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14/02/2018 | FRANCE | N°16-14645

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2018, 16-14645


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 26 janvier 2016), que, par contrat du 14 mars 2008, MM. X..., Y..., Z..., B..., médecins praticiens exerçant à la Clinique Laennec, et la société Audincourt (les consorts X...) ont cédé à la société Clinique de la Miotte, établissement géré par la Mutualité française du territoire de Belfort, aux droits de laquelle vient la Mutualité française du Doubs, et propriétaire de la société Clinique des Porte

s du Jura, les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Clinique Laen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 26 janvier 2016), que, par contrat du 14 mars 2008, MM. X..., Y..., Z..., B..., médecins praticiens exerçant à la Clinique Laennec, et la société Audincourt (les consorts X...) ont cédé à la société Clinique de la Miotte, établissement géré par la Mutualité française du territoire de Belfort, aux droits de laquelle vient la Mutualité française du Doubs, et propriétaire de la société Clinique des Portes du Jura, les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Clinique Laennec ; que, conformément à la condition suspensive prévue par le contrat, l'ensemble des médecins praticiens au sein de la société Clinique Laennec, ainsi que les sociétés d'exercice au sein desquelles ils pouvaient être associés, ont signé avec cette société un avenant ou un accord contenant des stipulations relatives à leur mobilité et à leur acceptation irrévocable d'exercer leur art au sein de l'une de ces trois cliniques ; que le prix de cession des actions était partiellement garanti par le cautionnement de la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté ; que le solde du prix n'ayant pas été payé dans les délais prévus, les consorts X... ont assigné en paiement la société Clinique de la Miotte et la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté, qui a appelé en garantie la Mutualité française du territoire de Belfort ; que la société Clinique de la Miotte a été mise en liquidation judiciaire, M. C... étant nommé liquidateur ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Clinique de la Miotte des dommages-intérêts équivalents au solde leur restant dû au titre du prix de cession, d'ordonner la compensation entre lesdits dommages-intérêts et solde respectifs, et d'ordonner deux expertises sur les préjudices qu'aurait subis la société Clinique de la Miotte alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions n'ont, en principe, d'effet qu'entre les parties contractantes, ne nuisent point au tiers et ne lui profitent pas ; qu'en l'espèce, l'obligation de mobilité, dont la société Clinique de la Miotte invoquait une violation par les praticiens, n'avait été souscrite que dans des actes conclus avec la société Clinique Laennec, et non avec la société Clinique de la Miotte ; que, dès lors, en énonçant que le non-respect de cette obligation constituait une faute contractuelle dont la société Clinique de la Miotte pouvait se prévaloir, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1165 du code civil et, par fausse application, ses articles 1142 et 1184 ;

2°/ que l'exception d'inexécution ne saurait être invoquée par une personne qui n'est pas partie au contrat allégué de violation, y compris dans les cas d'interdépendance au sein d'un ensemble contractuel ; qu'en l'espèce, en retenant que dans le cadre d'un ensemble contractuel, un débiteur peut invoquer une exception d'inexécution portant sur une obligation que son créancier a contractée auprès d'une autre partie audit ensemble dès lors qu'il existe entre ces différentes obligations une réelle interdépendance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1165 du code civil, par fausse interprétation, son article 1218, et, par fausse application, son article 1184 ;

3°/ que la compensation ne peut s'opérer qu'entre des créances réciproques ; qu'en l'espèce, en ordonnant la compensation entre les créances en paiement du prix de leurs actions dont étaient titulaires les cédants contre le cessionnaire, la société Clinique de la Miotte, et des créances de dommages-intérêts au titre d'une responsabilité civile contractuelle que ces mêmes cédants ne pouvaient pourtant avoir engagée qu'à l'égard de la société Clinique Laennec, et non à l'égard de la société Clinique de la Miotte, la cour d'appel a ordonné la compensation entre des créances qui n'étaient pas réciproques et a violé, par fausse application, l'article 1289 du code civil ;

