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07/02/2018 | FRANCE | N°17-18298

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 février 2018, 17-18298


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 septembre 2016), que Carlos X..., décédé le [...] , a été inhumé le 1er juin suivant

à [...] dans une concession                     acquise par sa concubine, Mme B... ; qu'en 2010, M. et Mme X... ont sollicité l'accord de cette dernière pour le transfert de la sépulture de leur fils au Portugal, puis l'ont assignée pour obtenir cette autorisation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme X.

.. font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen, qu'en l'absence de volonté...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 septembre 2016), que Carlos X..., décédé le [...] , a été inhumé le 1er juin suivant

à [...] dans une concession                     acquise par sa concubine, Mme B... ; qu'en 2010, M. et Mme X... ont sollicité l'accord de cette dernière pour le transfert de la sépulture de leur fils au Portugal, puis l'ont assignée pour obtenir cette autorisation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen, qu'en l'absence de volonté exprimée du défunt, le lieu de sépulture définitive est déterminé par la personne la plus qualifiée pour décider de ce lieu ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que M. et Mme X... étaient les plus proches parents et les plus qualifiés pour décider du lieu de sépulture définitive de leur défunt fils ; qu'en les déboutant néanmoins de leur demande de transfert de sa sépulture au Portugal, au motif inopérant de l'absence de volonté exprimée du défunt, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations, violant l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales, ensemble l'article 16-1-1 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il découle du principe, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, que l'exhumation d'un corps ne peut être effectuée que pour des motifs graves et sérieux, tels le caractère provisoire de la sépulture et le respect de la volonté, exprimée ou présumée, du défunt, l'arrêt relève que la sépulture, qui comporte un caveau recouvert d'un monument funéraire définitif, ne présente pas un caractère provisoire, qu'il n'est pas établi que le défunt, qui vivait en France avec sa famille, ait clairement manifesté la volonté d'être inhumé au Portugal et que le souhait de ses parents de résider dans ce pays ne constitue pas un motif grave et sérieux permettant de déroger au principe de l'immutabilité des sépultures ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de transfert de sépulture n'était pas justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme B..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir déclaré recevable la demande des époux X..., exposants, comme étant les plus proches parents de leur fils décédé, tendant au transfert de la sépulture de ce dernier de [...] au Portugal, de les en avoir déboutés ;

AUX MOTIFS QUE
Sur la recevabilité de la demande :
qu'aux termes de l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales, la demande d'exhumation est faite par le plus proche parent du défunt auprès du maire de la commune d'exhumation ; qu'en cas de désaccord ou de refus d'autres parents de même degré que le pétitionnaire, la décision relève de l'autorité judiciaire ;

qu'ainsi que l'a justement analysé le tribunal, en présence de parents de même degré – père et mère d'une part et enfants d'autre part – il convient de s'attacher aux relations entretenues par ceux-ci avec le défunt ;

qu'eu égard au très jeune âge des enfants, le tribunal a, à bon droit, retenu que les requérants devaient être considérés comme les plus proches parents, au sens du texte susvisé ;

que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré la demande recevable ;

Sur le fond :
que l'article 16-1-1 du code civil dispose que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ; qu'il découle de ce principe que l'exhumation d'un corps ne peut être effectuée que pour des motifs graves et sérieux, tels le caractère provisoire de la sépulture et le respect de la volonté, exprimée ou présumée, du défunt ;

qu'en l'état d'une inhumation remontant à plus de six ans au moment de la requête présentée par les époux X..., dans un caveau recouvert d'un monument funéraire définitif, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré du caractère provisoire de la sépulture ;

que s'agissant de la volonté du défunt, c'est également par une exacte analyse des éléments versés aux débats que le tribunal a constaté l'absence de manifestation expresse de sa part ; qu'au regard du fait que Carlos X... a toujours vécu et travaillé en France où il a choisi de fonder une famille, la circonstance qu'il se soit rendu en vacances au Portugal ne suffit pas à démontrer qu'il avait l'intention d'y être inhumé ;

que dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a dit que le souhait des parents de partir vivre au Portugal ne constituait pas un motif grave et sérieux pour ordonner le transfert de la sépulture ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
Sur la recevabilité :
que selon l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales, « toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte » ;

