La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2018 | FRANCE | N°17-10022

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2018, 17-10022


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2121-1 du code du travail ensemble l'article L. 2261-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu que l'évolution des conditions d'acquisition par une organisation syndicale de la représentativité telle qu'elle résulte du premier de ces textes conduit à apprécier différemment, en application du second, les conditions mises à la révision d'un accord collectif d'entreprise ; qu'aux termes de celui-ci, les

organisations syndicales de salariés représentatives, signataires d'une conventi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2121-1 du code du travail ensemble l'article L. 2261-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu que l'évolution des conditions d'acquisition par une organisation syndicale de la représentativité telle qu'elle résulte du premier de ces textes conduit à apprécier différemment, en application du second, les conditions mises à la révision d'un accord collectif d'entreprise ; qu'aux termes de celui-ci, les organisations syndicales de salariés représentatives, signataires d'une convention ou d'un accord ou qui y ont adhéré conformément aux dispositions de l'article L. 2261-3, sont seules habilitées à signer, dans les conditions prévues au chapitre II du livre III, les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord ; qu'il en résulte que l'organisation syndicale de salariés, signataire d'un accord d'entreprise, qui n'est plus représentative pour la durée du cycle électoral au cours duquel la révision d'un accord d'entreprise est proposée ne peut s'opposer à la négociation d'un tel accord ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que par accord collectif en date du 27 janvier 2009, le nombre de représentants de section syndicale au sein de la société Ricoh France a été porté à six pour une même organisation syndicale ; que l'union locale des syndicats CGT (Rungis - Orly Ville - Thiais - Chevilly Larue) (l'union locale CGT) a, sur le fondement de cet accord dont elle était signataire, par lettre du 24 mars 2016, désigné M. Y... et M. Z... en qualité de représentants de section syndicale en remplacement de Mmes C... et D... ; qu'invoquant la signature le 8 avril 2016 d'un accord de révision diminuant le nombre des représentants syndicaux conventionnels, la société Ricoh France a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ces désignations ;

Attendu que pour rejeter cette demande, le jugement retient que pour engager le processus de révision aboutissant à la signature d'un avenant de révision, il était nécessaire au préalable de recueillir le consentement unanime des signataires de l'accord de 2009, qu'en l'espèce, il n'était pas justifié d'un accord unanime de ces signataires, et qu'à défaut d'une telle preuve, l'avenant de révision du 8 avril 2016 était nul et de nul effet à l'égard des parties n'ayant pas consenti au principe de la révision et par conséquent inopposable à l'union locale CGT, que celle-ci était donc fondée à se prévaloir de l'accord collectif sur la négociation collective signé le 27 janvier 2009 relatif à un nombre plus favorable de représentants de section syndicale pour les organisations syndicales non représentatives au sein de la société Ricoh France ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'union locale CGT n'était plus représentative dans l'entreprise pour le cycle électoral au cours duquel l'invitation à la révision de l'accord d'entreprise avait été faite, le tribunal d'instance qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte l'exception d'incompétence du tribunal d'instance de Villejuif pour statuer sur le moyen opposé en défense et tendant à déclarer l'accord collectif de révision de la négociation collective, signé le 8 avril 2016 au sein de la société Ricoh France, de nul effet et non opposable à l'union locale des syndicats CGT, le jugement rendu le 23 décembre 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance de Villejuif ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ricoh France.

