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10/01/2018 | FRANCE | N°17-10560

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 janvier 2018, 17-10560


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 octobre 2016), que M. A... a conclu deux conventions de compte courant avec la société BNP Paribas (la banque) suivant actes authentiques reçus par Jacques C..., notaire, les 4 novembre 1981, 1er et 2 mars 1982, et portant mention de l'engagement de caution solidaire de Mme Z..., épouse de M. A... jusqu'en 1988 ; que celle-ci a assigné les 24, 26 juillet et 6 août 2012 en inscription de faux et en responsabilité délictuelle la société civile professionnelle

de notaires M...-D... (la SCP), M. A..., son liquidateur, la socié...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 octobre 2016), que M. A... a conclu deux conventions de compte courant avec la société BNP Paribas (la banque) suivant actes authentiques reçus par Jacques C..., notaire, les 4 novembre 1981, 1er et 2 mars 1982, et portant mention de l'engagement de caution solidaire de Mme Z..., épouse de M. A... jusqu'en 1988 ; que celle-ci a assigné les 24, 26 juillet et 6 août 2012 en inscription de faux et en responsabilité délictuelle la société civile professionnelle de notaires M...-D... (la SCP), M. A..., son liquidateur, la société civile professionnelle X...-Y...-G..., devenue Delphine G..., (le liquidateur), et les héritiers de Jacques C..., MM. Philippe et François C..., et Mmes Geneviève, Marie-Josèphe et Hélène C... (les consorts C...), puis la banque en intervention forcée ;

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, réunis :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action en inscription de faux et de rejeter ses demandes indemnitaires à l'encontre des consorts C... et de la SCP et celle fondée sur l'article 1415 du code civil alors, selon le moyen :

1°/ que la loi du 17 juin 2008, d'application immédiate, a instauré une prescription quinquennale courant « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », soit à compter de la date à laquelle le titulaire du droit d'action en a eu connaissance ; qu'ayant eu connaissance de son droit d'agir en inscription de faux, le 10 septembre 2007, date à laquelle la BNP l'a mise en demeure en sa prétendue qualité de caution, de l'existence des engagements souscrits par M. A... au titre des actes notariés des 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, Mme Z... a introduit son action en inscription de faux par exploits des 24, 26 juillet et 6 août 2012, soit avant le 10 septembre 2012, terme du délai de prescription ; qu'en retenant cependant que la loi nouvelle n'avait pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir les 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, pour en déduire que l'action en inscription de faux de Mme Z... avait été à juste titre déclarée irrecevable comme prescrite par le tribunal, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2, 2222 et 2224 du code civil, ensemble l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;

2°/ qu'un délai ne court pas contre celui qui ne peut agir ; que le délai de prescription d'une action en inscription de faux part de la date à laquelle une partie a connaissance de l'existence de l'acte que l'on entend lui opposer et de son droit d'action corrélatif en contestation de celui-ci ; que dans le cas où la prescription n'est pas déjà acquise, le nouveau délai quinquennal instauré par la loi du 17 juin 2008 court à compter de son entrée en vigueur, soit à compter du 19 juin 2008, pour expirer le 19 juin 2013 ; qu'ayant eu connaissance, par sa mise en demeure du 10 septembre 2007 en sa prétendue qualité de caution, de l'existence des actes notariés des 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, et alors que la prescription trentenaire n'était pas acquise à la date de la mise en demeure, Mme Z... a intenté son action en inscription de faux par exploits des 24, 26 juillet et 6 août 2012 ; que cette action a été introduite avant que la prescription quinquennale n'ait été acquise au 19 juin 2013, et sans que la durée totale du délai écoulé entre la mise en demeure et ses assignations n'ait excédé le délai de prescription précédemment applicable de trente ans ; qu'en considérant cependant que l'action en inscription de faux de Mme Z... était irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 2262, celles de l'article 2222 du code civil et celles de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;

3°/ que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, les dispositions de l'arrêt déboutant Mme Z... de son action en responsabilité extracontractuelle à l'encontre des héritiers de Jacques C... et de la SCP se trouvaient dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef de l'arrêt déclarant Mme Z... irrecevable à s'inscrire en faux contre les actes authentiques reçus par Jacques C... ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré Mme Z... irrecevable en son action en inscription de faux entraînera celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme Z... de ses demandes indemnitaires à l'encontre des consorts C... et de la SCP, en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile ;

