LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 juin 2016), que, le 22 juin 2006, M. Gérard Y... et son épouse (les cautions) et, le 6 juin 2008, cette dernière seule, se sont portés cautions solidaires envers la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire (la banque) de prêts consentis au groupement agricole d'exploitation en commun de [...](le GAEC) et à M. Michaël Y..., cogérant de celui-ci ; qu'après avoir prononcé la déchéance du terme le 4 septembre 2013, la banque a assigné en paiement les cautions ; que, celles-ci ayant opposé la disproportion manifeste de leurs engagements, la banque a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir et de dire qu'elle ne pourra se prévaloir des cautionnements solidaires souscrits, alors, selon le moyen, que l'action qui résulte de l'article L. 332-1 actuel du code de la consommation n'est pas une action en nullité du cautionnement mais une action visant à voir dire que le créancier ne peut pas se prévaloir du cautionnement dont il est bénéficiaire ; qu'il s'ensuit qu'elle échappe aux règles qui régissent l'exception de nullité, spécialement à celle qui soustrait cette exception de nullité à la prescription applicable lorsque le contrat n'a pas encore été exécuté ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien et 1185 actuel du code civil, ensemble l'article L. 332-1 actuel du code de la consommation ;
Mais attendu qu'une défense au fond, au sens de l'article 71 du code de procédure civile, échappe à la prescription ; que constitue une telle défense le moyen tiré de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, selon lequel l'engagement de caution d'une personne physique manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d'effet à l'égard du créancier professionnel ; qu'il s'ensuit que la banque ne pouvait opposer aux cautions la prescription du moyen tiré de la disproportion de leur engagement ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux que critique le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre Loire
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif, D'AVOIR :
. déclaré recevable l'action que M. et Mme Gérard Y... Z... formaient contre la Crcam de Centre Loire pour voir dire que celle-ci ne peut pas se prévaloir d'un des cautionnements qu'ils ont souscrits le 22 juin 2006 et du cautionnement que Mme Anne-Marie Z... Y... a souscrit le 6 juin 2008 ;
. décidé que la Crcam de Centre Loire ne peut pas se prévaloir d'un des cautionnements que M. et Mme Gérard Y... Z... a souscrit le 22 juin 2006 et du cautionnement que Mme Anne-Marie Z... Y... a souscrit le 6 juin 2008 ;
AU MOTIF QU'« en l'absence de commencement d'exécution, l'exception soulevée par les époux Y... au titre des dispositions de l'article L. 341-4 [ancien et L. 332-1 actuel] du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription rappelée ci-dessus [celle qu'institue l'article L. 110-4 du code de commerce], de sorte que le Crédit agricole ne peut utilement invoquer celle-ci » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 4e attendu) ;
. ALORS QUE l'action qui résulte de l'article L. 332-1 actuel du code de la consommation n'est pas une action en nullité du cautionnement, mais une action visant à voir dire que le créancier ne peut pas se prévaloir du cautionnement dont il est bénéficiaire ; qu'il s'ensuit qu'elle échappe aux règles qui régissent l'exception de nullité, spécialement à celle qui soustrait cette exception de nullité à la prescription applicable lorsque le contrat n'a pas encore été exécuté ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien et 1185 actuel du code civil, ensemble l'article L. 332-1 actuel du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif D'AVOIR décidé que la Crcam de Centre Loire ne peut pas se prévaloir du cautionnement que M. et Mme Gérard Y... Z... ont souscrit le 22 juin 2006 et du cautionnement que Mme Anne-Marie Z... Y... a souscrit le 6 juin 2008 ;
AU MOTIF QUE « c'est [
] à juste titre que le premier juge a estimé que si le créancier principal pouvait invoquer utilement le cautionnement solidaire consenti à hauteur de 55 900 €, il ne pouvait pas, en application du texte précité [l'article 332-1 actuel du code de la consommation], se prévaloir du cautionnement souscrit par les intimés le 22 juin 2006 en garantie du paiement de la dette de 187 000 €, étant à cet égard observé qu'il ne saurait être considéré que le patrimoine des cautions leur aurait permis, au moment où elles ont été appelées, de faire face à leurs engagements, puisque le calcul théorique réalisé par le Crédit agricole au titre du prix d'un hectare de terre ne prend pas en considération les encours qui avaient été pourtant mentionnés dans le questionnaire rempli par les cautions le 21 février 2005, aussi bien pour la maison d'habitation que pour les parcelles de terre » (cf. arrêt attaqué, p. 9, 5e attendu, lequel s'achève p. 10) ;
1. ALORS QUE, dans le cas où l'engagement de la caution était, lorsqu'elle a souscrit le cautionnement, manifestement hors de proportion avec ses biens et ses revenus, le créancier a la faculté, pour justifier qu'il peut se prévaloir tout de même de la garantie qui lui a été consentie, d'établir que le patrimoine de la caution, au moment où elle a été appelée, lui permettait de faire face à son obligation ; que, dans ce cas, le juge doit se placer, pour apprécier si la prétention du créancier est fondée, à la date où la caution a été appelée ; qu'en relevant, pour considérer que le cas qu'on vient de dire n'est pas constitué dans l'espèce, que les calculs de la Crcam de Centre Loire ne prennent pas « en considération les encours qui avaient pourtant été mentionnés dans le questionnaire rempli par les cautions le 21 février 2005 », soit à l'époque à l'époque où se sont engagés, la cour d'appel, qui méconnaît que, suivant le bordereau annexé aux écritures d'appel de la Crcam de Centre Loire (nos 17 à 23), M. et Mme C... Y... Z... ont été mis en demeure de payer, à six reprises, du 7 février au 6 août 2013, d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation ;
2. ALORS QUE la Crcam de Centre Loire faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 11, 5e et 6e alinéas), qu'« à ce jour, outre leurs revenus et leur résidence principale, les époux Y... disposent de soixante hectares », que « la valeur vénale d'un hectare étant comprise entre 1 640 € et 4 720 €, avec un prix dominant de 2 780 € en 2011, et entre 1 680 et 5 130 € avec une valeur dominante de 3 220 € en 2014 [...], les biens des époux Y..., d'une valeur moyenne de 303 200 € (110 000 € + 60 x 3 220 €), leur permettent de faire face à leurs différents engagements de caution au moment où ils sont appelés », et que « M. Gérard Y... et Mme Anne-Marie Y... sont donc en mesure de régler les sommes dues au Crédit agricole Centre Loire » ; qu'en abstenant de s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE le jugement énonce, à propos du questionnaire du 21 février 2005, qu'« il était déclaré un encours de 15 000 € alors même qu'ils [M. et Mme Gérard Y... Z...] déclaraient qu'aucun engagement financier n'était en cours » (p. 5, 7e alinéa) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.