LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2016), que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; que M. X..., ancien avoué associé au sein de la société civile professionnelle Bertrand Gauvain - Eric X..., précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel de Rennes, a saisi le juge de l'expropriation en paiement d'indemnités qu'il estimait lui être dues, au titre de divers préjudices constitués de la perte de revenus actuels et futurs, ainsi que de troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge français a le devoir d'écarter la loi contraire à la norme conventionnelle, quelle que soit sa conformité à la Constitution ; que la primauté du droit conventionnel sur la loi est absolue, sans que l'Etat puisse se prévaloir d'une « exception constitutionnelle » ; que le Conseil constitutionnel n'est pas juge de la conventionalité des lois ; qu'en refusant d'indemniser l'atteinte portée au droit de créance de M. X... pour les préjudices personnels subis du fait de la suppression de sa profession, aux motifs que « cette décision (du Conseil constitutionnel n° 2010-624 du 20 janvier 2011 DC) et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles », la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 55 et 62 de la Constitution, ensemble les articles 1er, 19 et 46, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de cette Convention ;
2°/ que le respect du principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait permettre d'exclure du droit à réparation un élément quelconque du préjudice indemnisable résultant de la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation ; que si, dans sa décision n° 2010-624 du 20 janvier 2011 DC, le Conseil constitutionnel a écarté la réparation du « préjudice économique » et les « préjudices accessoires toutes causes confondues », c'est au motif que, au moment où il statuait, ce préjudice était « purement éventuel » ; qu'un tel préjudice est bien constitutionnellement réparable dès lors que, au moment où le juge du fond se prononce, il est avéré ; qu'en refusant de faire droit à la demande de réparation du préjudice économique effectivement subi aux motifs que le Conseil constitutionnel aurait dit une telle réparation inconstitutionnelle, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 55 et 62 de la Constitution ensemble les articles 1er, 19 et 46, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de cette Convention ;
3°/ que l'accès au juge doit être concret et effectif et ne saurait être limité d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même ; qu'en l'espèce, il est constant que la loi du 25 janvier 2011 renvoie au juge de l'expropriation pour fixer l'indemnisation liée à la perte du droit de présentation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'en considérant, cependant, que ce juge était dans un état de compétence liée vis-à-vis de la décision du Conseil constitutionnel écartant toute indemnisation autre que le droit de présentation lui-même, si bien que le juge de l'expropriation ne pouvait en toute hypothèse accorder autre chose que ce qui avait été proposé à ce titre par la commission d'indemnisation, la cour d'appel a porté atteinte au droit concret et effectif au juge, en violation des articles 55 et 62 de la Constitution ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de cette Convention ;
4°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que, lorsque le bien exproprié est l'outil de travail de l'exproprié, l'indemnité versée n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien si d'une manière ou d'une autre elle ne couvre pas cette perte spécifique ; qu'en l'espèce, il était démontré par des éléments concrets que la majeure partie de la « clientèle » de la SCP d'avoués était constituée d'avocats (95 % des affaires), qu'en 2008, sur cent deux dossiers de l'étude, seuls trois avaient été envoyés sans l'intermédiaire de l'avocat, que M. X..., qui avait perçu un revenu moyen annuel net de 219 503 euros de 2006 à 2010, n'avait perçu qu'un revenu de 84 161 euros en 2012, soit une perte de 135 342 euros et que la reconversion des avoués en avocats impliquait qu'ils reconstituent une nouvelle clientèle ; qu'en retenant que « l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation (
) constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » à l'exclusion de « l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir, en termes de revenus ou de droit à la retraite, s'il n'avait pas été mis fin à leur monopole », considérant ainsi que l'indemnisation ne pouvait couvrir que la valeur de la charge, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 13-13 (ancien) du code de l'expropriation et l'article 4 du code civil ;
5°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que, lorsque le bien exproprié est l'outil de travail de l'exproprié, l'indemnité versée n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien si d'une manière ou d'une autre elle ne couvre pas cette perte spécifique ; que l'atteinte portée au bien doit être proportionnelle ; qu'en l'espèce, il était démontré par des éléments concrets que la majeure partie de la « clientèle » de la SCP d'avoués était constituée d'avocats (95 % des affaires), qu'en 2008, sur cent deux dossiers de l'étude, seuls trois avaient été envoyés sans l'intermédiaire de l'avocat, que M. X..., qui avait perçu un revenu moyen annuel net de 219 503 euros de 2006 à 2010, n'avait perçu qu'un revenu de 84 161 euros en 2012, soit une perte de 135 342 euros et que la reconversion des avoués en avocats impliquait qu'ils reconstituent une nouvelle clientèle ; qu'en retenant que la proportionnalité était démontrée car « la suppression du monopole de postulation devant la cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est-à-dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation », quand le juge de l'expropriation était privé du droit de compenser la perte de l'outil de travail, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 13-13 (ancien) du code de l'expropriation ;