4°/ qu'une société civile professionnelle est solidairement responsable avec le notaire associé, membre de la SCP à laquelle elle a succédé, des conséquences dommageables de ses actes ; qu'en considérant dès lors, à supposer qu'elle ait entendu faire siens ces motifs, que la SCP M... -D...     n'avait pas à répondre personnellement de la faute alléguée qui relevait des obligations de rédacteur d'acte de son prédécesseur, la cour d'appel a violé l'article 16 de la loi du 29 novembre 1966, ensemble les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, les dispositions de l'arrêt déboutant Mme Z... de son action en responsabilité fondée sur l'article 1415 du code civil et tendant à voir dire que la BNP ne pouvait valablement poursuivre le paiement sur les biens dépendant de la communauté Z...-A..., se trouvaient dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef de l'arrêt déclarant Mme Z... irrecevable à s'inscrire en faux contre les actes authentiques reçus par Jacques C... ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré Mme Z... irrecevable en son action en inscription de faux entraînera celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme Z... de son action fondée sur l'article 1415 du code civil, en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que, selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'aux termes de son article 26 II, les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Attendu, ensuite, que, conformément à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, toutes les actions, tant réelles que personnelles, se prescrivaient par trente ans et le délai trentenaire de l'action en inscription de faux commençait à courir du jour où l'acte irrégulier avait été passé, sauf contre celui qui était dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure si, au moment où cet empêchement avait pris fin, il ne disposait plus du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ;

