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07/02/2018 | FRANCE | N°16-22911

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 février 2018, 16-22911


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2016), que M. Y... a été engagé par l'Agence France Presse (AFP), le 11 octobre 1982, en qualité de rédacteur, avec le statut de journaliste ; que, se prévalant d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que le syndicat SUD AFP est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter M. Y... de sa demande

de reconstitution de carrière et de reclassement en catégorie Red 7, coefficien...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2016), que M. Y... a été engagé par l'Agence France Presse (AFP), le 11 octobre 1982, en qualité de rédacteur, avec le statut de journaliste ; que, se prévalant d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que le syndicat SUD AFP est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter M. Y... de sa demande de reconstitution de carrière et de reclassement en catégorie Red 7, coefficient 277, à compter du prononcé de l'arrêt ainsi que de sa demande de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale alors, selon le moyen :

1°/ que caractérise une discrimination syndicale, la stagnation du classement professionnel et le blocage de la carrière du salarié liée à son action syndicale ; qu'en l'espèce, M. Y... a soutenu que s'il avait bénéficié d'une progression régulière de classification et de fonction avant, d'une part, d'engager une action syndicale comme lanceur d'alerte auprès de la HALDE, visant à dénoncer une situation de discrimination au sein de l'AFP, laquelle, avait abouti avec le concours du syndicat Sud dont il est adhérent, à la condamnation de celle-ci en 2009, et, d'autre part, avant de témoigner en faveur d'un délégué syndical Sud AFP, dans un litige prud'homal ayant également abouti à la condamnation de l'AFP en 2009, tel n'était plus le cas à compter de cette date, puisque sa classification est restée bloquée au niveau Red 6, coefficient 260, qu'il a été écarté de tout recrutement interne et n'a bénéficié d'aucune promotion ; qu'ayant considéré que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination, ce dont il ressort que la cour les a estimés établis et en écartant cependant toute discrimination aux motifs inopérants tirés de ce que M. Y... n'avait manifesté son intérêt pour un changement de poste que 22 ans après son recrutement, de ce qu'il n'avait entrepris aucune démarche pour connaître les raisons des refus de ses candidatures ou pour les contester, de ce que des salariés d'ancienneté comparable avaient connu une évolution en catégorie supérieure du fait de leurs compétences, de ce que le choix d'autres collaborateurs était justifié ou encore de ce que M. Y... n'est titulaire d'aucun mandat de représentation syndicale, quand seul importait la concomitance de l'arrêt de toute promotion avec son action syndicale ayant permis la condamnation de son employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que l'existence d'une discrimination syndicale qui s'évince de la mise à l'écart du salarié en raison de son activité syndicale n'est pas conditionnée à la comparaison de la situation du salarié qui en est victime à celle d'autres salariés ; qu'ayant constaté que M. Y... n'avait plus bénéficié de promotion et était resté bloqué au coefficient 260 au moment de ses actions syndicale et en écartant cependant toute discrimination au motif inopérant que le panel de comparaison de 43 salariés produit par l'AFP permettait de justifier que ceux-ci aient connu une évolution en catégorie supérieure à celle de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°/ qu'en tout état de cause, les juges du fond sont tenus d'analyser les documents soumis à leur examen ; que M. Y... a fait valoir qu'étant journaliste hispanophone, sa situation devait être comparée à celle des autres journalistes hispanophones et non à la seule catégorie des journalistes francophones et a versé aux débats un tableau sur l'évolution de carrière des journalistes hispanophones démontrant que par rapport à ceux-ci, il se trouvait en dernière position ; qu'en se fondant sur le tableau produit par l'AFP qui se référait à des salariés d'ancienneté comparable, sans distinction de nationalité, sans analyser celui produit par M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la discrimination syndicale est caractérisée dès lors qu'elle est en lien avec l'action syndicale du salarié qui est en victime ; qu'il n'est pas exigé que le salarié soit titulaire d'un mandat de représentation syndicale ; qu'ayant constaté que M. Y... était militant du syndicat Sud et avait engagé plusieurs actions auprès de ce syndicat contre l'employeur et en se fondant néanmoins sur ce que M. Y... ne démontre en aucune manière avoir été ou être titulaire d'un mandat de représentation syndicale, la cour d'appel qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les éléments de fait présentés par le salarié laissaient supposer l'existence d'une discrimination syndicale en matière d'affectation et de classification, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments qui lui étaient soumis et de la pertinence du panel de comparaison, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première et quatrième branches, que les salariés ayant connu une évolution en catégorie supérieure à celle de M. Y... avaient eu un parcours international diversifié comportant plus de responsabilité et maîtrisaient plusieurs langues peu courantes et que l'employeur établissait en conséquence que la situation du salarié était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... et le syndicat SUD AFP aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y... et le syndicat Sud AFP

