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31/01/2018 | FRANCE | N°16-22287

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 janvier 2018, 16-22287


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2016), que M. Y... a été engagé en qualité de principal le 21 décembre 2004 par la société Headlink Partners et exerçait les fonctions de vice-président lorsqu'il a été licencié le 27 juillet 2012 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes c

lairs et précis des documents de la cause ; que le compte-rendu du comité de direction de la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2016), que M. Y... a été engagé en qualité de principal le 21 décembre 2004 par la société Headlink Partners et exerçait les fonctions de vice-président lorsqu'il a été licencié le 27 juillet 2012 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; que le compte-rendu du comité de direction de la société Headlink Partners du vendredi 11 juin 2010 formule une « proposition de répartition des objectifs VP comme suit : 50 % basés sur la performance commerciale individuelle (2 000 M€ + marge brute) ; 40 % basés sur performance commerciale collective (CA + marge) » ; qu'en considérant que ce compte-rendu de réunion avait assigné à M. Y... un objectif de chiffre d'affaires fixé à 2 M€ annuels, ce qui n'était pas le sens de ce document qui ne formulait qu'une simple proposition d'objectifs, la cour d'appel a dénaturé le compte-rendu du comité de direction du 11 juin 2010 et a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que M. Y... s'était vu assigner un objectif de chiffre d'affaires fixé à 2 M€ annuels au regard « des pièces produites par la société Headlink Partners, notamment des comptes-rendus de réunions » sans analyser, même sommairement, les comptes-rendus de réunions et les autres pièces qu'elle visait, et sans caractériser par conséquent le fait que M. Y... se serait vu assigner un objectif précis de chiffre d'affaires, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il appartient à l'employeur d'établir et aux juges du fond de rechercher et de caractériser en quoi le fait de ne pas avoir atteint les objectifs, fussent-ils réalisables, résultait soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ; qu'en déboutant M. Y... de ses demandes en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif qu'il n'avait réalisé, en 2011 et au cours des quatre premiers mois de 2012, qu'une partie de l'objectif de chiffre d'affaires prétendument fixé, cet objectif n'étant pas irréalisable, sans rechercher ni apprécier en quoi le défaut de réalisation de cet objectif sur une aussi courte période constituait un motif suffisamment sérieux de licenciement, la cour d'appel, qui a constaté par ailleurs que les raisons pour lesquelles M. Y... n'avait pas atteint le chiffre d'affaires de 2 M€ tenaient, en partie à une intervention chirurgicale qu'il avait subie en 2011 et en partie au fait que, de l'aveu même de la société Headlink Partners, M. Y... avait auparavant concentré son activité sur le pôle « ressources humaines » et devait dès lors prospecter une nouvelle clientèle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

4°/ que dans des conclusions demeurées sans réponse, M. Y... faisait valoir qu'en huit ans de collaboration dans l'entreprise, la société Headlink Partners ne lui avait jamais adressé aucun reproche au titre de ses compétences, jusqu'à son licenciement survenu en 2012, et que ses résultats pour les années 2008 à 2010, au titre desquelles il avait bénéficié de bonus importants, étaient excellents ; qu'en laissant sans réponse ces écritures dont il résultait que, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et de ses résultats antérieurs, le licenciement ne pouvait être justifié pour cause d'insuffisance professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve, sans les dénaturer ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel, qui a constaté qu'en dépit des alertes de l'employeur, le salarié n'avait pas atteint les objectifs dont elle avait vérifié le caractère réaliste, et retenu que leur non réalisation sur la période considérée était imputable à l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, a, exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Z..., conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. Y... de ses demandes contre la société Headlink Partners ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié ; en l'espèce, la lettre de licenciement du 27 juillet 2012, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du Code du travail, reprochait en substance à M. Y..., en premier lieu, de ne pas avoir atteint ses objectifs de développement depuis le 1er janvier 2011, son chiffre d'affaires étant "très insuffisant au regard de [sa] séniorité dans [sa] fonction et connaissance du marché" et d'avoir, malgré les moyens mis à sa disposition et ses responsabilités, "progressivement fait preuve de désengagement et de désinvestissement dans [ses] fonctions", par un "manque de contacts client" et une "négligence dans la prospection" et en second lieu un "manque de considération et de respect vis à vis des membres des membres de [son] équipe qui se sont traduits par une mise sous stress des consultants sur [ses] missions", une "demande de travail systématiquement dans l'urgence' et une "position hautaine, [se] permettant des propos discourtois avec [ses] interlocuteurs" ; les parties s'accordent sur le fait que la première série de griefs relève de l'insuffisance professionnelle; contrairement à ce que soutient M. Y..., des objectifs peuvent être fixés par l'employeur de façon unilatérale dans le cadre de son pouvoir de direction. Ils doivent toutefois être connus du salarié et réalisables et il appartient alors à l'employeur d'établir que, le fait, pour le salarié, de ne pas les avoir atteints est imputable à son insuffisance professionnelle ; en l'espèce, il résulte des pièces produites par la société Headlink Partners, notamment des compte-rendus de réunions que, lors de sa promotion en qualité de vice-président en 2010, M. Y... s'était vu assigner un objectif annuel de chiffre d'affaires de 2 millions d'euros ; au titre de l'année 2010, il a dépassé cet objectif, de tel sorte que celui-ci apparaissait réalisable ; or, il n'a atteint qu'un objectif de 557 800 euros en 2011, puis de 151 700 euros les quatre premiers mois de 2012 ; M. Y... explique en premier lieu que le contexte économique n'a cessé de se dégrader et produit les comptes de l'entreprise, d'où il résulte que son chiffre d'affaires annuel de celle-ci est passé d'environ 15 millions d'euros en 2007 à environ 7 millions d'euros en 2011 ; cependant, la société Headlink Partners fait valoir, sans être contredite sur ce point, que le secteur "finance" sur lequel M. Y... intervenait principalement n'a cessé de croître depuis 2010 et ajoute à juste titre que la faible baisse de 500 000 euros entre 2010 et 2011 sur l'ensemble du secteur de la finance ne permet pas d'expliquer la baisse considérable de celui réalisé par M. Y..., divisé par 4 de 2010 à 2011 ; pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes avait notamment relevé que l'entreprise ne fournissait aucun élément de comparaison avec le chiffre d'affaires réalisé par les autres vice-présidents du groupe ; or, en cause d'appel, la société Headlink Partners produit un tableau comparatif relatif à l'année 2011, dont la véracité n'est pas contestée par M. Y..., faisant apparaître un chiffre d'affaires réalisé par lui, très largement en-dessous de celui des autres vice-présidents ; compte tenu de ces éléments, les problèmes de santé dont M. Y... a souffert, qui ont entraîné une intervention chirurgicale à la fin du mois de juin 2011, suivie de quatre semaines d'arrêt de travail, ne sont pas suffisants pour expliquer les baisses très importantes et persistantes de son chiffre d'affaires ; la société Headlink Partners attribue notamment cette baisse au fait que M. Y... n'avait pas suffisamment diversifié son activité, s'étant enfermé dans les offres exclusivement "RH" et ayant focalisé la quasi-totalité de son activité sur des clients déjà existants. La réalité de ce grief résulte notamment du tableau des rendez-vous pris que M. Y... produit lui-même ; à cet égard, la société Headlink Partners produit une attestation de Hejeri, directeur général, qui déclare que M. Y... avait été, à plusieurs reprises, alerté à cet égard par lui-même ainsi que par d'autres vice-présidents ; il résulte de ces éléments que l'insuffisance de résultats avérée de M. Y... est imputable à une insuffisance professionnelle de sa part ; le licenciement est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la seconde série de griefs, et le jugement doit être infirmé (arrêt attaqué pp. 3-4) ;

