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10/01/2018 | FRANCE | N°16-29105

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 janvier 2018, 16-29105


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité géorgienne, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en exécution d'un arrêté notifié le 14 octobre 2015, a été interpellé par les services de police le 10 décembre suivant lors d'un contrôle routier et placé en rétention administrative le même jour ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que

M. X... fait grief à l'arrêt de prolonger sa rétention administrative pour une durée max...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité géorgienne, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en exécution d'un arrêté notifié le 14 octobre 2015, a été interpellé par les services de police le 10 décembre suivant lors d'un contrôle routier et placé en rétention administrative le même jour ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prolonger sa rétention administrative pour une durée maximale de vingt jours ;

Attendu que l'ordonnance énonce qu'aucune mesure d'enquête ou de vérification n'était nécessaire, l'intéressé, qui avait reçu notification d'une obligation de quitter le territoire français, étant connu des services de police pour un vol à l'étalage, de sorte que l'irrégularité de sa situation est apparue dès le contrôle, et qu'aucune privation de liberté n'est intervenue avant le placement en rétention, dès lors qu'il a été invité à suivre les policiers pour recevoir la notification de ses droits, intervenue moins de deux heures après le contrôle initial ; que le premier président n'a pu qu'en déduire que la procédure, qui ne relevait pas des dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était régulière ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet dès le placement en rétention ;

Attendu que, pour prolonger la rétention administrative de M. X..., l'ordonnance retient que le préfet a saisi officiellement les autorités consulaires de Géorgie le lundi 14 décembre 2015 et que, compte tenu du samedi et du dimanche, jours non ouvrés, il n'a pas fait preuve de négligence susceptible d'être sanctionnée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la saisine des autorités consulaires était intervenue quatre jours après le placement en rétention, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 18 décembre 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée D'AVOIR REJETE les moyens de nullité et, en conséquence, CONFIRME l'ordonnance de prolongation de la rétention pour une durée de 20 jours,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'incertitude juridique sur la retenue entre son interpellation et sa conduite au centre de rétention administrative

Il est constant que l'intéressé a été interpellé le 10 décembre 2015 à 16h35, s'est vu notifier son placement en rétention administrative au service de police à 17H40, c'est à dire dans un délai très court suivant l'avis confirmatif de la préfecture de l'existence d'une obligation de quitter le territoire français reçu à 17 heures, de sorte qu'il ne peut être valablement allégué l'existence d'un vide juridique, un laps de temps aussi bref ne nécessitant pas la mise en oeuvre d'une procédure intermédiaire de retenue. Le moyen est rejeté » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« il est constant que l'intéressé a été interpellé le 10 décembre 2015 à 16h35, s'est vu notifier son placement en rétention administrative à 18h00, puis a été conduit au centre de rétention administrative de [...] avec une arrivée à 20h30, ce qui constitue pour chaque étape des délais raisonnables et parfaitement scandés » ;

ALORS QUE l'article L 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exige, lorsqu'une personne est conduite dans un local de police ou de gendarmerie parce que des vérifications de son droit de circulation et de séjour sont nécessaires, qu'elle soit placée en retenue, qu'elle reçoive notification aussitôt d'un certain nombre de droits et que le procureur de la République soit informé dès le début de la mesure ; que ce n'est que dans la mesure où aucune vérification n'est nécessaire que les services de police ne sont pas tenus de la placer en retenue ; qu'en l'espèce, il est établi que des vérifications se sont révélées nécessaires puisque les services de police ont obtenu à 17 h un « avis confirmatif de la préfecture de l'existence d'une obligation de quitter le territoire français » ; que M. X... n'ayant pas été placé en retenue, l'article L 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, ensemble l'article L 552-1 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée D'AVOIR REJETE les moyens de nullité et, en conséquence, CONFIRME l'ordonnance de prolongation de la rétention pour une durée de 20 jours,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le caractère tardif des diligences de l'administration L'article L 554-1 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Ce texte ne prévoit pas de délai préfix pour contraindre la préfecture à effectuer de telles démarches ; tout au plus l'article L 554-1 du CESEDA évoque en effet un temps strictement nécessaire à son départ qu'il convient alors d'apprécier au cas par cas.

Les autorités consulaires de Géorgie ont été officiellement saisies le 14 décembre 2015 pour une interpellation le 10 décembre 2015 et une notification du placement en rétention à 17H40 pour une arrivée au centre de rétention administrative vers 20H.

Compte tenu du week-end inclus dans la période, il peut être constaté que l'autorité préfectorale n'a pas fait preuve de négligence susceptible d'être sanctionnée. Le moyen doit être rejeté » ;

ET, À LES SUPPOSER ADOPTÉS, AUX MOTIFS QUE « (
) compte tenu du contexte particulier qui mobilise aujourd'hui de nombreux agents dans le cadre de l'état d'urgence et de ses conséquences pratiques, ces diligences ne peuvent être tardives » ;

ALORS QU'il résulte de l'article L 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet dès le placement en rétention ; qu'un délai de 4 jours s'étant écoulé entre la notification du placement en rétention à 17h40 ou 18 h le jeudi 10 décembre 2015 et la saisine des autorités consulaires de Géorgie le 14 décembre 2015, le magistrat délégué, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-29105
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jan. 2018, pourvoi n°16-29105


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.29105
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