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07/02/2018 | FRANCE | N°17-18956

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 17-18956


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1355 du code civil et les articles L. 2143-3 et L. 2143-5 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Eiffage énergie Ile-de-France (la société) est une des sociétés composant l'unité économique et sociale Eiffage (l'UES), reconnue en 1993 ; qu'un accord, signé le 17 septembre 2015 au sein de l'UES, a prévu deux niveaux de représentation, l'un au niveau de l'UES avec la désignation de délégués syndicaux centraux, l'autre au niv

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1355 du code civil et les articles L. 2143-3 et L. 2143-5 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Eiffage énergie Ile-de-France (la société) est une des sociétés composant l'unité économique et sociale Eiffage (l'UES), reconnue en 1993 ; qu'un accord, signé le 17 septembre 2015 au sein de l'UES, a prévu deux niveaux de représentation, l'un au niveau de l'UES avec la désignation de délégués syndicaux centraux, l'autre au niveau des sociétés composant l'UES avec la désignation de délégués syndicaux d'établissement, ainsi, exceptionnellement, que la possibilité de désigner en outre des délégués syndicaux dans les établissements d'au moins cent salariés au sein des sociétés de l'UES ; que le 21 octobre 2016, le tribunal d'instance de Pontoise a validé la désignation, en date du 30 novembre 2015, par le syndicat CGT Forclum Ile-de-France (le syndicat CGT), de M. C... en qualité de délégué syndical de l'établissement Pontoise de la société Eiffage énergie Ile-de-France au motif que l'accord d'UES ne pouvait subordonner la désignation d'un délégué syndical à l'existence d'un établissement employant au moins cent salariés ; que le 11 avril 2016, la Fédération CGT a désigné M. B... en qualité de délégué syndical central ; que le 19 mai 2017, le syndicat CGT a désigné M. Y... et M. Z... en qualité respectivement de délégué syndical et délégué syndical supplémentaire de la société ; que cette dernière a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation de M. C... , de M. Y... et de M. Z... ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande d'annulation de la désignation de M. C... et rejeter les demandes d'annulation des désignations de MM. Y... et Z..., le tribunal d'instance relève que la contestation de la désignation de M. C... se heurte à l'autorité de la chose jugée résultant du jugement du tribunal d'instance de Pontoise du 21 octobre 2016, et que les désignations de MM. Y... et Z... sont conformes aux clauses de l'accord du 17 septembre 2015 ;

Attendu cependant d'abord que le périmètre de désignation des délégués syndicaux précédemment reconnu par une décision de justice peut être remis en cause au vu d'éléments nouveaux ;

Attendu ensuite qu'il ne peut être procédé à la désignation d'un délégué syndical central qu'au niveau de l'entreprise à laquelle est assimilée l'unité économique et sociale reconnue entre plusieurs personnes juridiques ; qu'il en résulte que, sauf accord plus favorable, il ne peut y avoir, en sus de la désignation d'un délégué syndical central au niveau de l'UES, désignation à la fois de délégués syndicaux d'établissement au niveau des entreprises composant l'UES et de délégués syndicaux d'établissement dans un périmètre plus restreint que l'entreprise faisant partie de l'UES ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que la désignation par le syndicat CGT de délégués syndicaux au niveau de la société Eiffage énergie Ile-de-France, postérieurement à la désignation par le même syndicat d'un délégué syndical au niveau de l'établissement de Pontoise de cette même société, constituait un élément nouveau susceptible de mettre en cause la validité de l'une ou l'autre des désignations effectuées à des niveaux différents et dès lors surnuméraire, sauf à constater qu'étaient réunies les conditions mises à l'application des clauses plus favorables de l'accord collectif du 21 septembre 2015, et ouvrait en conséquence, à compter des dernières désignations, un nouveau délai de contestation de l'ensemble des désignations en cause, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des dispositions critiquées par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 mai 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saint-Ouen ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me A..., avocat aux Conseils, pour la société Eiffage énergie Ile-de-France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande en annulation de la désignation de M. Ali C... par le syndicat CGT Forclum Ile-de-France en qualité de délégué syndical ;

AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, la présente instance même si elle a également été introduite à l'encontre de Messieurs Xavier Y... et Patrick Z..., est de nouveau dirigée à l'encontre de Monsieur Ali C... et du syndicat CGT Forclum Ile-de-France ; qu'en outre, elle a de nouveau pour objet l'annulation de la désignation de Monsieur Ali C... en qualité de « Délégué Syndical d'EIFFAGE Energie Ile-de-France, établissement de Pontoise », c'est-à-dire précisément la même demande que lors de la précédente instance devant le tribunal d'instance de Pontoise qui a débouté la société Eiffage Energie Ile-de-France de sa demande ; que le fait que des désignations aient été effectuées postérieurement à celle de Monsieur Ali C... ne modifie pas la cause de la demande en annulation ; que, dès lors, la demande tenant à l'annulation de la désignation de Monsieur Ali C... est irrecevable ;

ALORS QUE l'autorité de la chose jugée suppose une triple identité de parties, d'objet et de cause ; qu'il n'y a pas identité de cause lorsque la situation juridique a été modifiée depuis la date de la première décision ; qu'en l'espèce, par jugement du 21 octobre 2016, le tribunal d'instance de Pontoise a rejeté la demande d'annulation de la désignation par le syndicat CGT Forclum Ile-de-France de M. C... en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement de Pontoise présentée par la société Eiffage Energie IDF sur le fondement de l'accord portant sur l'exercice du droit syndical et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel au sein des filiales composant l'UES Eiffage Energie conclu le 17 septembre 2015, motif pris que cet accord moins favorable que la loi ne pouvait recevoir application ;
que le Syndicat CGT Forclum IDF a informé la société Eiffage Energie Ile-de-France, le 20 janvier 2017, qu'il désignait également M. Xavier Y... et M. Patrick Z... en qualité de « délégué syndical d'Eiffage Energie Ile de France » et de « délégué syndical supplémentaire d'Eiffage Energie Ile de France » ; que, par requête du 1er février 2017, la société Eiffage Energie IDF a demandé l'annulation des désignations de M. C... , Y... et Z... en qualité de délégués syndicaux et délégué syndical supplémentaire en raison de leur caractère surnuméraire ; qu'en affirmant qu'il y avait identité de cause entre les deux instances et ce bien que l'annulation de la désignation de M. C... en qualité de délégué syndical était demandée en raison de son caractère surnuméraire suite aux désignations ultérieures de MM. Y... et Z... en cette même qualité, le tribunal d'instance a violé l'article 1355 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la société Eiffage Energie Ile-de-France de ses demandes en annulation de la désignation de MM. Y... et Z... en qualité de délégué syndical et délégué syndical supplémentaire d'Eiffage Energie Ile-de-France par le syndicat CGT Forclum IDF ;

