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31/01/2018 | FRANCE | N°16-24063

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 janvier 2018, 16-24063


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2016), que la société Axa France IARD (la société Axa), assureur, indemnise ses clients selon l'estimation réalisée par l'expert qu'elle nomme ; qu'après avoir vainement contesté la fixation par cet expert d'assurance de l'indemnisation des taux horaires d'intervention pris en charge, qu'elle jugeait discriminatoire et déséquilibrée, la société Motor Box, qui ne fait pas partie du réseau de réparateur automobile agréé par l

a société Axa, a assigné cette dernière en paiement de dommages-intérêts au tit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2016), que la société Axa France IARD (la société Axa), assureur, indemnise ses clients selon l'estimation réalisée par l'expert qu'elle nomme ; qu'après avoir vainement contesté la fixation par cet expert d'assurance de l'indemnisation des taux horaires d'intervention pris en charge, qu'elle jugeait discriminatoire et déséquilibrée, la société Motor Box, qui ne fait pas partie du réseau de réparateur automobile agréé par la société Axa, a assigné cette dernière en paiement de dommages-intérêts au titre de pratiques commerciales restrictives et d'actes de concurrence déloyale sur le fondement des articles L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce et 1382 du code civil ;

Attendu que la société Motor Box fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la condamnation des pratiques restrictives de concurrence n'exige pas de lien contractuel entre les parties ; qu'en refusant de faire application de l'article L. 442-6, I du code de commerce en raison du fait que le rapport contractuel n'existerait qu'entre la société Motor Box et un client et qu'il importerait peu que la société Axa mandate un expert ou agisse par l'intermédiaire d'un agent général d'assurance, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, du code de commerce ;

2°/ que le régime juridique des sociétés d'assurances mutuelles n'est pas de nature à les exclure du champ d'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu'elles procèdent d'une activité de service ; qu'en excluant la société Axa du champ d'application des dispositions en cause en raison de l'absence de relations commerciales entre les parties, quand bien même la société Axa mandaterait un expert ou agirait par l'intermédiaire d'un agent d'assurance, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, du code de commerce ;

3°/ que les barèmes tarifaires unilatéralement établis par l'expert sont illicites ; qu'en ayant énoncé que la société Motor Box n'avait pas justifié que les tarifs retenus par l'expert ne correspondaient pas au taux horaire facturé dans la région par les différents professionnels pour une réparation identique établi objectivement sans rechercher, comme elle y était invitée, si les différents professionnels choisis par l'expert Z... n'étaient pas majoritairement agréés par la société Axa et n'avaient pas été sélectionnés pour les seuls besoins de la procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 410-2 du code de commerce ;

4°/ qu'en s'étant fondée sur la circonstance, reconnue par la société Motor Box dans ses écritures, que l'expert mandaté par la société Axa avait retenu les prix proposés par elle à plusieurs reprises, ce qui aurait exclu de sa part tout refus systématique de prise en compte des tarifs pratiqués par la société Motor Box sans rechercher, comme elle y était invitée, si les taux horaires de la société Motor Box n'étaient pas systématiquement utilisés par l'expert lorsqu'il intervenait sur mandat d'autres compagnies d'assurance, ce qui démontrait les pratiques discriminatoires de la société Axa envers la société Motor Box, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

5°/ que constitue un dénigrement le fait, pour un assureur, de diffuser un message aux termes duquel si les clients de ses concurrents s'adressaient à lui, ils bénéficieraient de conditions tarifaires plus avantageuses ; qu'en considérant comme non fautif le message adressé aux assurés selon lequel la société Motor Box était « plus chère », la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que le partenariat commercial visé à l'article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce s'entendant d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ce texte n'avait pas vocation à s'appliquer à la situation de l'espèce, dès lors qu'il n'existe pas de relation commerciale entre la société Motor Box et la société Axa, laquelle intervient comme tiers payeur, au titre d'un contrat d'assurance souscrit par le client du réparateur ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu que la société Motor Box avait toute liberté de pratiquer les prix qu'elle souhaitait et relevé qu'en tout état de cause elle ne justifiait pas de ce que, compte tenu des tarifs retenus par l'expert, ses clients avaient refusé les réparations au prix qu'elle proposait ou encore qu'ils avaient refusé de payer la différence entre ce qu'elle avait facturé et ce que la société Axa avait pris en charge, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder aux recherches invoquées par les troisième et quatrième branches, que ces appréciations rendaient inopérantes ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'après avoir rappelé que l'assureur doit donner des informations et des conseils sur le fonctionnement de sa garantie, sur les prestations fournies par les garagistes et sur les remboursements consentis aux assurés et que la liberté du client ne peut exister sans une information complète sur les conséquences de ses choix, l'arrêt retient que les pièces que la société Motor Box verse elle-même aux débats établissent qu'elle propose des prix plus élevés que les autres garages de Henin-Beaumont et de ses environs ; qu'il relève que l'indication objective donnée aux assurés de la société Axa sur la nature plus "chère" des prestations de la société Motor Box n'était accompagnée d'aucun propos malveillants ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que l'information transmise par la société Axa ne jetait aucun discrédit sur les prestations de la société Motor Box, la cour d'appel a pu retenir qu'aucun acte de dénigrement n'était caractérisé ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Motor Box aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Motor Box

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Motor Box de ses demandes formées contre la société Axa France Iard ;

