LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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La société Noria distribution,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2016, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamnée à 40 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Y..., les observations de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire X... ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-1 du code pénal, L. 5111-1, L. 4211-1, L. 4223-1, D. 4211-11, D. 4211-12 du code de la santé publique, 2, 7, 10 du décret n°2006-352 du 20 mars 2006, 1er et 2 de l'arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi, 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Noria Distribution coupable d'exercice illégal de la profession de pharmacien, l'a condamnée au paiement d'une amende de 40 000 euros, a ordonné la diffusion de la décision aux frais de la société Noria distribution dans « Le Quotidien du Pharmacien » et la revue Pharma, et a condamné la société Noria distribution à payer au conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
"aux motifs propres que s'agissant des produits : vitamine C 1000 mg de marque Solarey, et vitamine C 500 mg à croquer de marque Solare et Protector nutrients, il n'est pas contesté que la teneur en vitamine C de ces produits 500 mg et 1 000 mg d'acide ascorbique est nettement supérieure à ce qui est nécessaire ou recommandé pour l'alimentation générale, l'apport journalier en vitamine C recommandée étant de 100 à 200 mg et celui en vitamine E étant de 12 à 15 mg pour un adulte ; qu'en prescrivant ces produits dans le cadre d'une prise journalière, il apparaît que les besoins en vitamine C et E sont sur-couverts et comportent comme tels des risques de survitaminose et avec des effets négatifs sur la santé comme diarrhée, douleur abdominale, lithiase rénale, nausée et vomissements ; que cette même démonstration d'un risque pour la santé du public a été faite dans le cadre de l'enquête diligentée par la DGCCRF pour les produits à forte teneur en vitamine A et en vitamine B, la DGCCRF ayant refusé à 5 reprises consécutives entre le 21 septembre et le 4 décembre 2007 l'autorisation de mise sur le marché des 22 produits commercialisés par la SARL Noria distribution dont, les produits visés par la prévention, et concernant non seulement les médicaments mais les plantes médicinales visées par la pharmacopée ; que ce refus d'autorisation de mise sur le marché a été confirmé par le tribunal administratif de Montpellier le 6 novembre 2009 ; que les produits litigieux sont des médicaments par fonction en ce qu'ils sont composés de substances actives susceptibles d'avoir des effets physiologiques en fonction de la dose administrée et présentent des propriétés pharmacologiques et métaboliques constamment reconnues par les études cliniques réalisées et les avis de l'AFSSA ; que s'agissant des plantes médicinales litigieuses, le fait qu'elles ressortaient de la pharmacopée au moment des faits, entraînait nécessairement leur rattachement au monopole pharmaceutique, leur vente étant exclusivement réservée aux pharmaciens ;
"et aux motifs, à les supposer adoptés, que A- sur l'élément légal : 1°- Le principe du monopole pharmaceutique : qu'en vertu de l'article L. 4211-1 du code de la santé publique sont réservés aux pharmaciens : la préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine
La vente en gros, la vente au détail et la dispensation au public des médicaments
La vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret ; que ce texte qui instaure le monopole pharmaceutique est fondé sur le souci de préserver la santé publique en réservant à certaines personnes, présentant les qualifications scientifiques et les garanties professionnelles requises des opérations réalisées sur des produits réglementés ; qu'en application de ce texte dès lors qu'un produit peut être qualifié de médicaments et qui est vendu ou dispensé par un pharmacien ou dès lors qu'entre dans sa composition certaines plantes médicinales il y a atteinte au monopole pharmaceutique ; qu'en conséquence seule l'analyse de la notion de médicaments permet ensuite de vérifier si la commercialisation des produits litigieux constitue une atteinte au monopole légal des pharmaciens ; 2°- La définition du médicament : qu'il résulte de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique qu'on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisées chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administré en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique immunologique ou métabolique ; qu'il résulte de cette double définition qu'un produit peut être qualifié de médicaments en considération de la présentation qui en est faite ou sur la base de la fonction qui peut lui être attribuée ; que le premier critère, dit critère de de présentation, a pour objectif essentiel de protéger