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17/01/2018 | FRANCE | N°16-18172

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2018, 16-18172


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence 1er avril 2016), que M. D... , engagé en qualité de conducteur routier le 23 mai 2005 par la société Frigo location devenue la société Xpo Transport Solution Sud, a été licencié pour faute grave par lettre du 11 juin 2012 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription alors, selon le moyen qu' aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui

seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence 1er avril 2016), que M. D... , engagé en qualité de conducteur routier le 23 mai 2005 par la société Frigo location devenue la société Xpo Transport Solution Sud, a été licencié pour faute grave par lettre du 11 juin 2012 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription alors, selon le moyen qu' aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que si la convocation du salarié à l'entretien préalable interrompt ce délai et fait courir un nouveau délai de deux mois, ce nouveau délai n'est pas interrompu par le simple report de la date de l'entretien préalable ; qu'en constatant que l'employeur avait jusqu'au 27 mai 2012 pour engager les poursuites disciplinaires, mais que l'entretien préalable s'était pourtant tenu valablement tenu le 29 mai 2012, soit deux jours après cette échéance, au motif que la convocation du 27 mars 2012 faisait mention d'un entretien préalable fixé au 10 avril suivant et que cet entretien avait été « reporté au 9 mai, puis au 29 mai », cependant que le simple report de la date de l'entretien préalable n'avait pas eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le délai de deux mois qui avait couru à compter du 27 mars 2012 pour expirer le 27 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que, le salarié ne s'étant pas présenté à l'entretien préalable fixé au 9 mai 2012, l'employeur lui avait adressé le 11 mai 2012, soit dans le délai de deux mois qui avait été interrompu par la première convocation du 27 mars 2012, une nouvelle convocation pour un entretien fixé au 29 mai 2012, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription n'était pas acquise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du premier moyen ni sur le second moyen ci après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. D... .

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

AUX MOTIFS QUE conformément à l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'en l'espèce, le salarié a été licencié pour des faits commis les 22 et 24 mars 2012 ; que l'employeur a convoqué le salarié à l'entretien préalable par lettre du 27 mars 2012 ; que cette lettre de convocation a interrompu le délai de prescription et fait courir un nouveau délai de deux mois, de sorte que l'employeur avait jusqu'au 27 mai 2012 pour engager les poursuites disciplinaires ; que le premier entretien n'ayant pas pu avoir lieu, l'employeur a reconvoqué le salarié par lettre du 10 avril 2012 pour un entretien fixé au 9 mai ; que le salarié ne s'étant pas présenté à cet entretien, l'employeur l'a convoqué une troisième fois, le 11 mai pour un entretien fixé au 29 mai ; que force est de constater que l'employeur a engagé les poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à compter de la première convocation à l'entretien préalable, de sorte que la prescription n'est pas acquise ; que la décision déférée qui a estimé que les faits incriminés était prescrits et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sera donc réformée ;