4°/ que les conventions n'ont, en principe, d'effet qu'entre les parties contractantes, ne nuisent point au tiers et ne lui profitent pas ; qu'en l'espèce, en considérant qu'en rompant sans préavis leurs contrats d'exercice respectifs avec la société Clinique Laennec, les praticiens avaient engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de la société Clinique de la Miotte, pourtant tierce à ces contrats, et que cette dernière pouvait donc obtenir leur condamnation à des dommages-intérêts sur ce fondement, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1165 du code civil et, par fausse application, l'article 1147 du même code ;

Mais attendu que l'arrêt constate que dans sa lettre d'intention, datée du 5 février 2008 et proposant aux détenteurs du capital social de la société Clinique Laennec de racheter leurs actions, la société Clinique de la Miotte exposait deux grands principes d'engagements réciproques entre elle et les praticiens, en prenant l'engagement de tout mettre en oeuvre pour les faire bénéficier de conditions adaptées à l'exercice de leur art, les praticiens s'obligeant quant à eux à accepter le principe de leur mobilité pendant la période transitoire ; qu'il constate encore que, conformément à la condition suspensive prévue par le contrat de cession d'actions, les praticiens ont signé un avenant avec la société Clinique Laennec, rappelant en exposé préalable les exigences de la nouvelle direction de cette société quant à leur mobilité ; qu'il relève que n'ayant pas conditionné leurs engagements à la réalisation d'un site commun, les consorts X... demeuraient tenus par la clause de mobilité incluse dans le protocole de cession ; que de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, la cour d'appel a pu déduire qu'en refusant d'exécuter cette clause de mobilité et en rompant sans préavis leurs contrats d'exercice conclus avec la société Clinique Laennec, les consorts X... avaient engagé leur responsabilité contractuelle envers la société Clinique de la Miotte, ordonner la compensation entre la créance de dommages-intérêts dus à celle-ci et les créances en paiement du solde du prix des actions et ordonner une expertise pour évaluer les préjudices subis par la société Clinique de la Miotte du fait de la fermeture de la clinique Laennec ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. X..., Y..., Z..., B... et la société ORL Audincourt aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la Mutualité française du Doubs, la même somme globale à M. C..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Clinique de la Miotte, et la somme globale de 1 000 euros à la Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Y..., Z..., B... et la société ORL Audincourt

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné MM Jean-Yves Y..., Michel X..., Jean-Marie Z... et A... B... et la société ORL AUDINCOURT à payer à la société CLINIQUE DE LA MIOTTE des dommages-intérêts équivalents au solde leur restant dû au titre du prix de cession et d'avoir ordonné la compensation entre lesdits dommages-intérêts et solde respectifs ;

Aux motifs propres que : « la clinique de la Miotte n'ayant pas versé à tous les praticiens le solde du prix de cession de leurs actions, ceux-ci ont saisi à cette fin la juridiction compétente pour l'y contraindre ; que pour résister à ces prétentions, le liquidateur de la clinique de la Miotte fait valoir que les médecins dont s'agit n'ont pas respecté les termes du protocole en refusant de travailler à compter du 1er janvier 2010 au sein de la clinique de la Miotte, et ce alors que la demande leur en avait été faite dans un courrier du 24 novembre 2009 ; qu'en raison de ces manquements contractuels, il réclame l'octroi de dommages et intérêts à hauteur des sommes demandées par les appelants et la compensation des créances respectives ;

[
] que pour combattre l'argumentation de la clinique de la Miotte, les praticiens appelants exposent que leur acceptation du principe de leur mobilité sur les trois sites différents s'inscrivait dans la perspective de la création d'un pôle unique d'exercice et pour une période transitoire ; qu'ils soulignent que les diverses pièces produites aux débats – la lettre d'intention du 5 février 2008, le protocole de cession des actions du 14 mars 2008, la déclaration commune d'intention du 15 mai 2008 – font toutes expressément référence à la création d'un site commun ;

[
] qu'ils mettent également en avant que quelques mois après la cession des actions et la signature des avenants aux contrats d'exercice, la SA la clinique des Portes du Jura avait été placée en redressement judiciaire, puis cédée à un groupe concurrent le 15 décembre 2008 ; qu'ils font ensuite observer qu'en juillet 2009 la Mutualité Française du Territoire de Belfort avait pris l'initiative d'abandonner le projet du site commun ainsi que le démontre une attestation du directeur du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard ; qu'ils expliquent qu'ils se sont finalement trouvés contraints de travailler sur le seul site de la clinique de la Miotte alors que la cession de leurs actions et leur acceptation du principe de mobilité durant la phase transitoire étaient subordonnées à la réalisation d'un site commun ;