la santé publique en incluant dans la définition du médicament non seulement les produits qui ont un effet thérapeutique certain, mais également ceux dont l'efficacité est insuffisante ou qui font état de propriétés illusoires, pouvant être employé au lieu et place des remèdes adéquats n'offrant pas les garanties des spécialités pharmaceutiques vendues en officine et dont l'utilisation sans le conseil avisé des pharmaciens peut être préjudiciable à la santé du consommateur ; qu'en effet la présentation consiste à inciter un consommateur moyennement avisé à acheter un produit auquel le fabriquant va donner l'apparence de médicaments ayant la propriété de prévenir ou de guérir les maladies, peu importe au demeurant que cette propriété soit réelle ou illusoire et que la présentation des propriétés préventives ou curatives soit affirmée ou suggérée ; qu'ainsi sera considéré comme médicaments un produit explicitement présenté comme tel dès lors que sont visés, même sous une forme déguisée des états pathologiques ; que, de même, un produit sera implicitement présenté comme un médicament dès lors qu'un faisceau d'indices concordants permet de retenir que la présentation qui en est faite conforte les consommateurs dans l'idée qu'ils acquièrent un médicament (forme galénique, mode d'emploi assimilable à une posologie, utilisation d'une terminologie scientifique
) ; que le second critère, dit critère par fonction, implique que le produit ait pour finalité soit de provoquer une action pharmacologique, immunologique ou métabolique afin de modifier des fonctions physiologiques soit d'établir un diagnostic médical ; qu'il est d'usage pour déterminer si un produit est susceptible d'avoir de telles propriétés de se référer à une grille d'analyse dite multi-critère utilisée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et des hautes juridictions nationales ; que la qualification de médicament par fonction doit donc s'opérer de manière casuistique, pragmatique et actualisée en fonction des données actuelles de la science ; que les critères retenus par la jurisprudence sur les suivantes : - les propriétés intrinsèques du produit qui permettent de distinguer les médicaments ayant une action entraînant une modification significative sur les fonctions physiologiques, des autres produits tels produits cosmétiques ou compléments alimentaires ; que ce critère revient à étudier la capacité du produit à modifier de manière significative les fonctions physiologiques au moyen d'une action pharmacologique métabolique ou immunologique ; et qu'ainsi un produit pourra être qualifié de médicament si il a une incidence sur les fonctions physiologiques dépassant les effets d'une denrée alimentaire consommée en qualité raisonnable ; que sera donc qualifié de médicament par fonction un produit qui a un effet différent de celui provoqué par la consommation d'une quantité raisonnable de la même substance sous sa forme naturelle ; - les modalités d'emploi du produit et la prise en considération de la dose journalière indiquée ainsi que ses modalités de consommation par application absorption ou injection ; - l'ampleur de la diffusion du produit et la connaissance qu'en ont les consommateurs – les risques que peuvent entraîner l'utilisation du produit ; qu'en application de ces caractéristiques et de ces critères un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévu au premier alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique et à celle d'autres catégories de produits réglés par le droit communautaire ou national, qu'il est en cas de doute, considéré comme un médicament ; qu'ainsi le code de la santé publique pose le principe de la primauté de la qualification du médicament sur celle de compléments alimentaires et qu'en cas de litige un produit doit recevoir la qualification de médicaments alors même que ce produit que l'on cherche à qualifier pourrait entrer dans le champ d'autres définitions ; qu'en ce qui concerne les plantes médicinales et la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, celle-ci est réservée aux seuls pharmaciens en vertu de l'article L. 4211-1 cinquièmement du code de la santé publique ; qu'à titre dérogatoire, seuls sont en vente libre les plantes listées à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique sous certaines formes uniquement, s'agissant la plupart du temps de vente en l'état ; que le terme vendu en l'état signifie qu'elles ne doivent pas être mélangées entre elles ou à d'autres espèces, par d'autres personnes que des pharmaciens et des herboristes ; qu'en particulier, ces plantes médicinales ne doivent pas être présentées sous forme de gélules ou de gouttes, qui sont des préparations et des compositions constituant des médicaments ; que si les plantes ont subi des transformations pour être incorporées dans des produits, ces dernières doivent alors être qualifiées de médicaments ; que, parallèlement, certains