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24/01/2018 | FRANCE | N°16-21492

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 janvier 2018, 16-21492


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 mai 2016), que M. Z..., titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la société Lyonnaise de banque (la banque), a assigné cette dernière en remboursement d'une somme inscrite le 18 avril 2011 au débit de ce compte, au titre d'un retrait d'espèces qu'il contestait avoir effectué ;

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que c'est au banquier, tenu d'une obligation d

e restitution en sa qualité de dépositaire des fonds, qui se prétend libéré de son o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 mai 2016), que M. Z..., titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la société Lyonnaise de banque (la banque), a assigné cette dernière en remboursement d'une somme inscrite le 18 avril 2011 au débit de ce compte, au titre d'un retrait d'espèces qu'il contestait avoir effectué ;

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que c'est au banquier, tenu d'une obligation de restitution en sa qualité de dépositaire des fonds, qui se prétend libéré de son obligation, de justifier de la remise effective des fonds ; qu'en l'espèce, M. Z... exposait ne pas avoir reçu la somme de 400 000 euros dont il avait sollicité la remise et que la banque était dans l'incapacité de produire le reçu, signé par lui, qui aurait attesté de sa prise de possession de la somme de 400 000 euros ; qu'en retenant qu'au regard de la régularité de la procédure habituelle de remise des fonds, il appartenait à M. Z... de rapporter la preuve d'un fait de nature à renverser la présomption de régularité de cette opération, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ qu'il ne peut être prouvé contre un non commerçant que par un écrit dès lors que l'obligation en cause excède la somme de 1 500 euros ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relevait que la banque a été dans l'impossibilité de produire le reçu, signé par M. Z..., qui aurait attesté de sa prise de possession de la somme de 400 000 euros ; qu'en déduisant du respect par la banque de la procédure habituelle de remise de fonds, la remise effective à M. Z... des fonds litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°/ que si la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client, pendant le délai convenu ou, à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à leur auteur l'irrégularité de ces opérations ; qu'en relevant, pour le débouter de ses demandes, que M. Z... n'a pas émis de réserves lors de la réception des relevés bancaires, la cour d'appel, qui a statué par un motif totalement inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134, 1927 et 1930 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°/ que nul ne peut être contraint d'administrer la preuve d'un fait négatif ; qu'en retenant que M. Z... ne prouvait pas le défaut de remise des fonds litigieux, la cour d'appel, qui a exigé de ce dernier la preuve d'un fait négatif, a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, en premier lieu, que le paiement que constitue la restitution des fonds par le banquier dépositaire, qui est un fait, se prouve par tous moyens ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève d'abord que le processus classique de retrait d'espèces auprès de la banque prévoit que le client doit se présenter à la banque, signer une lettre de décharge et introduire obligatoirement sa carte bancaire dans le lecteur pour retirer des fonds, lesquels, dans l'hypothèse de retraits importants, sont commandés spécialement par l'établissement bancaire et livrés le jour-même, et que cette procédure a été suivie lors de deux retraits d'un montant de 400 000 euros chacun effectués les 2 septembre 2010 et 13 octobre 2011 sans faire l'objet d'aucune contestation de la part de M. Z... ; qu'il constate ensuite que la banque verse aux débats un bulletin de rachat partiel d'un contrat d'assurance-vie du 18 mars 2011 pour un montant de 400 000 euros signé par M. Z..., une fiche de réservation du 13 avril 2011 pour une commande de la somme de 400 000 euros, indiquant le numéro du compte à débiter et le numéro de la carte bancaire de M. Z... qui a effectivement été utilisée pour cette opération, une lettre de décharge de responsabilité du 18 avril 2011 signée par M. Z... et un reçu de livraison des fonds à raison de quatre colis contenant chacun 100 000 euros ; qu'il déduit de ces éléments la preuve que, bien qu'aucun reçu du retrait des fonds n'ait été produit aux débats, M. Z... a entendu bénéficier d'un rachat de fonds à hauteur de 400 000 euros, que la procédure habituelle de remise des fonds a été respectée et qu'il s'est rendu à la banque se faire remettre la somme de 400 000 euros le 18 avril 2011 quand la livraison de cette somme à la banque venait d'être effectuée ; qu'il retient encore que M. Z... n'apporte aucun élément démontrant que la banque lui ait demandé de patienter jusqu'à ce qu'il soit recontacté ultérieurement pour la remise des fonds, qu'une telle demande impliquait en tout état de cause une diligence de sa part compte tenu de l'importance des sommes engagées et qu'il n'explique pas comment il aurait pu signer une décharge de responsabilité concernant la remise en espèces d'une telle somme et accepter que cette somme ne puisse lui être remise immédiatement, ni pourquoi, après avoir effectué l'ensemble des démarches pour obtenir le rachat partiel de son assurance-vie, il ne se serait plus soucié d'en obtenir la perception effective ; qu'il relève enfin que, durant plus d'une année, M. Z... n'a pas contesté le débit sur son compte de cette somme de 400 000 euros, y compris avant d'effectuer un nouveau retrait dans les mêmes conditions le 13 octobre 2011, soit quelques mois après l'opération contestée, et retient que cette absence de contestation des relevés de banque laisse présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, venant conforter les éléments précédemment évoqués, sans que M. Z... ne rapporte la preuve d'aucun fait de nature à renverser cette présomption de régularité de l'opération ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations procédant de son pouvoir souverain, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et sans exiger de M. Z... une preuve négative, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Lyonnaise de banque la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. Z...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. Lucien Z... de sa demande de condamnation de la SA Lyonnaise de Banque à lui verser la somme de 400.000 euros en remboursement de la somme débitée de son compte le 18 avril 2011 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'

