LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 21 janvier 2016), que la société Tahiti transit, commissionnaire en douane, a effectué les opérations de dédouanement de produits de parfumerie pour le compte de la société Parfumerie Pat and Val (la société Pat and Val), qui exploite un fonds de commerce de parfumerie ; qu'à la suite d'un contrôle, le 14 février 2011, l'administration des douanes a relevé des infractions à l'encontre de la société Tahiti transit pour avoir déclaré des eaux de parfum dans une position tarifaire applicable aux eaux de toilette, quand ces marchandises relevaient de la position tarifaire applicable aux parfums alcooliques, soumise à la perception du droit de consommation à l'importation ; que la société Tahiti transit a assigné la société Pat and Val en remboursement de la somme acquittée au titre de la transaction intervenue avec l'administration des douanes ;
Attendu que la société Pat and Val fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à la société Tahiti transit le montant de la transaction et à lui payer une certaine somme à titre de dommage-intérêts pour résistance abusive alors, selon le moyen, que le commissionnaire en douane, qui, en sa qualité de mandataire salarié spécialisé, doit veiller à ce que la déclaration qu'il effectue soit conforme à la réglementation douanière en vigueur, ne peut obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu'il a réglées à l'administration des douanes à la suite d'un contrôle qu'en cas de faute exclusive du mandant ; qu'en se fondant, pour condamner la société Pat and Val à rembourser à la société Tahiti transit, commissionnaire en douane, la totalité des sommes que celle-ci avait payées à l'administration des douanes à raison du caractère erroné de la position tarifaire sous laquelle elle avait déclaré les marchandises sur la circonstance inopérante qu'aucune faute exclusive ne pouvait se déduire des agissements de la société Tahiti transit, tout en constatant que cette erreur était « partagée » et n'était donc pas le fait exclusif du mandant, la cour d'appel a violé les articles 1992 et 1999 du code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que la société Pat and Val a revendiqué, dans de multiples courriers adressés à l'administration des douanes, ainsi qu'à son mandataire, le maintien du classement tarifaire des eaux de parfum dans la même position que les eaux de toilette ; qu'il relève que la société Tahiti transit, par courrier du 16 février 2011, a demandé des instructions à son mandant à la suite du changement de position de l'administration quant au classement tarifaire des marchandises, et que la société Pat and Val lui a répondu qu'elle devait s'en tenir à la position antérieure ; qu'il ajoute qu'il résulte des pièces de la procédure que le mandant était en possession de tous les éléments lui permettant de mesurer les conséquences financières d'un tel changement, et retient que la société Tahiti transit n'a pas manqué à son devoir de conseil ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société Tahiti transit n'avait pas commis de faute de nature à dispenser la société Pat and Val de lui rembourser la somme acquittée au titre de la transaction intervenue avec l'administration des douanes ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Parfumerie Pat and Val aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Tahiti transit la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Parfumerie Pat and Val
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Pat and Val à rembourser à la société Tahiti Transit la somme de 11.128.257 FCP et à lui payer la somme de 400.000 FCP à titre de dommage-intérêts pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1992 du code civil « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion » ; que l'article 1999 du code précité indique : « le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat », l'alinéa 2 précisant : « s'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursements » ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que :
- suite à l'action de différents commerçants en parfumerie, en Polynésie française, les eaux de parfum ont bénéficié pendant de nombreuses années de la position tarifaire des eaux de toilette n° 33 03 00 90, très avantageuse quant au montant des droits de douane à acquitter ;
- courant 2011, les services des douanes ont manifesté leur intention de modifier les pratiques antérieures et de soumettre la tarification des eaux de parfum à une taxe de 40 % ;
- par courriers des 9 août 2011 et 2 février 2012 adressés au service des douanes, le gérant de la société Pat and Val a rappelé la position des commerçants en parfumerie depuis des années et revendiqué, au regard de la faible teneur en alcool des parfums, le maintien de cette position ;
- que, par courrier du 16/02/2011, la société Tahiti Transit demandait à son mandant les instructions à appliquer, au vu du changement de position des services de la douane quant à la nouvelle tarification des eaux de parfum ; que la société Pat and Val répondait « mettre les EDP dans la nomenclature des EDT » ; qu'en outre, par courriel du 4 octobre 2011, le mandant, sur demande expresse de son mandataire, confirmait le maintien de sa position en écrivant : « on ne change rien au niveau de la classification des EDP avec les EDT » ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit qu'en effectuant, début de l'année 2012, des déclarations en douane afférentes aux eaux de parfum sous la même position tarifaire que les eaux de toilette, la société Tahiti Transit a commis une erreur, partagée, voire soutenue et revendiquée par son mandant, la société Pat and Val ; que cette dernière a été directement à l'origine de la mise en oeuvre des amendes, en revendiquant le maintien de la position tarifaire antérieure, et ce dans de multiples courriers adressés aux services des douanes, et à son mandataire ; que la société Pat and Val, qui était en possession de tous les éléments bien avant la rédaction des procès-verbaux du service des douanes, aurait dû exiger de son mandataire qu'il se conforme aux nouvelles exigences ; que, dès lors, et aucune faute exclusive ne pouvant se déduire des agissements de la société Tahiti Transit en sa qualité de mandataire, il convient de confirmer le jugement du 25 avril 2014 et de dire que la somme de 11.128.257 FCP sera assortie du taux légal à compter du 25 avril 2014, date du jugement de première instance ; que la société Pat and Val a fait preuve d'une réelle mauvaise foi à l'égard de son mandataire ; qu'elle sera condamnée à lui payer la somme de 400.000 FCP, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive dans l'exécution des obligations contractuelles en faveur de son mandataire ;
ALORS QUE le commissionnaire en douane, qui, en sa qualité de mandataire salarié spécialisé, doit veiller à ce que la déclaration qu'il effectue soit conforme à la réglementation douanière en vigueur, ne peut obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu'il a réglées à l'administration des douanes à la suite d'un contrôle qu'en cas de faute exclusive du mandant ; qu'en se fondant, pour condamner la société Pat and Val à rembourser à la société Tahiti Transit, commissionnaire en douane, la totalité des sommes que celle-ci avait payées à l'administration des douanes à raison du caractère erroné de la position tarifaire sous laquelle elle avait déclaré les marchandises sur l circonstance inopérante qu'aucune faute exclusive ne pouvait se déduire des agissements de la société Tahiti Transit, tout en constatant que cette erreur était « partagée » et n'était donc pas le fait exclusif du mandant, la cour d'appel a violé les articles 1992 et 1999 du code civil.