produits sont susceptibles de bénéficier de la qualification de compléments alimentaires et, si tel est le cas, ceux-ci échappent au monopole des pharmaciens ; qu'il convient donc de déterminer, avec le plus de précautions possibles, ce qui constitue un complément alimentaire et ce qui s'analyse comme un médicament ; qu'avant l'entrée en vigueur de la directive « complément alimentaire » 2002-46-CE du juin 2002, les compléments alimentaires étaient définis comme des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers aux termes de l'article 15-2 deuxième alinéa du décret du 15 avril 1912 modifié par l'article premier du décret du 14 octobre 1997 ; que la directive communautaire 2002-46-CE transposait en droit français aux termes d'un décret n°2006-352 8 du 20 mars 2006 définit les compléments alimentaires comme « des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime normal et qui constitue une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seul ou combiné » ; que la directive communautaire exclut ainsi que les compléments alimentaires puissent être accompagnés d'allégation thérapeutique puisque selon son article 6.2 :
« l'étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n'attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison des maladies humaines, ni n'évoquent ces propriétés » ; qu'on ne saurait par ailleurs faire valoir le principe de libre circulation et le principe de reconnaissance mutuelle des normes qui devraient conduire à ce que les produits soient également autorisés à être librement vendus en France s'ils sont vendus et commercialisés dans d'autres pays de la communauté européenne ; qu'en effet la Cour de justice des Communautés européennes a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises qu'à défaut d'harmonisation en la matière et en raison de la subsistance d'incertitude scientifique un produit peut valablement être qualifié de médicament dans un Etat et recevoir une autre qualification dans un autre ; qu'enfin en tout état de cause s'il existe un doute sur la qualification de complément alimentaire ce conflit de qualification doit être résolu au profit de la qualification de médicament en application de la règle rappelée précédemment de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ; B- Sur l'élément matériel : les produits commercialisés visés par la constitution de partie civile : 1°- Protector nutrients – vitamine C 1000 mg – vitamine C 500 mg à croquer que la présentation et la commercialisation de ce produit ainsi que sa dénomination tend à faire croire auprès du consommateur moyennement avisé que ledit produit est issu de, et fabriqué par un établissement pharmaceutique ; que la présentation du produit, identiques aux spécialités pharmaceutiques de même nature, vendues en officine sous forme galénique avec des mentions relatives à la composition et à la posologie renforce cette conviction du consommateur moyen ; que les indications relatives aux précautions d'emploi et aux effets indésirables sont également identiques ou similaires aux mentions inscrites sur les spécialités pharmaceutiques ; que le produit fait référence à ses propriétés préventives ou curatives ; et que le consommateur en faisant une telle lecture sait qu'il ne va pas acquérir un produit pour compléter son régime alimentaire mais un produit pour prévenir ou guérir un état pathologique ; qu'en conséquence lesdits produits doivent recevoir la qualification de médicaments par présentation ; que par ailleurs au regard de la définition du médicament par fonction il convient de relever que ce produit composer de 1000mg d'acide ascorbique est un antioxydant susceptible selon les travaux scientifiques versés aux débats d'avoir des effets physiologiques en fonction de la dose administrée ; que dès lors de par l'action pharmacologique ou métabolique qu'il exerce il est administré en vue de corriger les fonctions physiologiques ; que l'article 3 de l'arrêté du 9 mai 2006 relatif au nutriment pouvant être employé dans la fabrication des compléments alimentaires prévoit que « l'utilisation des substances vitaminiques et minérales énumérées à l'annexe 2 ne doit pas conduire à un dépassement des doses journalières mentionnées à l'annexe 3 du présent arrêté, compte tenu de la portion journalière de produit recommandée par le fabricant tel qu'il est indiqué dans l'étiquetage » ; que l'annexe 3 de l'arrêté du 9 mai 2006 relatif aux doses journalières maximales indiquent pour la vitamine C : 180 mg ; soit une dose très inférieure à celle pouvant être administrée par la consommation des produits litigieux y compris sous la forme à 500 mg ; qu'en conséquence le produit litigieux ne saurait être qualifié de complément alimentaire ; qu'enfin s'agissant des risques sur la santé et de l'ampleur de la diffusion de la vitamine C celle-ci peut entraîner des effets indésirables quelques diarrhées, douleurs abdominales