« Au soutien de sa demande en paiement, monsieur Z... se prévaut du défaut de communication par la banque d'un reçu, signé par lui, attestant de sa prise de possession de la somme de 400.000,00€ au titre d'un deuxième rachat partiel de fonds de son assurance-vie souscrite auprès de la société Generali.
Il est constant que la banque a été dans l'impossibilité de produire ce reçu.
Pour démontrer la remise des fonds, la société CIC Lyonnaise de Banque communique:
*un bulletin de rachat partiel du contrat d'assurance-vie Generali en date du 18 mars 2011 pour un montant de 400.000,00€ signé par monsieur Z..., *une fiche de réservation en date du 13 avril 2011, pour une commande de la somme de 400.000,00€ en billets de 500,00€, indiquant le numéro du compte à débiter et le numéro de la carte bancaire de monsieur Z... utilisée pour cette opération, *une lettre de décharge de responsabilité en date du 18 avril 2011 signée par monsieur Z...,
*un reçu de la livraison des fonds, à raison de quatre colis contenant chacun 100.000,00€, le 18 avril 2011 à 9 heures 50.
Il se déduit de ces éléments la preuve que monsieur Z... a bien entendu bénéficier d'un rachat de fonds à hauteur de 400.000,00€ et de sa présence dans les locaux de la banque, le 18 avril 2011, concomitamment à la réception des fonds commandés par lui.
Monsieur Z... n'explique pas comment il aurait pu signer une décharge de responsabilité concernant la remise en espèce d'une très importante somme et accepter que cette somme ne puisse lui être remise immédiatement.
Il n'expose pas davantage pourquoi après avoir effectué l'ensemble des démarches pour obtenir le rachat partiel de son assurance-vie, il ne se serait plus occupé d'en obtenir la perception effective.
Durant plus d'une année, monsieur Z... n'a pas contesté le débit sur son compte de la somme de 400.000,00€, y compris avant de solliciter un nouveau rachat partiel, le 13 octobre 2011, soit quelques mois après l'opération contestée, sans pour autant élever à ce moment-là la moindre réclamation.
Ainsi, l'absence de contestations des relevés de banque laisse présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, venant conforter les éléments sus-visés.
Monsieur Z..., qui remet en cause le retrait du 18 avril 2011, ne rapporte la preuve d'aucun fait de nature à renverser la présomption de régularité de cette opération.
De surcroît, monsieur Z... a refusé de communiquer ses déclarations d'ISF, ce qui aurait permis certaines vérifications affaiblissant ou non la position de la banque.
Dans ces conditions, la banque, produisant un ensemble d'éléments concordants entre eux, démontre, conformément aux dispositions de l'article 1315 du code civil, le bien-fondé du prélèvement opéré, le 18 avril 2011, sur le compte de monsieur Z... pour la somme de 400.000,00€, sans que celui-ci ne prouve le défaut de remise des fonds » (arrêt attaqué, p. 4 et 5).

