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10/05/2016 | FRANCE | N°15/04090

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 10 mai 2016, 15/04090


1ère Chambre





ARRÊT N° 225/2016



R.G : 15/04090













SAS LAMOTTE AMENAGEUR LOTISSEUR



C/



M. [H] [C]

Mme [K] [O] épouse [C]

Me [P] [S]

SCP [A] [S] - [P] [S] - [T] [N]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 MAI 2016





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Xavier BEUZIT, Président,

M. Marc JANIN, Conseiller,

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport



GREFFIER :...

1ère Chambre

ARRÊT N° 225/2016

R.G : 15/04090

SAS LAMOTTE AMENAGEUR LOTISSEUR

C/

M. [H] [C]

Mme [K] [O] épouse [C]

Me [P] [S]

SCP [A] [S] - [P] [S] - [T] [N]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 MAI 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Xavier BEUZIT, Président,

M. Marc JANIN, Conseiller,

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS LAMOTTE AMENAGEUR LOTISSEUR

[Adresse 6]

[Adresse 3]

Représentée par Me Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D'AFFAIRES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

M. [H] [C]

né le [Date naissance 1] 1973 à THOUARS

[Adresse 2]

[Adresse 4]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Sandrine LEMEE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [K] [O] épouse [C]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Sandrine LEMEE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Maître [P] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Adresse 5]

Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

SCP [A] [S] - [P] [S] - [T] [N] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Adresse 5]

Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Selon promesse synallagmatique de vente sous seing privé du 08 juillet 2009, rédigée par Me [S], notaire à [Localité 3], Mme [X] [G] et M. [M], tous deux en leurs qualités de légataires de M. [B] [M] ont vendu à la société Lamotte Constructeur un terrain situé à [Localité 2], d'une superficie de 4 ha 41 a 55 ca, pour lequel l'acquéreur a obtenu un permis d'aménager le 28 juin 2010.

Selon promesse synallagmatique de vente sous seing privé du 13 octobre 2010, la société Espace et Vie, aux droits de laquelle vient désormais la SAS Lamotte Aménageur Constructeur, a vendu à M. [H] [C] et son épouse, née [K] [O] un des terrains du lotissement allant être créé sur le terrain de [Localité 2], soit le lot numéro 37, pour un prix de 130.000 euros, la vente devant être réitérée en juin 2011.

En raison d'un conflit entre les légataires de M. [M], la société Lamotte n'a pu réitérer auprès d'eux l'achat du terrain et a dû prévenir ses propres acquéreurs du retard pris par l'opération.

A la suite d'une action intentée par certains acquéreurs, le tribunal de grande instance de Nantes a déclaré Me [S] et la SCP [S] solidairement responsable de la résolution de la vente qui intervenait entre la société Lamotte et les demandeurs.

L'assureur de Me [S] et de la société de notaires, les Mutuelles du Mans Assurances (MMA), a alors accepté de garantir la société Lamotte qui a pu régulariser les actes authentiques de vente avec ses acquéreurs ;

Les époux [C] ont alors refusé, malgré une convocation en l'étude Me [S].

Par acte du 22 mars 2013, la société Lamotte a fait assigner M. et Mme [C], Me [S], et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] afin de voir prononcer la résolution de la vente du terrain numéro 37, condamner les époux [C] à lui payer la somme de 6.500 euros à titre de clause pénale et 5.000 euros de frais irrépétibles et condamner Me [S] et la société de notaires à la garantir du paiement de ces sommes par les époux [C].

Par jugement du 15 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a :

prononcé la résolution du compromis de vente du 13 octobre 2010, aux torts de la société Lamotte,

rejeté la demande en paiement formée contre les époux [C],

rejeté les demandes formées contre Me [S] et la société de notaires,

condamné la société Lamotte in solidum, avec Me [S] et la société de notaires, à payer aux époux [C] la somme de 30.735,00 euros,

condamné les mêmes aux dépens,

condamné les mêmes à payer aux époux [C] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire.

