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21/12/2017 | FRANCE | N°16-25785

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 décembre 2017, 16-25785


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 septembre 2016), que M. X... est propriétaire, dans un immeuble en copropriété, d'un lot composé d'un appartement situé au dernier étage du bâtiment au rez-de-chaussée duquel est exploité un restaurant dans un local commercial, propriété de la SCI Gezede (la SCI) ; que, se plaignant de nuisances olfactives, M. X... a obtenu, en référé, la désignation d'un expert ; que la SCI l'a assigné, ainsi que le syndicat des copropriétaires de la résidence

Marina del Rey (le syndicat), en condamnation du syndicat à réaliser les t...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 septembre 2016), que M. X... est propriétaire, dans un immeuble en copropriété, d'un lot composé d'un appartement situé au dernier étage du bâtiment au rez-de-chaussée duquel est exploité un restaurant dans un local commercial, propriété de la SCI Gezede (la SCI) ; que, se plaignant de nuisances olfactives, M. X... a obtenu, en référé, la désignation d'un expert ; que la SCI l'a assigné, ainsi que le syndicat des copropriétaires de la résidence Marina del Rey (le syndicat), en condamnation du syndicat à réaliser les travaux nécessaires pour remédier à un mauvais aménagement des lieux ; que, reconventionnellement, M. X... a sollicité la suppression du conduit d'évacuation des fumées et l'indemnisation de son préjudice de jouissance ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'écarter la responsabilité du syndicat ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'il résultait du règlement de copropriété que tant la souche que le conduit de la cheminée d'évacuation des fumées du restaurant étaient des parties privatives, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que
le syndicat n'était pas responsable de l'aménagement des lieux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner la SCI à modifier le raccordement de la centrale Odorys conformément aux prescriptions de l'installateur, l'arrêt retient que M. X... ne démontre pas l'existence actuelle d'un trouble anormal de voisinage et que, sans préjudice de la date retenue de fin de ce trouble, la cour rajoutera une obligation de travaux supplémentaires pour améliorer encore le contrôle des nuisances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni M. X... ni la SCI ne présentaient une telle demande, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause le syndicat des copropriétaires de la résidence Marina Del Rey ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCI Gezede à modifier le raccordement de la centrale Odorys conformément aux prescriptions de l'installateur (installation de la bulle de diffusion dans la hotte et non pas en gaine flexible) selon les préconisations du rapport EGE, si cela n'a pas été réalisé avec les travaux d'installation en 2014 d'un caisson à charbon actif, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Gezede.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SCI Gezede à modifier le raccordement de la centrale Odorys, conformément aux prescriptions de l'installateur (installation de la bulle de diffusion dans la hotte) et selon les préconisations du rapport EGE, si cela n'a pas été réalisé avec les travaux d'installation en 2014 d'un caisson à charbon actif ;