[
] qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;

[
] qu'ainsi que le font justement observer dans leurs écritures, tant le liquidateur de la clinique de la Miotte, que la Mutualité Française du Territoire de Belfort, [
] à défaut d'avoir conditionné leurs engagements à la réalisation du site commun, les praticiens de la clinique Laennec demeuraient tenus par la clause de mobilité incluse dans le protocole de cession ; qu'il est manifeste qu'en refusant de l'exécuter, ils ont commis une faute contractuelle ; qu'il échet encore d'ajouter que les éléments versés aux débats par les appelants sont insuffisants pour caractériser un comportement de mauvaise foi de la part de la clinique de la Miotte ;

[
] qu'en application des dispositions des articles 1184 et 1142 du code civil, les premiers juges ont condamné les appelants à payer à la clinique de la Miotte des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes totales qui leur restaient dues au titre de la cession de leurs actions ; qu'eu égard à la gravité des manquements contractuels reprochés à M. le Dr Jean-Yves Y..., à M. le Dr Michel X..., à M. le Dr Jean-Marie Z..., à M. le Dr A... B... et à la Selarl Orl Audincourt, il convient de confirmer la décision déférée sur ce point » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que : « le protocole de cession d'actions en date du 14 mars 2008 stipule :

- en son préambule :

« A la suite de négociations, les Cédants et le Cessionnaire se sont entendus sur la prise de contrôle de la société Clinique LAENNEC par le Cessionnaire et la participation des médecins de la Clinique LAENNEC audit projet médical dans le cadre de l'exercice de leur art »,

- en son article 3.1 :

« La cession des actions est subordonnée à la réalisation, au plus tard le 19 mai 2008, des conditions suspensives stipulées ci-après :

* L'ensemble des médecins praticiens au sein de la Clinique LAENNEC, associés ou non, ainsi que les sociétés d'exercice au sein desquelles ils peuvent être associés devront avoir signé un avenant ou un accord selon le cas
avec la Société et qui contiendra des dispositions relatives (i) à leur mobilité et à leur acceptation irrévocable d'exercer leur art [soit] au sein de la Clinique de la MIOTTE, soit au sein de la Clinique LAENNEC, soit au sein de la Clinique LES PORTES DU JURA ainsi qu'au sein de toute nouvelle entité dépendant directement ou indirectement de la MUTUALITE FRANÇAISE – TERRITOIRE DE BELFORT située dans le périmètre défini (ii) à leur renonciation expresse à toute clause d'exclusivité
»,

[
] que les avenants aux contrats d'exercice des différents praticiens concernés et signés en date des 28 et 29 mai 2008 stipulent :

- en leur préambule :

« Dans le cadre du rachat de la Clinique LAENNEC par la Clinique de la MIOTTE actuellement en cours, le cessionnaire a manifesté son exigence que l'ensemble des praticiens exerçant au sein de la Clinique manifeste leur accord sur deux éléments essentiels, à savoir :
* la possibilité pour d'autres praticiens d'exercer au sein de la clinique,

* la possibilité de modifier, dans un rayon réduit, le lieu d'exercice des praticiens exerçant au sein de la Clinique LAENNEC et leur engagement à exercer leur art, à la demande du cessionnaire, soit au sein de la Clinique de la MIOTTE, soit au sein d'un site unique compris dans le périmètre. Il est expressément rappelé que le Praticien accepte le transfert à terme de son activité sur un site unique au sein du périmètre qui sera géré par une structure nouvelle et accepte le principe du site médian partagé avec le CHBM. Par voie de conséquence, le Praticien s'engage à accompagner et à faire ses meilleurs efforts pour favoriser ce transfert »,

- en leur article 1 :

« Le Praticien accepte que tout praticien, y compris de sa spécialité, puisse exercer au sein de la Clinique
Par voie de conséquence, le Praticien renonce expressément et irrévocablement à se prévaloir de toute exclusivité de droit ou de fait dans le cadre de son exercice professionnel »,