Appelante de ce jugement, la SAS Lamotte Amenageur Constructeur, par conclusions du 15 février 2016, a demandé que la Cour :

infirme le jugement déféré,

prononce la résolution du contrat de réservation du 13 octobre 2010, aux torts des époux [C] et les condamne au paiement de la somme de 6.500 euros outre intérêts de droit à compter du 08 janvier 2013,

dise qu'elle-même n'a commis aucune faute et les époux [C] subi aucun préjudice,

dise que Me [S] a commis une faute délictuelle et le condamne, ainsi que la société de notaires, à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée au bénéfice des époux [C],

condamne Me [S] et la société de notaires à lui payer la somme de 6.500 euros au titre du préjudice d'immobilisation qu'elle a subi,

les condamne à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice moral,

déboute les époux [C], Me [S] et la société de notaires de leurs demandes,

condamne les époux [C] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Me [S] et la société de notaires à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne les intimés aux dépens.

Par conclusions du 15 février 2006, M. et Mme [C] ont sollicité que la Cour :

infirme partiellement le jugement déféré,

déboute les autres parties de leurs prétentions émises contre eux,

condamne la société Lamotte à leur livrer le terrain acquis sans risque d'éviction et à défaut, prononce la résolution de la vente aux torts de la société Lamotte,

condamne solidairement, la société Lamotte, Me [S] et la société de notaires à leur payer :

24.133 euros au titre de la perte du crédit d'impôt,

20.400 euros au titre des loyers supplémentaires ou à titre de préjudice de jouissance,

2.273,18 euros au titre des frais de déménagement supplémentaires,

1.795 euros au titre du surcoût de la taxe d'aménagement,

2.534,22 euros de frais d'assurance prêt complémentaire,

246 euros d'augmentation de prêt patronal,

2.600 euros de perte d'acompte de la véranda,

9.750 euros de frais d'agence pour le nouveau terrain,

3.385 euros au titre des frais de viabilisation du nouveau terrain,

9.209,90 euros au titre du surcoût sur le prix du terrain de substitution,

35.000 euros de préjudice moral,

15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

les condamne aux dépens.

Par conclusions du 09 février 2016, Me [S] et la SCP [A] [S]-[J] [S]- [E] [S]-[T] [N] ont sollicité que la Cour :

statue de ce que droit sur la résolution du compromis et la demande d'indemnité d'immobilisation,

confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Lamotte des demandes émises contre eux,

infirme le jugement pour le surplus,

déboute les époux [C] des prétentions qu'ils forment contre eux,

condamne la société Lamotte à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les demandes de la société LAMOTTE :

Le contrat de vente conclu avec M. et Mme [C]:

L'acte sous seing privé conclu le 26 novembre 2010, entre la société Espace et Vie et M. et Mme [C], n'est pas un contrat de réservation comme le prétend la société Lamotte mais une promesse synallagmatique de vente puisqu'il y est indiqué que « le vendeur vend à l'acquéreur, qui accepte, une parcelle de terrain à bâtir sis à (') cette vente a lieu aux conditions ordinaires et de droit en pareille matière et notamment sous celles suivantes ' » ; aux termes de cet acte, un acompte de 6.500 euros était versé par les époux [C] au lotisseur.

Or, à cette date, le lotisseur n'était pas titré puisqu'il bénéficiait uniquement d'une promesse synallagmatique de vente sur le terrain allant être loti, lui ayant été consentie par les ayants-droit de M. [M], propriétaire décédé du terrain, signée par devant Me [S] .

D'une part, à cette même date, il était uniquement titulaire d'un permis d'aménager et n'avait ni achevé les travaux d'aménagement du lotissement ni bénéficié de la dérogation prévue par les dispositions de l'article R442-13 du code de l'urbanisme, qu'il n'a obtenu que le 12 mai 2011.

Dès lors, à la date à laquelle est intervenue la promesse, la vente des lots était interdite à la société Lamotte, ce que lui rappelait expressément son permis d'aménager et ce qu'elle reconnaissait d'ailleurs dans ses conclusions récapitulatives dans le litige l'ayant opposé à d'autres acquéreurs, les époux [Y].

D'autre part, la promesse synallagmatique prévoyait que l'acquéreur aurait la jouissance des biens vendus à compter de Juin 2011 et que le vendeur garantissait l'acquéreur contre tous troubles et empêchements quelconques concernant la prise de possession.

Il est incontestable qu'en raison de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le lotisseur de réitérer la promesse de vente qu'il avait conclu avec les propriétaires du terrain à lotir, M. et Mme [C] ont reçu, le 08 février 2011, un courrier de la société Lamotte les informant d'un premier retard, puis, le 29 juin 2011, un courrier de Me [S] les informant d'un retard supplémentaire, la date prévue pour leur propre réitération étant désormais fixée au mois de décembre 2011.