Et attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que la loi nouvelle n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai trentenaire de prescription extinctive ayant commencé à courir au jour des actes argués de faux, l'arrêt relève que, le 10 septembre 2007, Mme Z... a été mise en demeure par la banque de payer les sommes dues en vertu des engagements de caution argués de faux ; qu'ayant ainsi fait ressortir que Mme Z... disposait du temps nécessaire, à compter de cette date, pour agir avant l'expiration du délai de prescription alors en vigueur, la cour d'appel en a exactement déduit que le nouveau délai de prescription de l'article 2224 n'avait pu avoir pour effet de reporter l'expiration de ce délai au delà du délai résultant de la loi antérieure et que l'action en inscription de faux, introduite plus de trente ans après les actes argués de faux, était prescrite ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses troisième, quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'est pas recevable à agir en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. A... alors, selon le moyen, que la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur ; que la créance indemnitaire de la prétendue caution à raison de l'acte de caution faux que l'on entend lui opposer et dont elle est seulement informée lors de la mise en demeure dont elle fait l'objet, naît lors de celle-ci, soit à la suite de la défaillance du débiteur mis en liquidation judiciaire ; que la créance indemnitaire de la prétendue caution à raison de l'acte faux a donc son origine postérieurement à cette mise en liquidation judiciaire ; qu'en considérant dès lors que Mme Z... était irrecevable à agir en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. A..., au motif que la créance indemnitaire de Mme Z... avait son origine à la date des actes de cautionnement argués de faux, et qu'aucune déclaration de créance n'avait été effectuée par elle auprès du liquidateur, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2257 et 2270-1 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, celles de l'article 2021 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 23 mars 2006, celles des articles 2233 et 2298 du code civil, ensemble les dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la créance de réparation de Mme Z... avait pour origine l'établissement par M. A... d'actes argués de faux et relevé qu'aucune déclaration de créance n'avait été effectuée auprès du liquidateur, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que Mme Z... était irrecevable à agir en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. A..., en liquidation judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action en inscription de faux formée par Mme Z... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « (
) Mme Claudette Z... qui conclut à la recevabilité de son action, fait valoir qu'elle n'a eu connaissance des actes argués de faux qu'à compter du jour de la mise en demeure qui lui a été faite par BNP Paribas, soit le 10 septembre 2007, et que par l'effet de la loi du 17 juin 2008, le point de départ du délai de prescription quinquennale a été reporté au 19 juin 2013, le délai butoir prévu à l'article 2232 du code civil n'étant pas applicable dès lors qu'il aboutirait à faire disparaître le droit d'action avant l'entrée en vigueur de la loi ; qu'objectivement et s'agissant d'une action en inscription de faux portant sur un cautionnement hypothécaire, le délai de prescription a été suspendu jusqu'au jugement du 8 décembre 1995 ayant placé M. Jean A... en liquidation judiciaire, cette date étant aussi celle du point de départ du délai prévu à l'article 2232 du code civil. En application des dispositions combinées de l'article 2224 du code civil et de l'article 26-11 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la réduction du délai de prescription des actions personnelles ou mobilières de trente à cinq ans s'applique aux prescriptions à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure ; selon l'article 2232 du code civil issu de cette même loi, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. Les actes argués de faux étant antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le point de départ du délai de la prescription trentenaire applicable en vertu de l'ancien article 2262 du code civil est le 4 novembre 1981 pour le premier acte authentique intitulé « convention de compte courant », et le 2 mars 1982 pour le second acte authentique intitulé « convention de compte courant complémentaire ». La loi nouvelle n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir les 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, mais seulement de réduire à cinq ans la durée de ce délai, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure. La déclaration des créances de BNP Paribas au passif de la liquidation judiciaire de M. Jean A..., débiteur principal, qui a interrompu la prescription de toute action en paiement du créancier à l'égard de la caution solidaire jusqu'à la clôture de la procédure collective, est sans effet sur le délai de prescription extinctive de l'action en inscription de faux exercée à titre personnel par Mme Claudette Z.... L'article 2232 du code civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 n'est pas applicable en l'espèce dès lors que le délai de la prescription extinctive n'a été ni reporté, ni suspendu, ni interrompu. L'action en inscription de faux de Mme Claudette Z... a été à juste titre déclarée irrecevable comme étant prescrite à compter du 4 novembre 2011 pour le premier acte authentique, et à compter du 2 mars 2012 pour le second, en application des dispositions combinées de l'article 2224 du code civil et de l'article 26-11 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « (
) Le 4 novembre 1981, M. Jean A..., entrepreneur de maçonnerie et travaux publics, a souscrit auprès de la BNP une convention de compte courant prévoyant l'ouverture d'un crédit d'un montant de 4.000.000 francs, (609.796,06 € ), moyennant un taux d'intérêt de 17,05 %, suivant acte notarié passé en l'étude de Maître Jacques C..., notaire à [...] . Il a été fait mention dans cet acte de ce que Mme Z..., épouse A..., se portait caution solidaire de son mari de toutes les sommes dues au titre de l'engagement principal. Une hypothè(que) conventionnelle a également été consentie par les époux, mariés sous le régime de la communauté légale, sur un ensemble de terrains situés commune de [...] (Charente Maritime). Le 2 mars 1982, suivant acte notarié également passé en l'étude de Maître Jacques C..., la BNP a consenti à M. Jean A... une seconde convention de compte courant, d'un montant de 2.000.000 (francs) (304 898,03 €). Il a également était fait mention que Mme Z... intervenait à l'acte pour garantir l'exécution de son engagement de caution du 4 novembre 1981, et porter l'hypothèque précédemment consentie, à la somme de 2.000.000 francs. Le 24 novembre 1983, Maître Jacques C... a constitué une Société Civile Professionnelle avec Maître Philippe M...   , devenue la SCP M... D...       après cession des parts de Maître C... à Maître D.... M. Jean A... et Mme Claudette Z... ont divorcé suivant jugement prononcé par le Tribunal de grande instance de Rochefort le 17 février 1988. Par jugement du Tribunal de commerce de Rochefort du 25 septembre 1987, M. Jean A... a été placé en redressement judiciaire. La BNP Paribas a produit au passif de la procédure deux créances, l'une d'un montant de 2.600.437,28 francs, la seconde de 1.375.000 francs. Par jugement du Tribunal de commerce de la Rochelle du 8 décembre 1995, M. Jean A... a été placé en liquidation judiciaire et la SCP Courret-Guguen-G... a été désignée en qualité de liquidateur. Le 10 septembre 2007, la BNP Paribas, après avoir produit une créance de 396.434,11 € au passif de la liquidation de M. Jean A..., admise par ordonnance du 30 octobre 2003, et une créance de 209.617,39 € admise par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 27 octobre 1998 a mis en demeure Mme Z... en sa qualité de caution solidaire de lui régler le même montant. Mme Z... a assigné la SCP M... D..., M. Jean A... et son liquidateur, la SCP Courret-Guguen-G...   , M. Philippe C..., M. François C..., Mme Geneviève C..., Mme Marie-Josèphe C..., Mme Hélène C... ès qualité d'héritiers de Maître Jacques C..., par exploits d'huissier des 24 et 26 juillet, 6 août 2012. Elle a assigné la BNP Paribas en déclaration de jugement commun le 25 septembre 2014. Mme Z... qui soutient ne pas être signataire des engagements de caution qui lui sont imputées, exerce une action en inscription de faux en écriture publique ou authentique et elle entend également exercer une action en responsabilité délictuelle contre les ayants droit de Maître Jacques C..., ainsi que contre M. Jean A..., et la SCP M... D...      . Les défendeurs invoquent la prescription de l'action. Selon l'ancien article 2262 du code Civil applicable à la cause, toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. Selon l'article 2222, la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription déjà acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il est de droit constant que, s'agissant d'un acte dont le caractère apparent est acquis au jour de sa rédaction, le point de départ de l'action en inscription de faux est le jour de l'acte attaqué (Cass Civ 1ère 7 juillet 2011). Par conséquent, les actes ayant été établis les 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, la prescription a commencé à courir à compter de leur date. Au terme des dispositions anciennes, la prescription était acquise depuis le 4 novembre 2011 pour le premier acte et le 2 mars 2012 pour le second acte. La loi du 17 juin 2008 a modifié le régime de la prescription, prévoyant en son article 2224 du code Civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettaient de l'exercer. Cette loi n'a pas permis un allongement du délai de prescription (
) La date à laquelle la prescription était acquise n'a donc pas été modifiée par les nouveaux textes. Les assignations interruptives de prescription, datées des 24 et 26 juillet, 6 août 2012, ayant été enrôlées régulièrement, l'action intentée sur le fondement de l'inscription de faux par Mme Z... doit être déclarée irrecevable comme prescrit depuis le 4 novembre 2011 et 2 mars 2012 (
) ».