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de sa demande de reconstitution de carrière et de reclassement en catégorie Red 7, coefficient 277 à compter du prononcé de l'arrêt ainsi que de sa demande de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, M. Y... expose avoir été victime de discrimination en raison de ses activités syndicales ; pour établir la réalité de cette activité, il produit une lettre adressée le 2 août 2007 à la HALDE par le syndicat Sud relative à l'exclusion des personnes de nationalité étrangère de la désignation en qualité de représentants du personnel au conseil d'administration de l'AFP, une lettre du 10 septembre 2007, aux termes de laquelle il a lui-même saisi la HALDE d'une réclamation relative à son exclusion de cette désignation en raison de sa nationalité, un tract du syndicat Sud protestant contre cette situation, un jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 2 décembre 2009, faisant droit aux demandes de M. Z..., délégué syndical Sud, à l'AFP relatives à une discrimination syndicale, et faisant état de l'attestation de M. Y..., présenté par le jugement comme « également militant du Syndicat Sud selon l'employeur », attestation qu'il produit également ; qu'au soutien de la discrimination elle-même, M. Y... expose que, depuis 2004, il se trouve bloqué dans la catégorie Red 6 coefficient 260 et n'a plus bénéficié d'aucune promotion jusqu'à ce jour, qu'entre les mois de septembre 2008 et avril 2014, il a subi le rejet d'une douzaine de candidatures, que des candidates ayant moins d'expérience en Infographie et moins d'ancienneté à l'AFP que lui ont été nommées ; ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination ; cependant, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a estimé que M. Y... n'a manifesté son intérêt pour un changement de poste qu'en 2004, soit plus de 22 ans après son recrutement, qu'il ne démontre pas avoir cherché à connaître les raisons de refus de ses candidatures, pas plus qu'il n'a eu recours aux délégués du personnel ou au conseil d'administration comportant des représentants syndicaux pour contester ces décisions, que son panel de référence ne comporte que 2 personnes alors que celui de l'AFP fait état de 43 références de salariés d'ancienneté comparable et que les salariés ayant connu une évolution en catégorie supérieure à lui avaient connu un parcours international diversifié comportant plus de responsabilités et maîtrisant plusieurs langues peu courantes, que l'AFP justifie pour chacun des postes auxquels il avait postulé les raisons du choix d'un autre collaborateur et qu'enfin il ne démontre en aucune manière avoir été ou être titulaire d'un mandat de représentation syndicale ; il résulte de ces éléments que la situation de M. Y... est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

1°) ALORS QUE caractérise une discrimination syndicale, la stagnation du classement professionnel et le blocage de la carrière du salarié liée à son action syndicale ; qu'en l'espèce, M. Y... a soutenu que s'il avait bénéficié d'une progression régulière de classification et de fonction avant, d'une part, d'engager une action syndicale comme lanceur d'alerte auprès de la HALDE, visant à dénoncer une situation de discrimination au sein de l'AFP, laquelle, avait abouti avec le concours du syndicat Sud dont il est adhérent, à la condamnation de celle-ci en 2009 et d'autre part, avant de témoigner en faveur d'un délégué syndical Sud AFP, dans un litige prud'homal ayant également abouti à la condamnation de l'AFP en 2009, tel n'était plus le cas à compter de cette date, puisque sa classification est restée bloquée au niveau Red 6, coefficient 260, qu'il a été écarté de tout recrutement interne et n'a bénéficié d'aucune promotion ; qu'ayant considéré que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination, ce dont il ressort que la cour les a estimés établis et en écartant cependant toute discrimination aux motifs inopérants tirés de ce que M. Y... n'avait manifesté son intérêt pour un changement de poste qu'après 22 ans après son recrutement, de ce qu'il n'avait entrepris aucune démarche pour connaître les raisons des refus de ses candidatures ou pour les contester, de ce que des salariés d'ancienneté comparable avaient connu une évolution en catégorie supérieure du fait de leurs compétences, de ce que le choix d'autres collaborateurs était justifié ou encore de ce que M. Y... n'est titulaire d'aucun mandat de représentation syndicale, quand seul importait la concomitance de l'arrêt de toute promotion avec son action syndicale ayant permis la condamnation de son employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°) ALORS DE PLUS QUE l'existence d'une discrimination syndicale qui s'évince de la mise à l'écart du salarié en raison de son activité syndicale n'est pas conditionnée à la comparaison de la situation du salarié qui en est victime à celle d'autres salariés ; qu'ayant constaté que M. Y... n'avait plus bénéficié de promotion et était resté bloqué au coefficient 260 au moment de ses actions syndicale et en écartant cependant toute discrimination au motif inopérant que le panel de comparaison de 43 salariés produit par l'AFP permettait de justifier que ceux-ci aient connu une évolution en catégorie supérieure à celle de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°) ALORS EN OUTRE QU'en tout état de cause, les juges du fond sont tenus d'analyser les documents soumis à leur examen ; que M. Y... a fait valoir qu'étant journaliste hispanophone, sa situation devait être comparée à celle des autres journalistes hispanophones et non à la seule catégorie des journalistes francophones et a versé aux débats un tableau sur l'évolution de carrière des journalistes hispanophones démontrant que par rapport à ceux-ci, il se trouvait en dernière position ; qu'en se fondant sur le tableau produit par l'AFP qui se référait à des salariés d'ancienneté comparable, sans distinction de nationalité, sans analyser celui produit par M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS ENFIN QUE la discrimination syndicale est caractérisée dès lors qu'elle est en lien avec l'action syndicale du salarié qui est en victime ; qu'il n'est pas exigé que le salarié soit titulaire d'un mandat de représentation syndicale ; qu'ayant constaté que M. Y... était militant du syndicat Sud et avait engagé plusieurs actions auprès de ce syndicat contre l'employeur et en se fondant néanmoins sur ce que M. Y... ne démontre en aucune manière avoir été ou être titulaire d'un mandat de représentation syndicale, la cour d'appel qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22911
Date de la décision : 07/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 fév. 2018, pourvoi n°16-22911


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22911
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