LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée le 22 septembre 2010 en qualité de directrice de boutique par la société Poiray Joaillier, par la suite dénommée successivement France Design Creation puis France tourisme immobilier, a été licenciée pour motif économique par lettre du 6 novembre 2013 ;
Sur les premier et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version applicable au litige ;
Attendu que l'arrêt, après avoir dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne l'employeur à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ;
Attendu cependant qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il convient de condamner la société France tourisme immobilier qui succombe, pour l'essentiel, aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société France tourisme immobilier à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 18 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société France tourisme immobilier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société France tourisme immobilier
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Y... est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société France Tourisme Immobilier à payer à Madame Y... la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre et d'AVOIR condamné la société France Tourisme Immobilier à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives .notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activité. La cessation d'activité entraînant de fait la suppression de tous les postes, constitue un motif économique à part entière, à condition qu'elle soit définitive et totale, une fermeture temporaire, même de plusieurs mois, ne constituant pas une cause économique de licenciement. Cette cessation d'activité transparaît en principe par la fermeture de l'entreprise, sa radiation du registre du commerce et des sociétés, sa dissolution, sa liquidation ou tout au moins sa mise sous sommeil après le règlement des questions administratives et donc l'absence de toute activité. Or en l'espèce, la cour constate que la société FRANCE TOURISME IMMOBILIER ne produit aucun élément sur sa situation juridique postérieurement à la fermeture de la boutique sise [...] et encore moins d'extrait du registre du commerce et des sociétés qui aurait mis en mesure la cour de vérifier la réalité du motif allégué au soutien du licenciement pour motif économique de Madame Y.... Par ailleurs, la salariée communique aux débats le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire de la société du 27 novembre 2013 ainsi que les statuts modifiés de cette dernière en date du 27 novembre 2013 mentionnant que outre des activités de joaillerie, la société avait également pour objet l'exploitation et la gestion d'unité d'hébergement et de restauration, en France et en tous pays. Il est dès lors établi que la société FRANCE TOURISME IMMOBILIER n'a pas été dissoute, ni radiée du registre du commerce et des sociétés et qu'elle a encore développé des activités de joaillerie de sorte que la cessation d'activité de la boutique de la rue de Paix ne peut constituer la cause économique de licenciement. En l'absence de cessation d'activité de l'entreprise comme en l'espèce, la suppression du poste de Madame Y... pour fonder une cause réelle et sérieuse de licenciement économique, doit nécessairement être la conséquence de difficultés économiques qui s'apprécient au niveau du groupe, ou résulter de la nécessité de réorganiser l'entreprise en vue de sauvegarder la compétitivité menacée. En l'espèce, la société ne produit aucun élément attestant de difficultés financières ou de l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de son secteur d'activité justifiant qu'elle doit adapter ses structures à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions. La cour déduit de l'ensemble des développements précédents et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par la salariée que le licenciement de Madame Y... est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point. Sur les demandes financières subséquentes En application de l'article L 1235-3 du code du travail, le salarié ayant comme l'espèce plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés, a vocation à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale au minimum à six mois de salaire. A la date du licenciement, Madame Y... percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 4230,77 euros sur 13 mois, avait 42 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans au sein de l'entreprise. Il n'est pas contesté que la salariée a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage jusqu'au 28 août 2014. Il convient d'évaluer à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail. Sur le remboursement des prestations chômage à POLE EMPLOI L'article L 1235-4 du code du travail prévoit que « dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. » Le texte précise que « ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ». Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame Y..., il y a lieu d'ordonner à la société de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage verses à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités » ;
1. ALORS QUE la cessation d'activité de l'entreprise, qui constitue un motif autonome de licenciement, n'implique ni la liquidation ou la dissolution de la société employeur, ni sa radiation du registre du commerce et des sociétés, mais uniquement l'arrêt complet et définitif de l'activité qu'elle exerçait jusqu'alors ; qu'en l'espèce, il est constant que la société France Tourisme Immobilier, auparavant dénommée France Design et Création, exerçait initialement une activité exclusive de joaillerie ; qu'elle démontrait, par la production de l'acte lui signifiant la résiliation du bail de la boutique située rue de la Paix et de l'acte de cession de tous les autres fonds de commerce de joaillerie, qu'elle avait définitivement cessé toute activité de joaillerie le 31 juillet2013 ; qu'en retenant que la cessation d'activité de l'entreprise n'était pas établie, dès lors que la société France Tourisme Immobilier n'a pas été dissoute, ni radiée du registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, a violé l'article L. 233-3 du Code du travail ;