lithiase rénales nausées et vomissement et que plus de 70 spécialités pharmaceutiques possèdent une autorisation de mise sur le marché contenant de la vitamine C et sont commercialisées en tant que substance active ; qu'en conséquence l'ensemble de ces éléments démontre que les produits en question doivent être qualifiés de médicaments par fonction ; 2°-compagnon super anti oxydants : que le produit en cause est présenté sous forme de capsules, forme typiquement galénique ; que les modalités d'emploi mentionnées confinent à ce produit la qualité de médicament par présentation ; que par ailleurs le produit litigieux contient un dosage de vitamines qui le soumet à la législation sur les substances vénéneuses en ce qu'il est composé de 44,1 mg de provitamine A ; que le dosage de ce produit en nutriments dépasse les doses journalières maximales prévues annexe 3 de l'arrêté du 9 mai 2006 mais également les limites de sécurité établies par le comité scientifique de l'alimentation humaine ou agence européenne de sécurité des aliments ; qu'employée à de tel dosage la vitamine A est susceptible de restaurer, corriger ou modifier de façon significative les fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique ; qu'en effet la vitamine A agit sur les cellules qui composent certains tissus vivants tels que la rétine, le foie, le placenta, la peau et que ce mécanisme d'action doit être qualifié de pharmacologique ; qu'également la consommation de vitamine A à doses trop élevées peut induire des phénomènes de toxicité et peut présenter des risques sur la santé en particulier lorsque la consommatrice est en état de grossesse ; que par ailleurs 23 spécialités pharmaceutiques similaires bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché contiennent la même substance active ; qu'en conséquence ce produit litigieux dépassant largement la dose journalière maximale recommandée par l'arrêté précité et ayant des qualités pharmacologique il doit être qualifié de médicament par fonction ; 3°- B complexe 50 que suivant la même analyse que pour les produits précédemment étudiés que le produit B complexe 50 se présente comme un cocktail de vitamines sous forme de capsules forme typiquement galénique ; que la posologie mentionnée correspond à un dépassement très important des apports journaliers recommandés par rapport au dosage maximum retenu par l'arrêté du 9 mai 2006 ; que pour certains composants le respect de la posologie entraîne même un dépassement des limites de sécurité ; que ce produit est composé de vitamines hydrosolubles ; que son mécanisme d'action est donc essentiellement métabolique car les vitamines concernées interviennent dans des réactions biochimiques ;
que les vitamines composant ce produit sont susceptibles de corriger ou restaurer ou de modifier les fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique ou métabolique ; que la vitamine B1 a cette action dans le cadre d'asthénie fonctionnelle, de traitement de l'alcoolisme chronique ; d'anorexie ou d'insuffisance cardiaques ; que la vitamine B2 ou riboflavine a une action métabolique sur les maladies de la peau, les affections oculaires, les crampes ou migraines qu'elle peut par ailleurs avoir une incidence sur le taux de cholestérol et le taux de triglycérides ; que la vitamine B6 est également un acteur de lutte contre le diabète l'hypertension ou encore la dépression ; que cette vitamine est par ailleurs contre-indiqué avec d'autres produits ; que l'ensemble de ces éléments démontre que ces produits ne visent pas à compléter le régime alimentaire en constituant une source concentrée qui ne modifierait pas les fonctions normales de l'organisme mais sont susceptibles d'entraîner une modification significative de ses fonctions qui confèrent au produit la qualification de médicament non seulement par présentation mais aussi par fonction ; que d'ailleurs près de 25 spécialités pharmaceutiques bénéficiaires de l'autorisation de mise sur le marché contiennent les mêmes vitamines ; 4°- Absolute amino que le produit absolute amino est composé de 25 mg de vitamine B6 évoquée précédemment ; que la posologie recommandée est de 1 comprimé par jour ce qui représente 1250 % des apports journaliers recommandés et correspond à l'équivalent de la limite de sécurité retenue pour ce nutriment ; qu'eu égard à ces éléments ce produit n'est pas destiné à compléter les apports d'un régime alimentaire mais à restaurer et modifier des fonctions physiologiques ; qu'il est donc un médicament par fonction ; 5°-Hair nutrients que ce produit est composé de 5 mg de vitamine A et de 25 mg de vitamine B6 évoquée précédemment et dont la réunion dans un même produit ne fait que renforcer leurs capacités à restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques et le détermine comme médicaments par fonction ; 6°- plante médicinale Cimifuga Racemosa et Hydrasis canadensis que les plantes médicinales susnommées proposées à la vente par la société Noria sont inscrites à la liste de la pharmacopée et n'ont pas été libérées par l'article D. 4211-11 du code de la santé publique ; qu'elles entrent dans la fabrication du produit Black Cohosh de marque Solary et Goldensezi de la même marque ; qu'il résulte par ailleurs des éléments scientifiques versés au dossier que les organes de ces plantes sont ou peuvent être toxiques ; qu'en conséquence ces plantes médicinales appartiennent au monopole pharmaceutique et que leur vente par un autre qu'un pharmacien est interdite ;