AUX MOTIFS QUE « l'historique relaté de l'évolution du litige fait apparaître la réalisation des étapes de travaux réalisés pour diminuer les nuisances reconnues par l'expertise judiciaire de 2009, à l'exception de ceux qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation par l'assemblée générale des copropriétaires : en 2009, un piège à odeurs (procédé Odorys 6) à même d'atténuer de manière considérable les conséquences des gaz émanant de la cuisine (85 à 95 %) ; en 2014, l'installation dans la cuisine d'un caisson à charbon actif pour permettre un complément d'élimination des odeurs. Jean X... ne produit aujourd'hui ni constat d'huissier ni rapport d'expertise technique de nature à permettre l'appréciation de la persistance actuelle de la perception d'odeurs dans ses locaux privatifs constituant un trouble anormal dans la situation de son voisinage dans l'immeuble. L'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 octobre 2015 avait rappelé que les expertises judiciaires nécessaires avaient été réalisées, et que l'éventuelle persistance des odeurs pouvait faire l'objet d'un procès-verbal d'huissier contradictoire. La cour tire les conséquences de l'état d'évolution des débats judiciaires en constatant que Jean X... ne démontre pas au soutien de la poursuite d'une demande de cessation du trouble, l'existence actuelle d'un trouble anormal de voisinage, postérieurement à la facture de l'installation d'un caisson à charbon actif du 18 août 2014. La cour rajoutera seulement une obligation de travaux supplémentaires, sans préjudice de la date retenue de fin de la période de trouble anormal de voisinage, s'ils n'ont pas déjà été réalisés, pour améliorer encore le contrôle des nuisances, résultant du rapport EGE qui n'est critiqué sur ce point par aucune des parties : modifier le raccordement de la centrale Odorys conformément aux prescriptions de l'installateur (installation de la bulle de diffusion dans la hotte et non pas en gaine flexible), en ce que cette amélioration n'est pas conditionnée par une demande particulière d'autorisation administrative ou de l'assemblée générale des copropriétaires » ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet de la demande tel que cet objet est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé, mais seulement sur ce qui est demandé ; qu'il ressort du rappel des prétentions fait par la cour d'appel, que M. X... demandait à voir « débouter la SCI Gezede de ses prétentions.
Condamner la SCI Gezede à supprimer le conduit d'évacuation des fumées du restaurant sous quinzaine à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 1000 € par jour. À titre subsidiaire, ordonner la non utilisation du conduit et la suppression de tout raccordement des hottes du restaurant sous le même délai, sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée par procès-verbal de constat d'huissier. Condamner la SCI Gezede à verser à Jean X... au titre de la réparation du préjudice la somme de 66 100 € à parfaire au jour de l'arrêt, et une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Condamner la SCI Gezede aux dépens de première instance et d'appel, et les dépens des procédures de référé RG 08/31750, 09/31281, les frais de constat d'huissier du 24 juin 2008 pour 300,01 € et du 19 mars 2010 pour 300,01 € » (arrêt attaqué, p. 8), ce dont il résulte qu'il ne demandait pas à voir condamner la SCI Gezede à modifier le raccordement de la centrale Odorys ; qu'en condamnant l'exposante à modifier le raccordement de la centrale Odorys, si cela n'avait pas été réalisé avec les travaux d'installation en 2014 d'un caisson à charbon actif, la cour d'appel a modifié l'objet du litige dont elle était saisi et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE selon l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire qui subit un préjudice en raison d'un trouble de jouissance grave du fait d'un autre copropriétaire a droit à obtenir la cessation du trouble ; que le succès de l'action implique l'existence actuelle d'un préjudice et d'un trouble anormal ; qu'en condamnant la SCI Gezede à modifier le raccordement de la centrale Odorys après avoir constaté que Jean X... ne démontrait pas l'existence actuelle d'un trouble anormal de voisinage (arrêt attaqué, p. 10), la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a, en conséquence, violé l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu le 21 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Montpellier notamment en ce qu'il avait dit que le syndicat des copropriétaires n'était pas responsable du mauvais aménagement des lieux soit de la proximité entre le conduit de cheminée et l'appartement de M. X..., sauf sur le montant de l'indemnisation du préjudice de jouissance de Jean X... et, statuant à nouveau sur l'évaluation du préjudice de jouissance, condamné la SCI GEZEDE à payer à Jean X... en réparation de son préjudice de jouissance du fait du trouble anormal de voisinage la somme de 24 325 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la charge de l'indemnisation du préjudice. Le jugement déféré a écarté par des motifs pertinents et étayés, auxquels la cour invite les parties à se référer, la responsabilité du syndicat des copropriétaires au regard des dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, et du caractère privatif du conduit de cheminée en cause au regard des mentions particulières de l'article 3.4 du règlement de copropriété, et du caractère inapplicable de la norme DTU invoquée pour un conduit conçu bien antérieurement à son entrée en vigueur en 2006. La SCI Gezede ne démontre pas que le positionnement de la souche du conduit de cheminée constitue un vice de construction, alors que le trouble anormal de voisinage caractérisant le litige n'existe qu'en relation avec le ressenti d'un voisin en particulier, et dans l'espèce les modalités d'utilisation du système d'évacuation des odeurs qu'il appartient à l'exploitant de l'activité incriminée de rendre compatibles avec les normes acceptables de voisinage. La cour a d'ailleurs retenu dans son arrêt l'absence de preuve que les modalités actuelles caractérisent encore la qualification de trouble anormal de voisinage. La cour met en conséquence à la charge de la SCI Gezede, propriétaire bailleur responsable vis-à-vis des autres propriétaires dans l'immeuble des modalités d'exploitation commerciale de ses locaux, l'indemnisation du préjudice retenu pour Jean X..., et l'obligation de modifier le raccordement de la centrale Odorys conformément aux prescriptions de l'installateur (installation de la bulle de diffusion dans la hotte) et selon les préconisations du rapport EGE » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, « conformément à l'article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires qui a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes, est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. Il est constant que le conduit en cause est privatif. Selon l'article 3.4 du règlement de copropriété qui les définit, les parties privatives sont en effet celles constituées par les volumes, locaux et espace qui sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré ou à son utilité exclusive. Il en est de même de tous les éléments de construction, même en leur gros oeuvre, des conduits et réseaux divers, des éléments d'équipement et leurs locaux qui ne présentent d'utilité qu'à l'égard d'un local ou d'un ensemble de locaux constituant lui-même une partie privative. La SCI Gezede reconnaît enfin que le conduit litigieux existe depuis l'origine de la construction, qu'il est affecté au local commercial du rez-de-chaussée et présente pour cette raison un caractère privatif. Elle soutient finalement que la souche de cheminée, elle, constitue une partie commune. Elle fait valoir ainsi que la proximité de la souche de cheminée qui constitue le débouché de ce conduit de fumée constitue indiscutablement un vice de conception et donc un vice de construction au sens de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965. Le règlement de copropriété susvisé vise cependant bien "tous les éléments de construction, même en leur gros oeuvre, des conduits et réseaux divers", de sorte que la SCI Gezede ne saurait distinguer le conduit lui-même du débouché naturel et nécessaire de celui-ci ainsi que de la souche. Le débouché du conduit est donc également partie privative. C'est en réalité le toit qui est partie commune. Ceci étant, il y a lieu de constater que l'expert judiciaire qui vise la norme DTU 24.1 P1 « position du débouché », précise qu'elle n'était applicable qu'en février 2006 alors que la conception du conduit date des années 1993 et 1994. Ainsi, l'implantation du débouché du conduit privatif à proximité de la terrasse utilisée par M. X... n'engage pas la responsabilité du syndicat des copropriétaires mais celle de son utilisation dans la mesure où il en fait un usage pouvant constituer un trouble anormal de voisinage. Le syndicat des copropriétaires n'est donc pas responsable du mauvais aménagement des lieux et la SCI Gezede sera donc déboutée de toute demande à l'égard de celui-ci » ;