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« Attendu que selon le processus classique de retrait d'argent auprès de la SA BANQUE LYONNAISE, le client doit se présenter à la banque, signer une lettre de décharge, et introduire obligatoirement sa carte bancaire dans un lecteur pour retirer des fonds, lesquels dans l'hypothèse de retraits importants sont commandés spécialement par l'établissement bancaire et livrés le jour même ;
Qu'en l'espèce cette procédure a été suivie lors des retraits du 2 septembre 2010 et du 13 octobre 2011 d'un montant de 400.000€ chacun, sans qu'elle fasse l'objet d'aucune contestation de la part de Monsieur Z... ;
Que concernant le retrait du 18 avril 2011 litigieux, il résulte des pièces produites que :
-selon bulletin de rachat partiel en date du 18 mars 2011, Monsieur Lucien Z... a demandé à la SA CIC LYONNAISE DE BANQUE que la somme de 400.000€ figurant sur son contrat d'assurance vie lui soit remise par virement bancaire,
-Monsieur Z... a rempli une fiche de réservation le 13 avril 2011 par laquelle il indiquait son numéro de carte bancaire, qui a effectivement été utilisé pour retirer les fonds le 18 avril 2011,
- par opération du 18 avril 2011 référencée 18023B00, le compte privé de Monsieur Lucien Z... a effectivement été débité de la somme de 400.000€ en espèces le même jour ;
Attendu que si M. Z... conteste cette remise de la somme de 400.000 €, la SA BANQUE LYONNAISE verse aux débats des éléments justifiant des différentes étapes de la procédure de remise effective de ces fonds au demandeur le 18 avril 2011, à savoir :
-le relevé de compte du mois d'avril 2011,
-le bulletin de rachat partiel à hauteur de 400.000€ du contrat d'assurance vie signé à Grenoble le 18 mars 2011 comportant la mention "lu et approuvé' de Monsieur Lucien Z...,
-la reconnaissance manuscrite par M. Z... d'avoir pris connaissance du courrier concernant sa demande de retrait de la somme de 400.000 € et confirmant sa demande, datée du 18 avril 2011,
- la fiche de réservation exceptionnelle établie par la préposée de l'établissement bancaire, au nom de M Z... portant sur la somme de 400.000 € devant être mis à disposition le lundi 18 avril au MATIN,
- le récépissé de livraison à la banque le 18 avril 2011 9h04 des colis contenant les sommes d'argent en espèces,
- ainsi que le justificatif du retrait des fonds du 18 avril 2011 à 10h24 ;
Que bien qu'aucun reçu de retrait relatif à la somme de 400.000€ n'est produit aux débats, l'ensemble des pièces susvisées démontre que la procédure habituelle de remise des fonds a été respectée, procédure que M. Z... connaissait ;
Que ces pièces qui se complètent sont suffisantes pour établir que Monsieur Lucien Z... s'est rendu à la banque se faire remettre la somme de 400.000€ le 18 avril 2011 alors que la livraison de cette somme venait d'être effectuée;
Que de plus Monsieur Lucien Z..., qui était présent à la banque le 18 avril 2011 au matin, n'apporte aucun élément démontrant que la SA BANQUE LYONNAISE lui a demandé de "patienter" jusqu'à ce qu'il soit recontacté ultérieurement pour la remise des fonds alors même qu'une telle demande n'a jamais été formulée tant précédemment que postérieurement ;
Qu'en tout état de cause une telle demande devait impliquer une diligence de sa part compte tenu de l'importance des sommes engagées et il convient de relever que M Z... qui a effectué un nouveau retrait, dans les mêmes conditions auprès de la Banque le 13 octobre 2011, ne s'est nullement inquiété du sort de sa précédente opération ;
Qu'en conséquence M. Z... sera débouté de sa demande » ;

1°) ALORS QUE c'est au banquier, tenu d'une obligation de restitution en sa qualité de dépositaire des fonds, qui se prétend libérer de son obligation, de justifier de la remise effective des fonds ; qu'en l'espèce, M. Z... exposait ne pas avoir reçu la somme de 400.000 euros dont il avait sollicité la remise et que la banque était dans l'incapacité de produire le reçu, signé par lui, qui aurait attesté de sa prise de possession de la somme de 400.000 euros ; qu'en retenant qu'au regard de la régularité de la procédure habituelle de remise des fonds, il appartenait à M. Z... de rapporter la preuve d'un fait de nature à renverser la présomption de régularité de cette opération, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°) ALORS QUE qu'il ne peut être prouvé contre un non commerçant que par un écrit dès lors que l'obligation en cause excède la somme de 1.500 euros ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relevait que la banque a été dans l'impossibilité de produire le reçu, signé par M. Lucien Z..., qui aurait attesté de sa prise de possession de la somme de 400.000 euros ; qu'en déduisant du respect par la banque de la procédure habituelle de remise de fonds, la remise effective à M. Z... des fonds litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°) ALORS QUE si la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client, pendant le délai convenu ou, à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à leur auteur l'irrégularité de ces opérations ; qu'en relevant, pour le débouter de ses demandes, que M. Z... n'a pas émis de réserves lors de la réception des relevés bancaires, la Cour d'appel, qui a statué par un motif totalement inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134, 1927 et 1930 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°) ALORS QUE nul ne peut être contraint d'administrer la preuve d'un fait négatif ; qu'en retenant que M. Z... ne prouvait pas le défaut de remise des fonds litigieux, la cour d'appel, qui a exigé de ce dernier la preuve d'un fait négatif, a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-21492
Date de la décision : 24/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 24 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 jan. 2018, pourvoi n°16-21492


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, Me Ricard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21492
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