ; [
] que le non-respect par Madame Marie-Christine X... des dispositions conventionnelles notamment sur les minima de salaires a causé à l'intimée un préjudice distinct, de sorte qu'après infirmation de la décision critiquée il sera alloué à cette dernière la somme indemnitaire à ce titre de 1 000 euros majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt ; que faute par Madame Emmanuelle Y... de satisfaire aux conditions posées par l'article 1153, dernier alinéa, du code civil, la cour la déboutera de sa demande nouvelle en paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de ses créances salariales ;
Alors, de première part, que le reçu pour solde de tout compte est libératoire pour l'employeur pour toutes sommes de la même nature de celles qui y sont mentionnées ; que la cour d'appel qui constate que le reçu pour solde de tout compte faisait état du paiement du solde dû au titre des salaires ne pouvait, sans méconnaître l'article L.1234-20 du code du travail, déclarer recevable la demande formée plus de six mois après tendant au paiement d'un rappel de salaire, peu important la période mentionnée audit reçu ;
Alors, de deuxième part, que la cour d'appel ne pouvait sans violer l'article 1153 du code civil faire courir les intérêts sur les sommes dues au titre des rappels de salaire et congés payés y afférents de la date à laquelle Madame X... a reçu convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, quand il résulte de l'arrêt que les demandes correspondantes n'ont pour partie été formées que pour la première fois en cause d'appel ;
Alors, de troisième part, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal ; qu'il ne peut être alloué au créancier de dommages et intérêts supplémentaires que dans le cas où le débiteur a causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard ; que la cour d'appel qui a constaté en l'espèce que Madame Y... ne satisfaisait pas à ces conditions, ne pouvait condamner Madame X... à lui payer quelque indemnité en réparation du préjudice causé par sa méconnaissance des dispositions conventionnelles relatives aux minima de salaire sans méconnaître ses propres constatations et violer l'article 1153 du code civil ;
Et alors, en toute hypothèse, de quatrième part, qu'en statuant de la sorte sans caractériser ni la mauvaise foi de Madame X..., ni le préjudice distinct causé à Madame Y... par sa méconnaissance des dispositions conventionnelles, la cour d'appel a privé sa décision de toute motivation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;