La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2018 | FRANCE | N°17-11526

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 janvier 2018, 17-11526


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 novembre 2016), que Maryvonne A... et Robert X..., son époux, sont décédés respectivement les [...]        , laissant pour leur succéder leurs trois enfants, Dominique, Jean-Pierre et Marie-Paule ; que des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et de partage des successions ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt d'ordonner l'attribution préférentielle à leur soeur d

e parcelles de terre, bâtiments d'exploitation et maison d'habitation ;

Attendu que, sous...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 novembre 2016), que Maryvonne A... et Robert X..., son époux, sont décédés respectivement les [...]        , laissant pour leur succéder leurs trois enfants, Dominique, Jean-Pierre et Marie-Paule ; que des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et de partage des successions ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt d'ordonner l'attribution préférentielle à leur soeur de parcelles de terre, bâtiments d'exploitation et maison d'habitation ;

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de l'article 831 du code civil et de manque de base légale au regard de l'article 832-3 du même code, le pourvoi ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a estimé, d'une-part, que la constitution fictive de la SCI Les 3 F et le testament portant atteinte à la réserve étaient inopposables à Mme X..., d'autre-part, que les intérêts en présence justifiaient qu'il soit fait droit à sa demande d'attribution préférentielle ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour MM. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'attribution préférentielle à Mme Marie-Paule X... épouse Y... des parcelles de terres situées sur la commune de [...] et cadastrées [...] , [...] , [...] , [...] , ZH [...] , ZE 10, ZE 80, ZE 6 et ZY 83, pour une contenance totale de 41 ha 33 a, d'un ensemble de bâtiments d'exploitation situé au lieu dit [...], sur la commune de [...] , cadastré [...] (anciens ZN 104, ZN 103 et ZN 18) et ZN 99, pour une contenance totale de 2 ha 99 a 24, des parcelles de terres, situées au lieu dit La [...], sur la commune  de [...], cadastrées [...] et [...] l (sur laquelle se trouve un poulailler), pour une contenance totale de 9 ha 66 a 58 ca, la maison d'habitation située sur la parcelle [...] située au lieu-dit [...], sur la commune de [...]

AUX MOTIFS QUE «Sur la demande d'attribution préférentielle de Mme Y... : que pour s'opposer à cette demande, MM. X... font valoir que les immeubles, dont Mme Y... demande l'attribution préférentielle, ont été apportés par leur père à la S. C.I. les 3 F dont ils étaient avec lui les associés et que Mme Y... ne peut se voir attribuer leurs parts sociales puisque par testament, leur père leur en a légué la totalité ;

cependant, à titre principal, Mme Y... ne demande pas l'attribution préférentielle des parts sociales de la S.C.I mais d'une partie des biens qui y ont été apportés ;

au soutien de cette demande principale, Mme Y... fait valoir que la S. C.I. les 3 F n'a jamais eu d'existence régulière et que son seul objet était de contourner les règles d'ordre public de la réserve héréditaire ;

il ressort des pièces communiquées aux débats que :

- les apports de biens de Robert X... à la société les 3 F, constitués d'immeubles lui appartenant en propre, ont été évalués à 203.000 € alors que les apports de MM. Dominique X... et Jean Pierre X... étaient de 1.000 € chacun en numéraire déposés sur un compte ouvert à la Banque Populaire de l'Ouest ;

- les comptes annuels de la S. C.I n'ont pas été communiqués aux débats bien que Mme Y... ait relevé qu'ils devaient être rétablis, conformément à l'article 29 des statuts ;

- Alors que la S.C.I les 3 F a été constituée le 10 mai 2010, ses statuts n'étaient pas encore publiés à la date du 25 février 2014;

- le 13 janvier 2012, le conseil de Mme Y... a adressé une lettre à Me B..., demeurée sans réponse, en l'interrogeant sur les raisons pour lesquelles les demandes de fermages qu'elle était censée devoir à la S. C.I les 3 F, propriétaires des biens qu'elle lui louait, étaient établis pour le compte de M X... ;