ALORS QUE 1°) la loi du 17 juin 2008, d'application immédiate, a instauré une prescription quinquennale courant « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », soit à compter de la date à laquelle le titulaire du droit d'action en a eu connaissance ; qu'ayant eu connaissance de son droit d'agir en inscription de faux, le 10 septembre 2007, date à laquelle la BNP l'a mise en demeure en sa prétendue qualité de caution, de l'existence des engagements souscrits par M. A... au titre des actes notariés des 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, Mme Z... a introduit son action en inscription de faux par exploits des 24, 26 juillet et 6 août 2012, soit avant le 10 septembre 2012, terme du délai de prescription ; qu'en retenant cependant que la loi nouvelle n'avait pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir les 4 novembre 1981 et 2 mars 1982 (arrêt attaqué p. 7, § 5), pour en déduire que l'action en inscription de faux de Mme Z... avait été à juste titre déclarée irrecevable comme prescrite par le Tribunal (arrêt attaqué p. 7, dernier §), la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2, 2222 et 2224 du code civil, ensemble l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE 2°) un délai ne court pas contre celui qui ne peut agir ; que le délai de prescription d'une action en inscription de faux part de la date à laquelle une partie a connaissance de l'existence de l'acte que l'on entend lui opposer et de son droit d'action corrélatif en contestation de celui-ci ; que dans le cas où la prescription n'est pas déjà acquise, le nouveau délai quinquennal instauré par la loi du 17 juin 2008 court à compter de son entrée en vigueur, soit à compter du 19 juin 2008, pour expirer le 19 juin 2013 ; qu'ayant eu connaissance, par sa mise en demeure du 10 septembre 2007 en sa prétendue qualité de caution, de l'existence des actes notariés des 4 novembre 1981 et 2 mars 1982, et alors que la prescription trentenaire n'était pas acquise à la date de la mise en demeure, Mme Z... a intenté son action en inscription de faux par exploits des 24, 26 juillet et 6 août 2012 ; que cette action a été introduite avant que la prescription quinquennale n'ait été acquise au 19 juin 2013, et sans que la durée totale du délai écoulé entre la mise en demeure et ses assignations n'ait excédé le délai de prescription précédemment applicable de trente ans ; qu'en considérant cependant que l'action en inscription de faux de Mme Z... était irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 2262, celles de l'article 2222 du code civil et celles de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Z... de ses demandes indemnitaires à l'encontre des héritiers de Maître Jacques C... et de la SCP M... -D... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « (
) La prescription de son action en responsabilité à l'égard de la SCP M... -D... et des Consorts C... ne lui étant plus opposée en cause d'appel, Mme Claudette Z... maintient que le notaire rédacteur a commis un faux en lui attribuant dans chaque acte de prêt reçu par lui des signatures et paraphes apposés par une autre main que la sienne, et elle produit pour en justifier une expertise en écritures réalisée le 11 janvier 2009 à sa demande par Mme Evelyne K.... Elle fait valoir que Maître Jacques C... a apporté l'ensemble de ses dossiers et affaires à la SCP de notaires constitués entre lui et Maître Philippe M...   le 24 novembre 1983, et que la SCP M... -D...  est solidairement responsable avec son notaire associé des conséquences dommageables des actes reçus par celui-ci. La SCP M... -D... répond que sa responsabilité ne peut être recherchée pour des actes antérieurs à sa constitution, et qu'en tout état de cause l'expertise produite ne lui est pas opposable, ayant été réalisée hors procédure et de façon non contradictoire. Les Consorts C... rappellent que les actes authentiques font foi jusqu'à inscription de faux et que l'expertise produite est dénuée de toute objectivité. Sa responsabilité étant recherchée en sa seule qualité de notaire successeur de Maître Jacques C..., la SCP M...    -D... n'a pas à répondre personnellement de la faute alléguée qui relève des obligations de rédacteur d'acte de son prédécesseur. La cour observe cependant que dans le dispositif de ses conclusions la SCP M...  -D...     ne demande plus sa mise hors de cause. L'acte authentique reçu par un notaire fait foi jusqu'à inscription de faux relativement aux faits qui y sont énoncés par l'officier public comme les ayant accomplis lui-même ou comme s'étant passés en sa présence dans l'exercice de ses fonctions. Les actes authentiques reçus les 4 novembre 1981 et 1-2 mars 1982 par Maître Jacques C... mentionnent chacun l'intervention de Mme Claudette Z... épouse A... pour se constituer caution solidaire de M. A... et consentir à l'affectation hypothécaire de terrains sis à [...]             en garantie de l'exécution de ce cautionnement ; sur toutes les pages de chaque acte est apposé le paraphe CP, la dernière page étant signée « A... ». L'engagement de caution personnel et hypothécaire de Mme Claudette Z... fait foi jusqu'à inscription de faux, s'agissant d'un consentement exprimé par elle devant le notaire instrumentaire, les 4 novembre 1981 et 1er mars 1982. Mme Claudette Z... n'étant pas recevable à s'inscrire en faux contre ces actes authentiques, la preuve d'un faux commis par Maître Jacques C... ne peut être rapportée par l'avis de l'expert en écritures choisi par elle concluant à l'imitation des paraphes et signatures attribués à la caution. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme Claudette Z... de ses demandes indemnitaires à l'encontre des héritiers de Maître Jacques C... et de la SCP M...  -D...   . »

