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26/01/2016 | FRANCE | N°14/01379

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 26 janvier 2016, 14/01379


ARRET N° 16/

JC/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 26 JANVIER 2016



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 08 décembre 2015

N° de rôle : 14/01379



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes de LURE

en date du 10 juin 2014

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[L] [U]

C/

SA SOUCHIER
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PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [L] [U], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



assisté par Me Catherine FAIVRE, avocat au barreau d'EPINAL





ET :



SA SOUCHIER, ayant son siège social [Adresse 2...

ARRET N° 16/

JC/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 26 JANVIER 2016

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 08 décembre 2015

N° de rôle : 14/01379

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes de LURE

en date du 10 juin 2014

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[L] [U]

C/

SA SOUCHIER

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [L] [U], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

assisté par Me Catherine FAIVRE, avocat au barreau d'EPINAL

ET :

SA SOUCHIER, ayant son siège social [Adresse 2]

INTIMEE

représentée par Me Jean-louis LANFUMEZ, avocat au barreau de BELFORT substitué par Me Jean-Vincent MULLER, avocat au barreau de BELFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 08 Décembre 2015 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 26 Janvier 2016 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La S.A.S. SOUCHIER a embauché M. [L] [U] le 13 décembre 1982 comme agent de fabrication. Le salarié occupait en dernier lieu le poste de monteur polyvalent niveau 3 échelon 1 coefficient 215 de la convention collective nationale de la métallurgie de la Haute-Saône.

M. [L] [U] a été victime d'un accident du travail le 28 juillet 2010 qui a été suivi de plusieurs arrêts de travail.

Le médecin du travail a déclaré M. [L] [U] le 30 janvier 2012 inapte à la reprise de son poste de travail. Le médecin a confirmé cette inaptitude, d'origine non professionnelle, dans un second avis le 13 février 2012, préconisant un reclassement en dehors de l'entreprise.

Suite au recours de l'employeur, l'inspection du travail, par décision du 20 avril 2012, a confirmé l'inaptitude de M. [L] [U] en indiquant que son reclassement pouvait être envisagé au sein d'une autre entreprise du groupe et en émettant des restrictions.

La S.A.S. SOUCHIER a convoqué M. [L] [U] par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2012 à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 7 mai 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mai 2012, la S.A.S. SOUCHIER a notifié à M. [L] [U] son licenciement pour impossibilité de le reclasser suite aux avis de la médecine du travail des 30 janvier et 13 février 2012 et à la décision de l'inspection du travail du 20 avril 2012.

Considérant que son inaptitude est consécutive au comportement fautif de son employeur qui le harcelait moralement, M. [L] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lure le 17 mai 2013 afin d'obtenir la condamnation de la S.A.S. SOUCHIER à lui payer les sommes suivantes :

- 87'475,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

-15'000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 3 644,80 € à titre d'indemnité de préavis,

- 364,48 € au titre des congés payés afférents,

- 16 621,49 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, il a sollicité les sommes suivantes :

- 50'000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 3 644,80 € à titre d'indemnité de préavis,

- 364,48 € au titre des congés payés afférents,

- 16 621,49 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 10 juin 2014, le conseil de prud'hommes a débouté M. [L] [U] de l'ensemble de ses demandes ainsi que la S.A.S. SOUCHIER de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement a condamné M. [L] [U] à verser à la S.A.S. SOUCHIER la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a estimé que M. [L] [U] ne rapportait pas la preuve d'avoir été victime de harcèlement moral, que son inaptitude n'a pas d'origine professionnelle et que la S.A.S. SOUCHIER a recherché de manière loyale à le reclasser.

***

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 19 juin 2014, M. [L] [U] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 1er décembre 2015, il maintient avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur à l'origine de son inaptitude.

