La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2018 | FRANCE | N°16-21500

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 janvier 2018, 16-21500


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Services techniques économiques que sur le pourvoi incident relevé par la société Etablissements Lenormant ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société AVL 82 a confié à la société Etablissements Lenormant la réparation de plusieurs véhicules ; que la société AVL 82 ayant été mise en liquidation judiciaire sans avoir payé la totalité de ses factures à la société Etablissements Lenormant, cette dernière a exercé son droi

t de rétention sur deux véhicules ; que le liquidateur l'a informée que le propriétaire ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Services techniques économiques que sur le pourvoi incident relevé par la société Etablissements Lenormant ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société AVL 82 a confié à la société Etablissements Lenormant la réparation de plusieurs véhicules ; que la société AVL 82 ayant été mise en liquidation judiciaire sans avoir payé la totalité de ses factures à la société Etablissements Lenormant, cette dernière a exercé son droit de rétention sur deux véhicules ; que le liquidateur l'a informée que le propriétaire des véhicules était la société Services techniques économiques (la société STE), qui les avait loués à la société AVL 82 ; que la société STE ayant refusé de payer les frais de gardiennage, la société Etablissements Lenormant l'a assignée en paiement ; que la société STE a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour exercice abusif du droit de rétention ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 4 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande reconventionnelle de la société STE, l'arrêt retient que la rétention des deux camions a causé un préjudice financier à la société STE qui n'a pu donner en location ces véhicules, mais que ce préjudice ne peut correspondre à la dépréciation des véhicules calculé sur la base de la cote Argus, la baisse de leur valeur vénale résultant en effet du temps passé et non de leur immobilisation, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise aux fins d'examiner l'état des véhicules et de déterminer leur valeur vénale ; que l'arrêt retient encore que le préjudice financier subi par la société STE a consisté en une perte de chance de donner les camions en location pour en percevoir un loyer mais que la société STE n'apportant aucun élément sur les conditions financières des locations de véhicules qu'elle consentait à ses clients, la cour d'appel n'a pas été en mesure d'évaluer son préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a pourtant constaté l'existence en son principe, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l'article 2286 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement des frais de gardiennage de la société Etablissements Lenormant, l'arrêt retient qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites par la société Établissements Lenormant que la société STE ait été informée du montant mensuel des frais de gardiennage et les ait acceptés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le créancier qui exerce son droit de rétention sur un véhicule peut obtenir, sauf en cas de rétention abusive, le paiement des frais de gardiennage nés à l'occasion de la rétention, même si ces frais n'ont pas été contractuellement prévus, la cour d'appel, en subordonnant leur paiement à l'information et à l'acceptation de la société STE, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour exercice abusif du droit de rétention de la société Services techniques économiques et en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Établissements Lenormant, l'arrêt rendu le 7 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Services techniques économiques.

La société Services techniques économiques fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exercice abusif du droit de rétention ;

AUX MOTIFS QUE sur l'exercice abusif du droit de rétention et le préjudice subi par société Services techniques économiques, le droit de rétention exercé par le créancier, lorsqu'il peut légitimement prétendre au paiement de la chose retenue, ne peut dégénérer en abus d'exercice de ce droit ; que cependant, l'offre réelle de paiement ayant été signifiée, à la requête de la société Services techniques économiques, le 22 juillet 2011 et la consignation le 11 janvier 2012, le créancier, en l'occurrence les Établissements Lenormant, ne pouvait, à compter de la date la consignation, prétendre légitimement au paiement des cinq factures et plus précisément des trois factures émises en juin 2009 au titre des prestations d'entretien préparation des véhicules qui lui avaient été confiés ; que la rétention des deux camions, à compter du 11 janvier 2012, a causé un préjudice financier à la société Services techniques économiques qui n'a pu donner en location ces véhicules ; [
] ; que le préjudice financier subi par la société Services techniques économiques constitue une perte de chance de donner les camions en location pour en percevoir un loyer ; que la société Services techniques économiques n'apporte aucun élément sur les conditions financières des locations de véhicules qu'elle consentait à ses clients, la cour n'est pas en mesure d'évaluer son préjudice et la société Services techniques économiques sera déboutée de sa demande ;

ALORS QUE le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a pourtant constaté l'existence ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter la société Services techniques économiques de sa demande indemnitaire que cette dernière n'apportait aucun élément sur les conditions financières des locations de véhicules qu'elle consentait à ses clients, après avoir pourtant retenu que le préjudice financier qu'elle avait subi constituait une perte de chance de donner les camions en location pour en percevoir un loyer, ce dont il résultait qu'elle devait le réparer, violé l'article 4 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils pour la société Etablissements Lenormant.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Etablissements Lenormant de sa demande en paiement des frais de gardiennage,

AUX MOTIFS QUE les Etablissements Lenormant ont émis, le 12 novembre 2009, au titre des frais de gardiennage, deux factures pour un montant cumulé de 2 210,20 euros TTC et sollicite également le paiement de ces frais pour la période du 12 novembre 2009 au 22 juillet 2011, soit la somme de 12 320 euros HT, le montant mensuel de ces frais s'élevant par véhicule à la somme de 308 euros ; que cependant, il ne résulte d'aucune des pièces produites par les Etablissements Lenormant que STE a été informé du montant mensuel des frais de gardiennage et les a accepté ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné STE à payer aux Etablissements Lenormant la somme de 2 210,20 euros, montant de la facture du 12 novembre 2009 afférente aux frais de gardiennage et de rejeter leur demande actualisée au 22 juillet 2011 ;

ALORS QUE 1°), le créancier qui exerce son droit de rétention, peut obtenir, en réparation de son préjudice, sauf en cas de rétention abusive, le paiement des frais de gardiennage nés à l'occasion de la rétention, même si ceux-ci n'ont pas été contractuellement prévus ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la société Etablissements Lenormant au titre des frais de gardiennage, « qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites par les Etablissements Lenormant que STE a été informé du montant mensuel des frais de gardiennage et les a acceptés » (arrêt, p. 9, § 2), cependant que l'absence d'accord de la société STE sur les frais de gardiennage réclamés était sans incidence sur le droit de la société Etablissements Lenormant, exerçant son droit de rétention, d'obtenir le paiement des frais de gardiennage nés à l'occasion de la rétention, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2286 du code civil ;

ALORS QUE 2°), le créancier qui exerce son droit de rétention, peut obtenir, en réparation de son préjudice, sauf en cas de rétention abusive, le paiement des frais de gardiennage nés à l'occasion de la rétention ; qu'en rejetant la demande de la société Etablissements Lenormant au titre des frais de gardiennage pour la période de septembre 2009 au 22 juillet 2011 cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la rétention des deux véhicules de septembre 2009 au 11 janvier 2012 était régulière et nullement abusive, ce dont il résultait que la société Etablissements Lenormant était en droit d'obtenir le paiement des frais de gardiennage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2286 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-21500
Date de la décision : 10/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 07 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jan. 2018, pourvoi n°16-21500


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21500
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award