Le 11 juillet 2011, la société Lamotte a tenté de faire signer aux époux [C] un « avenant » selon lequel les parties décidaient de proroger la date de réalisation de l'acte authentique jusqu'au 31 décembre 2011 et prévoyant que l'acquéreur « en connaissance de cause, renonce dès à présent à exercer tout recours contre le vendeur si cette acquisition ne pouvait aboutir ; la bonne fin de cette acquisition n'étant pas garantie par le vendeur ».

Le 25 octobre 2011, la société Lamotte a écrit aux époux [C] pour les informer demander un permis d'aménager modificatif et le 22 décembre 2011, les époux [C] ont été avisés par Me [S] que celui-ci n'avait pas été obtenu et que la réitération de la vente de leur lot était « espérée pour le mois de mars 2012, sans garantie pour le moment » ; le 14 février 2012, le chèque d'acompte qu'ils avaient remis au lotisseur leur a été retourné, non encaissé, par Me [S].

Le 13 avril 2012, les époux [C] recevaient un long courrier de Me [S] les informant qu'en raison du litige intervenu entre les légataires de M. [M], la société Lamotte ne pouvait réitérer sa propre promesse synallagmatique de vente ; il les informait aussi que, compte tenu de « l'absence quasi-totale de risque », les Mutuelles du Mans s'engageaient à garantir chaque acquéreur d'un lot du risque d'éviction en s'engageant, dans un tel cas de figure, à rembourser la valeur du terrain et des constructions au jour de l'éviction déterminée à l'amiable ou à dire d'expert, les frais d'acquisition et une indemnité de remploi de 5% de la valeur du terrain et des constructions ; Me [S] terminait son courrier en indiquant que l'engagement proposé permettait l'établissement des actes malgré la présence d'un aléa juridique.

Les époux [C], qui avaient compris, grâce à l'assistance d'un conseil et de leur propre notaire, que la prétendue « garantie d'éviction » n'était rien d'autre qu'une garantie de l'indemnisation des conséquences financières d'une éventuelle éviction, ont refusé de déférer à la sommation de comparaître que leur avait fait délivrer la société Lamotte pour signer l'acte de vente ; par l'intermédiaire de leur conseil et aux termes d'un long courrier justifiant de leur position juridique, ils ont sollicité de Me [S], devant lequel ils étaient sommés de comparaître, l'établissement d'un procès-verbal de difficultés ; celui-ci a été établi le 08 janvier 2013 par Me [S].

A la date à laquelle la Cour statue dans le présent litige, compte tenu des nombreuses procédures judiciaires opposant les légataires de M. [M], la société Lamotte n'a toujours pas été en mesure de réitérer par acte authentique la promesse de vente qui lui avait été consentie par ces derniers.

Au regard de l'ensemble des circonstances venant d'être rappelées, il est pour le moins surprenant que la société Lamotte ait jugé nécessaire d'assigner les époux [C] pour voir résoudre, à leurs torts, la promesse synallagmatique de vente et les voir condamner à lui payer une indemnité d'immobilisation.

Elle prétend n'avoir commis aucune faute à leur égard, ce qui justifierait ses prétentions.

La société Lamotte, qui est l'un des principaux groupes de promotion immobilière de Bretagne et des Pays de Loire, et qui à ce titre est particulièrement bien informée des dispositions relatives au droit des lotissements, a commis une double faute envers les époux [C], puisqu'elle leur a consenti une promesse synallagmatique de vente sur un terrain sur lequel elle-même ne disposait pas d'un titre de propriété et au surplus, en contravention avec les dispositions du code de l'urbanisme.

S'il est certain qu'elle n'est pas responsable de l'imbroglio juridique relatif à la succession de M. [M] et que seul, Me [S] est responsable des circonstances dans lesquelles a été passée devant lui une promesse synallagmatique de vente entre elle-même et les consorts [M], elle n'en est pas moins responsable pour partie des préjudices exposés par ses propres acquéreurs.

