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31/01/2018 | FRANCE | N°16-10961

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2018, 16-10961


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 1er février 2005, par M. Z..., notaire associé au sein de la SCP E... Z...      E...   et Caspar (le notaire), M. et Mme X... (les acquéreurs) ont acquis, au prix de 550 000 euros, une propriété située à [...]                                     , composée d'une maison d'habitation, d'un jardin et d'un escalier d'accès ; que les acquéreurs, de nationalité russe et assistés d'une traductrice asserment

ée, ont déclaré, au chapitre des servitudes, avoir été « parfaitement informés » qu'un conflit avait opposé le ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 1er février 2005, par M. Z..., notaire associé au sein de la SCP E... Z...      E...   et Caspar (le notaire), M. et Mme X... (les acquéreurs) ont acquis, au prix de 550 000 euros, une propriété située à [...]                                     , composée d'une maison d'habitation, d'un jardin et d'un escalier d'accès ; que les acquéreurs, de nationalité russe et assistés d'une traductrice assermentée, ont déclaré, au chapitre des servitudes, avoir été « parfaitement informés » qu'un conflit avait opposé le vendeur au propriétaire du fonds mitoyen sur l'usage d'un chemin carrossable appartenant à ce dernier et qu'un arrêt du 29 avril 1976, annexé à l'acte avec le jugement qu'il réformait, l'avait débouté de ses prétentions ; qu'ils ont indiqué en « faire leur affaire personnelle à l'entière décharge du vendeur et du notaire », le vendeur déclarant, pour sa part, avoir eu l'usage public, paisible et continu du chemin depuis l'issue du procès ; que, les consorts C..., propriétaires du chemin, ayant fermé son accès en 2011, les acquéreurs ont assigné ces derniers en désenclavement et le notaire en responsabilité et indemnisation, pour manquement à son obligation de conseil et de mise en garde sur les risques inhérents aux conditions de desserte du fonds ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ;

Attendu que, pour juger que le notaire avait satisfait à son obligation de conseil et de mise en garde, après avoir relevé que les décisions de justice annexées à l'acte étaient des décisions de « débouté », terme, aisément compréhensible pour des acheteurs russes, même profanes en matière juridique, qui signifiait que leur auteur n'avait pas prospéré dans son action en reconnaissance de l'état d'enclave de sa propriété et d'un droit de passage sur le chemin carrossable de ses voisins, l'arrêt retient que, sauf à minimiser la portée authentique des mentions relatant la lecture de ces décisions et l'intervention d'une traductrice assermentée, il ne peut être discerné quelle information supplémentaire aurait dû être prodiguée aux acquéreurs, pas plus que l'ambiguïté résultant de la déclaration du vendeur, la seule certitude étant que les acheteurs ont accepté, lors de la signature tant du compromis que de l'acte authentique, d'acheter un bien qui n'était accessible, depuis la voie publique, que par un escalier ; qu'il ajoute que l'argumentation des acquéreurs reviendrait, par le biais de l'obligation de conseil, à exiger du notaire qu'il se livre à un commentaire de ces décisions, en augurant de la qualification d'une tolérance et de sa révocation, toujours possible, alors qu'il est vrai que le vendeur, comme il l'a déclaré, avait, depuis 1976, la possibilité d'accéder de façon paisible et continue par cette voie carrossable, de sorte que la situation de droit et de fait au moment de l'acte authentique était parfaitement connue des acheteurs ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au notaire d'informer clairement et précisément les acquéreurs sur la portée et les effets de la tolérance de passage, librement révocable, dont le vendeur déclarait avoir bénéficié depuis 1976, en procédant à la qualification juridique de cette situation de fait et en appelant l'attention des parties, en des termes accessibles, sur les risques qu'elle induisait au regard des conditions de desserte du fonds vendu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur la cinquième branche du moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour exclure la responsabilité du notaire, l'arrêt énonce que, son manquement à l'obligation de mise en garde fut-il établi, rien ne démontre avec certitude qu'à la date de l'acte authentique, une information plus complète aurait amené les acquéreurs à ne pas contracter ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dûment mis en garde sur le risque de révocation de la tolérance de