"1°) alors que constitue un médicament par fonction le produit, qui, examiné au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble de ses caractéristiques, notamment sa composition, ses modalités d'emploi, les risques liés à son utilisation, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, l'ampleur de sa diffusion et la connaissance qu'en ont les consommateurs, est capable de restaurer, corriger ou modifier les fonctions physiologiques de manière significative ; qu'ainsi, le seul fait qu'un produit soit composé d'une substance pouvant avoir des propriétés pharmacologiques ne suffit pas à le qualifier de médicament ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que les produits « Protector nutrients », « Vitamine C 1000 mg », « Vitamine C 500 mg à croquer », « Compagnon super anti oxydants », « B complexe 50 », « Absolute amino », « Hair nutrients », commercialisés par la société Noria Distribution, constituaient des médicaments par fonction, qu'ils seraient composés de substances actives susceptibles d'avoir des effets pharmacologiques, sans tenir compte de l'ensemble des caractéristiques de ces produits et sans se prononcer, en particulier, sur l'ampleur de leur diffusion et la connaissance qu'en ont les consommateurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que constitue un médicament par fonction le produit, qui, examiné au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble de ses caractéristiques, notamment sa composition, ses modalités d'emploi, les risques liés à son utilisation, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, l'ampleur de sa diffusion et la connaissance qu'en ont les consommateurs, est capable de restaurer, corriger ou modifier les fonctions physiologiques de manière significative ; que le juge national ne peut apprécier l'existence des risques liés à l'utilisation du produit en cause en se fondant sur les seules recherches scientifiques nationales, mais doit impérativement tenir compte des résultats de la recherche scientifique internationale la plus récente ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer que les produits « Protector nutrients », « Vitamine C 1000 mg », « Vitamine C 500 mg à croquer », « Compagnon super anti oxydants », « B complexe 50 », « Absolute amino », « Hair nutrients » constituaient des médicaments par fonction, qu'ils pouvaient présenter un risque pour la santé des personnes, sans préciser les éléments scientifiques sur lesquels elle se fondait et sans justifier ainsi avoir procédé à un examen approfondi, au cas par cas, des risques concernant chaque produit, en tenant compte des résultats de la recherche scientifique internationale la plus récente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"3°) alors que constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des marchandises l'interdiction de la commercialisation par des personnes autres que des pharmaciens de produits légalement commercialisés en tant que complément alimentaire dans d'autres pays membres de l'Union européenne dès lors qu'il n'est pas démontré, au cas par cas, au regard des résultats de la recherche scientifique nationale et internationale la plus récente, que la commercialisation de ces produits par une personne qui n'a pas la qualité de pharmacien présente un risque réel pour la santé des personnes ; que le juge national ne peut apprécier l'existence d'un tel risque en se fondant sur les seules recherches scientifiques nationales, mais doit impérativement tenir compte des résultats de la recherche scientifique internationale la plus récente ; qu'en déclarant la société Noria Distribution coupable d'exercice illégal de la pharmacie, et en l'empêchant ainsi de commercialiser librement les produits « Protector nutrients », « Vitamine C 1000 mg », « Vitamine C 500 mg à croquer », « Compagnon super anti oxydants », « B complexe 50 », « Absolute amino », « Hair nutrients », sans rechercher si ces produits étaient légalement fabriqués dans d'autres Etats membres de l'Union européenne en tant que compléments alimentaires et sans caractériser l'existence d'un risque lié à l'importation et à la commercialisation en France de ces produits, au regard des résultats de la recherche scientifique internationale la plus récente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"4°) alors que constitue un médicament