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24/01/2018 | FRANCE | N°16-22301

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 janvier 2018, 16-22301


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 18 juin 2010, la société Artibat 29 (la société) a été mise en liquidation judiciaire, la société EMJ, en la personne de M. A..., étant désignée liquidateur ; que le 8 février 2013, le tribunal a étendu la liquidation judiciaire de la société à son dirigeant, M. Y..., et à la SCI Bel Air ; que par une ordonnance du 10 février 2015, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré d'un bien immobilier appartenant à la société au profit de M. D...,

ou de toute personne physique ou morale qu'il se substituera, moyennant le prix ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 18 juin 2010, la société Artibat 29 (la société) a été mise en liquidation judiciaire, la société EMJ, en la personne de M. A..., étant désignée liquidateur ; que le 8 février 2013, le tribunal a étendu la liquidation judiciaire de la société à son dirigeant, M. Y..., et à la SCI Bel Air ; que par une ordonnance du 10 février 2015, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré d'un bien immobilier appartenant à la société au profit de M. D..., ou de toute personne physique ou morale qu'il se substituera, moyennant le prix de 370 000 euros net vendeur, le prix étant payable comptant au jour de la régularisation de l'acte ; que M. D... a refusé de régulariser l'acte de vente au motif que ce prix devait, selon lui, se comprendre TVA immobilière incluse, tandis que le liquidateur estimait quant à lui que la somme de 370 000 euros devait revenir en totalité à la liquidation judiciaire ; que M. D... a saisi, en sa qualité de représentant de la société Côté Villa, le juge-commissaire d'une requête en interprétation ; que par une ordonnance du 29 décembre 2015, le juge-commissaire a dit que le prix de 370 000 euros s'entendait d'un prix hors taxes, et a maintenu son ordonnance du 10 février 2015 en précisant que le prix de vente net vendeur est de 370 000 euros HT, TVA et frais en sus ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. D..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que le prix fixé par l'ordonnance du 10 février 2015 s'entend d'un prix HT, TVA et frais en sus restant à sa charge, alors, selon le moyen, que les juges, saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent-elles erronées ; que, par ailleurs, en cas de vente d'un immeuble le paiement de la TVA incombe au vendeur, sauf accord exprès des parties quant à la charge définitive de la taxe ; qu'en relevant que la volonté clairement exprimée des parties, constatée dans l'ordonnance du 10 février 2015, était de faire supporter les frais et charges, quelle qu'en soit la nature, à l'acquéreur, cependant qu'il ne résultait d'aucune des mentions de l'ordonnance du 10 février 2015 un accord exprès des parties pour mettre à la charge de M. D... le paiement de la TVA, la cour d'appel a violé les articles 461 et 480 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134, 1351 et 1593 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine de l'ordonnance du 10 février 2015, exclusive d'une modification quelconque de ses dispositions, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le prix de 370 000 euros net vendeur, offert par M. D... sans aucune référence à la TVA, accepté par le liquidateur, et fixé par le juge-commissaire, devait s'entendre comme étant un prix hors TVA devant revenir à la liquidation judiciaire, les frais et charges quelle qu'en soit la nature incombant à l'acquéreur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 461 du code de procédure civile ;

Attendu que les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties ;