Me [S] en effet, n'a pas rédigé les promesses synallagmatiques sous seings privés qu'elle a consenties aux acquéreurs des lots et sa propre faute n'est d'aucune influence sur leur caractère prématuré ; ne les ayant pas rédigées, Me [S] n'avait pas à attirer l'attention de la société Lamotte, sur leur caractère prématuré, d'autant que professionnel de l'immobilier, elle en avait parfaitement conscience ; dans ses conclusions devant le tribunal de grande instance de Nantes dans l'instance l'opposant aux époux [Y], elle écrivait ainsi « il est vrai que la pratique des promesses de vente synallagmatiques, fréquentes chez les lotisseurs, n'est pas conforme aux textes. Cette pratique est en réalité imposée par les établissements financiers qui exigent désormais une pré-commercialisation du lotissement avant d'accorder une garantie extrinsèque d'achèvement (') la pratique illicite ne relève donc d'aucune malice mais de nécessités financières ».

La société Lamotte aurait-elle attendu d'être elle-même titrée, ou même d'avoir obtenu la dérogation prévue par les dispositions de l'article R442-13 du code de l'urbanisme, accordée en mai 2011, qu'elle aurait eu connaissance des difficultés relatives aux légataires, qui se sont révélées au mois de décembre 2010.

Dès lors, elle aurait pu solliciter auprès du notaire l'indemnisation de l'éventuel préjudice commercial découlant de cette situation mais n'aurait pas eu à se préoccuper au surplus de celui des sous-acquéreurs, qui n'aurait pas été constitué.

Ces motifs justifient qu'elle soit déboutée de sa demande visant à prononcer la résolution du contrat aux torts des époux [C] et à voir condamner ceux-ci à lui payer la somme de 6.500 euros à titre d'indemnité d'immobilisation.

Inversement, la demande des époux [C], visant à se voir délivrer le terrain avec une garantie d'éviction ne peut aboutir et par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat aux torts de la société Lamotte.

Les demandes d'indemnisation :

Ainsi qu'il vient d'être dit, les demandes d'indemnisation formées contre les époux [C] par la société Lamotte ne peuvent aboutir.

En revanche, doit être examinée la demande formée contre Me [S].

Me [S] a rédigé la promesse synallagmatique de vente conclue entre la société Lamotte et Mme [X] [M], en sa qualité de légataire universelle de M. [B] [M] et M. [Q] [M].

Il s'est assez rapidement avéré que ces personnes n'avaient probablement pas qualité pour signer cette promesse de vente, ce que différentes décisions de justice ont ensuite confirmé, en raison d'une interprétation erronée des conséquences d'un droit de retour (M. [Q] [M] n'avait en réalité aucun droit sur les biens qu'il vendait) et du testament de M. [B] [M] (un mineur était légataire et aurait dû intervenir à l'acte).

La responsabilité de Me [S] est incontestable et directement à l'origine des préjudices subis par la société Lamotte ; celle-ci, depuis la signature de la promesse de vente avec les consorts [M], a entrepris de nombreuses études, démarches et travaux de viabilisation, la conduisant à bénéficier d'un permis d'aménager le 28 juin 2010 puis, au mois de mai 2011, d'un arrêté de dérogation lui permettant de procéder à la commercialisation des lots ; durant tout le printemps 2011, elle n'a obtenu que des informations parcellaires de Me [S] sur le litige opposant les consorts [M] et les difficultés prévisibles pouvant en résulter, ce qui lui a interdit de pouvoir prendre en toute connaissance de cause les décisions qui aurait pu éventuellement permettre de limiter son préjudice.

La compagnie d'assurance de Me [S] n'est intervenue pour proposer une « garantie d'éviction » qu'après qu'une première procédure ait été engagée par les époux [Y], et ainsi que l'a relevé la cour, cette garantie n'est en tout état de cause qu'une garantie d'indemnisation des conséquences d'une éventuelle éviction.

En d'autres termes, si même elle n'avait pas vendu le lot numéro 37 aux époux [C], la société Lamotte se serait trouvée au mois de mai 2011 avec un lot dont, malgré l'importance des frais engagés, elle n'aurait pas su si elle pouvait le commercialiser, et pour lequel à compter d'avril 2012, la seule solution était de rechercher des acquéreurs acceptant le risque d'une éventuelle éviction.

Son préjudice d'immobilisation est par conséquent, incontestable, imputable au seul Me [S], et indépendant des fautes qu'elle a elle-même commises envers les époux [C].

