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17/01/2018 | FRANCE | N°15-24182

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2018, 15-24182


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Bandes Somos, filiale de la société Karl Otto Braun Kg (KOB), a été mise en redressement judiciaire le 19 novembre 2008 puis en liquidation judiciaire le 15 avril 2009 ; que l'ensemble de ses trente-huit salariés a été licencié le 15 décembre 2008 pour motif économique ; que Mme D... et trente-six autres d'entre eux, dont M. E... et quatre autr

es bénéficiant du statut protecteur attaché à leurs mandats de représentants du pe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Bandes Somos, filiale de la société Karl Otto Braun Kg (KOB), a été mise en redressement judiciaire le 19 novembre 2008 puis en liquidation judiciaire le 15 avril 2009 ; que l'ensemble de ses trente-huit salariés a été licencié le 15 décembre 2008 pour motif économique ; que Mme D... et trente-six autres d'entre eux, dont M. E... et quatre autres bénéficiant du statut protecteur attaché à leurs mandats de représentants du personnel, ont saisi la juridiction prud'homale pour contester leur licenciement en invoquant la qualité de co-employeur de la société KOB ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel et déclarer les cinq salariés protégés irrecevables en leurs prétentions, l'arrêt retient que ne présente pas de caractère sérieux la contestation d'une décision administrative individuelle à l'encontre de laquelle l'intéressé a négligé d'exercer les voies de recours qui lui étaient ouvertes, qu'en l'espèce, les demandeurs se limitent à affirmer que n'ont pas été portés à la connaissance de l'inspecteur du travail la situation de co-emploi, l'attitude frauduleuse de la société KOB pour avoir détourné l'activité, la clientèle et le fonds de commerce de la société Les Bandes Somos et ainsi provoqué la liquidation, l'absence de difficulté économique ou financière, et le non-respect des obligations de reclassement, qu'à supposer réels les éléments invoqués, ils étaient nécessairement connus des salariés protégés au temps de la notification des autorisations administratives de licenciement, qu'au surplus, ces éléments ont été expressément ou implicitement invoqués à l'appui du recours qu'à la même période, par acte du 14 avril 2009, les salariés protégés ont introduit avec les salariés non protégés devant le tribunal de grande instance de Mulhouse pour contester l'ordonnance du 11 décembre 2008 par laquelle le juge commissaire avait autorisé les licenciements économiques, que faute pour les salariés protégés d'avoir allégué ces éléments dans le cadre des voies de recours qui leur étaient alors ouvertes pour contester les décisions de l'inspecteur du travail les concernant, et faute pour eux de justifier avoir été empêchés d'exercer ces recours dans les délais qui leur étaient impartis, leur contestation tardive manque de caractère sérieux, que par conséquent, il n'y a pas lieu à question préjudicielle, et rien ne justifie la demande de sursis à statuer, qu'en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut statuer sur le caractère réel et sérieux de la cause d'un licenciement économique autorisé par une autorité administrative, qu'il est justifié des autorisations de licenciement que l'inspecteur du travail a effectivement délivrées le 8 janvier 2009 à l'égard des salariés protégés ; que ces derniers sont dès lors irrecevables en leurs prétentions qu'ils font découler de la contestation du caractère réel et sérieux de leurs licenciements et qu'ils ont soumises à des juridictions judiciaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exception devant le juge judiciaire tirée de l'illégalité d'un acte administratif individuel n'est soumise à aucune condition de délai et qu'il lui appartenait de se prononcer sur le caractère sérieux de l'exception, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel et déclare irrecevables les demandes de MM. E... , B..., Y..., et Mmes A... et Z..., l'arrêt rendu le 23 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Karl Otto Braun KG et la société Hartmann aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Karl Otto Braun KG et la société Hartmann à payer à MM. E... , Y..., B... et Mmes Z... et A... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour MM. E... , Y..., B... et Mmes Z... et A....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Messieurs René B..., Clément Y..., Italo E... et Mesdames Murielle A... et Adrienne Z... de leurs demandes tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur leurs prétentions et qu'il soit renvoyé à titre préjudiciel au juge administratif l'appréciation de la légalité des autorisations de licenciement délivrées par l'inspecteur du travail le 8 janvier 2009, et de les AVOIR déclaré irrecevables en leurs prétentions ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de sursis à statuer et de transmission d'une question préjudicielle : par voie de question préjudicielle, une juridiction judiciaire peut surseoir à statuer lorsqu'est contestée une disposition administrative invoquée devant elle pour que soit saisie la juridiction administrative chargée d'en apprécier la légalité ; que la question doit néanmoins présenter un caractère sérieux ; que ne présente pas de caractère sérieux la contestation d'une décision administrative individuelle à l'encontre de laquelle l'intéressé a négligé d'exercer les voies de recours qui lui étaient ouvertes ; qu'en l'espèce, les demandeurs René B..., Murielle A..., Clément Y..., Italo E... et Adrienne Z..., qui avaient la qualité de salariés protégés, sollicitent un sursis à statuer pour contester les autorisations de licenciement que l'inspecteur du travail a délivrées les concernant le 8 janvier 2009 ; que ces salariés protégés se limitent cependant à affirmer que n'ont pas été portés à la connaissance de l'inspecteur du travail la situation de co-emploi, l'attitude frauduleuse de la société KOB pour avoir détourné l'activité, la clientèle et le fonds de commerce de la société Les bandes Sornos et ainsi provoqué la liquidation, l'absence de difficulté économique ou financière, et le non-respect des obligations de reclassement ; qu'à supposer réels les éléments invoqués, ils étaient nécessairement connus des salariés protégés au temps de la notification des autorisations administratives de licenciement ; qu'au surplus, ces éléments ont été expressément ou implicitement invoqués à l'appui du recours qu'à la même période, par acte du 14 avril 2009, les salariés protégés ont cru pouvoir introduire avec les salariés non protégés devant le tribunal de grande instance de Mulhouse pour contester l'ordonnance du 11 décembre 2008 par laquelle le juge-commissaire avait autorisé les licenciements économiques ; que faute pour les salariés protégés d'avoir allégué de ces éléments dans le cadre des voies de recours qui leur étaient alors ouvertes pour contester les décisions de l'inspecteur du travail les concernant, et faute pour eux de justifier avoir été empêchés d'exercer ces recours dans les délais qui leur étaient impartis, leur contestation tardive manque de caractère sérieux ; que par conséquent, il n'y a pas lieu à question préjudicielle, et rien ne justifie la demande de sursis à statuer ; sur l'irrecevabilité des salariés protégés : qu'en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut statuer sur le caractère réel et sérieux de la cause d'un licenciement économique autorisé par une autorité administrative ; qu'à la suite de l'arrêt avant dire droit du 24 juin 2013, il est justifié des autorisations de licenciement que l'inspecteur du travail a effectivement délivrées le 8 janvier 2009 à l'égard des salariés protégés René B..., Murielle A..., Clément Y..., Italo E... et Adrienne Z... ; que ces cinq salariés sont dès lors irrecevables en leurs prétentions qu'ils font découler de la contestation du caractère réel et sérieux de leurs licenciements et qu'ils ont soumises à des juridictions judiciaire,