par présentation le produit qui par sa présentation, apparaît de manière certaine, pour un consommateur moyennement avisé, comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard d'une maladie humaine ; que la forme galénique d'un produit, qui peut être celle d'un complément alimentaire, ne permet pas d'en déduire sa qualification de médicament par présentation ; qu'en se bornant à retenir que les produits « Protector nutrients », « Vitamine C 1000 mg », « Vitamine C 500 mg à croquer », « Compagnon super anti oxydants », « B complexe 50 » constituaient des médicaments par présentation au prétexte que ceux-ci sont présentés sous forme galénique, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"5°) alors que constitue un médicament par présentation le produit qui par sa présentation, apparaît de manière certaine, pour un consommateur moyennement avisé, comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard d'une maladie humaine ; que toutefois la présence, sur l'étiquetage d'un produit, de mentions relatives à la composition, aux modalités d'emploi, aux précautions d'emploi et aux effets indésirables ne permet pas d'en déduire sa qualification de médicament par présentation, ses mentions devant obligatoirement figurer sur l'emballage des compléments alimentaires ; qu'en retenant que les produits « Protector nutrients », « Vitamine C 1000 mg », « Vitamine C 500 mg à croquer », « Compagnon super anti oxydants », « B complexe 50 » constituaient des médicaments par présentation au prétexte que leur emballage comporte des mentions relatives la composition, aux modalités d'emploi, aux précautions d'emploi et aux effets indésirables, la cour d'appel, qui a ainsi statué par un motif inopérant, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"6°) alors que constitue un médicament par présentation le produit qui par sa présentation, apparaît de manière certaine, pour un consommateur moyennement avisé, comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard d'une maladie humaine ; qu'en retenant que les produits « Protector nutrients », « Vitamine C 1000 mg », « Vitamine C 500 mg à croquer », « Compagnon super anti oxydants », « B complexe 50 » commercialisés par la société Noria Distribution devaient être qualifiés de médicament par présentation, sans rechercher concrètement si pour un consommateur moyen, ces produits étaient, compte tenu de l'ensemble des caractéristiques de leur présentation, perçus comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard d'une maladie humaine, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"7°) alors qu'aux termes de l'article L. 4211-1 du code de la santé publique : «sont réservées aux pharmaciens : (
) 5º La vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret » ; que la violation du monopole des pharmaciens est pénalement sanctionnée ; que l'article D. 4211-12 du code de la santé publique dispose que « lorsque l'emploi de plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée a été autorisé dans les compléments alimentaires en application du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, ces compléments alimentaires peuvent être vendus par des personnes autres que des pharmaciens » ; que l'arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi, est applicable aux plantes et préparations de plantes mentionnées au 2° de l'article 7 du décret du 20 mars 2006, susvisé, à l'exception des champignons et de leurs préparations ; que ce texte, ayant ainsi réduit l'étendue du monopole des pharmaciens, et donc restreint le champ d'application des textes sanctionnant l'exercice illégal de la pharmacie, était plus favorable à la demanderesse ; que cette dernière pouvait donc s'en prévaloir, compte tenu notamment du principe de rétroactivité des textes répressifs moins sévères ; que dès lors, en retenant, pour juger la société Noria Distribution coupable d'exercice illégal de la pharmacie en raison de la commercialisation de complément alimentaires comprenant du cimicifuga racemosa, visé par l'arrêté du 24 juin 2014, que concernant les plantes médicinales litigieuses, « le fait qu'elles ressortaient de la pharmacopée au moment des faits, entraînait nécessairement leur rattachement au monopole pharmaceutique », la cour d'appel, qui a ainsi refusé de faire bénéficier la société Noria Distribution des dispositions plus favorables issues de l'arrêté du 24 juin 2014, a violé les textes susvisés ;
