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17/01/2018 | FRANCE | N°16-21089

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 janvier 2018, 16-21089


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Intelease a conclu des contrats de location de matériels vidéo avec les sociétés Groupe Danone et Danone France, désormais dénommées, respectivement, Danone et Danone produits frais France (les sociétés Danone) ; que celles-ci n'ayant pas restitué les matériels après avoir résilié les contrats, des pourparlers sont intervenus entre les parties en vue de rechercher une solution amiable, qui n'ont pas abouti ; que la société Intelease a assigné les soc

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Intelease a conclu des contrats de location de matériels vidéo avec les sociétés Groupe Danone et Danone France, désormais dénommées, respectivement, Danone et Danone produits frais France (les sociétés Danone) ; que celles-ci n'ayant pas restitué les matériels après avoir résilié les contrats, des pourparlers sont intervenus entre les parties en vue de rechercher une solution amiable, qui n'ont pas abouti ; que la société Intelease a assigné les sociétés Danone en paiement d'indemnités contractuelles de jouissance et de dommages-intérêts pour perte de marge en reprochant aux locataires de ne pas avoir donné suite aux bons de commande émis en exécution de l'une des propositions de négociation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Intelease fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que dans ses écritures d'appel, elle avait fait valoir que les matériels commandés étaient identifiés par une liste établie par le propre fournisseur informatique de la société Danone, et qu'elle versait aux débats sous les n° 12 et 14 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le document invoqué par la société Intelease ne constituait pas un bon de commande et que le contrat dont il aurait été l'objet n'avait pas été signé en raison du refus de celle-ci d'accepter la prévision d'une faculté de rachat du matériel en fin de contrat demandée par les locataires, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'indemnités contractuelles de jouissance de la société Intelease et condamner les sociétés Danone à lui payer des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que les articles 11 des contrats, qui prévoient ces indemnités pour contraindre les locataires à restituer les matériels loués et à indemniser le bailleur de l'inexécution de l'obligation de restitution, est inapplicable puisque la société Intelease a renoncé à obtenir leur restitution forcée et que l'indemnisation ne peut dès lors qu'être fixée en application de l'article 1142 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les articles 11 des contrats litigieux stipulaient un droit à indemnité en cas de non-restitution immédiate et de son propre chef du matériel au bailleur par le locataire à l'expiration du contrat, sans le subordonner à d'autres conditions, et qu'elle avait constaté que tel avait été le cas des sociétés Danone, qui n'y avaient pas procédé après que la société Intelease, qui n'avait pas renoncé à cette indemnité, leur eut demandé de restituer les matériels loués, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement des indemnités contractuelles de jouissance du matériel loué de la société Intelease et limite la condamnation des sociétés Danone et Danone produits frais France à lui payer, respectivement, les sommes de 3 600 euros et 4 000 euros, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les sociétés Danone et Danone produits frais France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Intelease la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Intelease

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Intelease tendant à la condamnation des sociétés Danone et Danone produits frais France à lui payer les indemnités contractuelles de jouissance du matériel loué et d'avoir limité la condamnation de ces deux sociétés aux sommes de 3 600 euros et 4 000 euros ;