- en leur article 2 :

« Le lieu d'exercice actuel
pourra être, partiellement ou totalement, déplacé dans un rayon de 25 km autour du lieu d'exercice actuel, sans que le praticien puisse s'y opposer ou considérer qu'il s'agit d'une faute contractuelle, sous réserve que :

1. La clause résolutoire prévue dans le Protocole de Cession conclu ce jour entre les Actionnaires de la Clinique LAENNEC et la Clinique de la MIOTTE ne puisse conduire à la résolution des cessions résultant

2. et que la Clinique LAENNEC informe le Praticien, au moins 1 mois avant la date effective de la modification du lieu d'exercice.

Dans ces conditions, le Praticien accepte d'exercer son art, soit au sein de la Clinique de la MIOTTE, soit au sein de tout site adapté au sein du périmètre défini ci-dessus »,

[
] que l'exception d'inexécution peut être invoquée dans le cadre d'un ensemble contractuel dès lors qu'il existe entre les obligations déjà inexécutées et celles que le débiteur ne veut pas, par symétrie, exécuter, une réelle interdépendance,

[
] que le protocole de cession d'actions fait explicitement mention de l'obligation pour les praticiens de s'engager à accepter une mobilité et à une renonciation à toute exclusivité d'exercice de leur art ; que les avenants à leur contrat d'exercice signés par les praticiens en dates des 28 et 29 mai 2008 concrétisent ces engagements,

[
] qu'il apparaît que le protocole de cession d'actions et les avenants aux contrats d'exercice formaient un ensemble contractuel unique dont l'exécution de l'un était interdépendant de l'exécution de l'autre, le transfert total de l'activité de la SA CLINIQUE LAENNEC représentant une condition essentielle du rachat de celle-ci par la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE,

[
] que la bonne foi de la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE ne saurait être mise en doute, celle-ci ayant initié en temps utile toutes les actions nécessaires au transfert de l'activité dans le domaine chirurgical sur le site de BELFORT et recherché avec les praticiens une conciliation en vue de limiter les effets de leur défaillance,

[
] qu'il n'est pas contesté que les Docteurs Jean-Yves Y..., A... B..., Michel X..., Jean-Marie Z... et la SELARL « ORL AUDINCOURT » ont refusé d'exercer leur art au sein de la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE sur le site sis à Belfort  , contrairement à leur engagement et à la demande qui leur a été faite en date du 24 novembre 2009 pour un début d'exercice le 4 janvier 2010,

[
] que l'attitude des praticiens dans le cas d'espèce témoigne d'une mauvaise foi évidente,

[
] que la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE demande au Tribunal de dire justifié le non-paiement du solde du prix de cession des actions pour non-respect par les praticiens de leurs engagements contractuels,

[
] que le Tribunal a pu en déduire que la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE a implicitement estimé que son préjudice se limitait à un montant égal au solde impayé du prix de cession des actions,

Qu'en conséquence, le Tribunal

- condamnera les Docteurs Jean-Yves Y..., A... B..., Michel X..., Jean-Marie Z... et la SELARL « ORL AUDINCOURT » à payer à la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE des dommages et intérêts d'un montant égal pour chacun d'eux au solde du prix de cession demeuré impayé,

- ordonnera la compensation entre les montant du solde du prix de cession des actions et le même montant de dommages et intérêts » ;

1. Alors que, d'une part, les conventions n'ont, en principe, d'effet qu'entre les parties contractantes, ne nuisent point au tiers et ne lui profitent pas ; qu'en l'espèce, l'obligation de mobilité, dont la société CLINIQUE DE LA MIOTTE invoquait une violation par les praticiens, n'avait été souscrite que dans des actes conclus avec la société CLINIQUE LAENNEC, et non avec la société CLINIQUE DE LA MIOTTE ; que, dès lors, en énonçant que le non-respect de cette obligation constituait une faute contractuelle dont la société CLINIQUE DE LA MIOTTE pouvait se prévaloir, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1165 du Code civil et, par fausse application, ses articles 1142 et 1184 ;