6°/ que le juge a le devoir de statuer au regard des faits dont il est saisi et ne peut se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce, il était démontré par des éléments concrets que la majeure partie de la « clientèle » de la SCP d'avoués était constituée d'avocats (95 % des affaires), qu'en 2008, sur cent deux dossiers de l'étude, seuls trois avaient été envoyés sans l'intermédiaire de l'avocat et que M. X..., qui avait perçu un revenu moyen annuel net de 219 503 euros de 2006 à 2010, n'avait perçu qu'un revenu de 84 161 euros en 2012, soit une perte de 135 342 euros ; qu'en disant que l'atteinte portée à M. X... à son outil de travail était proportionnée aux motifs que de façon générale l'avoué « conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ; Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique », sans vouloir déterminer si au cas d'espèce la perte par M. X... de son outil de travail n'avait pas entraîné pour lui un préjudice spécifique, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 13-13 (ancien) du code de l'expropriation et l'article 5 du code civil ;
7°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'impartialité subjective se définit par l'absence de préjugé ou de parti pris ; que l'absence d'impartialité peut être démontrée par l'usage de termes démontrant que la décision est prise au regard d'un parti pris ; qu'en refusant d'indemniser M. X... pour la perte de son outil de travail en raison du « contexte de fortes contraintes budgétaires » quand, depuis le 1er janvier 2015, l'article 1635 bis du code général des impôts s'applique aux termes duquel : « Il est institué un droit d'un montant de 225 € dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel. Le droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. « Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel. Ce droit est perçu jusqu'au 31 décembre 2026. », sommes permettant de couvrir une indemnisation complète des avoués et non pas limitée au seul droit de présentation ; que les motifs qui ne font état que des « contraintes budgétaires de l'Etat » sans prendre en compte les modalités mises en place par l'Etat permettant une indemnisation pleine et entière des avoués font naître un doute sérieux sur l'impartialité subjective du juge ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble les articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 , dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation, dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Que l'article L. 13-13 de ce code, alors en vigueur, dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;
Que, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-624 du 20 janvier 2011, laquelle s'impose, en application de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, à toutes les autorités juridictionnelles, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, initialement prévus à l'article 13 précité, ne peuvent être indemnisés, étant purement éventuels, sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'ainsi, après avoir énoncé que l'indemnisation du préjudice subi par les avoués du fait de la loi ne saurait permettre l'allocation d'indemnités ne correspondant pas à ce préjudice ou excédant la réparation de celui-ci et constaté, d'abord, que la loi ne supprimait pas l'activité correspondant à la profession d' avoué, ensuite, que les anciens avoués pouvaient exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats et bénéficier notamment, à ce titre, du monopole de la représentation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils avaient établi leur résidence professionnelle, le Conseil constitutionnel a décidé que les préjudices de cette nature n'étaient pas indemnisables, comme étant sans lien direct avec la nature des fonctions d'officier ministériel supprimées et dépourvus de caractère certain, de sorte que l'article 13 était contraire à la Constitution, en ce qu'il avait prévu leur indemnisation ;
Que, par suite, toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du 20 janvier 2011 ;
Qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que le préjudice direct, matériel et certain qui doit être intégralement indemnisé, en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice, la cour d'appel, en refusant d'accueillir la demande d'indemnisation au titre de préjudices de même nature invoqués par M. X..., n'a pas privé celui-ci de son droit d'accès au juge, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violé les articles 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et L. 13-13 précité ;
Attendu, d'autre part, qu'aux termes de la deuxième phrase de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (le Protocole n° 1), nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;