Pour ce motif, il est fait droit à sa demande indemnitaire et Me [S] et la société notariale sera condamnée à lui payer la somme de 6.500 euros à ce titre, le jugement étant infirmé de ce chef.

La demande émise au titre du préjudice moral ne peut en revanche aboutir, non parce que la société Lamotte est une personne morale mais parce que l'atteinte à son image ayant résulté de ses difficultés avec ses clients est la conséquence du caractère prématuré des promesses de vente qu'elle avait consenties et non des fautes commises par Me [S].

Le jugement est par conséquent, confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Les demandes indemnitaires des époux [C] :

Les époux [C] ont acquis un autre terrain le 03 juillet 2012 et modifié en conséquence, leurs projets constructifs. Ils forment des demandes indemnitaires contre la société Lamotte et Me [S] au motif que tant le retard pris par leur projet de construction que les coûts supplémentaires induits par sa modification ont été constitutifs pour eux d'un préjudice.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, la société Lamotte est responsable pour partie de leur préjudice.

S'agissant de Me [S], il vient d'être dit qu'il n'était pas responsable de la constitution du préjudice des époux [C].

En revanche, il est certainement responsable de sa pérennisation et d'un certain nombre de frais qui en sont découlés pour les époux [C], d'une part, en ne mettant pas en mesure la société Lamotte de prendre les décisions qui s'imposaient, comme par exemple de rechercher une résolution amiable des ventes consenties plutôt que de tenter de faire signer des avenants douteux, d'autre part, en n'usant pas de son devoir de conseil auprès des acquéreurs, en leur faisant croire que l'opération restait possible sans risque alors qu'il a été rapidement certain que l'issue des procédures [M] allait être longue et compliquée et que le risque d'éviction n'a jamais été anéanti.

Cette attitude a conduit les époux [C] à rester plusieurs mois dans l'incertitude sur ce qu'il convenait de faire quant à la poursuite de leur projet, avec les frais en découlant, et à devoir engager des frais de conseil pour pouvoir faire des choix éclairés.

Les préjudices, dont l'indemnisation est demandée, ont ainsi une double cause qui justifie une condamnation in solidum, de la société Lamotte et de Me [S] à les réparer.

La demande relative au crédit d'impôt :

Les époux [C] exposent qu'ils ont été empêchés de bénéficier de dispositions relatives à un crédit d'impôt relatif aux intérêts d'emprunt exposés pour la construction d'une résidence principale à faible consommation d'énergie ; en effet, celui-ci a été supprimé en 2012, leur interdisant d'en bénéficier.

Toutefois, les époux [C] ne versent aux débats aucune pièce relative à leur situation fiscale et notamment, au fait qu'ils payaient à l'époque un impôt sur le revenu d'un montant suffisant pour pouvoir bénéficier partiellement ou totalement du crédit d'impôt revendiqué

Par conséquent, cette demande est rejetée et le jugement est infirmé de ce chef.

La demande au titre des loyers :

Contrairement à ce qu'affirment les époux [C], un loyer n'est pas versé à « fonds perdus » mais est la contrepartie de l'occupation d'un bien immobilier ; son paiement ne constitue donc pas un préjudice indemnisable.

S'agissant du préjudice de jouissance invoqué à titre subsidiaire, celui-ci se confond avec la demande qui sera examinée plus bas en indemnisation d'un préjudice moral et de jouissance.

La demande au titre du déménagement :

Afin de financer leur nouveau domicile, les époux [C] avaient vendu un bien et avaient pris une location, selon eux provisoire car trop petite pour leur famille, dont ils ont dû déménager quand ils ont pris conscience du retard très important pris par leur projet immobilier.

De telles circonstances de fait relèvent de choix personnels sans lien avec les fautes imputables au lotisseur et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes émises à ce titre.

Le surcoût de la taxe d'aménagement :

Les époux [C] justifient d'une réforme du mode de calcul de la taxe entre 2011 et 2012 et de l'augmentation consécutive qui en est résulté.

Il leur est donc alloué 1.795 euros à ce titre.

L'assurance du prêt :

Le retard pris par l'opération et les incertitudes juridiques ayant prévalu quant au sort définitif de leur projet a interdit aux époux [C] de renoncer rapidement aux offres de prêt qui leur avaient été consenties et les a simplement conduits à en demander la suspension durant quelques mois, pendant lesquels ils ont toutefois dû payer des cotisations d'assurances.