Il conclut ainsi à la condamnation de la S.A.S. SOUCHIER à lui verser les sommes suivantes :

- 87'475,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

-15'000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-3 644,80 € à titre d'indemnité de préavis,

- 364,48 € au titre des congés payés afférents,

- 16 621,49 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il entend voir condamné son employeur aux sommes suivantes :

- 50'000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 3 644,80 € à titre d'indemnité de préavis,

- 364,48 € au titre des congés payés afférents,

- 16 621,49 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre encore plus subsidiaire, il maintient que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, faute de consultation préalable des délégués du personnel et sollicite les sommes suivantes :

- 21'868,80 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 644,80 € à titre d'indemnité de préavis,

- 364,48 € au titre des congés payés afférents,

- 16 621,49 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause, il sollicite la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de paye rectifiés.

Il fait valoir que l'employeur, en multipliant de façon artificielle des incidents disciplinaires, en le reléguant à un poste de balayeur et en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail, s'est rendu coupable de harcèlement moral à l'origine de ses nombreux arrêts de travail puis de son inaptitude.

Il considère ainsi que son licenciement doit être annulé et qu'il est bien fondé à solliciter un préjudice distinct en réparation du harcèlement moral ainsi que l'indemnité spéciale de licenciement relative au licenciement pour inaptitude.

Il soutient en tout état de cause que l'employeur a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi et qu'il aurait dû de toute manière consulter les délégués du personnel.

***

Pour sa part, dans ses conclusions déposées le 27 novembre 2015, la S.A.S. SOUCHIER forme un appel incident afin de maintenir sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 5 000 €. Elle entend pour le surplus voir confirmé le jugement, y ajoutant une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que M. [L] [U] ne rapporte pas la preuve que son inaptitude ait une origine professionnelle ni qu'elle soit consécutive à un harcèlement moral. Dès lors, elle affirme que seul le refus des offres de reclassement par M. [L] [U] l'ont conduite à le licencier.

Elle précise encore que le reproche lié à une absence injustifiée le 5 août 2011 ainsi qu'une sanction disciplinaire de mise à pied de trois jours du 2 octobre 2011 pour tentative de vol de matériel appartenant à l'entreprise sont justifiés par son pouvoir de direction. Elle conteste avoir relégué M. [L] [U] à un emploi de balayeur même si elle reconnaît que son poste de travail comportait nécessairement, comme pour tout salarié occupant le même emploi, des tâches de nettoyage.

Elle estime enfin que les allégations mensongères de M. [L] [U] lui ont causé un préjudice de nature à justifier l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive.

*

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 8 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° ) Sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et la demande subséquente de dommages et intérêts :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire sont nuls de plein droit.

L'article L. 1154-1 précise que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [L] [U] prétend que l'inaptitude ayant entraîné son licenciement a été causée par des faits de harcèlement de la part de son employeur qui ont commencé en 2011 lorsque le médecin du travail, après un accident du travail survenu le 28 juillet 2010, a préconisé une aptitude à la reprise avec des restrictions.

Il convient dans un premier temps d'examiner les éléments produits par le salarié.

Il est constant que M. [L] [U] :

- a été victime le 28 juillet 2010 d'un accident du travail ayant entraîné un arrêt jusqu'au 8 août 2010, puis du 18 octobre au 25 octobre 2010, puis du 6 au 21 décembre 2010,

- a fait l'objet de la part du médecin du travail d'un avis de reprise fixée au 22 décembre 2010 avec restrictions lui interdisant le port de charges supérieur à 10 kg. Le 3 janvier 2011, le médecin du travail a confirmé cette aptitude partielle avec restrictions pour éviter la manutention répétée de pièces de plus de 20 kg,

- a été de nouveau en arrêt de travail du 6 janvier au 6 mars 2011, le médecin du travail le déclarant apte le 7 mars 2011 à la reprise sans manutention répétée de charges de plus de 20 kg, ni de mouvements répétés de type torsion ou flexion du tronc,

- a fait l'objet le 18 mars 2011 d'un nouvel arrêt de travail jusqu'au 1er mai 2011, le médecin du travail confirmant le 6 mai 2011 les mêmes restrictions,