que le changement de lieu de sépulture implique un consensus familial, à défaut duquel doit intervenir le juge judiciaire ; que la jurisprudence administrative considère qu'il appartient au juge judiciaire de trancher la question de savoir qui est, entre les parents et les enfants du défunt, le parent le plus proche, puisqu'elle considère que ces personnes sont au même degré au sens du code civil ;

que cette notion de plus proche parent n'est pas définie dans le code civil ; que l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 précise qu'à titre indicatif et sous réserve de l'appréciation des tribunaux, en cas de conflit, l'ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents, les frères et soeurs ;

qu'en l'espèce, les requérants soutiennent que l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales n'est pas applicable devant le juge civil puisqu'il concerne la mise en oeuvre des pouvoirs de police reconnus aux autorités administratives compétentes quant aux conséquences administratives liées au décès d'une personne, ces questions pouvant relever de la juridiction administrative ;

que Mme Sandra B..., en sa qualité de représentant légal des fils mineurs du couple, a fait intervenir volontairement ses fils ; qu'elle indique qu'elle s'oppose à la demande des requérants au nom de ses enfants et en son nom propre ; qu'elle expose que selon la hiérarchie déterminée par l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999, les plus proches parents du défunt sont ses enfants mineurs et que de ce fait, la demande d'exhumation faite par les parents du défunt n'est pas recevable ; que par ailleurs, elle affirme que le transfert de la sépulture de leur père n'est pas dans l'intérêt des enfants ;

que l'article R. 2213-40 est applicable devant le tribunal de grande instance puisqu'il est admis que c'est au juge judiciaire qu'il appartient de résoudre la question du plus proche parent ; que la hiérarchie déterminée par l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 n'est qu'indicative ; qu'il convient de constater que les enfants n'ont connu leur père que très peu puisqu'ils étaient très jeunes lorsque celui-ci est décédé ; que les parents du défunt, quant à eux, entretenaient des relations très proches avec leur fils ; qu'ils peuvent être qualifiés de plus proches parents ; que la demande des époux X... est recevable ;

Sur le fond :
qu'il convient de préciser que la demande d'exhumation faite par la famille du défunt ne peut aboutir qu'en cas de motif grave car le respect de la paix des morts ne doit pas être troublé par les divisions des vivants et leurs convenances personnelles ; qu'en conséquence, les motifs graves qui peuvent être invoqués par les familles au soutien d'une demande d'exhumation sont nécessairement limités ; que selon une jurisprudence constante sont considérés comme motifs graves le caractère provisoire de la sépulture et le respect de la volonté exprimée ou présumée du défunt ;

Sur le caractère provisoire de la sépulture
qu'il résulte des dispositions de l'article R. 2213-29 du code général des collectivités territoriales que le cercueil peut être déposé dans un caveau provisoire, dans l'attente de l'inhumation définitive ; que ce dépôt ne peut excéder six mois ; qu'à l'expiration de ce délai, le corps est inhumé ou fait l'objet d'une crémation ;

qu'en l'espèce, les requérants ont demandé, par une lettre du 4 mars 2010, à Mme Sandra B... de signer les documents nécessaires au transfert de la sépulture de leur fils au Portugal, leur pays d'origine où ils souhaitent finir leurs jours ; qu'ils estiment que la sépulture de leur fils est provisoire puisqu'ils ont fait placer à leurs frais, le jour des funérailles, un caveau en PVC pour préserver le cercueil dans l'hypothèse d'un transfert et que le transfert de la sépulture au Portugal a toujours été envisagé ;

que la défenderesse affirme que la sépulture est définitive et produit l'attestation de M. Maurice Z..., gérant de la société de Pompes funèbres Z..., en date du 1er mars 2012, certifiant que le caveau en polymère que son entreprise a posé est définitif et non provisoire et que la stèle gravée au nom du défunt, l'entourage, la dalle et le blocage en béton témoignent d'une sépulture définitive ; qu'elle expose que le lieu de sépulture a été choisi en accord avec les parents de son concubin et qu'il ne doit donc pas être changé sans nécessité absolue ;

qu'il résulte de ce qui précède que la couverture du caveau par une pierre tombale en marbre sur laquelle sont apposés le nom de la famille du défunt ainsi que le nom et les dates de naissance et de décès de ce dernier, et où figure une photo en porcelaine démontrent que la sépulture n'était pas provisoire ; que par ailleurs, le 4 mars 2010, le délai de six mois prescrit par le code général des collectivités territoriales avait expiré depuis plus de six ans ; que la demande des époux X... a été très tardive, renforçant ainsi le caractère définitif de la sépulture ; qu'en fin les époux X... ne démontrent pas qu'ils n'étaient pas d'accord avec le lieu de la sépulture au moment de l'inhumation et qu'un transfert de la sépulture au Portugal a toujours été envisagé ;

que la sépulture ne présente aucun caractère provisoire, le motif grave justifiant la demande d'exhumation n'est pas constitué ;