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré de nul effet à l'égard de l'Union locale des syndicats CGT l'accord de révision sur la négociation collective signé le 8 avril 2016, d'AVOIR dit que cet accord de révision n'est pas opposable à l'Union locale des syndicats CGT qui peut se prévaloir de l'accord collectif sur la négociation collective au niveau de la société Ricoh France signé le 27 janvier 2009, d'AVOIR rejeté la demande d'annulation de la désignation par l'Union locale des syndicats CGT de Monsieur Y... et Monsieur Z... en qualité de représentants de section syndicale au sein de la SASU. Ricoh France, en remplacement de Madame C... et de Madame D... et d'AVOIR condamné la SASU Ricoh France à payer à l'Union locale des syndicats CGT la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « en application de l'article L. 2142-1-1, chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'il n'est pas contesté qu'au jour de la désignation datée du 14 octobre 2016, l'Union locale des syndicats CGT, se prévalant d'un accord collectif du 27 janvier 2009 plus favorable, avait désigné depuis mars 2016 cinq représentants de section syndicale en les personnes de : - Monsieur F..., - Madame G..., Monsieur H..., - Madame C..., - Madame D... ; que les désignations de Messieurs Jean-Louis Y... et Monsieur Philippe Z... intervenaient en remplacement de Mesdames C... et D... ; que la société RICOH France ne conteste pas l'existence de dispositions conventionnelles plus favorables que la loi précitée mais soutient qu'un avenant de révision de l'accord collectif du 27 janvier 2009 a été signé par l'employeur et la majorité des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, le 8 avril 2016 ; qu'il ressort de l'accord de révision signé le 8 avril 2016 que le nombre de représentants de section syndicale est fixé à deux ; qu'il est soutenu que cet accord de révision est opposable à l'Union locale des syndicats CGT ; que l'Union locale des syndicats CGT demande de constater la nullité de l'accord signé le 8 avril 2016, dès lors que les conditions de révision de l'accord du 27 janvier 2009 n'ont pas été respectées en l'absence de clause de révision prévue à cet accord ; que la société RICOH conteste la compétence du tribunal d'instance pour statuer sur la validité d'un accord collectif d'entreprise ; qu'il sera rappelé qu'en matière de contentieux d'annulation d'une désignation de représentant de section syndicale, le tribunal d'instance exerce une compétence exclusive impliquant qu'il soit notamment juge de l'exception concernant le moyen soulevé en défense, de l'absence de validité d'un accord de révision, en matière de négociation collective, opposé, en demande, à l'appui de l'action en nullité de la désignation litigieuse ; que la solution du litige, portant sur la validité des désignations effectuées, dépend en effet de la validité et de l'opposabilité à l'Union locale des syndicats CGT de l'accord de révision du 8 avril 2016, réduisant le nombre de représentants syndicaux à deux ; qu'il convient en conséquence d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du tribunal d'instance statuant en matière de contentieux professionnel ; que de même, il ne peut être opposé à l'exception de nullité, soulevée en défense, le défaut d'action en annulation de l'accord de révision diligenté devant le tribunal de grande instance suite à la signature et au dépôt légal de cet accord, dès lors que des défendeurs n'étaient pas signataires de cet accord et considéraient qu'ils ne leur étaient pas opposables en l'absence de respect de la procédure de révision ; que le 27 janvier 2009, le représentant de la société RICOM et les délégués syndicaux au sein de l'entreprise pour les organisations syndicales représentatives CFDT, CGT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC ont conclu un accord sur la négociation collective au niveau de la société RICOH France ; qu'il était convenu que chaque organisation syndicale représentative pouvait désigner six délégués syndicaux « DS » (à défaut de représentativité six représentants de section syndicale « RSS ») à vocation nationale ; que cet accord à durée indéterminée ne stipulait pas de clause concernant sa révision éventuelle ; qu'en application de l'article L 2261-7 du code du travail, lorsque l'accord initial ne prévoit pas les modalités de sa révision, le consentement unanime des signataires est nécessaire pour engager le processus de révision. Les organisations syndicales signataires sont seules habilitées à signer l'avenant de révision selon les règles applicables à chaque niveau de négociation ; qu'ainsi, les parties signataires de l'accord du 27 janvier 2009 conservaient la faculté de modifier l'accord ; que cependant, pour engager le processus de révision aboutissant à la signature d'un avenant de révision, il était nécessaire de recueillir au préalable le consentement unanime des signataires de l'accord de 2009 ; que sur ce point, il n'est pas justifié d'un accord unanime des signataires de l'accord du 27 janvier 2009 pour engager la procédure de révision ; qu'en effet, le préambule de l'avenant de révision, faisant référence à la démarche de la Direction de revoir l'accord sur la négociation collective, selon lequel il a été convenu de procéder à la révision de cet accord, suite à des échanges écrits et discussions avec les organisations syndicales, ne constitue pas un accord de l'ensemble des parties signataires à l'accord de 2009 pour engager une procédure de révision ; que de même, l'envoi par l'employeur de courriels pour convoquer les délégués syndicaux à une réunion, portant sur la révision de l'accord sur la négociation collective, et communiquer le projet d'avenant de révision préparé par ses soins, n'établit pas à lui seul un consentement unanime pour engager la procédure de révision, dès lors que ces documents ne sont accompagnés d'aucun accord unanime signé au cours de la réunion pour engager la procédure de révision ni même d'aucun compte-rendu de réunion constatant l'unanimité des participants signataires de l'accord de 2009 pour engager la procédure de révision, avant de passer à la discussion concernant la signature de l'avenant de révision en lui-même ; qu'à défaut de preuve du consentement unanime des signataires de l'accord du 27 janvier 2009 pour engager la procédure de révision, l'avenant de révision signé le 8 avril 2016 est de nul effet à l'égard des parties n'ayant pas consenti au principe de la révision et par conséquent inopposable à l'Union locale des syndicats CGT ; que l'Union locale des syndicats CGT était donc fondée à se prévaloir de l'accord collectif sur la négociation collective signé le 27 janvier 2009, concernant le nombre plus favorable de représentants de section syndicale fixé pour les organisations syndicales non représentatives au sein de la société RICOH France. Dans ces conditions, le remplacement des représentants de section syndicale dans la limite fixée par l'accord du 27 janvier 2009 est valable ; qu'à la demande d'annulation de la désignation de Messieurs Jean-Louis Y... et Monsieur Philippe Z..., en remplacement de Mesdames C... et D..., est donc rejetée ; que la présente procédure est sans dépens ; qu'en égard à la situation réciproque des parties, il convient de condamner la SASU RICOH France à payer à l'Union locale des syndicats CGT la somme de 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le surplus des demandes présentées à ce titre est rejeté » ;