2. ALORS QUE la cessation d'activité de l'entreprise, qui constitue un motif autonome de licenciement, se caractérise par l'arrêt complet et définitif de l'activité exercée jusqu'alors par l'entreprise ; qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale des actionnaires du 27 novembre 2013 qu'à compter de cette date, la société France Design et Création, renommée France Tourisme Immobilier, a eu pour objet l'exploitation et la gestion d'unités d'hébergement et de restauration, en France et en tous pays ; que ce procès-verbal ne fait nullement référence à l'activité de joaillerie exercée jusqu'alors, ni surtout ne précise que la société continuera à exercer cette activité de joaillerie parallèlement à son activité dans le secteur immobilier ; qu'en affirmant qu'il résulte de ce procès-verbal que la société France Tourisme Immobilier avait toujours pour objet social l'activité de joaillerie et qu'elle a encore développé des activités de joaillerie après la cessation d'activité de la boutique de la rue de la Paix, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
3. ALORS, ENFIN, QUE la cessation d'activité de l'entreprise, qui constitue un motif autonome de licenciement, se caractérise par l'arrêt complet et définitif de l'activité exercée jusqu'alors par l'entreprise, peu important la reprise ultérieure, par la société employeur, d'une activité totalement différente ; qu'en l'espèce, à la suite de la fermeture de la boutique de la rue de la Paix et de la cession de ses autres fonds de commerce de joaillerie, la société France Design et Création a décidé, au cours d'une assemblée générale du 27 novembre 2013, de s'engager dans une activité totalement différente, à savoir une activité immobilière, et dans cette perspective de changer son nom commercial, ses statuts et son siège social ; que ce redéploiement vers une activité sans aucun lien avec celle exercée jusqu'alors s'assimilait à une cessation d'activité ; qu'en jugeant cependant que la cessation d'activité n'était pas établie, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1233-3 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIREIl est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France Tourisme Immobilier à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 1235-4 du code du travail prévoit que « dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé » ; que le texte précise que « ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées » ; que sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame Y..., il y a lieu d'ordonner à la société de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités » ;
ALORS QU' en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du Code du travail ; qu'en l'espèce, il est constant que la rupture du contrat de travail de Madame Y... est intervenue par suite de l'acceptation par la salariée d'un contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en ordonnant cependant à la société France Tourisme Immobilier de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France Tourisme Immobilier à verser à Madame Y... les sommes de 12.282 euros à titre de prime d'objectifs, 1.228,20 euros au titre des congés payés afférents, 2.800 euros à titre de prime « produits » et 280 euros au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE « Madame Y... fait valoir que son contrat de travail ainsi que les avenants à celui-ci prévoyaient une rémunération variable sur objectifs, définis d'un commun accord entre les parties et chaque mois. La salariée indique que la société ne lui a jamais communiqué les objectifs à réaliser au sein de la boutique, l'employeur disposant donc d'une liberté totale pour fixer a posteriori les objectifs de vente déterminant le versement ou non des primes correspondantes. En réponse, la société indique que les objectifs étaient fixés par boutique et non par vendeur. L'employeur précise en outre que Madame Y... était informée chaque mois des objectifs à atteindre et avait à ce titre une parfaite connaissance des modalités de calcul et de fixation de sa rémunération variable. La société mentionne en outre que la salariée n'a jamais contesté le montant des primes perçues. Il résulte du contrat de travail de l'intéressée et des deux avenants des 22 septembre 2010 et 31 août 2011 que la salariée bénéficiait d'une rémunération variable se composant de primes mensuelles sur objectifs et de primes produits. II est établi que les objectifs à atteindre étaient définis chaque mois par le directeur commercial et par boutique et que si l'objectif était atteint, une prime forfaitaire de 200 euros était versée au titre de la prime produit et une autre de 660 euros au titre de la prime mensuelle. D'après le tableau récapitulatif des primes versées à la salariée, celle-ci a bénéficié certains mois, de l'une, voire des deux primes, à taux plein ou non, sans que le document ne précise le mode de calcul de ces primes. Si l'employeur indique que la salariée connaissait les objectifs à atteindre au sein de la boutique, il ne produit aucun document à ce titre de sorte que la cour peut valablement déduire que le versement des primes et leur montant étaient laissés à l'entière discrétion de l'employeur qui comme le soutient la salariée pouvait fixer a posteriori les objectifs atteindre au regard de ceux déjà réalisés. La société ne justifiant pas que la salariée connaissait les objectifs à atteindre pour percevoir les primes forfaitaires, elle sera condamnée à verser à Madame Y... les sommes suivantes:* 12282 euros au titre des primes d'objectifs, * 1228,20 euros à titre de congés payés afférents,* 2800 euros à titre de prime "produite , * 280 euros à titre de congés payés afférents. Le jugement sera confirmé sur ce point » ; définissent le montant de la prime sur objectifs mensuelle en fonction du pourcentage d'atteinte d'un objectif fixé en terme de chiffre d'affaires mensuel de la boutique et prévoient le paiement d'une prime produits mensuelle de 200 euros, en cas de vente d'un nombre minimum de produits en boutique ; qu'en affirmant que le versement et le montant des primes étaient laissés à l'entière discrétion de l'employeur, au prétexte que le document récapitulatif des primes ne précise pas le mode de calcul des primes, sans rechercher si ce calcul n'était pas prévu par les avenants précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
2. ALORS QUE lorsque les objectifs dont dépend la rémunération variable contractuelle n'ont pas été fixés d'un commun accord des parties, ni communiqués par l'employeur au salarié en début d'exercice, il appartient au juge de fixer ces objectifs pour déterminer le montant de la rémunération variable contractuelle due au salarié ; qu'en retenant, en l'espèce, que la société France Tourisme Immobilier ne justifiant pas que la salariée connaissait les objectifs à atteindre pour percevoir les primes composant sa rémunération variable contractuelle, elle devait être condamnée à verser à la salariée le montant maximal de ces primes, alors qu'il lui appartenait de fixer les objectifs et par suite le montant de cette rémunération variable, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail.