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08/02/2018 | FRANCE | N°17-12456

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 février 2018, 17-12456


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ;

Attendu que la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Georges Y... était propriétaire d'une parcelle située au sommet d'une falaise, laquelle s'est effondrée dans ses parties supérieures et intermédiaires le 18 février 2010, causant divers domma

ges au garage de Mme Z..., copropriétaire dans la résidence [...], située en contrebas ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ;

Attendu que la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Georges Y... était propriétaire d'une parcelle située au sommet d'une falaise, laquelle s'est effondrée dans ses parties supérieures et intermédiaires le 18 février 2010, causant divers dommages au garage de Mme Z..., copropriétaire dans la résidence [...], située en contrebas de cette falaise ; qu'il est décédé le [...]            ; que le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] a assigné son épouse, Mme C..., veuve Y..., et son assureur, la société Allianz IARD, aux fins d'exécution de travaux de confortement de la falaise et de paiement de dommages-intérêts ; que Mme Z... et la société MAIF sont intervenues volontairement à l'instance ;

Attendu que, pour rejeter les demandes tendant à juger Mme Y... responsable des dommages consécutifs à l'effondrement d'une partie de la falaise dont elle a la garde et juger le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] responsable de ces dommages, l'arrêt retient que la copropriété [...], qui connaissait l'obligation de surveillance et d'entretien de la falaise et qui a refusé d'entreprendre les travaux nécessaires à la protection du site, alors que la cause principale de l'effondrement de la partie supérieure de la falaise provient de phénomènes d'érosion qui étaient prévisibles en l'absence de surveillance et de travaux confortatifs, a commis une faute, exonérant Mme Y... de sa responsabilité au titre de l'article 1384 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever que la faute de la victime constituait un cas de force majeure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes présentées par Mme Z... et la MAIF tendant à la condamnation in solidum de Mme C..., veuve Y..., et de la société Allianz IARD à prendre en charge le coût de la démolition et de la reconstruction du garage appartenant à Mme Z..., l'arrêt rendu le 21 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme Y... et la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires [...]

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande que le syndicat des copropriétaires [...] avait formée afin de voir dire et juger que Mme X... Y..., était responsable de l'ensemble des dommages consécutifs à l'effondrement d'une partie de la falaise dont l'intéressée a la garde, sur le fondement des dispositions de l'article 1384 du code civil, D'AVOIR rejeté la demande du syndicat des copropriétaires [...] tendant à ce que Mme Y... soit condamnée à faire exécuter, sous astreinte de 200 € par jour de retard les travaux de confortement de la falaise, tels que définis par le devis du 14 octobre 2011 rédigé par la société CARI et annexé au rapport d'expertise, D'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes de dommages-intérêts présentées par le syndicat des copropriétaires [...] à l'encontre de Mme Y... et de la société ALLIANZ IARD, soit la somme de 47.730 € hors taxes majorée de la TVA, au titre des travaux de confortement de la falaise, celle de 32.828 € hors taxes majorée de la TVA et indexée, au titre de l'évacuation des blocs, de la démolition, de la reconstruction du garage et de la démolition du dallage avec évacuation et reconstruction, et celle de 10.000 € au titre des préjudices collectifs, D'AVOIR dit et jugé que Mme Y... était bien fondée à réclamer réparation du préjudice résultant de l'effondrement de la falaise, au syndicat des copropriétaires [...], sur le fondement de l'article 1384 du code civil, D'AVOIR condamné en conséquence le syndicat des copropriétaires [...] à payer à Mme Y... la somme de 6.000 € en réparation de son préjudice matériel résultant d'une perte partielle de terrain et celle de 8.000 € en réparation de son préjudice moral, D'AVOIR condamné le syndicat des copropriétaires [...] à exécuter, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, les travaux de confortement de la falaise, tels que définis par le devis du 14 octobre 2011 rédigé par la société CARI et annexé au rapport d'expertise judiciaire, et D'AVOIR mis hors de cause la société ALLIANZ IARD, assureur de Mme Y... ;