AUX MOTIFS QUE les conditions de la désignation des délégués syndicaux sont prévues aux article L. 2143-3 et L. 2143-5 du code du travail ; qu'en application de l'article R. 2143-1 du code du travail, le nombre des délégués syndicaux dont dispose chaque section syndicale au titre du premier alinéa de l'article L. 2143-3 est fixé soit par entreprise, soit par établissement distinct ; que sauf accord collectif plus favorable, une confédération syndicale et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ne peuvent désigner ensemble un nombre de délégués syndicaux supérieur à celui prévu par la loi ; qu'en l'espèce, la société Eiffage Energie Ile-de-France demande l'annulation des désignations de Messieurs Xavier Y... et Patrick Z..., en tant que délégué syndical et délégué syndical supplémentaire, en faisant valoir que seule les dispositions légales sont applicables, la loi ne prévoyant que deux niveaux de représentation ; qu'elle conteste le fait que l'accord collectif du 17 septembre 2015 puisse être appliqué puisque les défendeurs l'ont contesté devant une autre juridiction ; que l'accord collectif « portant sur l'exercice du droit syndical et le fonctionnement des instances de représentation du personnel au sein des filiales composant l'UES Eiffage Energie » conclu le 17 septembre 2015 prévoit, de manière dérogatoire à la loi, trois niveaux de représentation syndicale au lieu de deux. L'article 1.1 de l'accord stipule en effet que : «Aux termes de la loi, il n'existe que deux niveaux de représentation syndicale dans l'UES. Les parties conviennent que ces deux niveaux de représentation sont : -Le niveau de l'UES - Le niveau filiale Les parties conviennent toutefois de prendre en compte les situations particulières de certains établissements d'une filiale dont la taille ou les spécificités pourraient appeler une représentation à ce niveau. Ainsi par dérogation, des délégués syndicaux pourront être désignés dans les établissements dont les effectifs sont supérieurs à 100 salariés en CDI en date de signature du présent accord. Ces désignations créeront un troisième niveau de désignation, situation dérogatoire devant être strictement limitée à cette hypothèse » ; que la société Eiffage Energie Ile-de-France ne démontre pas que cet accord, plus favorable que les dispositions légales et conclu pour une durée indéterminé, ait été dénoncé ou révisé ; qu'en outre, les précédentes désignations de l'organisation syndicale CGT avaient concerné le délégué syndical au sein d'un établissement, et un délégué syndical central, de sorte que, compte tenu des dispositions de l'accord, les désignations d'un délégué syndical et d'un délégué syndical supplémentaire au niveau de la filiale sont régulières ;

ALORS QU'il est de principe que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que, pour justifier la désignation de MM. Y... et Z... en qualité de délégués syndicaux, le syndicat CGT Forclum IDF a revendiqué l'application de l'accord collectif du 17 septembre 2015 prévoyant de manière dérogatoire trois niveaux de représentation syndicale au lieu de deux, plutôt que les dispositions légales ; que, pourtant, précédemment, ce même syndicat, dans le cadre d'une autre procédure, a obtenu le rejet de la demande de l'employeur en annulation de la désignation de M. C... en qualité de délégué syndical de l'établissement de Pontoise, en soutenant précisément que ledit accord ne pouvait être appliqué, dès lors qu'il était plus restrictif que les dispositions légales qui, seules, devaient être mises en oeuvre ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir démontré que cet accord avait été dénoncé ou révisé, quand le syndicat CGT Forclum IDF ne pouvait, sans se contredire, se prévaloir d'un accord, dont il avait précédemment nié l'application, le Tribunal a violé le principe susvisé ;

ALORS QUE, subsidiairement, lorsqu'une disposition légale a le même objet qu'une disposition conventionnelle les avantages qui en résultent ne peuvent se cumuler ; que, si la loi du 5 mars 2014 offre la possibilité au syndicat de désigner un délégué syndical dans un établissement d'au moins 50 salariés répondant à la définition du nouvel article L. 2143-3 alinéa 4 du code du travail, elle n'interdit pas de définir le périmètre de désignation des délégués syndicaux par voie conventionnelle ; que, dans le cadre de l'UES Eiffage Energie, les partenaires sociaux ont convenu, par accord du 17 septembre 2015, que les deux niveaux de représentation seraient le niveau de l'UES et le niveau de la filiale et que, par dérogation, des délégués syndicaux pourraient être désignés dans les établissements dont les effectifs sont supérieurs à 100 salariés en CDI en date de signature du présent accord ; qu'ayant revendiqué et judiciairement obtenu l'application des dispositions légales pour désigner M. C... comme délégué syndical dans l'établissement de Pontoise employant moins de 100 salariés, le syndicat CGT Forclum IDF ne pouvait prétendre dans le même temps bénéficier de dispositions conventionnelles lui offrant la possibilité de désigner des délégués syndicaux au niveau de la filiale et ainsi bénéficier d'un cumul d'avantages ; qu'en accordant au syndicat une telle faculté, le Tribunal a violé l'article L. 2143-3, al.4 du code du travail et l'article 1.1 de l'accord collectif du 17 septembre 2015.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18956
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Saint-Denis, 19 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°17-18956


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18956
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