Que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 29 mars 2006, Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97), la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée au regard de cette disposition ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété ; que cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir une charge spéciale et exorbitante ; que, sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue, en principe, une atteinte excessive ; qu'un défaut total d'indemnisation ne saurait se justifier, en application de l'article 1er du Protocole n° 1, que dans des circonstances exceptionnelles, mais que cette disposition ne garantit pas dans tous les cas le droit à une réparation intégrale ; que des objectifs légitimes d'utilité publique, tels que ceux que poursuivent des mesures de réforme économique ou de justice sociale, peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien (CEDH, Scordino c. Italie, précité ; 11 avril 2002, Lallement c. France, n° 46044/99) ;
Qu'après avoir rappelé l'interprétation ainsi faite, par la CEDH, de l'article 1er du Protocole n° 1, la cour d'appel a recherché, conformément à cette disposition, si la suppression du monopole de représentation des avoués devant les cours d'appel avait ménagé un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en ne faisant pas peser sur la personne intéressée de charge disproportionnée ;
Qu'elle a, d'abord, constaté que la loi du 25 janvier 2011 avait supprimé le monopole de représentation des avoués dans un but d'intérêt public de simplification de la procédure et de réduction de son coût, c'est-à-dire de recherche d'une meilleure administration de la justice ;
Qu'elle a, ensuite, rappelé que, selon la décision du 20 janvier 2011 du Conseil constitutionnel, l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, avait été déclarée contraire à la Constitution, au regard des exigences constitutionnelles de bon emploi des deniers publics et de l'égalité devant les charges publiques ;
Qu'elle a, enfin, retenu, en premier lieu, que la loi du 25 janvier 2011, intégrant les avoués dans la profession d'avocat, avait été adoptée à la suite de deux rapports présentés au Président de la République, remettant en cause la justification de la double intervention de l'avoué et de l'avocat en cause d'appel, ainsi qu'en raison des exigences de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, en deuxième lieu, que le législateur avait confié au juge de l'expropriation, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le soin d'évaluer, au jour du jugement, selon une date de référence fixée à la date d'entrée en vigueur de la loi, le préjudice subi par les avoués du fait de celle-ci, en troisième lieu, qu'à cette date, l'avoué, privé du monopole de postulation devant la cour d'appel, mais à qui la loi avait conféré le titre d'avocat et reconnu de plein droit une spécialisation en procédure d'appel, conservait son outil de travail, dès lors qu'il pouvait continuer d'exercer son activité, quand bien même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats susceptibles de devenir des concurrents, en quatrième lieu, qu'il pouvait, en conséquence, postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépendait, plaider devant toutes les juridictions, donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé, en cinquième lieu, que de nombreuses parties continuaient, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir aux services des anciens avoués pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant, en sixième lieu, que des partenariats entre avocats et anciens avoués pouvaient être mis en place et, en dernier lieu, que l'évolution des revenus des avoués dépendait pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant un terme à une situation de monopole ;
Que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la loi du 25 janvier 2011, déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, était contraire à la Convention, ni ne s'est prononcée par voie de disposition générale et réglementaire, a pu déduire de ces constatations et appréciations, relatives, notamment, au défaut de perte par l'avoué de son outil de travail, sans méconnaître l'exigence d'impartialité qui s'impose à elle, qu'au regard des objectifs d'utilité publique de simplification de la procédure et de réduction de son coût poursuivis par la réforme de la représentation devant les cours d'appel, la suppression du monopole de représentation des avoués prévue par la loi du 25 janvier 2011 constituait une mesure d'ingérence justifiée dans le droit au respect des biens, dès lors que la mesure en cause présentait un caractère proportionné au regard de l'article 1er du Protocole n° 1, ce dont il résultait que M. X... n'avait pas supporté de charge disproportionnée en n'obtenant pas la réparation des divers préjudices par lui imputés à la loi, dont l'absence d'indemnisation était, de surcroît, fondée sur leur caractère indirect et incertain ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE : « (
) les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ; Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ; Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ; Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ; Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ; Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ; Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ; Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ; Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. Z... (2008) et D... (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ; Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ; Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots "en tenant compte de leur âge" ; Considérant sur la recevabilité de la demande d'indemnisation présentée par M. X..., que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ; Considérant que les demandes d'indemnisation à titre personnel de Monsieur X... ont été rejetées par la Commission de sorte que leur recevabilité devant le juste de l'expropriation n'est pas discutable ; Considérant que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; Considérant que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel ; Considérant dès lors que le préjudice direct, matériel et certain, devant être intégralement indemnisé en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice ; Considérant d'autre part que l'article 1 du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; Considérant que la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, ce qui suppose un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure privant de propriété et l'absence de charge spéciale exorbitante ; qu'une privation de propriété implique le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu'une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitimes d'utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien ; Considérant que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ; Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique ; Considérant que la suppression du monopole de postulation devant la cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation ; Considérant que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au-delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, qui constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir, en termes de revenus ou de droit à la retraite, s'il n'avait pas été mis fin à leur monopole ; que le raisonnement de M. X... consistant à comparer a posteriori son revenu actuel à celui antérieur à la réforme pour réclamer la différence sur une période de 7 années, ainsi que le préjudice en cascade en découlant pour ses droits à la retraite, ne peut être accueilli ; Considérant en conséquence que M. X... doit être débouté de ses demandes d'indemnisation des préjudices économiques allégués tenant aux pertes de revenus et de droits à la retraite ; Considérant qu'en égard aux dispositions applicables de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte qu'il ne peut davantage être fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par M. X... au titre des troubles allégués dans ses conditions d'existence résultant des modalités successives de la réforme en cause ; Considérant en définitive que le jugement doit être infirmé, sauf sur la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article L. 13-5 du code de l'expropriation ».
ALORS QUE 1°) le juge français a le devoir d'écarter la loi contraire à la norme conventionnelle, quelle que soit sa conformité à la Constitution ; que la primauté du droit conventionnel sur la loi est absolue, sans que l'Etat puisse se prévaloir d'une « exception constitutionnelle » ; que le Conseil constitutionnel n'est pas juge de la conventionalité des lois ; qu'en refusant d'indemniser l'atteinte portée au droit de créance de Monsieur X... pour les préjudices personnels subis du fait de la suppression de sa profession, aux motifs que « cette décision (du Conseil constitutionnel n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011) et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles », la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 55 et 62 de la Constitution ensemble les articles 1er, 19 et 46§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de cette Convention ;
ALORS QUE 2°) le respect du principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait permettre d'exclure du droit à réparation un élément quelconque du préjudice indemnisable résultant de la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation ; que si, dans sa décision DC 2010-624 du 20 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a écarté la réparation du « préjudice économique » et les « préjudices accessoires toutes causes confondues », c'est au motif que, au moment où il statuait, ce préjudice était « purement éventuel » ; qu'un tel préjudice est bien constitutionnellement réparable dès lors que, au moment où le juge du fond se prononce, il est avéré ; qu'en refusant de faire droit à la demande de réparation du préjudice économique effectivement subi aux motifs que le Conseil constitutionnel aurait dit une telle réparation inconstitutionnelle, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 55 et 62 de la Constitution ensemble les articles 1er, 19 et 46§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de cette Convention ;
ALORS QUE 3°) l'accès au juge doit être concret et effectif et ne saurait être limité d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même ; qu'en l'espèce, il est constant que la loi du 25 janvier 2011 renvoie au juge de l'expropriation pour fixer l'indemnisation liée à la perte du droit de présentation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'en considérant cependant que ce juge était dans un état de compétence liée vis-à-vis de la décision du Conseil constitutionnel écartant toute indemnisation autre que le droit de présentation lui-même, si bien que le juge de l'expropriation ne pouvait en toute hypothèse accorder autre chose que ce qui avait été proposé à ce titre par la Commission d'indemnisation, la Cour d'appel a porté atteinte au droit concret et effectif au juge, en violation des articles 55 et 62 de la Constitution ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de cette Convention ;