"8°) alors que seule une plante destinée à un usage exclusivement médical peut être qualifiée de plante médicinale ; qu'en jugeant que les plantes litigieuses étaient des plantes médicinales, sans rechercher si ces plantes étaient exclusivement réservées à un usage médical, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"9°) alors que constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des marchandises l'interdiction de la commercialisation par des personnes autres que des pharmaciens de produits à base d'espèces végétales légalement commercialisés dans d'autres pays membres de l'Union européenne dès lors qu'il n'est pas démontré, au cas par cas, au regard des résultats de la recherche scientifique nationale et internationale la plus récente, que la commercialisation de ces produits par une personne qui n'a pas la qualité de pharmacien présente un risque réel pour la santé des personnes ; que le juge national ne peut apprécier l'existence d'un tel risque en se fondant sur les seules recherches scientifiques nationales et doit impérativement tenir compte des résultats de la recherche scientifique internationale la plus récente ; qu'en déclarant la société Noria Distribution coupable d'exercice illégal de la pharmacie, et en l'empêchant ainsi de commercialiser librement les produits litigieux à base de Cimifuga Racemosa et de Hydrasis canadensis, sans rechercher si ces produits étaient légalement fabriqués dans d'autres Etats membres de l'Union européenne en tant que compléments alimentaires et sans caractériser l'existence d'un risque lié à l'importation et à la commercialisation en France de ces produits, au regard des résultats de la recherche scientifique internationale la plus récente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, courant 2008 à 2009, la société Noria Distribution, entreprise française commercialisant des compléments alimentaires en France et dans l'Union européenne, malgré le refus de mise sur le marché de ces produits par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraude ( DGCCRF), a proposé à la vente plusieurs produits importés des Etats Unis et d'Espagne dénommés Compagnon super antioxydant, B-complex 50, Absolute amino, Hair nutrients, Protector nutrients, Vitamine C 1000 mg, Vitamine C 500 mg de marque Solaray, ainsi que des plantes médicinales de la liste A de la pharmacopée française, Cimicifuge Racemosa ( produit Black Cohosh de marque Solaray) et Hydrastis Canadensis ( produit Goldenseal de marque Solaray) ; que, sur la plainte du conseil national de l'ordre des pharmaciens, la société a été poursuivie pour exercice illégal de la pharmacie ; que le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable des faits reprochés ; que la prévenue et le ministère public ont interjeté appel du jugement ;
Attendu que, pour déclarer la société Noria Distribution coupable d'exercice illégal de la pharmacie et retenir que les produits litigieux constituent des médicaments par fonction, l'arrêt relève tout d'abord qu'ils sont composés de substances actives susceptibles d'avoir des effets physiologiques en fonction de la dose administrée et présentent des propriétés pharmacologiques, immunologiques, et métaboliques constamment reconnues par les études cliniques réalisées et les avis de l'AFSSA ; que les juges ajoutent d'une part, que les produits Vitamine C1000 mg, Vitamine C 500 mg à croquer et Protector nutriens ont une teneur en vitamine C, 500 mg et 1000 mg d'acide ascorbique, nettement supérieure à ce qui est nécessaire ou recommandé pour l'alimentation générale, l'apport journalier en vitamine C recommandé étant de 100 à 200 mg et celui en vitamine E étant de 12 à 15 mg pour un adulte, et qu'en prescrivant ces produits dans le cadre d'une prise journalière, il apparaît que les besoins en vitamine C et E sont sur-couverts et comportent comme tels des risques de survitaminose et avec des effets négatifs sur la santé comme diarrhée, douleur abdominale, lithiase rénale, nausées et vomissements, d'autre part que, s'agissant des autres produits visés à la prévention ayant une forte teneur en vitamine A et en vitamine B, cette même démonstration d'un risque pour la santé du public a été faite par la DGCCRF justifiant son refus de mise sur le marché des 22 produits commercialisés par la société, lequel a été confirmé par le tribunal administratif ;
Que, la cour d‘appel retient, en outre, que les plantes médicinales litigieuses ressortaient de la pharmacopée au moment des faits, ce qui entraînait nécessairement leur rattachement au monopole pharmaceutique, leur vente étant exclusivement réservée aux pharmaciens ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que la réglementation instituant un monopole de la pharmacie, qui s'applique indistinctement aux produits importés des Etats membres de l'Union européenne comme aux produits nationaux, est justifiée, au regard des articles 28 et 30 du Traité, par la protection de la santé publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses quatrième, cinquième et sixième branches dès lors que la cour d'appel n'a pas retenu la qualification de médicaments par présentation, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE, à 2500 euros la somme que devra payer la société Noria distribution au conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente janvier deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.