LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de
Paris du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre
du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre 2016), que
du 25 avril 2003 au 15 juin 2005, M. X... a perçu des indemnités journalières au titre d'une rechute d'un accident du travail, survenu le 13 juillet 1996, alors qu'il était salarié de la société Freyssinet international et cie ; qu'ayant obtenu, par un arrêt irrévocable du 8 juin 2006, un rappel de salaire à l'issue d'une instance engagée contre son dernier employeur, M. X... a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la
caisse) une révision du montant des indemnités journalières ; que la caisse
n'ayant pas fait droit à l'intégralité de sa demande, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours à l'occasion duquel la caisse a
formé une demande en remboursement d'un indu au titre d'une régularisation de ces indemnités journalières versées en novembre 2006 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa
demande de majoration des indemnités journalières afférentes à la rechute
du 25 avril 2003, alors, selon le moyen, qu'en cas de contestation sérieuse
portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire
statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction
administrative, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence
établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ;
que l'article R. 433-6, devenu l'article R. 433-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce, prévoit que les sommes allouées à titre de rappel de rémunération ne sont prises en considération, pour la détermination du salaire de base de l'indemnité journalière, qu'autant qu'elles ont été effectivement payées avant la date de l'arrêt de travail ; qu'en application de ce texte, l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. X... tendant pour la détermination des indemnités journalières à lui verser après son accident du travail, à réintégrer à son salaire de base les sommes qui lui avaient été allouées par l'arrêt du 8 juin 2006 aux motifs qu'elles n'avaient pas été effectivement payées avant la date de l'arrêt de travail et qu'il n' était pas possible aux juges du fond de remettre en cause la règle issue de l'article R. 433-6, devenu R. 433-5 précité ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'appréciation de la légalité des dispositions de l'article R. 433-6, devenu l'article R. 433-5 du code de la sécurité sociale au regard des exigences du principe d'égalité devant la loi et le règlement issu de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 également consacré par le préambule du 27 octobre 1946 ainsi que par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, du principe de l'effectivité du droit à un recours juridictionnel prévu par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du droit à réparation des personnes victimes d'accident du travail résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, du principe de proportionnalité enfin suscitait une difficulté sérieuse qui échappait à la compétence de la juridiction judiciaire,
de sorte qu'il lui appartenait, même d'office, de renvoyer les parties à faire
trancher par la juridiction administrative la question préjudicielle dont dépendait la solution du litige et de surseoir à statuer à cette fin, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 74 du code de procédure
civile, l'exception tirée de l'existence d'une question préjudicielle, qui tend à
suspendre le cours de la procédure jusqu'à la décision de la juridiction administrative, doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; qu'il s'ensuit que le moyen, qui soulève pour la première fois devant la Cour de cassation la question préjudicielle tirée de l'illégalité de l'article R. 433-6, devenu l'article R. 433-5 du code de la sécurité sociale, est irrecevable ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa
demande en remboursement des indemnités journalières indûment versées
à M. X..., alors, selon le moyen, que la prescription est suspendue lorsque la personne contre laquelle elle court est empêchée d'agir ; qu'en
l'espèce, la commission de recours amiable, en sa décision du 23 octobre
2007, avait décidé que les régularisations intervenues le 22 novembre 2006
à la demande de M. X... pour un total de 32 008,84 euros étaient erronées et devaient faire l'objet d'un nouveau calcul ; qu'elle avait invité en
conséquence le service des accidents du travail de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris à procéder à un nouveau calcul des sommes
dues au titre de l'accident du travail du 13 juillet 1996 en application de l'arrêt
de la cour d'appel de Paris du 8 juin 2006 et à notifier une créance en cas
de paiement indu ; que devant les juges du fond, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris faisait valoir que, susceptible de remettre en
cause cette appréciation afférente à l'existence même de l'indu, le recours
formé par M. X... devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 28 novembre 2007 à l'encontre de cette décision l'avait, par la force même des choses, empêchée de mettre en oeuvre la procédure de recouvrement de l'indu ainsi envisagée ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite la
demande en répétition par cela seul qu'à la date de la demande reconventionnelle en première instance - novembre 2011- le délai de deux
ans depuis le paiement était écoulé, sans aucunement apprécier l'effet suspensif de la procédure initiée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir codifié en