passage qui permettait d'accéder au fonds en voiture, les acquéreurs n'aurait pas renoncé à l'acquérir en raison de l'état de santé de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Sur la sixième branche du moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour statuer comme il est dit, l'arrêt ajoute que l'indemnisation de la perte de valeur du fonds vise, en réalité, à un rééquilibrage de la convention qui n'est pas opposable au notaire et que ce préjudice ne présente aucun caractère actuel et certain dès lors qu'un pourvoi est en cours dans la procédure en désenclavement suivie contre les propriétaires du chemin ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas de caractère subsidiaire et qu'est certain le dommage résultant de la réalisation d'un risque contre lequel le notaire a omis de mettre en garde l'acquéreur, quand bien même la victime disposerait, contre son cocontractant ou contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et susceptible d'y remédier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la huitième branche du moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation des dépenses exposées ou à exposer dans le cadre des procédures engagées contre les consorts C..., l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les acquéreurs ne sont pas fondés à demander la condamnation du notaire alors qu'ils ont été déboutés de leur demande de reconnaissance d'une servitude de passage, ce qui est conforme à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 avril 1976 annexé à l'acte authentique ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un lien causal entre le défaut de mise en garde sur le risque de révocation de la tolérance de passage et les frais de procédure engagées contre les propriétaires du chemin pour tenter de remédier à la réalisation de ce risque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la SCP E... Z...      E...   et Caspar aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la SCP  E... Z...     E...   et Caspar ;

Aux motifs propres que, la vente authentique a été précédée d'un compromis en date du 17 décembre 2004, mentionnant in fine que : « après lecture faite, les parties ont certifié exactes, chacune en ce qui la concerne, les déclarations contenues au présent acte, avec l'assistance de Madame D..., traductrice assermentée près la cour d'appel d'Aix... laquelle a traduit et reproduit oralement et littéralement, du français au russe, l'entier contenu des présentes à Monsieur et Madame X..., qui ont déclaré bien comprendre le tout et l'approuver » ; que ce compromis concerne la vente d'une propriété prenant son accès sur la route nationale et composée d'une maison et d'un terrain en nature de jardin « et escalier d'accès » ; qu'en page 12, l'acquéreur déclare avoir été parfaitement informé qu'une procédure a opposé la société venderesse à la propriété mitoyenne appartenant à Monsieur C... concernant l'utilisation d'une voie d'accès par la route située entre ces deux propriétés, et qu'aux termes d'un arrêt, devenu définitif, rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 29 avril 1976, la société demanderesse a été déboutée de ses prétentions ; que l'acquéreur a déclaré en faire son affaire personnelle à l'entière décharge du vendeur et du notaire ; qu'il est enfin noté que « cependant, le vendeur confirme expressément avoir, depuis l'issue de ce procès, utilisé cet accès de manière paisible, publique et continue jusqu'à ce jour » ; que l'acte authentique est intervenu le 1er février 2005, soit plus d'un mois plus tard, sans que les acheteurs ne se plaignent d'une quelconque entrave ou dissimulation à l'occasion des visites qu'ils ont pu exercer, sachant que les déclarations du vendeur sur le caractère paisible, public et continu de l'accès ne peuvent être prises en défaut, tant au moment du compromis qu'au moment de l'acte authentique, puisque les acheteurs concluent eux même avoir pu utiliser cet accès pendant six ans après leur achat ; que l'acte authentique a été lui aussi passé avec la collaboration de la traductrice et comporte la même mention in fine ; que l'acte authentique comporte la même mention sur l'information relative à l'arrêt de la cour en date du 29 avril 1976, avec la précision supplémentaire : « l'acquéreur déclarant faire son affaire personnelle à l'entière décharge du vendeur et du notaire, desquels il déclare avoir reçu toutes informations ainsi que par lecture qu'il a pu faire tant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 avril 1976 que du jugement réformé du tribunal de grande instance de Nice en date du 15 janvier 1975, dont copies demeureront ci-jointes