AUX MOTIFS QU'il est acquis aux débats que la société Intelease a renoncé à solliciter la restitution forcée sous astreinte du matériel loué ; QU'elle demande la confirmation de la décision déférée de ce chef qui a condamné les sociétés Danone à lui payer les sommes fixées par le tribunal à titre d'indemnité de jouissance ; QUE ces sommes ont été calculées selon les stipulations de l'article 11 des dispositions générales des contrats liant les parties ; QUE l'article 11 intitulé "Fin de location, reconduction, restitution du matériel" est ainsi rédigé : Au delà de la durée prévue aux conditions particulières, le contrat sera tacitement reconduit aux mêmes conditions par périodes successives de 12 mois, sauf pour l'une des parties à notifier à l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis de 6 mois au moins avant la date d'échéance son intention de ne pas reconduire le contrat. Dès la fin de location, le locataire devra restituer au bailleur au lieu désigné par celui-ci le matériel en parfait état d'entretien et de fonctionnement, les frais de transport et de déconnexion incombant au locataire. Si le locataire ne restitue pas immédiatement et de son propre chef le matériel au bailleur à l'expiration du contrat, il est redevable d'une indemnité égale aux loyers jusqu'à la restitution effective du matériel. Le locataire ne bénéficie en vertu du contrat d'aucun droit d'acquisition du matériel pendant ou au terme de la période de location. QU'il résulte des pièces versées aux débats et notamment des mails adressés par les sociétés Danone à la société Intelease que dès la dénonciation des contrats, ces sociétés ont indiqué ne pas pouvoir restituer le matériel ; QUE pour exemple, le 19 avril 2011, Laurent Z..., responsable Pôle service chez Danone, écrit à la société Intelease : 2 de nos contrats sont maintenant arrivés à terme. Je souhaite procéder au rachat du matériel que je ne pourrais pas restituer (certains vidéoprojecteurs partis en recyclage, câblage intégré dans les murs etc. .. .) ; QUE contrairement à ce que concluent les sociétés Danone, il est ainsi établi que l'absence de restitution est bien de leur fait, la société Intelease dans les lettres recommandées avec accusé de réception envoyées à réception des demandes de dénonciation des contrats leur ayant en outre rappelé leur obligation de restitution et peu important que les équipements aient été obsolètes, recyclés ou jetés ; QU'elles ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que cette impossibilité de restitution dont elles se prévalent n'est pas de leur fait mais serait due à un cas de force majeure ou à un événement extérieur ; QUE leur manquement contractuel est avéré ;

QU'en revanche, elles concluent à juste titre à la non applicabilité de l'article 11 des conditions générales des contrats liant les parties, la société Intelease renonçant à obtenir la restitution forcée du matériel loué et ne pouvant se fonder que sur les dispositions de l'article 1142 du code civil selon lesquelles toute obligation de faire ou ne pas faire se résout en dommages et intérêts ; QU'en effet, les stipulations de l'article 11 sont prévues pour contraindre le locataire à restituer le matériel loué et à indemniser le bailleur de l'inexécution de l'obligation de restitution ; QUE dès lors, l'indemnisation demandée ne peut être que financière comme le conclut d'ailleurs la société Intelease sans toutefois faire de demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts sur ce fondement ; QU'eu égard néanmoins à l'offre des sociétés appelantes de fixer à la somme de 7 600 €, soit 3 600 € à la charge de la société Danone et 4 000 € à la charge de la société Danone produits frais France les dommages et intérêts fondés sur les dispositions de l'article 1142 du code civil, les sociétés Danone qui ont disposé du matériel comme un bien leur appartenant nonobstant les contrats les liant à la société Intelease privant de ce fait cette société de leur valeur d'exploitation et de la possibilité de revendre les biens à leur valeur résiduelle de marché, seront condamnées au paiement de ces sommes avec intérêt à compter du jugement qui a reconnu le principe d'une indemnisation de la société Intelease ;

QUE par ailleurs par mail du 29 juin 2011, M. Z..., responsable Pôle service chez Danone, a demandé à la société Intelease de racheter le matériel objet du contrat (...) n'étant pas en mesure de restituer la totalité du matériel ; QUE la société Intelease a répondu en faisant une proposition de rachat le 30 juin 2011 du matériel objet du contrat (...) et en précisant notamment que l'offre n'était valable que sous réserve du respect de l'ensemble des obligations contractuelles ; QUE la société Danone a effectivement racheté le matériel objet du contrat et l'a payé selon facture en date du 25 juillet 2011 ; QUE la société Intelease soutient que la transaction n'a pas en définitive été réalisée, la société Danone n'ayant pas respecté l'ensemble de ses engagements ; Mais QUE la cour observe que la proposition d'achat visait exclusivement le contrat (...) et que la seule référence dans cette proposition à l'ensemble des obligations contractuelles doit s'entendre comme limitée à l'exécution du dit contrat et ne peut avoir pour effet, en l'absence de toute autre précision, de l'étendre aux obligations afférentes à d'autres contrats ; QUE d'autre part, la société ne justifie pas d'un défaut de paiement des échéances de la société Danone sur ce contrat antérieures à l'offre d'achat et qu'enfin, elle a émis une facture et accepté le paiement en retour ; QU'en conséquence, la société Danone est bien fondée à conclure que le différend relatif au contrat (...) est soldé ;