La demande émise à ce titre est par conséquent justifiée et il leur est alloué la somme de 2.534,22 euros.

L'augmentation du taux d'intérêt du prêt patronal :

Les pièces versées aux débats justifient de l'augmentation alléguée entre 2011 et 2012 et il est fait droit à la demande indemnitaire présentée à titre, soit la somme de 246 euros.

La véranda :

Aucune pièce ne justifiant du fait que l'acompte a été perdu (et donc que le projet n'ait pas été réalisé) ou qu'au contraire, la véranda ait été réalisée pour un coût plus élevé que prévu, la demande émise à ce titre est rejetée.

Le surcoût du nouveau terrain :

Les époux [C] ont acquis un terrain dans la même commune, pour le même prix que celui ayant fait l'objet de la promesse de vente avec la société Lamotte.

Toutefois, ce terrain est plus cher, dans la mesure où il est plus petit de 45 m² et qu'il n'est pas viabilisé ; en outre, les époux [C] ont dû payer des honoraires d'agence immobilière.

La comparaison du prix au mètre carré, viabilisation comprise, des deux terrains est sans intérêt dans la mesure où le nouveau terrain peut être situé dans un emplacement plus agréable que celui proposé par la société Lamotte et avoir ainsi plus de valeur.

En revanche, il est certain que le fait de devoir payer des honoraires d'agence immobilière, non exposés dans le projet initial, est une conséquence directe de l'échec de celui-ci.

Il est donc accordé à ce titre la somme de 9.750 euros représentant les honoraires payés.

Le préjudice moral et de jouissance :

Le projet immobilier des époux [C] a été retardé au total d'une année puisque la société Lamotte leur avait promis la livraison de leur lot pour Juin 2011 et qu'ils ont signé l'acte authentique d'acquisition de leur nouveau terrain au mois de Juillet 2012.

Durant plusieurs mois, ils ont subi de nombreux tracas et ils ont dû se faire assister de conseils (avocat, notaire) pour prendre des positions avisées sur les propositions qui leur étaient faites tant par la société Lamotte que par l'assureur de Me [S].

Ils ont dû continuer, durant une année de plus, à habiter une maison en location.

L'ensemble de ces préjudices justifie l'allocation de la somme de 8.000 euros.

Au total, la société Lamotte, Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] sont donc condamnés à payer, à titre de dommages et intérêts aux époux [C], la somme de 22.325,22 euros et le jugement est infirmé de ce chef.

Dans leurs rapports entre eux, la société Lamotte d'une part, Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] d'autre part, contribueront à la dette pour moitié chacun, et la société Lamotte sera garantie par Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] à hauteur de cette moitié.

Les dépens et les frais irrépétibles :

La société Lamotte, Me [S] et la SCP [S]-[S]-[N], qui succombent, sont condamnés in solidum, aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 3.000 euros aux époux [C] au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société Lamotte Aménageur Lotisseur contre Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] au titre de son préjudice d'immobilisation, et en ce qu'il a condamné la société Lamotte Aménageur Lotisseur in solidum avec Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] à payer aux époux [C] la somme de 30.735 euros de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau :

Condamne solidairement, Me [P] [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] à payer à la SAS Lamotte Aménageur Lotisseur la somme de 6.500 euros de dommages et intérêts.

Condamne in solidum, la SAS Lamotte Aménageur Lotisseur d'une part, Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N], d'autre part, à payer à M. [H] [C] et Mme [K] [O] épouse [C] la somme de 22.325,22 euros de dommages et intérêts.

Dit que dans leurs rapports entre eux, la société Lamotte d'une part, Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] d'autre part, contribueront à la dette pour moitié chacun, et la société Lamotte sera garantie par Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] à hauteur de cette moitié.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne in solidum, la SAS Lamotte Aménageur Lotisseur d'une part, Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Condamne in solidum la SAS Lamotte Aménageur Lotisseur d'une part, Me [S] et la SCP [A] [S]-[P] [S]-[T] [N] à payer M. [H] [C] et Mme [K] [O] épouse [C] la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Rejette les autres demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/04090
Date de la décision : 10/05/2016

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/04090 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-10;15.04090 ?
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