ALORS, d'une part, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; que le compte-rendu du comité de direction de la société Headlink Partners du vendredi 11 juin 2010 formule une "proposition de répartition des objectifs VP comme suit : 50 % basés sur la performance commerciale individuelle (2.000 M€ + marge brute) ; 40 % basés sur performance commerciale collective (CA + marge)" ; qu'en considérant que ce compte-rendu de réunion avait assigné à M. Y... un objectif de chiffre d'affaires fixé à 2 M€ annuels, ce qui n'était pas le sens de ce document qui ne formulait qu'une simple proposition d'objectifs, la cour d'appel a dénaturé le compte-rendu du comité de direction du 11 juin 2010 et a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS, d'autre part, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que M. Y... s'était vu assigner un objectif de chiffre d'affaires fixé à 2 M€ annuels au regard "des pièces produites par la société Headlink Partners, notamment des comptes-rendus de réunions" sans analyser, même sommairement, les comptes-rendus de réunions et les autres pièces qu'elle visait, et sans caractériser par conséquent le fait que M. Y... se serait vu assigner un objectif précis de chiffre d'affaires, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, de troisième part, et subsidiairement, QUE l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il appartient à l'employeur d'établir et aux juges du fond de rechercher et de caractériser en quoi le fait de ne pas avoir atteint les objectifs, fussent-ils réalisables, résultait soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ; qu'en déboutant M. Y... de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif qu'il n'avait réalisé, en 2011 et au cours des quatre premiers mois de 2012, qu'une partie de l'objectif de chiffre d'affaires prétendument fixé, cet objectif n'étant pas irréalisable, sans rechercher ni apprécier en quoi le défaut de réalisation de cet objectif sur une aussi courte période constituait un motif suffisamment sérieux de licenciement, la cour d'appel, qui a constaté par ailleurs que les raisons pour lesquelles M. Y... n'avait pas atteint le chiffre d'affaires de 2 M€ tenaient, en partie à une intervention chirurgicale qu'il avait subie en 2011 et en partie au fait que, de l'aveu même de la société Headlink Partners, M. Y... avait auparavant concentré son activité sur le pôle "ressources humaines" et devait dès lors prospecter une nouvelle clientèle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;

ALORS, enfin, QUE dans des conclusions demeurées sans réponse (p. 5 in fine et p. 8 al. 2 et 4), M. Y... faisait valoir qu'en huit ans de collaboration dans l'entreprise, la société Headlink Partners ne lui avait jamais adressé aucun reproche au titre de ses compétences, jusqu'à son licenciement survenu en 2012, et que ses résultats pour les années 2008 à 2010, au titre desquelles il avait bénéficié de bonus importants, étaient excellents ; qu'en laissant sans réponse ces écritures dont il résultait que, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et de ses résultats antérieurs, le licenciement ne pouvait être justifié pour cause d'insuffisance professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22287
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 jan. 2018, pourvoi n°16-22287


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22287
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