2. Alors que, d'autre part, l'exception d'inexécution ne saurait être invoquée par une personne qui n'est pas partie au contrat allégué de violation, y compris dans les cas d'interdépendance au sein d'un ensemble contractuel ; qu'en l'espèce, en retenant que dans le cadre d'un ensemble contractuel, un débiteur peut invoquer une exception d'inexécution portant sur une obligation que son créancier a contractée auprès d'une autre partie audit ensemble dès lors qu'il existe entre ces différentes obligations une réelle interdépendance, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1165 du Code civil, par fausse interprétation, son article 1218, et, par fausse application, son article 1184 ;

3. Alors qu'enfin, la compensation ne peut s'opérer qu'entre des créances réciproques ; qu'en l'espèce, en ordonnant la compensation entre les créances en paiement du prix de leurs actions dont étaient titulaires les cédants contre le cessionnaire, la société CLINIQUE DE LA MIOTTE, et des créances de dommages-intérêts au titre d'une responsabilité civile contractuelle que ces mêmes cédants ne pouvaient pourtant avoir engagée qu'à l'égard de la société CLINIQUE LAENNEC, et non à l'égard de la société CLINIQUE DE LA MIOTTE, la Cour d'appel a ordonné la compensation entre des créances qui n'étaient pas réciproques et a violé, par fausse application, l'article 1289 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné deux expertises sur les préjudices qu'aurait subis la société CLINIQUE DE LA MIOTTE en raison de la fermeture de la Clinique Laennec et de la perte d'activité et de son chiffre d'affaires ;

Aux motifs propres que : « la clinique de la Miotte réclame aux appelants des dommages et intérêts au motif que leur refus d'exercer sur son site lui a causé un grave préjudice ; qu'en raison de leurs manquements contractuels elle a perdu le chiffre d'affaires généré par leurs activités ;

[
] que [pour] résister à ce chef de demande les appelants répliquent que la clinique de la Miotte n'était pas en mesure, eu égard à l'insuffisance de ses infrastructures, d'accueillir toutes les activités des chirurgiens de la clinique Laennec et que, pour ce faire, il aurait fallu doubler ses capacités d'accueil ; qu'afin d'étayer leurs affirmations, ils versent à leur dossier cinq attestations lesquelles apparaissent très peu probantes dès lors qu'elles ne démontrent pas que la clinique de la Miotte était dans l'incapacité au 1er janvier 2010 d'accueillir toutes les activités des praticiens de la clinique Laennec ;

[
] que les appelants se livrent ensuite, pour étoffer leur argumentation, à des spéculations chiffrées qui sont contredites par d'autres données chiffrées fournies par la Mutualité Française du Territoire de Belfort ; qu'il échet de dire que la présente cour n'est pas à même d'apprécier la justesse de ces chiffres livrés à sa sagacité ; qu'il eut été préférable pour les appelants d'exécuter leur contrat d'exercice libéral comme prévu dans l'avenant et de faire constater, au besoin, l'éventuelle incapacité de la clinique de la Miotte de les faire bénéficier, comme elle s'y était engagée dans la lettre d'intention du 5 février 2008, de conditions adaptées à l'exercice de leur art et de mettre à leur disposition les moyens propres à assurer une qualité d'intervention correspondant aux normes habituelles de la profession et de la sécurité des patients ;

[
] que les chirurgiens de la clinique Laennec ont été invités à participer au conseil de bloc de la clinique de la Miotte qui s'est tenu le 1er décembre 2009 et dont l'objet était de déterminer le planning d'utilisation du bloc opératoire ; qu'il est établi qu'aucun des praticiens n'a estimé utile de participer à cette réunion, alors que leur présence aurait permis d'établir la prétendue insuffisance d'infrastructures de la clinique de la Miotte ;

[
] ensuite, que les contrats d'exercice du Dr A... B..., du Dr Jean-Yves Y... et du Dr Michel X... comportaient un préavis ; que ceux du Dr E... et du Dr Z... n'en stipulaient pour leur part aucun ; que toutefois, dès lors que ces deux derniers contrats étaient à durée indéterminée, ils pouvaient être résiliés sauf à respecter un préavis conformément au principe de la prohibition des engagements perpétuels ;

