LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui en sa première branche est recevable :
Vu l'article 668 du code de procédure civile, ensemble l'article 27 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ; qu'il résulte du second de ces textes qu'aucune forme n'est imposée pour le dépôt au greffe de la cour d'appel de l'exposé des motifs, qui doit être réalisé dans le délai d'un mois qui suit le dépôt de la déclaration lorsqu'elle ne le contient pas, à peine d'irrecevabilité de la demande ; qu'il s'ensuit que le dépôt de l'exposé des motifs peut être effectué par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que, dans ce cas, la date d'expédition de la lettre doit être prise en compte pour déterminer si le délai d'un mois pour déposer cet exposé a été respecté ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que D...
Y..., atteint d'un cancer broncho-pulmonaire et attribuant cette pathologie a une exposition à l'amiante, a sollicité du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) l'indemnisation de ses préjudices ; que celui-ci a rejeté sa demande par décision du 19 décembre 2014 ; qu'il a formé un recours devant la cour d'appel pour contester cette décision ; qu'à la suite de son décès le [...] , sa veuve, Mme Fatima Y..., et ses quatre enfants, M. Brahim Y..., M. A... Y..., Mme Halima Y... et M. Z... Y..., (les consorts Y...) ont repris volontairement cette instance ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable le recours engagé par D... Y... et repris par les consorts Y..., l'arrêt énonce que
celui-ci a saisi la cour d'appel par déclaration écrite expédiée le 23 février 2015 mais reçue au greffe le 25 février 2015, qui est la date de dépôt au sens du texte précité ; qu'il disposait donc d'un délai expirant le 25 mars 2015 pour déposer les motifs de son recours ; qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure que l'exposé des motifs de son action a été reçu, et donc déposé au greffe de la cour d'appel le 27 mars 2015, c'est-à-dire au delà du délai précité, et que ce recours est donc irrecevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le respect du délai d'un mois devait s'apprécier en prenant en compte la date d'expédition de la lettre contenant l'exposé des motifs du recours, et sans rechercher si cette lettre n'avait pas été expédiée avant l'expiration du délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours engagé par monsieur D... Y..., et repris par ses ayants droit, à l'encontre de la décision du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante du 19 décembre 2014 ;
Aux motifs que, selon les dispositions des articles 25 et 27 du décret nº2001-963 du 23 octobre 2001, les actions contre les décisions du Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante institué par l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, doivent être engagées dans le délai de 2 mois courant à compter de la notification par LRAR de l'offre ou du refus d'indemnisation ; qu'elles sont formées par déclaration écrite remise en double exemplaire contre récépissé au greffe de la cour d'appel territorialement compétente ou adressées à ce même greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration, à peine d'irrecevabilité de la demande ; qu'il n'est pas contesté que la décision de rejet de la demande de monsieur Y... par le FIVA en date du 19 décembre 2014 a été signifiée à l'intéressé le 29 décembre 2014 ; que monsieur Y... a saisi la cour par déclaration écrite expédiée le 23 février 2015 mais reçue au greffe le 25 février 2015, qui est la date de dépôt au sens du texte précité ; qu'il disposait donc d'un délai expirant le 25 mars 2015 pour « déposer » les motifs de son recours ; qu'or, il résulte de l'examen des pièces de la procédure que l'exposé des motifs de son action a été reçu, et donc « déposé » au greffe de la Cour le 27 mars 2015, c'est à dire au-delà du délai précité ; que c'est en conséquence à bon droit que le FIVA soulève l'irrecevabilité du recours engagé par monsieur Y..., tel que repris par ses ayants droits (arrêt p.5) ;
1°) Alors que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ; qu'il résulte de l'article 27 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001 qu'aucune forme n'est imposée pour le dépôt au greffe de la cour d'appel de l'exposé des motifs qui doit être réalisé dans le délai d'un mois qui suit le dépôt de la déclaration lorsque celle-ci ne le contient pas ; qu'il s'en évince que lorsque le dépôt de l'exposé des motifs est effectué par l'envoi d'une lettre, c'est la date d'expédition de cette lettre qui doit être prise en compte pour déterminer si le délai d'un mois a été respecté ; qu'en se fondant comme elle l'a fait, sur la date à laquelle le greffe avait reçu l'exposé des motifs, pour juger que le délai d'un mois était expiré et pour déclarer irrecevable le recours engagé par monsieur D... Y..., cependant que c'était la date d'expédition de la lettre contenant l'exposé des motifs qui devait être prise en compte pour se prononcer sur le respect du délai d'un mois, la cour d'appel a violé l'article 668 du code de procédure civile, ensemble l'article 27 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001 ;
2°) Alors, en tout état de cause, que les consorts Y... faisaient valoir que l'appel à l'encontre de la décision de rejet du FIVA avait été introduit par lettre du 23 février 2015, enregistré le 25 février suivant par la cour d'appel, que, conformément à l'article 27 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001, un exposé du détail des motifs et les pièces justifiant le recours avaient été expédié le 24 mars 2015, soit avant l'expiration du délai d'un mois, le 26 mars 2015 (conclusions récapitulatives et en réponse des consorts Y... p.3) ; qu'en se bornant à énoncer que l'exposé des motifs de l'action de monsieur Y... avait été reçu et donc « déposé » au greffe de la cour le 27 mars 2015 au-delà du délai d'un mois et en retenant ainsi la date de réception au greffe de la lettre contenant l'exposé des motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date d'expédition de la lettre contenant l'exposé des motifs, ce délai d'un mois n'était pas encore expiré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 668 du code de procédure civile, ensemble de l'article 27 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001.