- a de nouveau été en arrêt de travail du 20 au 25 mai 2011 puis du 20 juin au 1er août 2011, la reprise étant assortie des mêmes réserves,

- a fait l'objet d'un arrêt travail du 26 août au 12 septembre'2011, avec une reprise assortie des mêmes réserves,

- a été déclaré inapte le 15 septembre 2011 par le médecin du travail à un poste comportant de la manutention de charges de plus de 20 kg mais apte au montage,

- a fait l'objet d'un arrêt de travail du 16 septembre au 3 octobre 2011,

- a enfin fait l'objet d'une prescription de soins du 17 octobre 2011 au 17 janvier 2012, mais sans arrêt de travail,

- a été déclaré inapte lors de la seconde visite de reprise du 13 février 2012 avec préconisation de reclassement à l'extérieur de l'entreprise.

Il est tout aussi constant que M. [L] [U], au cours de cette période fréquemment interrompue par ces arrêts de travail, à été convoqué le 19 août 2011 pour un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 31 août 2011, reporté au 5 septembre 2011, avec notification d'une mise à pied conservatoire à compter de son retour de congés. Il ressort d'un courrier de l'employeur daté du même jour qu'il reprochait à M. [L] [U] de ne pas avoir justifié de son absence le 5 août alors qu'il reconnaît par ailleurs, dans le même courrier, avoir été informé par la concubine de l'intéressé d'un accident de trajet. Par ailleurs, M. [L] [U] a ensuite produit à son employeur, dès le 22 août 2011, la facture d'intervention de l'entreprise de dépannage de son véhicule.

Or, la S.A.S. SOUCHIER a maintenu l'entretien préalable à la sanction disciplinaire. Il est alors tout aussi constant que M. [L] [U] a demandé à l'employeur de lui indiquer les faits qui lui étaient reprochés par courrier du 25 août 2011 resté sans réponse.

La S.A.S. SOUCHIER a finalement notifié à M. [L] [U] le 12 octobre 2011 une mise à pied disciplinaire de trois jours, lui reprochant d'avoir emporté le 4 août 2011 dans son coffre de voiture des déchets de bois ainsi qu'une cartouche de silicone.

Or, il résulte de l'attestation de Monsieur [R] [C], soudeur, que M. [L] [U] n'a jamais cherché à dissimuler les déchets de bois, dans la mesure où il a demandé à un salarié de l'emballage de lui en préparer une caisse. Le témoin précise encore qu'il s'agissait d'une pratique tolérée par l'employeur et qu'il n'y avait jamais eu, avant l'incident reproché à M. [L] [U], une quelconque mesure de contrôle des véhicules du personnel.

Cette pratique est également confirmée par un autre témoin, Mme [D] [Y], agent de fabrication, qui indique que la S.A.S. SOUCHIER n'a jamais imposé à ses salariés d'avoir une autorisation pour prendre les déchets de bois destinés à la benne.

Il résulte des photographies versées au débat par l'employeur que le bois retrouvé dans le coffre de la voiture de M. [L] [U] est bien constitué de déchets.

Par courrier du 25 octobre 2011, M. [L] [U] a contesté la sanction, précisant que la cartouche de silicone avait été dissimulée par un tiers sous le bois. Il s'étonnait par ailleurs que cette cartouche ait été trouvée spontanément par son supérieur hiérarchique qui avait pris soin de secouer la caisse. Il a par ailleurs rappelé sa bonne foi en ayant volontairement ouvert le coffre de sa voiture alors qu'il n'en avait pas l'obligation.

Par courrier du 3 novembre 2011, l'employeur ne s'est pas contenté de confirmer la sanction disciplinaire suite aux protestations ci-dessus rappelées.

Ainsi, il écrit également à M. [L] [U] :

'(...) La sanction qui vous a été infligée est justifiée et nous ne reviendrons pas dessus (...) Maintenant nous voulons également vous souligner que nous avons noté une diminution de votre implication dans votre travail depuis ces dernières années (...) Récemment vous nous informez de votre déménagement dans le département des [Localité 1] à [Localité 2], soit à 1 h 30 de trajet en voiture de l'usine. Vous consentirez que nous puissions nous interroger sur votre réelle motivation à continuer de travailler au sein de notre entreprise'.

