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24/01/2018 | FRANCE | N°16-11646

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 janvier 2018, 16-11646


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 4 septembre 2008 par la société GI production en qualité de technico-commercial, M. Y... a été licencié pour motif économique par lettre du 15 décembre 2011 après adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la société GI p

roduction justifie de la réalité des motifs économiques en produisant ses comptes annuels de ré...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 4 septembre 2008 par la société GI production en qualité de technico-commercial, M. Y... a été licencié pour motif économique par lettre du 15 décembre 2011 après adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la société GI production justifie de la réalité des motifs économiques en produisant ses comptes annuels de résultats et prévisionnels tels qu'exactement décrits dans la lettre de licenciement ;

Attendu cependant que, lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, des difficultés économiques ne peuvent justifier un licenciement que si elles affectent le secteur d'activité du groupe dans lequel intervient l'employeur ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si le secteur d'activité du groupe, auquel il était soutenu que l'entreprise appartenait, était confronté à des difficultés économiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement qui retient que le licenciement de M. Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 16 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société GI production, prise en la personne de la société MJ synergie, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GI production, prise en la personne de la société MJ synergie, ès qualités, à payer la somme de 3 000 euros à Me Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit Monsieur Franck Y... mal fondé en ses plus amples demandes et de l'avoir débouté desdites demandes ;

AUX MOTIFS QUE :

Sur les demandes afférentes au licenciement :

M. Y... a été licencié pour raison économique par lettre du 15 décembre 2011 aux motifs essentiels ci-après reproduits :

« (
) Notre structure doit faire face à une situation économique et financière particulièrement difficile. C'est ainsi que le CA et les résultats de la société ont évolué de la manière suivante sur les 3 derniers exercices :
Au 31/12/2008, le CA net :16 248 669 ; résultat d'exploitation – 486 005 ; perte de 335 049 ;
Au 31/12/2009, le CA net : 10 585 036 ; résultat d'exploitation – 488 019 ; perte de 578 458 ;
Au 31/12/2010, le CA net : 11 859 817 ; résultat d'exploitation – 321 188 ; perte de 296 575 ;
Prévisionnel au 31/12/2011, le CA net : 10 850 000 ; résultat d'exploitation – 420 000 ; perte de 150 000.
Les deux derniers exercices sont marqués par une érosion significative de la marge brute, de 2 points entre 2009 et 2010 et sans amélioration en 2011 du fait de tensions sur le coût des matières premières. Dans le même temps les frais de structure restaient à un niveau équivalent.
(
) En 2001 la société GI Production a livré 1 500 gîtes. A périmètre constant, le nombre d'unités de gîtes livrés est évalué à 630 au 31 décembre 2011, soit une baisse de 58 % de l'activité.
(
) Ce constat contraint la société (
) à une réorganisation de sa stratégie commerciale. (
) Dans ce cadre votre poste de technico-commercial qui ne s'avère plus justifié doit être supprimé et la mission s'y rapportant sera externalisée et confiée à une personne ou une société indépendante juridiquement.
Dans le cadre de notre obligation de reclassement, et après avoir passé en revue les disponibilités dans l'entreprise et dans le groupe auquel elle appartient, nous vous avons proposé les postes suivants :
Technico-commercial sur le secteur Normandie-Nord-Centre (
) niveau 8 échelon 1 coefficient 345, cadre, 1520 € + 3 % de commissions + avn, lieu de travail : secteur, type : CDI
Technico-commercial sur le secteur Bretagne-Vendée (
) niveau 8 échelon 1 coefficient 345, cadre, 1520 € + 3 % de commissions + avn, lieu de travail : secteur, type : CDI

(
) Vous n'avez pas accepté ces propositions et nous ne sommes malheureusement pas en mesure de pouvoir vous proposer d'autre poste (
) compatible avec votre qualification. » ;

Pour justifier de la réalité desdits motifs, la société Gi Production produit en premier lieu ses comptes annuels de résultats et prévisionnels tels qu'exactement décrits dans la lettre de licenciement, ainsi que sa lettre au salarié du 21 novembre 2011 remise en mains propres contre décharge lui proposant dans le cadre de la recherche de son reclassement les deux postes qui sont aussi rappelés dans ladite lettre de congédiement.

Dans le cadre de sa recherche de reclassement de l'intéressé, elle produit également deux lettres du 2 décembre 2011 en ce sens à des filiales de son groupe, la société Rabotec et à la société Pierre et Bois Industrie, susceptibles par leurs activités de disposer de postes compatibles avec les compétences de M. Y..., ainsi que la réponse négative desdites entreprises.

M. Y... soutient que son poste n'aurait pas été supprimé et qu'il aurait été confié à M. A..., salarié recruté en septembre 2010 afin de le remplacer pendant son arrête de maladie de longue durée.

Or en droit, la suppression d'un poste pour motif économique, même si elle s'accompagne de la reprise des tâches accomplies par le salarié par un autre salarié demeuré dans l'entreprise, est bien une suppression d'emploi.

Tel est le cas en l'espèce de M. A..., domicilié  dans la région    lyonnaise     et à qui, après la réorganisation opérée, les tâches commerciales de M. Y... ont été confiées par ajout à celles qu'il avait déjà, dans la cadre d'un secteur de prospection élargi.

Ces éléments sont suffisants pour considérer, par application des articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-4 du Code du travail, que le licenciement de M. Y... est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit par suite être infirmé de ce chef, et l'intéressé débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il doit en être de même de sa demande d'indemnité de préavis, alors que du fait de son adhésion le 8 décembre 2011 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé, le montant de ladite indemnité a légalement été versé à Pôle Emploi, institution qui lui a ensuite versé en contrepartie une allocation de sécurisation professionnelle, en sorte qu'il a de ce chef été intégralement rempli de ses droits.

Il doit encore en être de même de sa demande de dommages et intérêts pour manquement, de la société Gi Production, à son obligation d'avoir à lui communiquer les critères qu'elle a retenus pour fixer l'ordre des licenciements, la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges.

Sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les parties succombant pour partie en leurs prétentions respectives en cause d'appel, il est enfin équitable d'allouer à M. Y... 800 € au titre de ses frais irrépétibles en première instance et de lui accorder selon sa demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en cause d'appel.

ALORS QUE

Les difficultés économiques pouvant justifier un licenciement économique s'apprécient dans le secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; que, dans la présente espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que la Société GI PRODUCTION faisait partie du groupe GIP ; que, pourtant, les juges d'appel n'ont apprécié les difficultés économiques de l'employeur qu'au sein du seul périmètre de l'entreprise, sans vérifier si le secteur d'activité du groupe auquel appartient la Société GI PRODUCTION connaissait de telles difficultés ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a, partant, violé l'article L. 1233-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-11646
Date de la décision : 24/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jan. 2018, pourvoi n°16-11646


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.11646
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