2008 à l'article 2234 du code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni
des productions que la caisse avait soutenu devant les juges du fond que le
recours contentieux engagé par M. X... avait placé celle-ci dans l'impossibilité absolue d'agir en recouvrement des indemnités journalières indûment versées ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit,
est, comme tel, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la société Freyssinet international et cie ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société Freyssinet international et cie la somme de 500 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à la Cour d'appel de Paris d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté M. X... de sa demande de majoration des indemnités journalières afférentes à la rechute du 25 avril 2003;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article R. 433-6 devenu l'article R. 433-5 du code de la Sécurité sociale, les sommes allouées à titre de rappel de rémunération pour une période écoulée ne sont prises en considération pour la détermination du salaire de base de l'indemnité journalière qu'autant qu'elles ont été effectivement payées avant la date de l'arrêt de travail ; qu'en application de ces dispositions, le rappel de salaires accordé à M. X... en exécution d'une décision de justice du 8 juin 2006 ne pouvait être pris en compte dans le calcul du salaire journalier de base, durant la période d'incapacité temporaire du 25 avril 2003 au 15 juin 2005, faute d'avoir été effectivement versé avant la date de l'arrêt de travail ; que l'appelant reconnaît lui-même que les conditions fixées par l'article R. 433-5 pour prendre en considération les sommes allouées à titre de rappel de rémunération l'empêchent d'obtenir la révision du montant des indemnités journalières versées au titre de la rechute et a déposé en vain une question prioritaire de constitutionnalité pour écarter l'application de ce texte (cf. arrêt, p. 2, 3 et 4);
ET AUX MOTIFS QUE M. X... soutient que la Commission de recours amiable a reconnu qu'il y avait lieu de prendre en considération l'arrêt de la Cour d'appel, que l'article R. 433-5 s'applique aux contrats en cours d'exécution mais pas aux décisions de justice intervenant a posteriori pour rétablir un salarié dans ses droits, qu'en vertu de l'effet déclaratif des jugements, la décision de la cour d'appel a fixé rétroactivement ses droits, qu'il serait inéquitable qu'il en soit autrement, que les rappels sont pris en compte dans d'autres situations, qu'un arrêt du 25 juin 1964 de la cour de cassation a écarté l'application de R. 433-5 pour les salaires « déjà acquis et non versés », que la CPAM l'avait d'ailleurs considéré dans un premier temps, que le courrier en ce sens de la CPAM doit être considéré comme un commencement de preuve d'une reconnaissance de dette ; que l'ancien article R. 433-6 devenu article R. 433-5 du code de la Sécurité sociale disposait, à la période considérée, que « par dérogation aux dispositions des articles R. 433-5 et R.436-1 , les conditions suivantes sont appliquées aux sommes allouées, soit à titre de rappel de rémunération pour une période écoulée, soit à titre de rémunération sous forme d'indemnités, primes ou gratifications, lorsqu'elles sont réglées postérieurement à la rémunération principale afférente à la même période de travail. Ces sommes ne sont prises en considération pour la détermination du salaire de base de l'indemnité journalière qu'autant qu'elles ont été effectivement payées avant la date de l'arrêt de travail. (…) » ; qu'en l'espèce, les sommes en question n'ont été accordées que par un arrêt du 8 juin 2006 (et d'ailleurs forcément payées ultérieurement) alors que M. X... était en arrêt de travail depuis le 31 octobre 2001 ; que face à ceci, aucun des moyens et arguments de M. X... ne peut être retenu ; qu'en effet, l'article R.433-6 devenu l'article R.433-5 ne distingue pas selon l'origine des rappels de rémunération, des indemnités, primes ou gratifications et le tribunal ne peut pas ajouter une distinction là où un texte réglementaire n'en fait pas ; qu'il importe donc peu que ces sommes concernent un contrat en cours ou qu'elle résultent d'une décision de justice ; que quant à l'arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 1964 invoqué, il ne concerne pas l'ancêtre de l'article R.433-6 mais une disposition relative à l'hypothèse où le salarié exerce sa profession de manière discontinue (article 104 du décret n° 46-2959 du 31 décembre 1946) ; que de plus, l'arrêt de la cour d'appel a été cassé non pas pour une mauvaise application de ce texte mais parce que la motivation de l'arrêt d'appel ne permettait pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; que par ailleurs, quand bien même la décision de la cour d'appel a un effet déclaratif, c'est à dire qu'elle n'a fait que constater un droit préexistant (et ne l'a donc pas créé), l'article R. 433-6 (devenu R 433-5) instaure une exception aux conséquences de cet effet déclaratif et le tribunal n'est en droit d'écarter l'application de cette disposition du code de la Sécurité sociale claire et précise ; que le fait que les textes prévoient d'autres solutions dans d'autres situations ne permet pas non plus d'aller à l'encontre d'un texte clair et précis et l'éventuelle iniquité de la situation n'est pas un argument de droit ; qu'il est exact que comme le rapporte M. X..., M. Y..., à l'époque directeur du « service aux assurés » l'a invité le 14 septembre 2006 à lui communiquer les bulletins de salaire rectificatifs établis conformément à l'arrêt de la Cour d'appel pour permettre un nouveau calcul des indemnités journalières ; que quant à la Commission de recours amiable, dans sa décision du 23 octobre 2007, elle ne s'est pas interrogée sur le principe même de la prise en compte de la décision de la Cour d'appel mais sur le montant des indemnités journalières en résultant, ce qui implique, il est vrai, qu'elle admettait le principe ; que des analyses juridiques erronées ne sont pas constitutives de droits quand bien même elles émanent de la CPAM ;