et annexées après mention »; que le vendeur a réitéré sa déclaration relative à l'utilisation de cette route d'accès de manière paisible, publique et continue jusqu'à ce jour, depuis l'issue du procès, déclaration dont la véracité est justifiée par les propres conclusions des appelants, qui indiquent que les C... ont installé un portail, mais seulement six ans après leur achat ; qu'il se déduit tout d'abord de ce rappel que le notaire a entendu prendre toutes précautions, s'agissant d'acheteurs de nationalité russe, et qu'ainsi la collaboration d'une traductrice assermentée a été requise, les acheteurs soutenant maintenant que les annexes, à savoir les deux décisions de justice essentielles, n'auraient pas été traduites, alors que l'acte authentique comporte en page 14 mention de la lecture par l'acheteur de l'arrêt et du jugement; qu'il suffit de lire le compromis et l'acte authentique pour établir qu'aucun accès carrossable n'y était mentionné, mais un escalier d'accès, ce qui n'a pu échapper aux acheteurs, puisque précisément le jugement qu'ils ont lu après traduction et l'arrêt évoquent de façon centrale l'insuffisance de cet accès, selon l'argumentation à l'époque de leur auteur, argumentation similaire à celle soutenue à ce jour à l'encontre des époux C... dans une instance distincte ; que de façon expresse et parfaitement claire même après traduction, les décisions de justice annexées ont débouté la société auteur des appelants, le terme de débouté, aisément compréhensible après traduction même pour des acheteurs russes profanes en matière juridique, signifiant bien que leur auteur n'avait pas prospéré dans son action visant à consacrer l'état d'enclave et à obtenir l'accès carrossable ; que l'arrêt de 1976 dispose bien que la société civile particulière l'heure bleue n'est pas enclavée et que cette société n'a pas la possession de la voie privée appartenant à C... ; que les acheteurs appelants soutiennent pour autant qu'ils ont été en quelque sorte rassurés par la déclaration de leur vendeur sur l'utilisation paisible de l'accès routier depuis le procès, ce qui aurait dû donner lieu à quelques vérifications, et même interrogation et investigation du notaire auprès des C... ; mais que le notaire n'a aucune obligation de visiter les lieux, pas plus qu'il n'avait à interroger des tiers à l'acte, sachant qu'en toute hypothèse ils n'auraient pu que le renvoyer à l'arrêt intervenu, sans pouvoir contester de fait la déclaration de leurs voisins sur la continuation d'un accès paisible, continu et paisible, ni pouvoir augurer de leur décision prise six ans plus tard de mettre fin à cet accès par la pose d'un portail; que s'agissant de la déclaration elle-même faite par leur vendeur, il a été motivé supra sur sa réalité, la cour relevant d'ailleurs que ce dernier n'est pas dans la procédure, et n'est pas recherché en termes de consistance du bien vendu ou de garantie d'éviction, sans même évoquer le dol ou l'erreur ; que dans ce contexte reprécisé, il convient de rappeler que le notaire était tenu de prêter son concours à la volonté d'authentification des parties d'un compromis comportant déjà l'information de l'existence d'un arrêt ayant statué sur l'accès routier par le fonds C... ; que sauf à minimiser la portée authentique des mentions relatives à la lecture des décisions de justice et à l'intervention d'une traductrice assermentée, la cour ne discerne pas l'information supplémentaire qui aurait dû être prodiguée, pas plus qu'elle ne discerne l'ambiguïté résultant de la déclaration du vendeur, la seule certitude étant que les acheteurs ont accepté, tant lors du compromis que de l'acte authentique, d'acheter un bien disposant d'un accès par l'escalier, sans mention d'un autre accès, sinon par référence précisément à un arrêt ayant débouté leur auteur de ses prétentions quant à un état d'enclave permettant la possession de la voie privée appartenant au C... ; que même par le biais de l'obligation de conseil, l'argumentation des appelants consiste en réalité à exiger du notaire qu'il se livre à un commentaire des décisions de justice annexées, en augurant de la qualification de tolérance et de la révocabilité toujours possible en conséquence par les époux C..., alors qu'il est vrai, ainsi que le déclare le vendeur dans l'acte, que depuis la décision de justice en 1976, il avait la possibilité d'accéder de façon paisible et continue par la voie carrossable des C..., la situation de droit et de fait au moment de l'acte authentique étant ainsi parfaitement connue des acheteurs ; qu'au surplus, l'arrêt de 1976 a sous toutes réserves statué en matière possessoire, et la situation de