[
] qu'il est avéré que les cinq praticiens, parties à la présente instance, ont cessé leur concours sans observer le moindre préavis ; qu'il en est nécessairement résulté pour la clinique de la Miotte une brutale baisse de son activité, et donc de son chiffre d'affaires ;

[
] que la SA la clinique de la Miotte prétend aussi que leur défection a contribué à compromettre la reconversion de la clinique Laennec en centre de soins de suite et à fermer définitivement cet établissement ; que les appelants rétorquent, mais sans l'établir, qu'ils ne sont pas prescripteurs de soins de suite et que leur défaillance n'a pu, en conséquence, avoir un quelconque effet sur la situation de la clinique Laennec ;

[
] qu'il convient en conclusion d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont retenu la responsabilité des appelants dans la réalisation des divers dommages invoqués par la clinique de la Miotte ; que s'agissant de l'évaluation des préjudices il échet, compte tenu de l'insuffisance des éléments produits devant la cour, de confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la mise en oeuvre de deux expertises » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que : « les contrats d'exercice des Docteurs Jean-Yves Y..., A... B... et Michel X... stipulaient en leur article 13 que « si l'une des parties
» se traduisant, compte tenu de leurs anciennetés respectives supérieures à 5 ans, par un préavis contractuel de 12 mois,

[
] que dans la mesure où les Docteurs Jean-Yves Y..., A... B... et Michel X... ont exercé leurs fonctions au sein de la SA CLINIQUE LAENNEC depuis plus de 5 ans, il y a lieu de retenir un délai de préavis contractuel de 12 mois,

[
] que les contrats d'exercice des Docteurs Jean-Marie Z... et Gérard E... ne comportent pas de clause définissant un quelconque préavis,

[
] que le conseil national de l'Ordre national des médecins a édité un contrat type entre praticiens et cliniques privées proposant que lorsque l'une des parties veut mettre fin au contrat la liant à l'autre, elle devra l'aviser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un délai de préavis qui sera fonction du temps réel pendant lequel le praticien aura exercé à la clinique, à savoir : six mois avant cinq ans, 12 mois entre cinq et 10 ans, 18 mois entre 10 et 15 ans et deux ans au-delà de 15 ans, les parties pouvant toutefois convenir d'une réduction volontaire de la durée du préavis,

[
] que la jurisprudence applique les délais ci-dessus mentionnés en fonction de l'ancienneté du praticien,

[
] que dans la mesure où les Docteurs Jean-Marie Z... et Gérard E... ont exercé leurs fonctions au sein de la SA CLINIQUE LAENNEC depuis plus de 15 ans, il y a lieu de retenir comme conforme aux usages un délai de préavis de 24 mois,

[
] qu'en ne respectant pas le délai de préavis prévu respectivement par leur contrat ou par les usages, les praticiens ont commis une faute contractuelle dont ils doivent réparation à la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE qui est fondée à obtenir réparation du préjudice subi au cours de la période de préavis non exécuté,

[
] qu'en dépit des éléments comptables produits par la SA CLINIQUE DE LA MIOTTE, il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise, aux frais avancés par celle-ci, afin de permettre au Tribunal d'être éclairé sur la perte de chiffre d'affaires et la perte de marge qu'elle a subies à compter du 4 janvier 2010, date à laquelle les Docteurs Jean-Yves Y..., A... B..., Michel X..., Jean-Marie Z... et Gérard E... devaient exercer leur art sur le site de BELFORT, en fonction de la durée de leurs préavis respectifs » ;

Alors que les conventions n'ont, en principe, d'effet qu'entre les parties contractantes, ne nuisent point au tiers et ne lui profitent pas ; qu'en l'espèce, en considérant qu'en rompant sans préavis leurs contrats d'exercice respectifs avec la société CLINIQUE LAENNEC, les praticiens avaient engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de la société CLINIQUE DE LA MIOTTE, pourtant tierce à ces contrats, et que cette dernière pouvait donc obtenir leur condamnation à des dommages-intérêts sur ce fondement, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1165 du Code civil et, par fausse application, l'article 1147 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-14645
Date de la décision : 14/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 26 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2018, pourvoi n°16-14645


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.14645
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