1- ALORS QUE les articles 11 des contrats en litige stipulaient un droit à indemnité pour le cas dans lequel le locataire ne restitue pas immédiatement et de son propre chef le matériel au bailleur à l'expiration du contrat ; que la cour d'appel, qui a constaté que le matériel n'avait pas été immédiatement et spontanément restitué à l'expiration du contrat, et que la société Intelease avait réclamé cette restitution, ne pouvait refuser de condamner les sociétés locataires à payer l'indemnité prévue au contrat ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2- ALORS QUE les articles 11 des contrats litigieux stipulaient un droit à indemnité pour le cas dans lequel le locataire ne restitue pas immédiatement et de son propre chef le matériel au bailleur à l'expiration du contrat ; qu'en énonçant que ces stipulations sont prévues pour contraindre le locataire à restituer le matériel loué et à indemniser le bailleur de l'inexécution de l'obligation de restitution, tandis que la finalité des stipulations, qui n'y était pas exprimée, était sans incidence sur leur application, la cour d'appel a dénaturé les conventions et violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

3- ALORS QUE, subsidiairement, la société Intelease avait fait valoir dans ses écritures d'appel que (p.9, § iii) que « l'évaluation des matériels fournie par Danone (Consultation Y...), est unilatérale et en tant que telle inopposable au bailleur, d'autant qu'elle est fantaisiste. » ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4- ALORS QUE, plus subsidiairement encore, la cour d'appel ne pouvait considérer que la vente d'une partie du matériel à la société Danone ne pouvait avoir été subordonnée à l'exécution de ses obligations par la société Danone produits frais France, tout en considérant que la société Danone n'était redevable d'aucune somme au moment où la vente avait été conclue, sans rechercher quelles obligations avaient été visées lors de la conclusion de cette vente ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Intelease tendant à la condamnation des sociétés Danone et Danone produits frais France à lui payer des dommages et intérêts pour perte de marge ;

AUX MOTIFS QU'à la suite de la dénonciation des contrats par les sociétés Danone et le défaut de restitution des matériels, les parties ont recherché un accord transactionnel ; QUE notamment, elles avaient convenu d'un prix de rachat des matériels modéré en échange de la conclusion de nouveaux contrats par les sociétés Danone auprès de la société Intelease ; QU'en définitive, elles ne sont pas parvenues à un accord, du fait notamment de la demande des sociétés locataires d'obtenir la possibilité de racheter le matériel en fin de contrat ; QUE dans le cadre de ces pourparlers, les sociétés Danone et Danone produits frais ont signé le 27 mai 2011 pour la première un document comportant les mentions suivantes : "date 27/05/2011, proposition n°(...), devis société non renseigné, contrat proposé : proposition progressis durée d'utilisation du matériel 36 mois montant du loyer 1 902,07 €, la signature étant précédée de la mention "bon pour accord" avec apposition du cachet de la société ; QUE la société Danone produit frais a signé un document similaire avec un montant de loyer différent ; QU'au vu de ces documents, la société Intelease ne peut soutenir que les sociétés ont passé commande des matériels et que les parties étant d'accord sur la chose et le prix se sont engagées contractuellement ; QU'en effet, d'une part, le document n'était pas un bon de commande et n'identifiait pas le matériel et de l'autre le contrat n'ayant jamais été signé du fait d'un désaccord des parties, la seule faute qui pourrait être reprochée aux sociétés Danone serait une faute précontractuelle, fondement non invoqué par la société Intelease ; QUE la décision déférée sera confirmée de ce chef ;

ALORS QUE dans ses écritures d'appel (p. 10), la société Intelease avait fait valoir que les matériels commandés étaient identifiés par une liste établie par le propre fournisseur informatique de la société Danone, et qu'elle versait aux débats sous les n° 12 et 14 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-21089
Date de la décision : 17/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jan. 2018, pourvoi n°16-21089


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21089
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