ALORS, D'UNE PART, QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires Jean-Christophe A... Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [...]                         au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que si la convocation du salarié à l'entretien préalable interrompt ce délai et fait courir un nouveau délai de deux mois, ce nouveau délai n'est pas interrompu par le simple report de la date de l'entretien préalable ; qu'en constatant que l'employeur avait jusqu'au 27 mai 2012 pour engager les poursuites disciplinaires, mais que l'entretien préalable s'était pourtant tenu valablement tenu le 29 mai 2012, soit deux jours après cette échéance, au motif que la convocation du 27 mars 2012 faisait mention d'un entretien préalable fixé au 10 avril suivant et que cet entretien avait été « reporté au 9 mai, puis au 29 mai » (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 2), cependant que le simple report de la date de l'entretien préalable n'avait pas eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le délai de deux mois qui avait couru à compter du 27 mars 2012 pour expirer le 27 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article L.1332-4 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE si l'article L.1332-4 du code du travail ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois, c'est à la condition que le comportement du salarié se soit poursuivi dans ce délai ; que l'employeur ne peut donc se prévaloir que de faits similaires procédant d'un même comportement fautif ou d'un comportement fautif de même nature et non de quelconques autres agissements commis antérieurement ; que dès lors, en prenant en considération, pour retenir le comportement prétendument fautif de M. D... , non seulement les faits des 22 et 24 mars 2012, mais également « une observation écrite le 13 mai 2011 pour excès de vitesse et un avertissement le 16 novembre 2011 pour avoir endommagé un camion à quai » (arrêt attaqué, p. 5, in fine), cependant que ces derniers faits n'étaient pas de même nature que ceux survenus les 22 et 24 mars 2012, de sorte qu'ils étaient nécessairement prescrits, la cour d'appel a violé l'article L.1332-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement pour faute grave était justifié et d'avoir débouté M. D... de ses demandes tendant à obtenir les indemnités de rupture outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve ; qu'aux termes de la lettre de licenciement du 11 juin 2012, il est reproché au salarié deux fautes qu'il convient d'examiner : 1°) le 22 mars 2012, lors de l'échange des porteurs, d'avoir omis de récupérer la pochette contenant l'ensemble des documents obligatoires et circulé ainsi en toute illégalité ; que l'employeur établit la réalité de ce grief par la production du courriel que M. B..., exploitant lui a adressé le 27 mars 2012, afin de l'aviser de ce que le salarié n'avait pas pris le soin de récupérer la pochette contenant l'ensemble des documents obligatoires avant de partir avec le véhicule ; que le salarié ne le conteste pas dans la mesure où il justifie son comportement en indiquant que s'il était retourné récupérer les documents obligatoires, il aurait alors excédé le temps de service de 10 heures ; que son temps de service sur la journée du 22 mars 2012 a été de 7h53 de sorte que s'il était revenu chercher documents il aurait travaillé 8h53, puisqu'il se trouvait à Vitrolles, à une trentaine de minutes de l'l'entreprise située à [...]     ; que le salarié ne saurait valablement soutenir que cet oubli est imputable à l'exploitant qui aurait dû les placer dans le véhicule qu'il lui a confié, alors qu'il est expressément indiqué dans les consignes générales à respecter annexées au contrat de travail qu'« avant chaque départ, le conducteur doit vérifier la présence à bord des documents indispensables (permis, autorisations, carnets de feuilles de route, A.T.I.E., disques chronotachygraphe, etc.) » ; que le salarié a commis une faute en conduisant un camion sans les documents obligatoires et que ce premier grief apparaît établi ; 2°) le 24 mars 2012 avoir laissé le groupe frigo d'un véhicule sans carburant alors que celui-ci était chargé de marchandises ; que l'employeur établit par la production des courriels qui ont été échangés entre M. C..., moniteur de conduite, et M. B..., exploitant, que le samedi soir 24 mars, le groupe frigo du véhicule immatriculé [...]      était en alarme, la température se situant aux alentours de 14º, qu'il n'y avait plus de fioul et qu'il a fallu mettre 83 litres dans le réservoir ; qu'il établit également que c'est le salarié qui a utilisé ce camion ce jour-là, ce que ce dernier ne conteste pas ; qu'en omettant de remplir le réservoir de fioul, le salarié a commis une faute qui a mis en péril la qualité des denrées alimentaires entreposées dans le camion frigorifique, dans la mesure où la chaîne du froid a été interrompue ; que ce grief est donc également établi ; qu'enfin, il apparaît que ces faits surviennent alors que le salarié a déjà fait l'objet d'une observation écrite le 13 mai 2011 pour excès de vitesse et d'un avertissement le 16 novembre 2011 pour avoir endommagé un camion à quai ; que les griefs reprochés au salarié constituent une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'il convient par conséquent de dire que le licenciement pour faute grave est fondé ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en considérant que M. D... avait commis une faute grave en ne se munissant pas, en une seule occasion, des papiers de son véhicule, cependant que cette omission n'avait fait courir aucun risque sérieux à l'entreprise et que ce risque ne s'était en toute hypothèse pas réalisé, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute grave, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9, L.1331-1 et L.1333-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que dans le courrier de licenciement du 11 juin 2012, l'employeur reprochait à M. D... d'avoir, le 24 mars 2012, « laissé le groupe frigo du véhicule immatriculé [...]      sans carburant alors même que le véhicule était chargé en marchandises pour le compte de notre client X... », ajoutant que « M. Michel C..., Moniteur Sécurité, venu sur le site ce jour-là, a été alerté par le fait que le groupe frigo était en alarme et affichait une température de 15ºC, alors même que nous devons maintenir une marchandise à une température entre 0º et 4º afin de garantir la chaîne du froid et la conservation des denrées alimentaires » et reprochant dès lors à M. D... de n'avoir « pas vérifié le bon fonctionnement du frigo à la clôture de votre journée » en précisant que « sans une intervention [du] moniteur, [l'entreprise aurait] subi un sinistre marchandise du fait du stationnement du véhicule tout le week-end » ; qu'en retenant ainsi « qu'en omettant de remplir le réservoir de fioul, le salarié a commis une faute qui a mis en péril la qualité des denrées alimentaires entreposées dans le camion frigorifique, dans la mesure où la chaîne du froid a été interrompue » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 13), cependant que le courrier de licenciement ne faisait pas mention d'une interruption de la chaîne du froid mais indiquait au contraire que M. C... était intervenu pour éviter « un sinistre marchandise », la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9, L.1331-1 et L.1333-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-18172
Date de la décision : 17/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 01 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 jan. 2018, pourvoi n°16-18172


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.18172
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