droit n'est pas définitivement consacrée puisqu'un pourvoi en cassation est pendant dans le litige distinct opposant les acheteurs appelants et voisins C... ; que le manquement du notaire à son obligation d'information et de conseil n'est donc pas établi, sachant qu'en toute hypothèse les appelants ont la charge de rapporter la preuve d'un lien direct avec le dommage allégué ; qu'en d'autres termes, rien ne démontre avec certitude qu'à la date de l'acte authentique, une information qu'ils estiment plus complète, c'est-à-dire intégrant le risque qu'ils auraient ignoré (à supposer franchi l'obstacle résultant d'une absence de faute du notaire sur ce volet, ci-dessus motivée) les aurait amenés soit à ne pas contracter, soit à contracter à d'autres conditions, hypothèse résultant de la définition qu'ils ont adoptée pour partie principale des dommages subis, à savoir une perte de valeur du bien, l'action visant en réalité dans ce dernier cas à un rééquilibrage de la convention qui n'est d'ailleurs pas opposable au notaire ; qu'enfin, et dès lors que le pourvoi est en cours, la cour ne peut que constater que la perte de valeur du bien allégué n'a aucun caractère actuel et certain ; que c'est donc une confirmation du jugement de premier ressort qui s'impose, sans qu'il soit donc nécessaire d'ordonner une expertise sur la quantification des dommages allégués, la cour n'estimant pas en revanche qu'il convient de faire droit à la demande de confirmation de l'intimée sur le caractère abusif de la procédure, qui ne résulte pas ipso facto du caractère mal fondé de l'action ;

Et aux motifs adoptés que, l'acte de vente du 1er février 2005 désigne le bien immobilier comme une propriété sise à [...]                          , prenant son accès sur la route nationale n°[...], dite [...]             , composée d'une maison bâtie sur un terrain en nature de jardin et escalier d'accès, le tout d'une contenance de 4a 53CA, la parcelle étant cadastrée section [...] au [...]                          ; que l'acte de vente comprend également la mention en page 14 de déclarations du vendeur sur, notamment, les servitudes, selon lesquelles « l'acquéreur déclare avoir été parfaitement informé qu'une procédure a opposé la société venderesse à la propriété mitoyenne appartenant à Monsieur C... concernant l'utilisation d'une voie d'accès par la route située entre ces deux propriétés, et qu'aux termes d'un arrêt, devenu définitif, rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 29 avril 1976, la venderesse a été déboutée de ses prétentions. l'acquéreur déclare en faire son affaire personnelle à l'entière décharge du vendeur et du Notaire, desquels il déclare avoir reçu toutes informations ainsi que par la lecture qu'il a pu faire tant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 avril 1976 que du jugement réformé du tribunal de grande instance de Nice en date du 15 janvier 1975, dont copies demeureront ci-jointes et annexées après mention. Le vendeur confirme expressément, par ailleurs, avoir depuis l'issue de ce procès, utilisé cette route d'accès de manière paisible, publique et continue jusqu'à ce jour » ; que l'acte de vente a mentionné en page 20 que les parties ont certifié exactes, chacune en ce qui la concerne, avec l'assistance de Madame Lara D..., traducteur assermenté près la Cour d'appel d'Aix en Provence, qui a traduit et reproduit oralement et littéralement du français en russe, l'entier contenu des présentes à Monsieur et Madame X..., qui ont déclaré bien comprendre le tout et l'approuver ; que M. X... et son épouse, Mme G... Y... tentent d'enlever à l'intervention de la traductrice toute efficacité en soutenant que les décisions de justice et annexes relatives au litige ne leur ont pas été traduites, ce qui n'est pas exact, puisqu'il est établi, au vu des annexes versées aux débats, que la totalité de ces documents, notamment la copie de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 29 avril 1976 et la copie du jugement frappé d'appel en date du 15 janvier 1975 a fait l'apposition de paraphes sur chacune des pages et de signature sur la dernière page de chaque document, y compris par la traductrice avec mention pris connaissance en lange russe et français et que, de plus, il résulte de la mention de la déclaration de l'acquéreur, précisée en page 14 de l'acte de vente, que ce dernier a bénéficié de la lecture de l'arrêt de la cour d'appel et du jugement du tribunal d'instance pour sa parfaite information ; qu'il n'est pas contestable que la lecture de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 29 avril 1976 permet aisément de comprendre que la desserte normale de