1°) ALORS QUE le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires par le vice de construction ; que le fait qu'un tel vice affecte une partie privative n'exclut pas la responsabilité de plein droit du syndicat ; qu'en se fondant sur le caractère privatif du conduit de cheminée, pour exclure le responsabilité du syndicat des copropriétaires de la Résidence Marina del Rey dans les trouble subis par M. X... (arrêt attaqué, p. 11 in fine et 12), la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°) ALORS QU'en se fondant également, pour écarter la responsabilité du syndicat des copropriétaires, sur le caractère inapplicable de la norme DTU pour un conduit conçu antérieurement à son entrée en vigueur en 2006 (arrêt attaqué, p. 12), la cour d'appel a de nouveau statué par un motif inopérant et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3°) ALORS QUE pour écarter la responsabilité du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel s'est encore fondée sur la circonstance inopérante du « ressenti » de M. X... (arrêt attaqué, p. 12), lequel constituait seulement l'effet du trouble et non pas la cause du trouble qui devait seule être prise en compte pour vérifier si la responsabilité de plein droit du syndicat était engagée, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

4°) ALORS QU'en retenant, pour écarter la responsabilité du syndicat des copropriétaires, l'absence de preuve que les modalités actuelles d'utilisation du conduit de cheminée caractérisaient encore la qualification de trouble anormal de voisinage (arrêt attaqué, p. 12), la cour d'appel a de nouveau statué par un motif inopérant et entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

5°) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé (conclusions d'appel de la société Gezede, p. 12 et 13), si le trouble subi par M. X..., à savoir les nuisances olfactives causées par les fumées s'échappant du conduit d'évacuation de la cuisine du restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble, ne procédait pas de la trop grande proximité entre sa terrasse et le conduit de cheminée, sans que les modalités d'utilisation du système d'évacuation des odeurs soient de nature à effacer l'existence de ce vice de construction, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

6°) ALORS, à titre subsidiaire, QU'en retenant que la SCI Gezede ne démontre pas que le positionnement de la souche du conduit de cheminée constitue un vice de construction (arrêt attaqué, p. 12) après avoir constaté que des mesures palliatives à la démolition et condamnation du conduit de cheminée, insusceptible techniquement d'être mis aux normes, avaient été prises pour atténuer, sans faire disparaître, les nuisances olfactives (arrêt attaqué, p. 9 et 10), ce qui impliquait l'existence d'un vice de construction, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a, en conséquence, violé l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-25785
Date de la décision : 21/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 13 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 déc. 2017, pourvoi n°16-25785


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.25785
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