1. ALORS QUE selon l'article L. 2261-7 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, seules les organisations syndicales qui sont représentatives et qui ont signé un accord collectif ou y ont adhéré sont habilitées à signer les avenants portant révision de cet accord ; que les organisations syndicales signataires d'un accord collectif, mais qui ne sont plus représentatives, ne peuvent ni participer à la conclusion d'un avenant de révision, ni par conséquent s'opposer à l'engagement d'une procédure de révision de cet accord ; qu'en l'espèce, il est constant que l'accord d'entreprise du 27 janvier 2009 relatif à la négociation collective était signé par les syndicats CFDT, CGT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC et qu'à la suite des élections professionnelles organisées en mars 2016, le syndicat CGT n'était plus représentatif au sein de la société Ricoh France ; qu'il en résulte que ce syndicat ne pouvait ni participer à la conclusion d'un avenant de révision, ni s'opposer à l'engagement d'une procédure de révision ; qu'en retenant néanmoins que l'avenant conclu le 8 avril 2016 avec les syndicats CFDT et CFE-CGC, qui étaient demeurés représentatifs au sein de l'entreprise et cumulaient plus de 50 % des suffrages aux dernières élections professionnelles, est nul à défaut de preuve du consentement unanime des signataires de l'accord du 27 janvier 2009, et en particulier du syndicat CGT, pour engager la procédure de révision, le tribunal a violé les articles L. 2261-7 et L. 2232-12 du Code du travail ;

2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' à supposer que l'engagement de la procédure de révision d'un accord collectif, doive, lorsque l'accord ne définit pas les modalités de cette révision, faire l'objet d'un consentement unanime des syndicats signataires, qu'ils soient ou non demeurés représentatifs, l'absence d'opposition d'un syndicat signataire à l'engagement d'une procédure de révision vaut consentement ; qu'en l'espèce, la société Ricoh France justifiait de ce qu'elle avait invité toutes les organisations syndicales signataires de l'accord du 27 janvier 2009, par l'intermédiaire de leur délégués syndicaux ou représentants de section syndicale, à une réunion ayant pour objet « révision de l'accord sur la négociation collective du 27 janvier 2009 » et qu'était joint à cette invitation un projet d'accord de révision ; que le syndicat CGT, qui ne contestait pas avoir reçu cette convocation, ni avoir été présent à la réunion de négociation, le 7 avril 2006, ne démontrait pas qu'il aurait alors manifesté son opposition à l'engagement de cette procédure de négociation ; qu'en retenant néanmoins que la preuve du consentement unanime des syndicats signataires de l'accord du 27 janvier 2009 pour engager la procédure de révision n'était pas établie, en l'absence d'un « accord unanime signé au cours de la réunion » ou d'un « compte-rendu de réunion constatant l'unanimité des participants signataires de l'accord de 2009 pour engager la procédure de révision », le tribunal a violé les articles L. 2261-7 et L. 2232-12 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-10022
Date de la décision : 17/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Villejuif, 23 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 jan. 2018, pourvoi n°17-10022


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10022
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award