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « (
) Dès lors que l'acte authentique ne peut être remis en cause par une procédure d'inscription de faux, l'action de Mme Z... doit nécessairement être rejetée. En effet, Mme Z... se trouve dans l'impossibilité de critiquer l'acte exécutoire par le biais d'une procédure distincte de l'action en inscription de faux. L'expertise graphologique qu'elle produit aux débats ne permet pas d'attaquer l'acte exécutoire, une procédure particulière étant seule autorisée par la loi pour remettre en cause un acte notarié. Par conséquent, l'action de Mme Z... doit être rejetée. ».

ALORS QUE 1°) la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, les dispositions de l'arrêt déboutant Mme Z... de son action en responsabilité extracontractuelle à l'encontre des héritiers de Maître C... et de la SCP M...   -D...  se trouvaient dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef de l'arrêt déclarant Mme Z... irrecevable à s'inscrire en faux contre les actes authentiques reçus par Maître C... ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré Mme Z... irrecevable en son action en inscription de faux entraînera celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme Z... de ses demandes indemnitaires à l'encontre des consorts C... et de la SCP M...   -D...   , en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE 2°) une société civile professionnelle est solidairement responsable avec le notaire associé, membre de la SCP à laquelle elle a succédé, des conséquences dommageables de ses actes ; qu'en considérant dès lors, à supposer qu'elle ait entendu faire siens ces motifs, que la SCP M...  -D...      n'avait pas à répondre personnellement de la faute alléguée qui relevait des obligations de rédacteur d'acte de son prédécesseur, la Cour d'appel a violé l'article 16 de la loi du 29 novembre 1966, ensemble les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'Ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme Z... n'était pas recevable à agir en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de M. A..., en liquidation judiciaire ;