ALORS QU'en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal; que l'article R.433-6 devenu l'article R. 433-5 du code de la Sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce, prévoit que les sommes allouées à titre de rappel de rémunération ne sont prises en considération, pour la détermination du salaire de base de l'indemnité journalière, qu'autant qu'elles ont été effectivement payées avant la date de l'arrêt de travail; qu'en application de ce texte, l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. X... tendant pour la détermination des indemnités journalières à lui verser après son accident du travail, à réintégrer à son salaire de base les sommes qui lui avaient été allouées par l'arrêt du 8 juin 2006 aux motifs qu'elles n'avaient pas été effectivement payées avant la date de l'arrêt de travail et qu'il n' était pas possible aux juges du fond de remettre en cause la règle issue de l'article R.433-6 devenu R.433-5 précité; qu'en statuant ainsi, cependant que l'appréciation de la légalité des dispositions de l'article R.433-6 devenu l'article R.433-5 du code de la Sécurité sociale au regard des exigences du principe d'égalité devant la loi et le règlement issu de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 également consacré par le préambule du 27 octobre 1946 ainsi que par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, du principe de l'effectivité du droit à un recours juridictionnel prévu par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du droit à réparation des personnes victimes d'accident du travail résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, du principe de proportionnalité enfin suscitait une difficulté sérieuse qui échappait à la compétence de la juridiction judiciaire, de sorte qu'il lui appartenait, même d'office, de renvoyer les parties à faire trancher par la juridiction administrative la question préjudicielle dont dépendait la solution du litige et de surseoir à statuer à cette fin, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l' article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie de Paris
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné M. X... à payer à la CPAM de Paris la somme de 32 008,84 euros lui ayant été indûment versée et, statuant à nouveau de ce chef, d'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite la demande de la CPAM en remboursement de ladite somme ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 322-1 du code de la sécurité sociale, l'action intentée par la caisse en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire ; qu'en l'espèce, la caisse indique avoir payé indûment la somme de 32 008,84 euros à M. X... en novembre 2006, mais n'en a exigé le remboursement qu'en novembre 2011 à l'occasion de la procédure de première instance ; que pour échapper à la prescription biennale, la caisse en conteste la recevabilité au motif que M. X... ne s'en était pas prévalu en première instance ; que cependant, les fins de non-recevoir, notamment celle tirée de la prescription, peuvent être proposées en tout état de cause, y compris en appel ; que de même, la demande nouvelle est recevable en cause d'appel lorsqu'elle tend à écarter la prétention adverse. Aucune règle de procédure ne s'oppose donc à ce que M. X... invoque pour la première fois en cause d'appel la prescription de l'action en remboursement de la caisse ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne M. X... à rembourser à la caisse primaire une créance éteinte par le jeu de la prescription ;
ALORS QUE la prescription est suspendue lorsque la personne contre laquelle elle court est empêchée d'agir ; qu'en l'espèce, la commission de recours amiable, en sa décision du 23 octobre 2007, avait décidé que les régularisations intervenues le 22 novembre 2006 à la demande de M. X... pour un total de 32 008,84 euros étaient erronées et devaient faire l'objet d'un nouveau calcul ; qu'elle avait invité en conséquence le service des accidents du travail de la CPAM de Paris à procéder à un nouveau calcul des sommes dues au titre de l'accident du travail du 13 juillet 1996 en application de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 juin 2006 et à notifier une créance en cas de paiement indu ; que devant les juges du fond, la CPAM de Paris faisait valoir que, susceptible de remettre en cause cette appréciation afférente à l'existence même de l'indu, le recours formé par M. X... devant le tribunal des affaires de sécurité sociale le 28 novembre 2007 à l'encontre de cette décision l'avait, par la force même des choses, empêchée de mettre en oeuvre la procédure de recouvrement de l'indu ainsi envisagée ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite la demande en répétition par cela seul qu'à la date de la demande reconventionnelle en 1ère instance – novembre 2011 – le délai de deux ans depuis le paiement était écoulé, sans aucunement apprécier l'effet suspensif de la procédure initiée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir codifié en 2008 à l'article 2234 du code civil.