Sur la volonté du défunt et la nécessité absolue du transfert :
que selon le principe de la liberté des funérailles, il est de jurisprudence constante que lorsque l'enterrement a déjà été célébré et que le lieu de sépulture a été décidé avec l'accord de tous les intéressés, le respect dû à la sépulture impose à ceux qui sollicitent l'exhumation de rapporter la preuve de ce que la volonté du défunt n'aurait pas été respectée et qu'ils sont les mieux à même d'exprimer cette volonté ; qu'une exhumation ne peut avoir lieu qu'à titre exceptionnel ; que la sépulture ne peut pas être changée sans nécessité absolue, le respect dû à la personne du mort ne devant pas être troublé par la division des vivants ; que le transfert de sépulture qui n'apparaîtrait pas conforme à la volonté exprimée ou supposée du défunt, ou quine s'imposerait pas comme une nécessité absolue au regard des circonstances graves est interdit par principe ;

qu'en l'espèce, les requérants exposent que leur fils souhaitait être inhumé au Portugal, qu'il était très attaché à son pays d'origine et envisageait d'y vivre plus tard ; qu'ils indiquent également qu'ils souhaitent vivre leur retraite au Portugal et emmener la dépouille de leur fils afin de pouvoir entretenir sa sépulture et s'y recueillir, ce que ne fait pas Mme Sandra B..., selon eux ;

que la défenderesse expose que son concubin est né en France, y a grandi et fondé sa famille, que sa vie était donc ici avec ses deux enfants ; qu'en outre, elle affirme que son concubin n'avait jamais envisagé l'hypothèse de sa mort au vu de son jeune âge au moment de l'accident et donc n'avait pas pu émettre de souhait quant au lieu de son inhumation ; qu'elle indique qu'elle entretient la tombe et se rend au cimetière avec ses enfants ;

qu'il convient de remarquer qu'aucun document n'établit la volonté clairement manifestée du défunt concernant sa sépulture, de sorte que le respect dû aux morts s'oppose à l'exhumation de la dépouille ; qu'en outre, les nombreuses attestations produites par les époux X... démontrent, certes, l'attachement affectif de leur fils pour le Portugal mais en aucun cas n'apportent la preuve de sa volonté d'y être inhumé ; que le motif grave justifiant la demande d'exhumation n'est pas constitué ;

qu'il convient également de constater que le fait que les époux X... souhaitent partir vivre au Portugal ne constitue pas un motif grave et sérieux permettant de déroger au principe de l'immutabilité des sépultures ;

qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs graves pouvant être invoqués par les familles au soutien d'une demande d'exhumation n'est constitué ; qu'il convient de débouter les requérants de leur demande de transfert de sépulture, celle-ci n'étant pas fondée ;

1°) ALORS QU'en l'absence de volonté exprimée du défunt, le lieu de sépulture définitive est déterminé par la personne la plus qualifiée pour décider de ce lieu ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que les époux X... étaient les plus proches parents et les plus qualifiés pour décider du lieu de sépulture définitive de leur défunt fils ; qu'en les déboutant néanmoins de leur demande de transfert de sa sépulture au Portugal, au motif inopérant de l'absence de volonté exprimée du défunt, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations, violant l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales, ensemble l'article 16-1-1 du code civil ;

2°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux X... avaient soutenu que l'inhumation de leur fils au cimetière de [...]                  était provisoire et qu'il avait toujours           été convenu que le défunt serait définitivement inhumé au Portugal, Mme B... ayant acheté une concession à [...] à leur                     insu ; qu'en énonçant néanmoins que l'inhumation du défunt à [...] a été décidé avec               l'accord de tous les intéressés (jugement p. 5 al. 2), les juges du fond ont dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux X... avaient fait valoir que Mme B... ayant refait sa vie, elle s'est désintéressée de la mémoire du défunt et de sa sépulture, un tel désintérêt constituant une cause grave et sérieuse justifiant le transfert de la sépulture ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-18298
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 27 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 fév. 2018, pourvoi n°17-18298


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18298
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