Attendu que pour constater que la vente de l'immeuble ne peut avoir lieu sous le régime de la TVA, l'immeuble ayant été achevé depuis plus de cinq ans, condamner M. D..., sous astreinte à signer l'acte de vente de l'immeuble dans les conditions précisées à l'ordonnance du juge-commissaire du 10 février 2015 au prix net vendeur de 370 000 euros, outre les frais, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, l'arrêt retient que le liquidateur démontre que l'immeuble a été achevé au plus tard le 31 décembre 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a statué sur des chefs de demandes du liquidateur qui n'avaient pas été soumis à l'origine au juge-commissaire et a, par voie de conséquence, apporté des modifications aux dispositions de l'ordonnance du 10 février 2015, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 10 février 2015 autorisant la vente du bien immobilier au prix net vendeur de 370 000 euros, les frais et accessoires, y compris la TVA éventuelle, étant à la charge de l'acquéreur, l'arrêt rendu le 10 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables les demandes de la société EMJ, en la personne de M. A..., en sa qualité de liquidateur de la société Artibat 29, et de la SCI Bel Air, tendant à voir constater que la vente de l'immeuble ne peut avoir lieu sous le régime de la TVA, l'immeuble ayant été achevé depuis plus de cinq ans, et à voir condamner M. D..., en sa qualité de représentant de la société Côté Villa, à régulariser la vente de l'immeuble dans les conditions précisées à l'ordonnance du juge-commissaire en date du 10 février 2015, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Condamne la société EMJ , en la personne de M. A..., en sa qualité de liquidateur de la société Artibat 29, et de la SCI Bel Air, aux dépens ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me C..., avocat aux Conseils, pour M. D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le prix de 370 000 euros fixé par l'ordonnance du 10 février 2015 s'entend d'un prix hors taxe, TVA et frais en sus restant à la charge de M. D... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter, le premier juge a relevé que l'instruction de la direction générale des finances publiques, qui se borne à préconiser une interprétation de la volonté des parties à défaut de précision de leur part, ne pouvait porter atteinte à leur volonté clairement exprimée en l'espèce selon laquelle le prix net à revenir à la procédure collective s'élevait à 370 000 euros, les frais et charges quelle qu'en soit la nature incombant à l'acquéreur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la présente requête doit être analysée au prisme de la loi sur les procédures collectives et, en aucun cas, au regard des dispositions fiscales ; que les offres en concurrence ont été étudiées dans cette optique ; que l'autorisation donnée par le soussigné s'inscrit dans le cadre de la réalisation des actifs en vue de désintéresser au mieux les créanciers de la procédure ; que le prix proposé par M. D... a permis d'interroger les créanciers hypothécaires en vue de recueillir leur avis sur la cession à intervenir ; que l'offre de M. D... été chiffrée à 370 000 euros net vendeur, sans qu'il soit mentionné qu'elle incluait la TVA ou son contraire ; qu'il ne peut donc utilement objecter que l'autorisation ne fait pas mention de la ventilation d'un prix hors taxes et de la TVA correspondante, alors même que son offre n'y faisait pas plus référence ; que s'agissant d'un immeuble soumis à TVA immobilière, il convient de noter que cette dernière se substitue aux droits d'enregistrement frappant les transactions portant sur des immeubles achevés depuis plus de cinq ans, droit qui s'ajoute à la notion de prix net vendeur ; qu'en conséquence et au vu des principes rappelés ci-dessus et des éléments ayant conduit à déterminer le prix de cession de l'immeuble, le prix de vente de 370 000 euros net vendeur doit s'entendre en étant un prix hors TVA ;

ALORS QUE les juges, saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent-elles erronées ; que, par ailleurs, en cas de vente d'un immeuble le paiement de la TVA incombe au vendeur, sauf accord exprès des parties quant à la charge définitive de la taxe ; qu'en relevant que la volonté clairement exprimée des parties, constatée dans l'ordonnance du 10 février 2015, était de faire supporter les frais et charges, quelle qu'en soit la nature, à l'acquéreur, cependant qu'il ne résultait d'aucune des mentions de l'ordonnance du 10 février 2015 un accord exprès des parties pour mettre à la charge de M. D... le paiement de la TVA, la cour d'appel a violé les articles 461 et 480 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134, 1351 et 1593 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que la vente de l'immeuble sis [...]                     ne peut avoir lieu sous le régime de la TVA, l'immeuble ayant été achevé depuis plus de cinq ans et D'AVOIR condamné M. D..., sous astreinte, à signer l'acte de vente de l'immeuble dans les conditions précisées à l'ordonnance du jugecommissaire du 10 février 2015 au prix net vendeur de 370 000 euros, outre les frais, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

AUX MOTIFS QUE le liquidateur judiciaire démontre que l'immeuble a été achevé au plus tard le 31 décembre 2010 puisqu'il a été donné à bail commercial à compter du 2 janvier 2011, le permis de construire ayant été délivré le 9 juillet 2009 et la déclaration d'ouverture du chantier ayant été effectuée le 10 juillet suivant, de sorte que sa vente est soumise aux droits d'enregistrement et non assujettis à la TVA ; que vainement M. D... soutient-il que l'existence de travaux à réaliser rendrait l'immeuble inachevé au sens de la législation fiscale, ce qui n'est pas le cas dès lors qu'il offre le clos et le couvert ; que de même l'absence de déclaration de l'achèvement et de conformité des travaux n'est pas de nature à justifier le maintien de l'assujettissement de la cession à la TVA au-delà du délai d'achèvement de l'immeuble ; qu'en effet l'administration fiscale prend en compte dans ce cas la date à laquelle les circonstances de fait rendent exigible cette déclaration, ce qui correspond en l'espèce à la date à laquelle il a été donné en location ; que la demande d'interprétation de M. D... est dès lors devenue sans objet ; qu'en effet, conformément aux dispositions de l'article 1593 du code civil, les frais d'acte et autres accessoires à la vente sont à la charge de l'acheteur ; que M. D..., qui a pris possession de l'immeuble, doit être condamné à régulariser l'acte de vente ;

ALORS QUE les juges, saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent-elles erronées ; qu'ainsi, saisis d'une requête en interprétation, les juges ne peuvent statuer sur une question qui n'aurait pas été tranchée ou accueillir une demande nouvelle ; qu'en faisant droit aux

demandes nouvelles formées par le liquidateur tendant à ce qu'il soit constaté que la vente n'était plus soumise à TVA et à ce que M. D... soit condamné, sous astreinte, à régulariser l'acte de vente, la cour d'appel a violé les articles 461 et 480 code de procédure civile et 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-22301
Date de la décision : 24/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 jan. 2018, pourvoi n°16-22301


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22301
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