LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 30 septembre 2016), que, le 17 juin 2016, la SCI du centre commercial Rouen Saint-Sever (la SCI) a donné à bail à la société Casa France (la société Casa) un local commercial à compter du 8 août 2011, moyennant un loyer annuel de base de 78 000 euros et un loyer variable additionnel calculé sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes ; qu'une franchise totale du loyer de base a été consentie à la société Casa pour douze mois à compter de la date de prise d'effet du bail ; que, le 21 novembre 2012, contestant les causes du commandement que la SCI lui avait délivré le 22 octobre 2012, la société Casa a assigné la SCI en remboursement d'un trop-perçu ; qu'à titre reconventionnel, la SCI a demandé le paiement des loyers variables additionnels pour 2011 et 2012 ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la SCI, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en application de la franchise totale du loyer de base consentie au preneur entre le 8 août 2011 et le 7 août 2012, le loyer de base servant au calcul du loyer variable était égal à zéro ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bail stipulait une franchise totale de loyer de base "nonobstant l'application du loyer variable", la cour d'appel, qui n'a pas pris comme référence le loyer de base prévu au bail, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la SCI du centre commercial Rouen Saint-Sever aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI du centre commercial Rouen Saint-Sever et la condamne à payer à la société Casa France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Casa France
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Casa France à payer à la société Centre commercial de Rouen Saint-Sever la somme de 86.225,64 euros arrêtée au 1er octobre 2015 avec intérêts au taux de l'Eonia majoré de 400 points de base, à compter de la date de l'arrêt ;
Aux motifs qu' aux termes de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les mont faites ;
qu'il résulte des dispositions du bail stipulations générales liant les parties relatives au loyer que :
- le loyer de base est fixé à la somme de 78.000 euros hors taxes et qu'à titre exceptionnel le bailleur consent au preneur une franchise totale de loyer de base alors en vigueur pour la période de douze mois commençant à courir à compter de la date de la prise d'effet du bail, et ce nonobstant l'application du loyer variable dans les conditions de l'article 4.4 du titre IV du bail ;
que cette franchise totale de loyer est rappelée par l'article 4.1.2 des stipulations particulières de l'annexe un du bail à savoir que une franchise totale de loyer de base alors en vigueur pour la période de 12 mois commençant à courir à compter de la date de prise d'effet du bail, et ce nonobstant l'application du loyer variable dans les conditions de l'article 4.4 du titre IV du bail ;
que les stipulations générales du bail article 4.1.2.1 prévoient en particulier que le preneur réglera en outre un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive entre un pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués pendant la période considérée et le loyer de base prévu ci-dessus ;
que ce pourcentage est défini au titre IV stipulations particulières du présent bail ;
que l'article 4.4 des stipulations particulières dispose que le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer additionnel correspondant à la différence positive entre un pourcentage du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués et le loyer de base annuel hors taxes ; que ce pourcentage est le suivant : 6,5 % ;
que le loyer additionnel est défini de la même manière par les stipulations générales et par les stipulations particulières susvisées ;
que la disposition relative au chiffre charnière qui stipule que les termes de loyer seront provisoirement calculés sur la base du loyer de base sauf à faire application du loyer variable additionnel lorsque le montant du chiffre d'affaires réalisé dépassera le chiffre charnière donnant lieu à paiement du loyer variable se situe dans le paragraphe modalités de paiement des loyers, alors que les autres dispositions susvisées figurent chacune dans des parties du contrat relatives aux modalités de fixation du loyer variable ;