AUX MOTIFS QUE « (
) Mme Claudette Z... poursuit la responsabilité de M. Jean A..., représenté par son liquidateur et demande la condamnation in solidum de ce dernier, ès-qualités, au paiement de la somme de 546.434,11 €, que son ex-mari soit l'auteur de la falsification ou l'ait seulement initiée. Elle prétend que la SCP Delphine G... est irrecevable à opposer pour la première fois en cause d'appel l'irrecevabilité de sa demande. En vertu de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la liquidation judiciaire de M. Jean A..., la procédure collective ouverte par le jugement du 8 décembre 1995 interdit toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent de la part d'un créancier dont la créance a son origine antérieure à cette décision. Déjà opposée en première instance par la SCP Courret-Guguen-G... , ès-qualités de liquidateur de M. Jean A..., cette fin de non-recevoir est reprise en cause d'appel par la SCP Delphine G...  . La créance indemnitaire ayant son origine à la date des actes de cautionnement argués de faux, et aucune déclaration de créance n'ayant été effectuée par elle auprès du liquidateur, Mme Claudette Z... est irrecevable à agir en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de M. Jean A..., en liquidation judiciaire »

ALORS QUE La caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur ; que la créance indemnitaire de la prétendue caution à raison de l'acte de caution faux que l'on entend lui opposer et dont elle est seulement informée lors de la mise en demeure dont elle fait l'objet, naît lors de celle-ci, soit à la suite de la défaillance du débiteur mis en liquidation judiciaire ; que la créance indemnitaire de la prétendue caution à raison de l'acte faux a donc son origine postérieurement à cette mise en liquidation judiciaire ; qu'en considérant dès lors que Mme Z... était irrecevable à agir en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de M. A..., au motif que la créance indemnitaire de Mme Z... avait son origine à la date des actes de cautionnement argués de faux, et qu'aucune déclaration de créance n'avait été effectuée par elle auprès du liquidateur (arrêt attaqué p. 9, § 4), la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2257 et 2270-1 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, celles de l'article 2021 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 23 mars 2006, celles des articles 2233 et 2298 du code civil, ensemble les dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Z... de sa demande fondée sur l'article 1415 du code civil ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « (
) Le défaut de consentement de l'épouse de M. Jean A... aux conventions de compte-courant conclues par ce dernier avec BNP Paribas n'étant pas établi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Claudette Z... de sa demande fondée sur l'article 1415 du code civil ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « (
) Cette action (fondée sur la violation de l'article 1415) étant également dépendante de la preuve d'un faux notarié, Mme Z... doit être déboutée de celle-ci. » ;

ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, les dispositions de l'arrêt déboutant Mme Z... de son action en responsabilité fondée sur l'article 1415 du code civil et tendant à voir dire que la BNP ne pouvait valablement poursuivre le paiement sur les biens dépendant de la communauté Z...-A..., se trouvaient dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef de l'arrêt déclarant Mme Z... irrecevable à s'inscrire en faux contre les actes authentiques reçus par Maître C... ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré Mme Z... irrecevable en son action en inscription de faux entraînera celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme Z... de son action fondée sur l'article 1415 du code civil, en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-10560
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription trentenaire - Action en inscription de faux - Délai - Point de départ - Détermination - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Suspension - Impossibilité d'agir - Empêchement ayant pris fin durant le délai de prescription (non)

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai trentenaire de prescription extinctive d'une action en inscription de faux, laquelle commence à courir à compter du jour des actes argués de faux. Conformément à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure, ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription


Références :

articles 1415, 2224 et 2262 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 05 octobre 2016

Sur l'application de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, à rapprocher :1re Civ., 29 mai 2013, pourvoi n° 12-15001, Bull. 2013, I, n° 109 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jan. 2018, pourvoi n°17-10560, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 4
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 4

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10560
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