ALORS QUE 1°), le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement y compris en ce qui concerne le respect de l'obligation de reclassement ; qu'il lui appartient seulement de surseoir à statuer en renvoyant l'appréciation de la légalité de la décision administrative à la juridiction administrative ; qu'en refusant de surseoir à statuer et de renvoyer à titre préjudiciel au juge administratif l'appréciation de la légalité des autorisations de licenciement délivrées par l'inspecteur du travail le 8 janvier 2009, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

ALORS QUE 2°), le recours en appréciation de légalité par le juge administratif sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire n'est soumis à aucune condition de délai ; qu'en reprochant aux exposants de ne pas avoir exercé un recours en annulation contre les autorisations de licenciement délivrées par l'inspecteur du travail le 8 janvier 2009 dans le délai de deux mois courant à compter de leur notification, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

ALORS QUE 3°), l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé interdit au juge judiciaire d'apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement fondé sur cette autorisation ; que le juge peut seulement renvoyer au juge administratif le soin d'apprécier la légalité de la décision administrative si l'exception préjudicielle présente un caractère sérieux ; qu'en refusant de considérer comme sérieuse la contestation des salariés qui faisaient pourtant valoir que la société Karl Otto Braun KG était leur coemployeur, que celle-ci avait eu une attitude frauduleuse en détournant la clientèle et le fonds de commerce de la société Les Bandes Somos à l'origine de sa liquidation judiciaire, que les difficultés économiques invoquées n'étaient pas avérées et que les sociétés coemployeurs n'avaient pas satisfait à leur obligation de reclassement, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-24182
Date de la décision : 17/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 23 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 jan. 2018, pourvoi n°15-24182


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.24182
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