AUX MOTIFS QUE Mme Pierrette Z... et son assureur la MAIF font valoir que la partie de la falaise s'étant effondrée est située en totalité sur la propriété X... C... veuve Y..., qu'elle a planté des végétaux qui, par leur racines, ont fragilisé la partie supérieure de la falaise qui s'est effondrée, qu'elle est donc responsable au sens de l'article 1384 du Code Civil ; que le syndicat des copropriétaires [...] soutient, quant à lui, que la preuve du lien de causalité entre le défaut d'entretien, reproché à la copropriété [...], et le sinistre n'est pas rapportée ; que Mme X... C... veuve Z... fait valoir, quant à elle, que la paroi de la falaise depuis son pied jusqu'à la ligne de crête appartient à la SCI [...], qui avait donc une obligation d'entretien, qu'elle n'avait pas la possibilité d'accéder à la paroi rocheuse ni au pied de la falaise ; qu'il résulte du dossier que le terrain d'une ancienne carrière, dont l'exploitation s'est terminée à la fin des années 1940 a été vendu à la SCI [...] en 1960, avant que ne soit entrepris la construction de l'ensemble immobilier "Résidence [...]" sur la partie inférieure, et la vente de la partie supérieure du terrain à Georges Y..., le 31 janvier 1961 ; qu'aux termes de l'article 1384 du code civil : l'on est responsable du dommage causé par le fait des chose que l'on a sous sa garde ; qu'il n'est pas contestable que c'est la partie située sur la propriété de X... C veuve Y..., dont elle avait la qualité de gardienne, au sens de l'article précité, qui s'est effondrée sur le fonds inférieur ; que l'expert précisant : la partie de terrain de la propriété de M. Y... qui s'est effondrée est assimilable à un triangle ayant son côté le plus grand en haut de la falaise et sur son rebord pour une longueur de 6 mètres environ et une hauteur de 2 mètres environ, en pénétration dans le terrain de M. Y... ; que concernant les causes de l'effondrement du 18 février 2010, l'expert note : il résulte de phénomènes de décompression qui ont conduit aux dissociations des blocs de grandes dimensions prédécoupés par les failles et diaclases existantes (...). La participation des phénomènes climatiques qui amplifient les phénomènes de décompression, est dominante par rapport aux effets localisés liés aux pénétrations des racines dans les failles sur de faibles profondeurs (...). L'effondrement du 18 février 2010 qui a intéressé un volume de rocher de 50 à 60 m² environ est un effondrement qui a pour origine l'érosion au sens le plus large ; qu'ainsi selon l'expert, la cause principale de l'effondrement de la partie supérieure de la falaise, provient de phénomènes d'érosion dus à l'action des eaux de surface, des eaux souterraines et des agents atmosphériques (pluie, vent, soleil, gel) et non de l'existence d'un réseau racinaire ; que la présomption de responsabilité établie par l'article 1384 alinéa 1er du Code Civil, à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, ou la faute de la victime qui a contribué au dommage ; qu'il ne suffit pas de prouver que le gardien n'a pas commis de faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue ; qu'en l'espèce figure au dossier un avis géologique en date du 12 janvier 1990, établi à la demande de la Mairie et de la copropriété [...] par le bureau d'études de sols et VRD Wanert, indiquant après visite sur place et concernant la falaise : "des purges naturelles se produisent en risquant d'endommager des ouvrages et d'atteindre des personnes. Il est difficile de mesurer ce risque mais il n'en demeure pas moins que sa potentialité est importante. De plus des ouvrages réalisés en contre-haut de la falaise peuvent également être affectés par cette évolution. Ces parements artificiels doivent faire l'objet d'un suivi régulier et d'un entretien permanent" ; qu'ainsi, dès 1990, la copropriété [...] avait son attention attirée sur l'évolution prévisible de la falaise, sur la nécessité d'une surveillance et d'un entretien régulier, mais également sur le danger qu'elle présentait vis à vis des ouvrages et personnes ; que malgré les conclusions claires de cette étude, alors qu'une résolution traitant du "nettoyage de la falaise" avait été mise à l'ordre du jour, l'assemblée générale de la copropriété [...] en date du 23 avril 1991 décidait : "devant l'importance des travaux à réaliser par les sociétés spécialisées, de ne pas donner suite à ces travaux, devant le peu de risque encouru" ; qu'en considération de ces éléments, la copropriété [...], qui connaissait l'obligation de surveillance et d'entretien de la falaise, qui a refusé d'entreprendre les travaux nécessaires à la protection du site, et alors comme le souligne également l'expert judiciaire que la cause principale de l'effondrement de la partie supérieure de la falaise provient de phénomènes d'érosion qui étaient prévisibles en l'absence de surveillance et de travaux confortatifs, a commis une faute, exonérant X... C... veuve Y... de sa responsabilité au titre de l'article 1384 du Code Civil ;

QUE sur les demandes d'indemnisation, Mme X... C... veuve Y... sollicite une somme de 21 336,08 euros au titre de son préjudice lié à la remise en état de son terrain, notamment du fait d'un aménagement paysager, d'un diagnostic arboricole réalisés et de la création d'une allée ; que comme le souligne à juste titre le premier Juge, X... C... veuve Y... ne justifie pas de la nécessité de ces dépenses, son préjudice se limitant à la perte d'une surface de terrain, situé en bordure d'une falaise, estimée par l'expert à environ 6 m² ; que de ce fait, la décision du premier Juge en ce qu'il a été alloué à une somme de 6000 euros sera confirmée, X... C... veuve Y... n'apportant aucun élément nouveau de nature à contredire l'évaluation faîte, de même quant à son préjudice moral ;

1. ALORS QUE la responsabilité de plein droit du gardien est engagée dès lors qu'il est établi que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que partiellement, l'instrument du dommage, sauf pour le gardien de rapporter la preuve qu'il n'a fait que subir l'action d'une cause étrangère qu'il n'a pu ni prévoir ni empêcher ; qu'en décidant, pour dégager Mme Y... et son assureur de toute responsabilité, que le syndicat des copropriétaires [...] avait manqué à son obligation de surveillance et d'entretien de la falaise, en s'abstenant de procéder aux travaux qui lui avaient été recommandés par le bureau d'études des sols et V.R.D. WANERT, dans un avis géologique du 12 janvier 1990, après avoir constaté qu'elle avait la garde de la partie de la falaise qui s'est écrasée sur l'immeuble appartenant au syndicat des copropriétaires [...] et situé en contrebas, sous l'effet des phénomènes de décompression, et plus largement de l'érosion (arrêt attaqué, p. 7, pénultième et dernier alinéas ; p. 8, 1er et 2e alinéas), et qu'elle ne pouvait s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt que par la preuve d'un cas fortuit, ou de force majeure, ou d'une cause étrangère, qui ne lui soit pas imputable, la cour d'appel qui n'a pas précisé en quoi la faute du syndicat des copropriétaires [...] constitue un cas de force majeure et qu'elle présente un caractère imprévisible et irrésistible, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2. ALORS QUE le syndicat des copropriétaires [...] a soutenu qu'il était au pouvoir de Mme Y... de procéder elle-même aux travaux d'entretien au pied de la falaise, sans que le refus de l'assemblée générale présente pour elle un caractère insurmontable, « puisque tout propriétaire a le droit de passer temporairement chez son voisin pour effectuer les réparations ou l'entretien de son fonds » et que « même en cas de besoin, en cas de refus du propriétaire voisin, le Juge des référés peut même autoriser un propriétaire à effectuer des travaux nécessitant un passage sur le fonds voisin » (conclusions, p. 9) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Mme Y... n'était pas en mesure de prévenir les effets de la décision de l'assemblée générale refusant d'exécuter les travaux, en y procédant elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

3. ALORS si tel n'est pas le cas QUE le gardien ne peut s'exonérer de la responsabilité encourue sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en prouvant que le fait dommageable provient exclusivement de la faute de la victime qui constitue la cause unique du dommage ; qu'en se bornant à énoncer que la cause principale de l'effondrement résidait dans l'érosion, après avoir relevé que le syndicat des copropriétaires [...] avait refusé de procéder aux travaux de protection du site, sans expliquer en quoi l'effondrement de la partie supérieure de la falaise était exclusivement imputable au défaut d'entretien du bas de la falaise qui en constituerait alors la cause unique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-12456
Date de la décision : 08/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 fév. 2018, pourvoi n°17-12456


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boullez, SCP Foussard et Froger, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.12456
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