LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2016), qu'agissant en vue de la recherche et de la constatation d'infractions constitutives de travail illégal, les services de la Gendarmerie nationale en présence d'un inspecteur de l'URSSAF d'Arras-Calais-Douai, aux droits de laquelle vient l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF), ont effectué, les 21 novembre 2008 et 14 avril 2009, un contrôle sur un chantier de rénovation d'un immeuble appartenant à la société Ancri d'Audinghem (la société) ; qu'à la suite de ce contrôle, le gérant de la société a été condamné pour l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés et que l'URSSAF a notifié un redressement à la société qui en a contesté la validité en saisissant d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de valider la procédure de redressement, alors, selon le moyen, que l'organisme de recouvrement qui met en oeuvre une procédure de contrôle doit la respecter, spécialement quant aux garanties qu'elle institue au profit de l'entreprise, telle l'obligation de lui remettre la charte du cotisant contrôlé, visée par l'article R. 243-59, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que les contrôles de l'URSSAF avaient été réalisés les 21 novembre 2008 et 14 avril 2009 pour rechercher des infractions de travail dissimulé et qu'il n'était pas démontré par l'URSSAF qu'elle avait remis à l'entreprise la charte du cotisant contrôlé ; qu'en déclarant néanmoins que la procédure de redressement ne devait pas être annulée, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d'infractions constitutives de travail illégal, engagées sur le fondement des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'il n'était pas contesté qu'il s'agissait, en l'espèce, d'une recherche de travail dissimulé pour laquelle le redressement découle des constats opérés et des déclarations qui ont été recueillies et consignées dans un rapport et ayant ainsi fait ressortir que le contrôle avait été engagé sur le fondement des dispositions des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail, la cour d'appel en a exactement déduit que l'inspecteur de l'URSSAF n'était pas tenu de remettre la charte du cotisant lors du contrôle ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ancri d'Audinghem aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ancri d'Audinghem et la condamne à payer à l'URSSAF Nord Pas-de-Calais la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Ancri d'Audinghem
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que la procédure de contrôle diligentée par un organisme de recouvrement (l'URSSAF Nord Pas-de-Calais) n'était pas entachée d'irrégularité et d'avoir validé, en conséquence, le redressement opéré après contrôle à l'encontre d'une entreprise (la société Ancri d'Audinghem, l'exposante) à hauteur de la somme totale de 118 842 €, correspondant aux cotisations dues au titre de la période du 1er juillet 2005 au 30 novembre 2009, soit la somme de 97 632 €, et aux majorations de retard, soit la somme de 21 210 €, ce sous réserve de majorations de retard complémentaires ;
AUX MOTIFS QU'aucun avis de passage préalable n'était adressé au cotisant contrôlé dans le cadre d'une opération de lutte contre le travail dissimulé, cette obligation étant expressément exclue dans ce cas par les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que la société qui ne disconvenait pas qu'aucun avis de passage n'avait à être envoyé en l'espèce, puisqu'il s'agissait d'une recherche de travail dissimulé, ne pouvait pas valablement soutenir que la charte du cotisant contrôlé aurait cependant dû être remise par l'inspecteur représentant l'URSSAF à son arrivée les 21 novembre 2008 et 14 avril 2009 sur le chantier et avant tout contrôle au motif que le texte, s'il levait l'obligation de l'avis de passage en cas de travail dissimulé, ne levait aucune des autres obligations pesant sur l'URSSAF, parmi lesquelles la communication de la charte du cotisant contrôlé ; qu'il ressortait cependant des dispositions de l'article R. 423-59 précité que la remise de la charte du cotisant contrôlé n'était expressément prévue que pour les contrôles réalisés en dehors de la lutte contre le travail dissimulé qui étaient précédés d'un avis de passage, c'est-à-dire dans les cas classiques de contrôle comptable d'assiette, et qu'aucune disposition spécifique ne mentionnait l'obligation de remise de ladite charte dans le cas de recherche de travail dissimulé pour lequel l'avis de passage préalable avait été exclu ; qu'il n'existait donc aucune obligation pour l'inspecteur de l'URSSAF de remise de ladite charte lors de son arrivée sur le chantier s'agissant en l'espèce d'une recherche de travail dissimulé, pour laquelle le redressement de cotisation découlait des constats opérés et des déclarations qui avaient été recueillies et consignées dans un rapport ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé par la société tendant à voir juger que la procédure de redressement opérée dans le cadre du travail dissimulé devrait être annulée à défaut par l'URSSAF d'apporter la preuve de la remise de la charte devait être rejeté ; que la société ne pouvait pas non plus valablement soutenir qu'admettre que l'URSSAF pouvait être dispensée dans le cadre d'une recherche de travail dissimulé de remise de la charte du cotisant contrôlé aurait constitué une rupture d'égalité flagrante entre les cotisants ; qu'il n'y avait aucune rupture d'égalité entre les cotisants, une procédure spécifique étant prévue en fonction de la nature du contrôle envisagé, soit un contrôle comptable d'assiette avec avis préalable de passage et remise de la charte, soit un contrôle au titre du travail dissimulé sans avis de passage et sans exigence de remise de la charte, l'absence d'avis préalable de passage sans obligation de remise de ladite charte en matière de travail dissimulé étant dictée par la nature spécifique du contrôle lié à la recherche de fraudes qui devait être inopiné, sauf à priver de tout effet ce type d'intervention afférente au travail dissimulé (arrêt attaqué, p. 4, alinéas 5 et 6 , et p. 5, alinéa 1) ;
ALORS QUE l'organisme de recouvrement qui met en oeuvre une procédure de contrôle doit la respecter, spécialement quant aux garanties qu'elle institue au profit de l'entreprise, telle l'obligation de lui remettre la charte du cotisant contrôlé, visée par l'article R. 243-59, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que les contrôles de l'URSSAF avaient été réalisés les 21 novembre 2008 et 14 avril 2009 pour rechercher des infractions de travail dissimulé et qu'il n'était pas démontré par l'URSSAF qu'elle avait remis à l'entreprise la charte du cotisant contrôlé ; qu'en déclarant néanmoins que la procédure de redressement ne devait pas être annulée, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.