Aux motifs que, sur les demandes de la société Motor Box sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, la société Axa France Iard intervenait en tant que tiers payant au cours d'un rapport contractuel entre la société Motor Box et un client, peu important qu'Axa mandate un expert ou agisse par l'intermédiaire d'un agent général d'assurance ; que l'article L. 442-6 I du code de commerce, en sa version antérieure et postérieure à 2008, n'avait pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'il n'existait pas de relations commerciales entre les parties ; que par ailleurs, la société Motor Box ne disait pas à quelle relation elle serait tiers, sinon celle existant entre le client et l'assureur, laquelle n'était pas soumise aux dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ; que la société Motor Box aurait dû rapporter la preuve qu'Axa ou ses préposés tentaient de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que la société Motor Box avait toute liberté de pratiquer les prix qu'elle souhaitait et que c'était justement en raison de cette liberté de prix qu'elle entendait revendiquer des avantages que l'absence d'agrément d'Axa lui refusait ; qu'elle ne justifiait aucunement qu'elle aurait des obligations envers Axa déséquilibrées par rapport à ses droits, n'ayant ni obligations ni droits envers elle ; qu'elle ne justifiait l'existence d'aucun prix discriminatoire ou injustifié par des contreparties réelles créant pour elle un désavantage dans la concurrence ; qu'il était en effet établi par les pièces versées aux débats que la société Motor Box proposait des prix plus élevés que les autres garages de Henin-Beaumont et de ses environs ; qu'elle ne justifiait pas toutefois que les prix retenus par l'expert ne correspondaient pas au taux horaire facturé dans la région par les différents professionnels pour une réparation identique objectivement établi ; qu'elle ne justifiait pas non plus que, compte tenu de l'expertise du cabinet Z..., ses clients avaient refusé les réparations au prix qu'elle avait proposé ou encore qu'ils avaient refusé de payer la différence entre ce qu'elle avait facturé et ce que la compagnie Axa avait pris en charge, différence dont devait être déduite ce que la société Motor Box prenait elle-même en charge dans la limite de 20% du montant de la facture ; qu'enfin, il apparaissait que l'expert avait retenu les prix proposés par la société Motor Box à plusieurs reprises, ce qui excluait de sa part et de la part d'Axa tout refus systématique de prise en compte des prix de la société Motor Box ; que, sur les agissements déloyaux de l'assureur et de ses intermédiaires tenant au message diffusé auprès des clients assurés par Axa selon lequel les prix pratiqués par la société Motor Box étaient excessifs et les invitait à s'en détourner par la menace de ne pas prendre en charge l'intégralité du coût des réparations, l'assureur devait donner des informations et des conseils sur le fonctionnement de sa garantie, sur les prestations fournies par les garagistes, les remboursements consentis aux assurés ; que l'assureur devait ainsi attirer l'attention sur les conséquences du défaut d'agrément d'un garagiste, que la liberté de choix du client ne pouvait exister sans une information complète sur les conséquences de ses choix ; que selon les attestations produites, l'indication donnée aux assurés que la société Motor Box était plus chère constituait une information objective qui n'était accompagnée d'aucun propos malveillant ; qu'elle n'était pas dénigrante et ne constituait pas un acte de concurrence déloyale ;

Alors 1°) que la condamnation des pratiques restrictives de concurrence n'exige pas de lien contractuel entre les parties ; qu'en refusant de faire application de l'article L. 442-6 I du code de commerce en raison du fait que le rapport contractuel n'existerait qu'entre la société Motor Box et un client et qu'il importerait peu que la société Axa mandate un expert ou agisse par l'intermédiaire d'un agent général d'assurance, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I du code de commerce ;

Alors 2°) que le régime juridique des sociétés d'assurances mutuelles n'est pas de nature à les exclure du champ d'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu'elles procèdent d'une activité de service ; qu'en excluant la société Axa du champ d'application des dispositions en cause en raison de l'absence de relations commerciales entre les parties, quand bien même la société Axa mandaterait un expert ou agirait par l'intermédiaire d'un agent d'assurance, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I du code de commerce ;

Alors 3°) que les barèmes tarifaires unilatéralement établis par l'expert sont illicites ; qu'en ayant énoncé que la société Motor Box n'avait pas justifié que les tarifs retenus par l'expert ne correspondaient pas au taux horaire facturé dans la région par les différents professionnels pour une réparation identique établi objectivement sans rechercher, comme elle y était invitée, si les différents professionnels choisis par l'expert Z... n'étaient pas majoritairement agréés par la société Axa et n'avaient pas été sélectionnés pour les seuls besoins de la procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 410-2 du code de commerce ;

Alors 4°) qu'en s'étant fondée sur la circonstance, reconnue par la société Motor Box dans ses écritures, que l'expert mandaté par la société Axa avait retenu les prix proposés par elle à plusieurs reprises, ce qui aurait exclu de sa part tout refus systématique de prise en compte des tarifs pratiqués par la société Motor Box sans rechercher, comme elle y était invitée, si les taux horaires de la société Motor Box n'étaient pas systématiquement utilisés par l'expert lorsqu'il intervenait sur mandat d'autres compagnies d'assurance, ce qui démontrait les pratiques discriminatoires de la société Axa envers la société Motor Box, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Alors 5°) que constitue un dénigrement le fait, pour un assureur, de diffuser un message aux termes duquel si les clients de ses concurrents s'adressaient à lui, ils bénéficieraient de conditions tarifaires plus avantageuses ; qu'en considérant comme non fautif le message adressé aux assurés selon lequel la société Motor Box était « plus chère », la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-24063
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 jan. 2018, pourvoi n°16-24063


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.24063
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