ALORS QUE 4°) toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que lorsque le bien exproprié est l'outil de travail de l'exproprié l'indemnité versée n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien si d'une manière ou d'une autre elle ne couvre pas cette perte spécifique ; qu'en l'espèce il était démontré par des éléments concrets que la majeure partie de la « clientèle » de la SCP d'avoués était constituée d'avocats (95 % des affaires), qu'en 2008, sur 102 dossiers de l'Etude, seuls trois avaient été envoyés sans l'intermédiaire de l'avocat (conclusions p. 11), que Monsieur X... qui avait perçu un revenu moyen annuel net de 219 503 € entre 2006 à 2010 n'avait perçu qu'un revenu de 84 161 € en 2012, soit une perte de 135 342 € (conclusions p. 12) et que la reconversion des avoués en avocats impliquait qu'ils reconstituent une nouvelle clientèle ; qu'en retenant que « l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation (
) constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » à l'exclusion de « l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir, en termes de revenus ou de droit à la retraite, s'il n'avait pas été mis fin à leur monopole », considérant ainsi que l'indemnisation ne pouvait couvrir que la valeur de la charge, la Cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 13-13 (ancien) du Code de l'expropriation et l'article 4 du Code civil ;
ALORS QUE 5°) toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que lorsque le bien exproprié est l'outil de travail de l'exproprié l'indemnité versée n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien si d'une manière ou d'une autre elle ne couvre pas cette perte spécifique ; que l'atteinte portée au bien doit être proportionnelle ; qu'en l'espèce il était démontré par des éléments concrets que la majeure partie de la « clientèle » de la SCP d'avoués était constituée d'avocats (95 % des affaires), qu'en 2008, sur 102 dossiers de l'Etude, seuls trois avaient été envoyés sans l'intermédiaire de l'avocat (conclusions p. 11), que Monsieur X... qui avait perçu un revenu moyen annuel net de 219 503 € de 2006 à 2010 n'avait perçu qu'un revenu de 84 161 € en 2012, soit une perte de 135 342 € (conclusions p. 12) et que la reconversion des avoués en avocats impliquait qu'ils reconstituent une nouvelle clientèle ; qu'en retenant que la proportionnalité était démontrée car « la suppression du monopole de postulation devant la cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation », quand le juge de l'expropriation était privé du droit de compenser la perte de l'outil de travail, la Cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 13-13 (ancien) du Code de l'expropriation ;
ALORS QUE 6°) le juge a le devoir de statuer au regard des faits dont il est saisi et ne peut se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce il était démontré par des éléments concrets que la majeure partie de la « clientèle » de la SCP d'avoués était constituée d'avocats (95 % des affaires), qu'en 2008, sur 102 dossiers de l'Etude, seuls trois avaient été envoyés sans l'intermédiaire de l'avocat (conclusions p. 11) et que Monsieur X... qui avait perçu un revenu moyen annuel net de 219 503 € de 2006 à 2010 n'avait perçu qu'un revenu de 84 161 € en 2012, soit une perte de 135 342 € (conclusions p. 12) ; qu'en disant que l'atteinte portée à M. X... à son outil de travail était proportionnée aux motifs que de façon générale l'avoué « conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ; Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique », sans vouloir déterminer si au cas d'espèce la perte par Maître X... de son outil de travail n'avait pas entraîné pour lui un préjudice spécifique, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 13-13 (ancien) du Code de l'expropriation et l'article 5 du Code civil ;
ALORS QUE 7°) toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, par un tribunal indépendant et impartial ; que l'impartialité subjective se définit par l'absence de préjugé ou de parti pris ; que l'absence d'impartialité peut être démontrée par l'usage de termes démontrant que la décision est prise au regard d'un parti pris ; qu'en refusant d'indemniser Maître X... pour la perte de son outil de travail en raison du « contexte de fortes contraintes budgétaires » quand depuis le 1er janvier 2015 l'article 1635 bis du Code général des impôts s'applique aux termes duquel : « Il est institué un droit d'un montant de 225 € dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel. Le droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. « Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel. Ce droit est perçu jusqu'au 31 décembre 2026. », sommes permettant de couvrir une indemnisation complète des avoués et non pas limitée au seul droit de présentation ; que les motifs qui ne font état que des « contraintes budgétaires de l'Etat » sans prendre en compte les modalités mises en place par l'Etat permettant une indemnisation pleine et entière des avoués font naître un doute sérieux sur l'impartialité subjective du juge ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 455 du Code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.