Enfin, le salarié, qui occupait en dernier lieu le poste de monteur polyvalent, prétend avoir été déclassé volontairement de manière humiliante par l'employeur qui l'affectait, à chaque retour de congé maladie, exclusivement à des tâches subalternes de nettoyage.

Au soutien de allégation, M. [L] [U] produit le témoignage de M. [Z] [Z], ouvrier monteur, qui atteste l'avoir vu à plusieurs reprises balayer l'entreprise et la cour après ses arrêts maladie. Le témoignage de M. [X] [Q] est encore plus précis dans la mesure où ce salarié, agent de fabrication, atteste avoir vu M. [L] [U] effectuer des opérations de nettoyage extérieur, plusieurs jours consécutifs, et cela à chaque reprise après ses arrêts de travail.

Pour sa part, M. [R] [C] témoigne ainsi : 'M. [L] [U], lorsqu'il revenait de maladie, était envoyé systématiquement à un autre poste de travail que le sien. Un jour qu'il était au montage, M. [P] a donné l'ordre de lui faire balayer la cour. Il a fait ce travail plusieurs fois et cela faisait sourire les chefs. Durant mes années à l'entreprise SOUCHIER je n'ai vu personne d'autre balayer la cour sauf l'entreprise extérieure spécialisée dans le nettoyage'.

La Cour constate que M. [L] [U] a été embauché le 13 décembre 1982 et qu'aucun reproche ne lui a été adressé jusqu'en 2011, son travail ayant toujours donné satisfaction.

Ainsi, il résulte des faits matériels allégués par M. [L] [U], pris dans leur ensemble et par ailleurs tous survenus pendant la période où le salarié a fait l'objet de nombreux arrêts suite à un accident du travail, une présomption de harcèlement moral.

Il y a lieu dès lors dans un second temps d'examiner les arguments de l'employeur.

Ce dernier ne justifie pas avoir par note de service ou tout autre moyen interdit à ses salariés de prendre les déchets de bois destinés à la benne. Il est également constant que l'employeur n'a diligenté aucune enquête en ce qui concerne la cartouche de silicone retrouvée dans la caisse de déchets de bois alors qu'il est établi que celle-ci n'a pas été préparée par M. [L] [U] lui-même mais à sa demande par un autre salarié.

De même, force est de constater que l'allégation de l'employeur de perte de motivation du salarié n'est corroborée par aucun élément et n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune sanction.

Il est encore constant que le choix du domicile par le salarié est un élément de sa vie privée et que l'employeur ne peut lui reprocher d'avoir déménagé dans le département des [Localité 1] dès lors que cet éloignement géographique n'a jamais entraîné de conséquences sur la qualité du travail ou la ponctualité de M. [L] [U].

Enfin, l'employeur conteste avoir affecté, pour l'humilier, M. [L] [U] à des tâches exclusives de balayage, précisant que tout salarié est tenu, après son service, de nettoyer son poste de travail.

Or, il résulte des témoignages cités ci-dessus ainsi que des photographies versées au débat par le salarié, que les tâches de nettoyage confiées à M. [L] [U] n'étaient pas liées à son poste de travail. Il apparaît au contraire que le salarié, lorsqu'il rentrait d'arrêt maladie, devait balayer la cour et les différents accès à l'entreprise ainsi que les parkings.

Ainsi, il est établi qu'à partir du moment où ses arrêts de travail se sont répétés, M. [L] [U] a subi de fortes pressions psychologiques, se traduisant notamment par un manque de respect de l'employeur et la volonté de le rabaisser.

Or, ces agissements, qui ont perduré dans le temps, ont non seulement porté atteinte à la dignité du salarié mais ont également altéré sa santé, ce qui résulte du certificat médical du Dr [D] du 28 novembre 2012 attestant d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des conflits professionnels.