la propriété, objet de la vente, s'effectue par la voie d'accès constituée par l'escalier de 88 marches, qui est la voie la plus directe à la route nationale et qu'ainsi le fonds n'est pas enclavé et que Mme F... , gérante de la société l'Heure bleue, venderesse, n'usait de la voie carrossable créée sur le fonds voisin appartenant aux consorts C... qu'à titre précaire et révocable, en raison des relations de bon voisinage que cette dame entretenait avec son voisin ; que ces dispositions concernant l'absence de toute servitude de passage au profit du fonds, objet de l'acquisition par les époux X..., et la simple tolérance de passage accordée jusqu'à présent au vendeur de la propriété, sont suffisamment claires et précises pour comprendre qu'il n'existe aucun droit à utiliser la voie goudronnée située sur le fonds voisin et qu'ainsi les époux X... ont donné, en toute connaissance de cause et avec l'assistance d'un traducteur, leur consentement à l'acquisition de cette propriété sont le seul accès donnant sur la voie publique est un escalier de 88 marches ; que les époux X... sont mal fondés à reprocher au notaire rédacteur d'avoir fait mention dans l'acte de vente de la déclaration du vendeur de ce qu'il avait depuis l'issue de ce procès utilisé cette route d'accès de manière paisible, publique et continue jusqu'à ce jour, sans avoir pris la précaution d'interroger les consorts C... sur l'exactitude de cette déclaration, alors qu'il n'entre pas dans la mission d'un notaire de procéder à des investigations autres que des recherches suffisantes et raisonnables d'une telle nature, alors qu'en l'espèce, la situation apparaissait claire et dépourvue d'équivoque, le notaire ayant satisfait à son obligation de vérification des titres et documents en prenant en compte l'existence du litige antérieur et analysant les conséquences juridiques des décisions de justice annexées à son acte de vente ; que dans l'hypothèse où le notaire aurait pris contact avec les consorts C..., ceux-ci n'auraient eu pour réponse que d'affirmer – ce qui se déduisait de la lecture de l'arrêt de la cour – que M. X... et son époux bénéficieraient de la tolérance de passage comme leur vendeur tant qu'ils ne décideraient pas d'y mettre éventuellement un terme si telle était leur volonté ; que le tribunal relève que c'est bien ce qui s'est produit puisque les acquéreurs ont bénéficié pendant six années de cette tolérance de passage sans qu'il puisse être reproché au notaire la révocation de ce bénéfice ; que M. X... et son épouse ne sont donc pas fondés à soutenir qu'ils ont été mal informés de la situation juridique dont ils envisageaient de faire l'acquisition et reprocher au notaire d'avoir inséré en page 14 la mention « le vendeur confirme expressément, par ailleurs, avoir depuis l'issue de ce procès, utilisé cette route d'accès de manière paisible, publique et continue jusqu'à ce jour », qui ne peut pas raisonnablement avoir eu pour effet de faire croire aux époux X... qu'ils bénéficieraient d'une droit de passage sur le fonds voisin, alors qu'au contraire l'ensemble des mentions portées en page 14 relatives aux déclarations de l'acquéreur sur le caractère parfait de son information et l'insertion supplémentaire en dernière page de l'acte de la mention spéciale l'entier contenu des présentes (traduit) à Monsieur et Madame X... qui ont déclaré bien comprendre le tout et l'approuver, permettent d'établir qu'il n'y a de la part du notaire rédacteur de l'acte aucun manquement à son obligation d'information sur la consistance des droits et obligations de l'acquéreur ; que dans l'hypothèse de manquements au notaire à ses obligations professionnelles, M. X... et son épouse doivent rapporter la preuve d'un lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices invoqués ; qu'ils invoquent un premier préjudice correspondant à la perte de valeur du bien suite à la perte du droit d'usage du chemin [...]      ; qu'ils sont mal fondés en leur prétention alors qu'ils n'ont subi aucune perte du droit d'usage du chemin [...]     , aucune servitude conventionnelle ou judiciaire n'ayant jamais été constituée au profit du fonds dont ils sont propriétaires ; qu'ils ne peuvent donc pas invoquer les conséquences dommageables de la perte d'un droit dont ils n'ont jamais été titulaires ; que le second préjudice invoqué est constitué par la perte du droit de jouissance de leur bien et l'immobilisation du bien qui, en l'état, ne peut être vendu sauf à subir une décote ; que M. X...  et son épouse ont fait l'acquisition d'une propriété dont le seul accès à la voie publique est un escalier depuis le [...]                          , comme cela résulte de la description du bien dans l'acte de vente et si, malheureusement, l'état de santé de Mme Y... ne lui permet pas d'emprunter l'escalier pour accéder à sa propriété, cet état de fait est sans lien de causalité avec la faute invoquée mais non établie du notaire ; que de même les demandeurs sont mal fondés à invoquer les conséquences dommageables de l'immobilisation de leur bien et de la décote de valeur alors que la situation juridique de leur bien immobilier est inchangée depuis son acquisition dont le prix a été fixé en tenant compte d'un accès par escalier et qu'aucune décote n'est établie qui aurait un lien de causalité avec la faute invoquée et qui n'est pas établie en l'espèce ; qu'ils réclament également l'indemnisation de leur préjudice correspondant aux dépenses exposées par eux dans le cadre des procédures engagées à l'encontre des consorts C... pour obtenir leur réintégration dans le droit d'usage du chemin des Serres ; que par jugement en date du 29 août 2013, le tribunal de grande instance de Nice a débouté M. X... et son épouse de leur demande tendant à voir établir une servitude de passage sur le fonds appartenant aux consorts C... pour accéder à leur propriété ; qu'ils sont mal fondés à demander la condamnation du notaire à les indemniser du préjudice financier alors que le tribunal a rendu une décision leur refusant la reconnaissance d'une servitude de passage sur le fonds voisin, ce qui est conforme à la décision de la cour d'appel d'Aix en Provence en date du 29 avril 1976 et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les dépenses de procédure et une quelconque faute imputable au notaire rédacteur ; qu'à supposer établies des manquements aux obligations du notaire rédacteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le tribunal constate, de manière surabondante, l'absence de lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées ;

Alors 1°) que par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation entraine l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, sur le pourvoi formé par les époux X... à l'encontre de l'arrêt rendu le 12 juin 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, les ayant déboutés de leur action en désenclavement dirigée contre les époux C..., la Cour de cassation, au visa de l'article 682 du code civil, a cassé et annulé en toutes ses dispositions cette décision et a renvoyé les parties devant la cour autrement composée, en jugeant que l'accès par un véhicule automobile correspond à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation ; qu'en l'état de cette décision irrévocable reconnaissant l'état d'enclave du fonds des époux X..., l'arrêt attaqué, qui a débouté ces derniers de leur action en responsabilité civile dirigée contre le notaire rédacteur de l'acte de vente pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde sur le fait que le terrain acquis était potentiellement en état d'enclave, motif pris que le fonds litigieux n'était pas enclavé même si juridiquement le seul accès depuis la voie publique était un escalier, dès lors que ce chef de dispositif se rattache par un lien de dépendance nécessaire avec celui censuré par le précédent pourvoi, sera annulé ;

Alors 2°) et en tout état de cause, que le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, doit s'assurer de ce que son client, qui a déclaré faire son affaire personnelle des conséquences d'une décision de justice qui est annexée à l'acte notarié, a connaissance de son incidence sur le sort de l'opération que constate l'acte qu'il reçoit ; qu'en jugeant que le notaire rédacteur n'avait pas à se livrer à un commentaire du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 15 janvier 1975 ni de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 29 avril 1976, annexés à l'acte notarié de vente, ayant débouté la SCI l'Heure bleue, venderesse des époux X..., de sa demande de constatation d'un état d'enclave dans le cadre d'un litige l'ayant opposée à ses voisins, M. et Mme C..., quand il appartenait au notaire rédacteur de s'assurer de ce que M. et Mme X... en avaient compris la portée et leur incidence sur l'usage normal de leur fonds destiné à l'habitation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Alors 3°) que le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant que son client avait déclaré faire son affaire personnelle des conséquences d'une décision de justice qui est annexée à l'acte notarié ; qu'en retenant, pour débouter les époux X... de leurs demandes mettant en cause la responsabilité de leur notaire, qu'ils ont déclaré faire leur affaire personnelle des décisions de justice après en