- Si Mme X... a, dans une instance devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Redon, demandé l'intervention de la S.C.I. Les 3 F et obtenu sa condamnation à lui payer la somme de 23.437, 80 € au titre de travaux à réaliser en exécution de son obligation de délivrance en sa qualité de bailleur, et que par chèque Carpa Bretagne de 30.586,80 €, adressé le 23 septembre 2014 au conseil de Mme Y..., son avocat a réglé toutes sommes dues au titre de l'exécution provisoire, en revanche, une attestation délivrée par la banque populaire de l'ouest le 1er septembre 2013 indique son impossibilité de payer la somme de 23.437,80 €, montant de la condamnation principale prononcée le 28 mai 2013 ;

il ressort de la conjonction de ces éléments que MM. X..., après le décès de Maryvonne A... divorcée X..., n'ont constitué la S.C.I des 3 F que dans le dessein de soustraire les biens apportés à la S. C.I., loués à bail rural à Mme Y..., à l'éventuelle succession de Robert X..., de sorte que la S.C.I n'a jamais eu d'existence réelle ;

ce dessein s'est trouvé confirmé par la rédaction du testament olographe de Robert X... un an (a) près la constitution de la S.C.I. où, non seulement, il lègue la quotité disponible des biens qui constitueront sa succession au jour du décès mais encore, ses parts sociales dans la S.C.I les 3 F, portant ainsi atteinte, puisque excédant la quotité disponible, à la règle d'ordre public de la réserve héréditaire au détriment de Mme Y... ;

pour justifier cette disposition, MM. X... font valoir que Mme Y... avait elle-même, par testament olographe du 29 novembre 2008 de sa mère Maryvonne A..., été instituée par celle-ci légataire de la quotité disponible de sa succession et qu'en conséquence, les avantages consentis par leur père n'avaient que pour objet de rééquilibrer ceux obtenus par leur soeur ;

cette circonstance est sans influence sur la caractère fictif de la S.C.I constituée entre leur père et eux et l'atteinte portée à la réserve héréditaire par le testament postérieur ;

en conséquence, tant la constitution de la S.C.I les 3 F que les dispositions testamentaires de Robert (X...) sont inopposables à Mme Y... pour faire échec à sa demande d'attribution préférentielle ;

tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle à charge de soulte s'il y a lieu de toute entreprise ou partie d'entreprise agricole à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement ;

Mme Y... a communiqué aux débats le relevé d'exploitation dressé par la MSA des Portes de Bretagne portant désignation des terres par elle exploitées par bail rural qui soit, ont été apportés fictivement à la S.C.I des 3 F (surlignées en couleur orange) soit, appartenaient à la communauté X...-A... (surlignées en couleur jaune, les autres terres figurant sur le relevé d'exploitation appartenant à des tiers (C...- D...- E...) ou dont elle est déjà propriétaire (ZH 6) ;

parmi les parcelles dont Mme Y... demande l'attribution préférentielle est notamment inclue la parcelle cadastrée section [...] , située au [...]                                 , d'une contenance de 1ha 05 ca 89 a, à vocation agricole, mais sur laquelle est aussi édifiée une maison d'habitation ;

aussi, cette maison formant, en raison de la configuration des lieux, sa proximité avec d'autres parcelles bâties ou non bâties exploitées par Mme Y..., un tout indivisible avec les terres et bâtiments d'exploitation situés à proximité, doit être incluse dans les biens attribués à Mme Y... qui les exploite à des fins agricoles ;

en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a attribué préférentiellement à Mme Y... la totalité des parts sociales de la S.C.I. les 3 F, l'attribution préférentielle accordée à Mme Y... portant sur les terres ayant été soit apportées fictivement à la S.C.I. soit issues de la communauté X...-A..., telles que ces parcelles sont désignées cadastralement dans le dispositif des dernières conclusions de Mme Y... » ;

1) ALORS QUE le défunt peut exclure, pour ses héritiers, le droit de réclamer l'attribution préférentielle, qu'elle soit facultative ou de droit, si cette exclusion résulte, soit d'une manifestation de volonté formelle du défunt, soit d'une clause de son testament, incompatible avec la possibilité d'une telle attribution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, dans son testament du 19 mai 2011, Robert X... avait indiqué qu'il souhaitait que seuls ses fils héritent des parts sociales de la SCI Les 3 F à laquelle il avait fait apport d'une partie des biens composant l'exploitation familiale, ce dont il résultait que Robert X... avait exclu que sa fille, Mme Y..., puisse prétendre à l'attribution préférentielle de ladite exploitation ; qu'en retenant, pour attribuer de manière préférentielle à Mme Y... les biens composant cette exploitation, que les dispositions testamentaires de Robert X... en date du 19 mai 2011 ne peuvent être opposées à celle-ci pour tenir en échec sa demande d'attribution préférentielle, quand la volonté de Robert X... d'exclure une telle attribution au profit de sa fille - qui ne revêtait aucun caractère frauduleux - devait recevoir son plein effet, la cour d'appel a violé l'article 831 du code civil ;