que par ailleurs, les stipulations particulières prévoient qu'en cas de contradiction entre les stipulations générales et les stipulations particulières du présent bail ces dernières prévaudront, de sorte que les dispositions de l'article 4.4 des stipulations particulières doivent prévaloir ;
qu'en conséquence et le chiffre charnière n'étant pas défini par le bail, il doit être considéré comme le soutient la bailleresse que cette clause est inopérante et que le loyer variable additionnel 2011 doit être calculé pour la période du 8/08 au 31/12/2011 ;
que comme l'a relevé à juste titre le tribunal le chiffre d'affaires 2011 de la société Casa France étant de 350.018 euros le loyer variable additionnel de 6,5 % de cette somme est de 22.751,17 euros ;
qu'il en est de même du loyer variable additionnel pour l'année 2012 qui correspond à 6,5 % du chiffre d'affaires de 730.162 euros hors taxes soit 47.460,53 euros hors taxes ; que le loyer de base qui fait l'objet d'une franchise jusqu'au 8/08/2012 s'élève à 32.030,80 euros hors taxes de sorte que le loyer variable est de 47.460,53 euros - 32.030,74 euros = 15.429,80 euros ;
qu'il résulte des dernières conclusions de la société Casa qu'elle conteste devoir la somme de 62.896,10 euros hors taxes ; que cette somme correspond aux loyers variables 2011 et 2012 tel qu'ils ont été facturés initialement, aux pénalités de retard aux frais de gestion et aux frais d'huissier ;
que l'examen du décompte de la créance détaillé et précis en date du 1er octobre 2015 montre que la SCI bailleresse a recrédité au 8/10/2012 un réajustement de loyers additionnels pour tenir compte des chiffres d'affaires réels 2011 et 2012 ;
qu'au vu de ce qui précède, il convient de dire que la société Casa est redevable de la somme de 96.210,95 euros réclamés aux termes du dernier décompte de la créance au titre de l'arriéré locatif, des frais de gestion, et d'huissier ;
(
) qu'il convient en définitive infirmant le jugement entrepris de condamner la société Casa France au paiement de la somme de 86.225,64 euros, majorée des intérêts au taux contractuel correspondant selon les termes du bail au taux moyen mensuel de l'Eonia majoré de 400 points de base ; qu'en l'absence de précision sur le point de départ des intérêts, dans le dispositif des dernières conclusions de la société centre commercial de Rouen Saint Sever, cette somme produira intérêts à compter de la date du présent arrêt ;
Alors, d'abord, que le juge ne peut dénaturer les conventions des parties ; qu'aux termes du contrat de bail commercial liant la société Casa France à la SCI, « le preneur réglera, en outre, un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive entre un pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués, pendant la période considérée, et le loyer de base prévu ci-dessus » (art. 4.1.2.1., p. 10), le loyer de base étant de 78.000 euros (art. 4.1 des stipulations particulières) ; que pour condamner la société Casa France à payer des loyers additionnels pour 2011 et 2012, la cour d'appel a pris comme référence non le loyer de base stipulé comme l'imposait le contrat mais le loyer effectivement versé pour ces années ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Alors, ensuite, que l'intérêt pour agir doit être actuel, ce caractère s'appréciant au jour de l'introduction de l'action en justice ; qu'il s'ensuit que pour être jugées recevables et non prématurées, les prétentions d'un créancier ne peuvent porter que sur une créance exigible au jour de l'assignation ; que comme le faisait valoir l'exposante dans ses conclusions (p. 5, § 5 et suivants), au jour de l'introduction de l'action en justice, le 21 novembre 2012, la créance invoquée par la SCI relative au loyer variable pour l'année 2012 n'était ni liquide, ni exigible ; que la cour d'appel a cependant reçu la demande de la SCI pour le loyer variable au titre de l'année 2012 et y a fait droit ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi le bailleur justifiait d'un intérêt actuel à solliciter le paiement d'une créance non exigible au jour de l'introduction de l'action en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Alors, enfin, que dans ses conclusions (p. 5 in fine et 6 in limine, etamp; p. 7), la société Casa France sollicitait la condamnation de la SCI à lui rembourser la somme de 18.471,20 euros au titre d'un trop-perçu de loyers et charges ; que la cour d'appel, qui a rappelé ce moyen dans l'exposé des prétentions des parties (arrêt p. 3, dernier §), l'a pourtant laissé sans réponse, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.