Il résulte de ces éléments que le harcèlement moral dont a été victime M. [L] [U] est en lien direct avec l'inaptitude ayant entraîné son licenciement si bien que celui-ci doit être déclaré nul de plein droit.

Eu égard à la persistance et à la répétition des faits fautifs dans le temps, au préjudice particulièrement important subi par un salarié qui avait toujours donné satisfaction, il convient de fixer à la somme de 10'000 € les dommages et intérêts que devra lui verser l'employeur.

2° ) Sur les conséquences financières de l'annulation du licenciement :

Au jour de la rupture de son contrat, M. [L] [U] avait 29 ans et 5 mois d'ancienneté, la moyenne de ses trois derniers mois de salaire s'élevant à la somme de 1 822,40 €.

La S.A.S. SOUCHIER comptant par ailleurs plus de 11 salariés, les dommages et intérêts dus pour licenciement nul ne peuvent ainsi être inférieurs à 6 mois de salaire.

Compte tenu des observations ci-dessus et des difficultés rencontrées par M. [L] [U], désormais âgé de 51 ans, à retrouvé un emploi stable, il convient de fixer à la somme de 33'000 € les dommages et intérêts dus pour licenciement nul.

La nullité du licenciement entraîne également le paiement de l'indemnité de préavis égale à deux mois de salaire et des congés payés afférents , en application de l'article 58 de la convention collective applicable, soit :

- 3 644,80 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 364,48 € brut au titre des congés payés afférents.

En revanche, il résulte des articles L. 1226-12 et L. 1226-14 du code du travail que l'indemnité spéciale de licenciement, égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail et versée sans condition d'ancienneté dans l'entreprise, n'est due qu'en cas de licenciement prononcé en raison de l'impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail ou du refus non abusif par le salarié inapte de l'emploi proposé.

Dès lors que le licenciement a été annulé en raison d'un harcèlement moral, M. [L] [U] ne peut donc pas prétendre au versement de l'indemnité spéciale de licenciement. (Cass. soc. 3 déc. 2014, pourvoi n° 13-20.434, 13-20.435, 2037, inédit).

Enfin, il sera ordonné à la S.A.S. SOUCHIER de remettre à M. [L] [U] les documents de fin de contrat et les bulletins de paye rectifiés.

3° ) Sur l'appel incident formé par la S.A.S. SOUCHIER :

Dans la mesure où l'appel principal de M. [L] [U] a été en grande partie accueilli, la S.A.S. SOUCHIER devra être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

4° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

La S.A.S. SOUCHIER ayant succombé, elle devra supporter la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, sans pouvoir prétendre à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'allouer à M. [L] [U] une indemnité de 2 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉCLARE l'appel principal de M. [L] [U] partiellement fondé ;

DÉCLARE l'appel incident de la S.A.S. SOUCHIER mal fondé ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lure le 10 juin 2014 en ce qu'il a débouté M. [L] [U] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement et la S.A.S. SOUCHIER de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

INFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau ;

DÉCLARE nul le licenciement de M. [L] [U] ;

CONDAMNE la S.A.S. SOUCHIER à verser à M. [L] [U] les sommes suivantes :

- dix mille euros (10'000 €) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- trente trois mille euros (33 000 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- trois mille six cent quarante quatre euros quatre vingts (3 644,80 €) brut à titre d'indemnité de préavis,

- trois cent soixante quatre euros quarante huit (364,48 €) brut au titre des congés payés afférents ;

ORDONNE à la S.A.S. SOUCHIER de remettre à M. [L] [U] les documents de fin de travail et les bulletins de paye rectifiés ;

DÉBOUTE la S.A.S. SOUCHIER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A.S. SOUCHIER aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. [L] [U] une indemnité de deux mille cinq cents euros (2 500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt-six janvier deux mille seize et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et par Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01379
Date de la décision : 26/01/2016

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°14/01379 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-26;14.01379 ?
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