2) ALORS QU'à défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence; qu'en attribuant de manière préférentielle à Mme Y... un ensemble de biens immobiliers faisant partie de l'actif successoral de ses parents, sans nullement s'expliquer sur l'opportunité d'une telle attribution au regard des intérêts en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 832-3 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Dominique X... de sa demande en fixation d'une créance de salaire différé à son profit pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1988, déduction faite de la donation par preciput et hors part dont il a bénéficié le 26 juillet 1990 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE «Sur les créances de salaire différé: (. . .)

- demande de M. Dominique X... :

M. Dominique X..., né le [...]        , soutient avoir continué à travailler comme aide familial sur l'exploitation de ses parents de ses dix huit ans en avril 1983, jusqu'en 1988 ;

à l'appui de sa demande de salaire différé, il produit un relevé de compte de la MSA qui montre une affiliation au régime non salarié agricole de 1984 à 1988 ;

il communique également aux débats des attestations de voisins faisant état de sa participation aux travaux agricoles sur la ferme de ses parents pendant la période correspondante ;

cependant, il ne prouve nullement que, durant cette période, il n'aurait perçu aucune rémunération, alors qu'il lui appartient de prouver pour pouvoir prétendre au bénéfice d'une créance de salaire différé qu'il n'avait en contrepartie de sa collaboration à l'exploitation perçu aucun salaire en argent ;

aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE «Sur la demande de créance de salaire différé formé par Monsieur Dominique X... :

Monsieur Dominique X... sollicite, à son profit, une créance de salaire différé (. . .) sur la base d'une période allant du 1er janvier 1984 au 1er septembre 1988, déduction faite de la donation préciputaire hors part dont il a bénéficié le 26 juillet 1990 ;

Monsieur Dominique X... ne produit qu'une seule pièce au soutien de sa demande, dont les termes démontrent qu'il a été rémunéré pendant la période considérée,· (. . .) surtout, l'acte de donation préciputaire hors part dont il a bénéficié le 26 juillet 1990 mentionne précisément que celle-ci a été faite en compensation du salaire différé auquel avait droit Monsieur Dominique X... et que ce dernier mentionne expressément être rempli de ses droits, de sorte qu'il ne pourrait faire aucune réclamation à ce sujet ;

dès lors, il ne peut être que considéré que Monsieur Dominique X... n'est bénéficiaire d'aucune créance de salaire différé dans la succession de son père » ;

1) ALORS QUE les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé ; qu'en retenant, pour débouter M. Dominique X... de sa demande en fixation d'une créance de salaire différé, que celui-ci ne démontre pas ne pas avoir perçu de rémunération et qu'à l'inverse il résulte de la donation préciputaire hors part dont il a bénéficié le 26 juillet 1990 qu'il a bien été rémunéré à cet égard, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le montant de cette donation suffisait à le remplir de ses droits au titre de la créance de salaire différé à laquelle il pouvait prétendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3 21-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE si l'exploitant peut, de son vivant remplir de ses droits de créance le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé, ce dernier ne peut renoncer du vivant de l'exploitant, aux droits qu'il tient de la loi et qu'il ne pourra exercer qu'après le décès de celui-ci au cours du règlement de la succession; qu'en se fondant, pour débouter M. Dominique X... de sa demande en fixation d'une créance de salaire différé, sur le fait que dans l'acte de donation préciputaire hors part dont il a bénéficié le 26 juillet 1990, celui-ci s'est déclaré rempli de ses droits au titre d'une telle créance et ajouté qu'il ne pourrait faire aucune réclamation à ce sujet, la cour d'appel a violé l'article L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-11526
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 22 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jan. 2018, pourvoi n°17-11526


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11526
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award