avoir obtenu la lecture par une interprète assermentée, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inopérante à établir qu'ils avaient eu connaissance de leur incidence sur leur accès à leur maison d'habitation et avaient été mis en garde sur les risques encourus quant à l'usage normal de leur fonds, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Alors 4°) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation sans indiquer les éléments de preuve lui permettant de tenir pour établie l'existence d'un fait ; qu'en affirmant péremptoirement que le notaire a analysé les conséquences juridiques des décisions de justice annexées à son acte de vente sans expliquer sur quelles pièces elle se fondait pour retenir l'existence d'une telle analyse, dûment contestée par les époux X... qui dénonçaient l'absence de conseil et de mise en garde quant à la portée juridique de ces décisions (conclusions récapitulatives, p. 9), les premiers juges, et la cour d'appel par voie d'adoption implicite, qui ont procédé par voie de simple affirmation, ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 5°) que en relevant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre le manquement du notaire rédacteur et les préjudices en résultant, que rien ne démontre avec certitude qu'à la date de l'acte authentique, une information qu'ils estiment plus complète les aurait amenés à ne pas contracter, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel des époux X..., p. 14), si l'état de santé de Mme X..., dès cette époque, dans l'impossibilité constatée par les juges du fond (jugement, p. 8, 4ème attendu) de gravir les 99 marches existantes, n'établissait pas avec certitude qu'ils n'auraient pas acquis ce bien si le notaire les avaient mis en garde sur les risques que leurs voisins ne les privent de la possibilité d'accéder sur leur fonds en voiture, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Alors 6°) que l'existence de voies de droit permettant à la victime de recouvrer ce qui lui est dû n'est pas de nature à priver de son caractère actuel et certain le préjudice né de la faute du notaire, lorsque ces voies de droit ne sont que la conséquence de la situation dommageable créée par celui-ci ; qu'en relevant, pour dénier un caractère causal au manquement du notaire rédacteur à son obligation de conseil et de mise en garde, qu'en invoquant une perte de valeur du bien, les époux X... visaient en réalité à un rééquilibrage du contrat de vente et relevait en conséquence de ses rapports avec l'acheteur, c'est-à-dire, à suivre le raisonnement de la cour, qu'ils pouvaient exercer une action contre ces derniers pour obtenir ce rééquilibrage, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Alors 7°) que le notaire qui manque à son obligation de conseil et d'efficacité, à l'occasion de la vente d'une parcelle, en omettant d'informer les parties des risques d'enclavement, doit indemniser les acheteurs de l'intégralité du préjudice subi ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre le manquement du notaire rédacteur et le préjudice résultant de l'immobilisation du bien et de sa décote en valeur, que la situation juridique du bien immobilier acquis par les époux X... est inchangée depuis son acquisition et que son prix a été fixé en tenant compte d'un accès par escalier, quand elle relevait que six années après la vente, un portail avait été érigé par les voisins, les consorts C..., privant les époux X... de la possibilité d'accéder sur leur fonds en voiture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que, quelle que soit la situation juridique du bien au moment de son acquisition, il existait à tout le moins une tolérance d'utilisation de la voie carrossable pour accéder à la propriété litigieuse, a violé l'article 1382 du code civil ;

Alors 8°) que le notaire qui manque à son obligation de conseil et d'efficacité, à l'occasion de la vente d'une parcelle, en omettant d'informer les parties des risques d'enclavement, doit indemniser les acheteurs de l'intégralité du préjudice subi ; qu'en déniant un lien de causalité entre la faute du notaire ayant consisté à ne pas mettre en garde les époux X... du risque d'enclavement de leur fonds et le préjudice financier résultant pour eux des dépenses de procédure exposées à l'occasion du litige les ayant opposés aux consorts C... pour se voir reconnaître une servitude de passage, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-10961
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 31 jan. 2018, pourvoi n°16-10961


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.10961
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